LPP (CNRS/Paris Universitas)

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Transcription de la présentation:

LPP (CNRS/Paris Universitas) Journée ATALA « Recherches actuelles en phonétique et phonologie : un état de l’art » ENST, Paris, le 21 janvier 2006 La phonétique quantique et les primitives phonologiques : notions de base Nick Clements clements@ext.jussieu.fr LPP (CNRS/Paris Universitas)

Un but fondamental de la phonologie actuelle : ... expliquer en quoi les langues se ressemblent et en quoi elles se distinguent (« universaux » vs « variation »)

L'un des grands acquis de la phonologie moderne est la découverte que les sons de la parole s'organisent autour d'un petit nombre d'axes dont la plupart se ressemblent fort d'une langue à l'autre. Exemples de ces axes: sourd vs sonore [p] vs. [b] nasal vs oral [o] vs. [õ] occlusif vs continu [p] vs. [f] strident vs mat [tS] vs [t] labial vs coronal [p] vs. [t] Même si les réalisations varient d'une langue (et d'un individu) à l'autre dans le détail, ces grands axes sont employés par la plupart des langues pour organiser leurs systèmes de sons distinctifs. Ces axes correspondent aux traits distinctifs (aussi appelés traits phonétiques, mais souvent avec un sens différent)

Un axe choisi dans une langue pour distinguer deux sons est souvent réutilisé pour distinguer d'autres sons, d'où des corrélations comme celle de voisement en français : non voisé p t k voisé b d g non voisé f s S voisé v z Z Ici, l'axe de voisement permet de doubler le nombre de consonnes dans les séries d'occlusives et de fricatives. Rares sont les langues qui n'utilisent cet axe qu'une seule fois. (Pour "l'économie de traits" voir Martinet 1955, Clements 2003)

Les modèles de traits Les modèles de traits distinctifs cherchent à identifier les axes phonétiques qui servent à - distinguer les phonèmes à travers les langues ; - caractériser les classes naturelles de sons qui fonctionnent ensemble dans les règles phonologiques (par exemple, les obstruantes qui subissent une assimilation de voisement en français : robe jaune mais ro[p]e sale). (Sources : Trubetzkoy 1939 ; Martinet 1955 ; Jakobson, Fant & Halle 1952 ; Chomsky & Halle 1968 ; et pour le français, Snoeren 2005)

La définition phonétique des traits Dans un deuxième temps, les linguistes ont essayé de fournir des définitions des traits qui correspondent à deux critères : 1. elles sont suffisament abstraites pour s'appliquer aux faits de diverses langues exemple : on emploi le même trait [+nasal] pour décrire les voyelles nasales du français et du portugais, même si la synchronisation de la nasalité avec la voyelle n'est pas la même dans les deux langues (par ex. Lovatto 1999)

La définition phonétique des traits Dans un deuxième temps, les linguistes ont essayé de fournir des définitions des traits qui correspondent à deux critères : 2. elles sont suffisamment concrètes pour qu'un trait distinctif quelconque puisse être mis en rapport avec des indices précis dans la chaîne parlée (> les corrélats) exemple : le trait [+nasal] a pour corrélat articulatoire le rabaissement du voile du palais

Malgré l'importance des traits pour la compré-hension des faits phonologiques, leurs bases phonétiques sont restées mal connues pendant longtemps - Les traits ont été définis, selon le chercheur, soit dans le domaine articulatoire (Chomsky & Halle 1968), soit dans le domaine acoustique ou auditif (Jakobson, Fant & Halle 1952) - Les discussions autour du choix entre ces deux approches se résument souvent en des slogans ("on parle pour être entendu" ... ) et pendant longtemps, il y avait eu peu d'études empiriques visant à réconcilier ces deux points de vue, chacun ayant ses mérites (Voir Durand, J. 2000. "Les traits phonologiques et le débat articulation/audition," dans P. Busuttil, Points d'interrogation : Phonétique et phonologie de l'anglais. Presses Universitaires de Pau.

Depuis quelques années, une nouvelle démarche s'est dégagée dans le cadre de la théorie quantique des traits, développée par K.N. Stevens et ses collaborateurs. Principes de base : 1. Les rapports non monotoniques entre les modifications du conduit vocal et les paramètres acoustiques qui leur sont associés favorisent la catégorisation des sons 2. Il y a des non-linéarités analogues dans les rapports entre les paramètres acoustiques et les réponses auditives qui leur sont associées, qui favorisent également la catégorisation 3. L'inventaire de sons de chaque langue est construit de traits distinctifs définis par les régions de stabilité acoustique ou auditive ainsi dégagées. Hawkins, S. (1999). "Looking for invariant correlates of linguistic units: two classical theories of speech perception." Dans J. M. Pickett, The Acoustics of Speech Communication), Needham : Allyn & Bacon

Qu'est-ce que c'est qu'une région quantique ?

Citons Stevens : « For some types of articulatory parameters, there are ranges of values ... for which the acoustic signal has well-defined attributes [I, III], and these ranges are bounded by regions in which the properties of the signal are relatively sensitive to perturbations in the articulation [II]. The acoustic attributes of the signal within one of these plateau-like regions appear to define the acoustic correlates of a phonetic feature. » (Stevens 1972 : 64)

Il en va de même pour les rapports entre acoustique et audition (exemples à suivre)

Il en va de même pour les rapports entre acoustique et audition (exemples à suivre)

L'originalité principale de cette théorie par rapport aux théories antérieures (Jakobson; Chomsky & Halle, etc.) est le statut égal qu'elle accorde aux dimensions articulatoire, acoustique et auditif de la langue parlée. Il s'agit de l'un des modèles récents qui réussit le mieux à établir des rapports entre les structures abstraites posées par la phonologie (notamment, les phonèmes) et leur expression phonétique. - Voir par exemple : Stevens 1972, 1989, 2003, 2005 - Approches connexes : la théorie des régions et modes distinctifs (Carré & Mrayati 1990), la théorie de dispersion / focalisation (Schwartz, Boë, Vallée & Abry 1997)

Prenons un exemple : degré de constriction Le degré de constriction d'un son constitue un continuum articulatoire, allant d'une fermeture totale (les occlusives) à l'ouverture maximale (les voyelles ouvertes). À ce continuum correspondent trois régions acoustiques relativement stables *: a) silence (sauf à de très basses fréquences, pour les occlusives voisées) b) débit d'air turbulent (frication) c) débit d'air sans turbulence (voix) * pour les sons non nasals, non latéraux, non vibrantes

`A ces trois régions acoustiques correspondent quatre grandes classes de sons de la parole : p b t d k g ... f v s z S Z x ... w j   i u .... e o E    ... (dessins de Catford 1977)

Ces grandes classes sont définies par la nature non linéaire du rapport entre le degré de constriction et l'effet acoustique (présence/absence de bruit) produit par le débit d'air. Sons voisés : Pour les sons non voisés, le pente droite se déplace vers la droite.

Revenons aux traits ... Les langues préfèrent exploiter les articulations qui corres-pondent à chacune de ces 4 régions relativement stables. D'où le choix de traits qui définissent les grandes classes de sons : (NB. [vocalique] est équivalent au trait "non consonantique") occlusives fricatives approximantes vocoïdes [continu] : non oui oui oui [sonant] : non non oui* oui* [vocalique] : non non non oui * uniquement si voisé Toutes les langues de notre connaissance ont des occlusives et des voyelles, et la plupart ont des fricatives et des approximantes.

Les définitions des traits sont (souvent) basées sur les propriétés quantiques Prenons par exemple le trait [-continu] : "The defining acoustic correlate of [-continuant] is an abrupt increase in noise amplitude [at the consonant-vowel boundary], preceded by silence (at least at high frequencies), whereas for [+continuant] there is continuous noise followed by a rapid decrease in the noise amplitude." (Stevens 2004) > La nature quantique de ce trait facilite l'éclat rapide de bruit à la transition C-V et par conséquence crée un "point de répère" (landmark) pour la segmentation et pour la reconnaissance lexicale (voir Stevens 1985, 1994, 2000, 2002).

Entrons dans la logique de la définition phonétique des traits Nous pourrions distinguer deux familles de définitions quantiques : a) les définitions intrinsèques au son qui porte le trait exemple : la définition de [+obstruant] comme "son caractérisé par une augmentation de pression derrière la constriction principale" (Stevens 1983) avantage : valables quel que soit le contexte, mais certaines valeurs (par exemple les valeurs formantiques) varient selon le sujet.

Entrons dans la logique de la définition phonétique des traits Nous pourrions distinguer deux familles de définitions quantiques : b) les définitions relationnelles prennent en compte les sons adjacents (surtout dans le contexte CV) exemple : la définition de [-continu] qui vient d'être citée (rappel) avantage : valables quel que soit le locuteur, mais restreintes à certains contextes (par ex. le contexte CV) (voir critique de Dogil 1993)

[-continu] : "The defining acoustic correlate of [-continuant] is an abrupt increase in noise amplitude preceded by silence ... whereas for [+continuant] there is continuous noise followed by a rapid decrease in the noise amplitude." (Stevens 2004)

Entrons dans la logique de la définition phonétique des traits Nous pourrions distinguer deux familles de définitions quantiques : b) les définitions relationnelles prennent en compte les sons adjacents (surtout dans le contexte CV) exemple : la définition de [-continu] qui vient d'être citée avantage : valables quel que soit le locuteur, mais restreintes à certains contextes (par ex. le contexte CV) (voir le critique de Dogil 1993)

En quoi le trait [±arrière] est-il quantique ? Examinons maintenant un autre trait, dont une définition quantique acoustique est moins évidente : [±arrière], qui distingue les voyelles d'avant des voyelles centrales et d'arrière : [-arrière] : i y e    ... (voyelles d'avant = palatales) u  o    ... (voyelles d'arrière = vélaires, [+arrière] : uvulaires, pharyngales) +   a ... (voyelles centrales) { Problème : il ne paraît pas y avoir de discontinuité acoustique quand on passe de [i] à [] par des pas égaux. Même problème pour le trait [±arrondi]. (Stevens 1989)

C'est sur le plan auditif qu'on trouve un rapport quantique : le principe de focalisation favorise le rapprochement de deux formants contigus. (Stevens 1989, Schwartz et al. 1997) Quand la différence entre deux formants ne dépasse pas une valeur critique autour de 3,5 Bark, ils sont intégrés perceptivement dans un seul sommet, et leur amplitude est fort augmentée (Chistovich and Lublinskaja 1979)

Ce principe est particulièrement important en français, où toutes les voyelles sont réalisées comme des monophthongues. Le rapprochement de : - F3 et F4 dans /i/ - F2 et F3 dans /y/ - F1 et F2 dans /u/ et // et dans toutes les voyelles d'arrière crée trois groupes de voyelles "quantiques" . Selon Vaissière (2006) ,"the timbre of the other vowels (the so-called “voyelles moyennes”, /e/-/E/, /o/-//, //-//, //-/E/) is unstable, leading sometimes to much hesitation about which vowel is concerned"

Les voyelles cardinales prononcés par Peter Ladefoged (spectrogrammes de Vaissière 2006) "Jones’s and Ladefoged’s /i/s are equivalent to excellent French /i/" ... "Peter Ladefoged’s /y/ qualifies spectrographically and perceptually as a French prototype"

Vers la typologie des systèmes vocaliques Les oppositions vocaliques entre deux séries de voyelles moyennes (mi-fermées vs. mi-ouvertes) sont moins courantes que les oppositions entre les voyelles dont une au moins est perceptivement "ancrée" par la focalisation et donc plus stable en mémoire de court terme (Schwartz et al 1989). Données de UPSID (317 langues, Maddieson & Precoda 1989, d'après Schwartz et al. 1997) : courant : moins courant : i u i u e o e o E  a a ( 97 ou 30,1%) ( 23 ou 7,3 %)

Mais les grandes tendances ne tiennent pas partout Cette tendance universelle est renversée dans les langues de la zone soudanique de l'Afrique (carte), où les systèmes à deux séries de voyelles moyennes sont largement favorisées, se trouvant dans 68 % langues d'un échantillon de 100 langues "soudaniques" africaines Regardons les faits ... (carte d'après Clements & Rialland 2005).

Les systèmes à deux séries de voyelles moyennes en Afrique soudanique type # de séries de voyelles hautes (H) ou moyennes (M) # langues de la zone soudanique ayant ce système A 2H-2M 22 % i u I U e o E  B 1H-2M 46 i u C 2H-1M 6 i u I U "e o" D 1H-1M 25 E 1H-0M 1 T = 100

Explication Ce renversement d'une forte tendance universelle est expliqué par l'existence de l'harmonie vocalique dans la grande majorité de ces langues, d'après laquelle les voyelles de la série mi-fermée (ou [+ATR]) ne peuvent pas coexister avec les voyelles de la série mi-ouverte ([-ATR]). L'akan (Ghana) : mots [+ATR] : mots [-ATR] : e-bu-o "nid" E-bU- "pierre" o-kusi-e "rat" -kdI-E "aigle" o-fiti-i "il/elle l’a percé" -cIrE-I "il/elle l’a montré" Puisque chaque voyelle dans un mot* appartient à la même catégorie, [+ATR] ou [-ATR], il suffit d'identifier la catégorie d'une seule de ses voyelles pour en déduire la catégorie de toutes les autres. (*sans voyelles ouvertes)

L' existence d'oppositions entre voyelles mi-fermées et mi-ouvertes dans plusieurs langues du monde, même sans harmonie vocalique, semble indiquer que les langues admettent bien des traits non quantiques --- en l'occurrence, [±ATR] D'ou une variante moins forte du modèle quantique : Les oppositions basées sur les traits non quantiques sont défavorisées, sauf quand elles sont renforcées par d'autres indices, comme par exemple : - l'harmonie vocalique (exemple ci-dessus) - la diphtongaison, comme en anglais (Clements 2003) - les traits redondants qui renforcent les oppositions trop faibles (Stevens & Keyser 1989)

D'autres questions 1 Pour chaque trait, comment est-il défini ? Quels sont les traits quantiques ? Chaque valeur d'un trait binaire est-elle quantique ? 2 Les attributs des traits se manifestent-ils dans tous les contextes, ou uniquement dans les contextes les plus fréquents (par exemple les syllabes CV) ? 3 Dans quelle mesure les attributs des traits sont-ils robustes sous des conditions diverses (choix de locuteur, de langue, de dialecte, style de débit) ? 4 Quel est le rôle des traits dans l'acquisition du langage, la reconnaissance lexicale, la perception de la langue maternelle ou d'une langue étrangère ? 5 Quel est leur statut cognitif (inné vs acquis, etc.) ?

Quelques recherches récentes ou en cours par des membres du projet "Bases phonétiques des traits distinctifs" (LPP, Paris) portant sur ces questions implosives : étude du trait [+obstruent] dans les langues à implosives, basée sur un examen phonétique de l'ikwere (langue niger-congo, Nigeria) (Clements, G.N. & S. Osu, 2002. "Explosives, Implosives, and Non-explosives: the Linguistic Function of Air Pressure Differences in Stops". Dans Carlos Gussenhoven & Natasha Warner (éds.), Laboratory Phonology 7, 299-350.)

Quelques recherches récentes ou en cours par des membres du projet "Bases phonétiques des traits distinctifs" (LPP, Paris) portant sur ces questions géminées : une opposition simple vs. géminée comme t vs tt en bèrbère : s'agit-il du trait [±tendu] ou d'une opposition au niveau du squelette CV ou X ? Comment se réalise-t-elle, surtout en début et en fin de l'énoncé ? (Ridouane, R. 2003. Suites de consonnes en berbère : phonétique et phonologie. Thèse pour l'obtention du grade de Docteur de l'Université de Paris 3 ; Ridouane, R. 2005. "Consonant gemination in Berber: quality or quantity?", soumis

Quelques recherches récentes ou en cours par des membres du projet "Bases phonétiques des traits distinctifs" (LPP, Paris) portant sur ces questions occlusives tendues : en coréen, le trait [±tendu] oppose des occlusives simples comme /t/ à des occlusives tendues comme /t’/ ; quelles sont les bases acoustiques et articulatoires de cette opposition, qui met en jeu à la fois les structures laryngales et supralaryngales ? (Kim, H., K. Honda & S. Maeda, 2004. Stroboscopic-cine MRI study on the phasing between the tongue and the larynx in Korean three-way phonation contrast, Journal of Phonetics 61, 234-251)

Quelques recherches récentes ou en cours par des membres du projet "Bases phonétiques des traits distinctifs" (LPP, Paris) portant sur ces questions types de phonation : quel est le rôle linguistique des traits de phonation dans l'opposition entre tons en vietnamien, comment les définir ? (résultats à mettre en rapport avec les traits proposé pour les tons, par ex. par Halle & Stevens 2001) (Michaud, A. 2004. "Final consonants and glottalisation: new perspectives from Hanoi Vietnamese, Phonetica 61, 119-146)

Quelques recherches récentes ou en cours par des membres du projet "Bases phonétiques des traits distinctifs" (LPP, Paris) portant sur ces questions voyelles d'avant : l'opposition entre voyelles fermées et mi-fermées est-elle quantique ? -- rôle de F'2 dans la perception catégorique de l'opposition /i/ vs. /e/ par des sujets français. (Karypidis, C., A. Costagliola & G. Guglielmi. 2005. "Asymmetry in vowel perception in L1: evidence from articulatory synthesis of an /i/~/e/ continuum," 2° Convegno Nazionale, Associazione Italiana di Scienze della Voce)

Quelques recherches récentes ou en cours par des membres du projet "Bases phonétiques des traits distinctifs" (LPP, Paris) portant sur ces questions quels traits pour les langues sifflées ? quels sont les traits distinctifs des langues sifflées, et comment sont-ils définis ? -- comment résoudent-elles le problème de la transmission de l'opposition entre voyelles qui n'ont qu'un seul "formant" chacune (= H1), et qui ne peuvent pas par conséquent être focalisées ? (Rialland, A. 2005. "Phonological and phonetic aspects of whistled languages," Phonology 22.2, 237-271)

Quelques recherches récentes ou en cours par des membres du projet "Bases phonétiques des traits distinctifs" (LPP, Paris) portant sur ces questions les consonnes retroflexes : plusieurs langues de l'Asie du sud opposent une série d'occlusives lamino-dentales / t d / à une série retroflexe /   / ; cette opposition a-t-elle des corrélats phonétiques invariants ? Les retroflexes sont-elles définies par un seul trait [retroflex] ou par deux : [-antérieur, -contact étendu] ? (R. Khatiwada, thèse en cours, Université de Paris 3)

Théorie quantique : quel intérêt pour les linguistes et les phonéticiens ? - On se rappelle que la "phonologie de laboratoire" a pour but de mettre à profit les moyens fournis par les méthodes expérimentales (phonétique, informatique, psycho-linguistique, neurolinguistique) pour mieux définir les liens entre les représentations phonologiques et lexicales, d'un coté, et leur expression dans la substance phonétique. ...

Théorie quantique : quel intérêt pour les linguistes et les phonéticiens ? - La théorie quantique, en réunissant les modèles phonologiques fondés surtout sur les exigences de la description détaillée du système sonore de chaque langue avec les modèles phonétiques développés pour satisfaire d'autres besoins (ingénierie, applications médicales et orthophonqiues, applications informatiques, enseignement des langues ...), semble bien placée pour permettre la poursuite d'un tel projet d'intégration.

Quelques lectures Catford, J. C. 1977. Fundamental problems in Phonetics. Bloomington: Indiana University Press. Clements, G. N. 2005. "The Role of Features in Speech Sound Inventories." A paraitre dans Eric Raimy & Charles Cairns, eds., Contemporary Views on Architecture and Representations in Phonological Theory. Cambridge, MA: MIT Press. Clements, G. N. & S. Osu, 2002. "Explosives, Implosives, and Nonexplosives: the Linguistic Function of Air Pressure Differences in Stops". Dans Carlos Gussenhoven & Natasha Warner (éds.), Laboratory Phonology 7, 299-350. Clements, G. N. & A. Rialland. 2005. "Africa as a linguistic area." Dans Bernd Heine & Derek Nurse, éds, Africa as a Linguistic Area (à paraître) Durand, J. 2000. "Les traits phonologiques et le débat articulation/audition," dans P. Busuttil, Points d'interrogation : Phonétique et phonologie de l'anglais. Presses Universitaires de Pau. Karypidis, C., A. Costagliola & G. Guglielmi. 2005. "Asymmetry in vowel perception in L1: evidence from articulatory synthesis of an /i/~/e/ continuum," , Khatiwada, R. thèse en cours, Université de Paris 8. Kim, H., K. Honda & S. Maeda, 2004. Stroboscopic-cine MRI study on the phasing between the tongue and the larynx in Korean three-way phonation contrast, Journal of Phonetics 61, 234-251 Michaud, A. 2004. "Final consonants and glottalisation: new perspectives from Hanoi Vietnamese, Phonetica 61, 119-146 Rialland, A. 2005. "Phonological and phonetic aspects of whistled languages," Phonology 22.2, 237-271 Ridouane, R. 2003. Suites de consonnes en berbère : phonétique et phonologie. Thèse pour l'obtention du grade de Docteur de l'Université de Paris 3. Stevens, K.N. 1972. The quantal nature of speech: Evidence from articulatory-acoustic data. In P.B. Denes & E.E. David Jr. (eds.), Human Communication, A Unified View. N.Y ::McGraw-Hill, 51-66. Stevens, K.N. 1989. On the quantal nature of speech. Journal of Phonetics 17, 3-46. Stevens, K.N. 2005. "Features in Speech Perception and Lexical Access." In David E.Pisoni and Robert E. Remez, eds., Handbook of Speech Perception, 125-155. Cambridge, MA: Blackwell Publishers. Stevens, K. N. & S. Jay Keyser. 1989. "Primary features and their enhancement in consonants," Language 65.1, 81-106. Vaissière, J. 2006 (soumis) "Area functions and articulatory modeling as a tool for investigating the articulatory, acoustic and perceptual properties of the contrast between the sounds in a language"