Conduite à tenir devant une protéinurie Cours DCEM 1 Item 328 de l’examen national classant Dr David Ribes Service de Néphrologie – Hypertension – Dialyse – Transplantation du Pr Durand
Rappels anatomiques et physiologiques Les fonctions essentielles du rein Fonction d’épuration (substances endogènes et exogènes) Maintien de l’homéostasie du milieu intérieur Fonction endocrine (métabolisme de la vitamine D, EPO ..)
Structures vasculaires Structures épithéliales
Le glomérule TC proximal A. efférente TC distal A. afférente
Barrière de filtration glomérulaire
Membrane basale glomérulaire en ME
Physiopathologie de la barrière de filtration glomérulaire Haute perméabilité à l’eau et aux solutés de faible poids moléculaire Restriction sélective au passage des molécules de haut poids moléculaire (> 60 kD) et aux éléments figurés du sang Barrière mécanique et électrochimique Cellules endothéliales : fenêtrées (pas de restriction de taille) mais glycocalyx (charges négatives) Membrane basale glomérulaire : pores de 40 nm et riches en glycosaminoglycanes Podocytes (ou cellules épithéliales viscérales) : diaphragme de fente et glycoprotéines anioniques membranaires (podocalyxine)
Protéinurie physiologique Albuminurie : Débit de filtration glomérulaire (DFG) normal 90 – 120 ml/mn UP 180 l/j Concentration plasmatique en albumine : 40 g / l Concentration dans l’UP : 5 mg/l (soit débit de 1 g / 24 h) Réabsorption tubulaire proximale 99% Albuminurie < 20 mg / 24 h Protéinurie d’origine tubulaire : protéines sécrétées dans la lumière tubulaire (protéine de Tamm-Horsfall ou uromoduline +++ …) environ 30 mg / 24 h Immunoglobulines ou fragments d’Ig : environ 20 mg / 24 h Protéinurie physiologique 20 – 100 mg / 24h 30 % albumine
Les protéinuries pathologiques Les protéinuries de surcharge : protéines librement filtrées, de faible poids moléculaire présentes dans le plasma en quantité augmentée : chaînes légères d’immunoglobulines kappa ou lambda du myélome (protéinurie de Bence-Jones +++), lyzozyme dans les leucémies myélomonocytaires, myoglobine dans la rhabdomyolyse. Les protéinuries tubulaires : protéines de faible poids moléculaire (béta2-microglobuline, retinol binding protein …) le plus souvent de faible abondance (<1g/24h) au cours des tubulopathies et des néphropathies tubulo-interstitielles. Les protéinuries glomérulaires : anomalies fonctionnelles (LGM) ou lésions physiques de la barrière de filtration (autres glomérulopathies). Quantité plus ou moins importante de protéines plasmatiques avec prédominance d’albumine. Protéinurie sélective si albuminurie > 85 % de la protéinurie totale (LGM). Les protéinuries « hémodynamiques » : leur caractéristique principale est leur caractère intermittent. Au cours des poussées d’insuffisance cardiaque, des crises comitiales, des accés fébriles et des efforts physiques intenses. Cas particulier : la protéinurie orthostatique
Méthodes de recherche d’une protéinurie pathologique La méthode de dépistage : la bandelette réactive L’indicateur coloré, le bleu de bromophénol, vire au vert Ne détecte que l’albumine ++++++ Mesure semi-quantitative (seuil de positivité > 50 mg/l) Faux positifs classiques : bandelettes périmées, urines alcalines, détergents Circonstances d’utilisation : Dépistage systématique (médecine du travail, grossesse …) Suspicion de pathologie rénale (oedèmes, HTA, Insuffisance rénale …) Maladie générale compliquée fréquemment d’une atteinte rénale (diabète, lupus) La confirmation et la quantification de la protéinurie : Dosage pondéral sur les urines des 24 heures : pathologique si > 150 mg/24h Suivi par le rapport protéinurie / créatininurie sur un échantillon (en g/g) Seuil de positivité de l’ordre de 70 mg/l Circonstances : en cas de positivité de la bandelette Suspicion de pathologie rénale d’emblée en cas de suspicion d’une protéinurie de Bence-Jones
L’étude qualitative de la protéinurie : L’électrophorèse des protéines urinaires : Différencie une protéinurie glomérulaire d’une protéinurie tubulaire Évalue la sélectivité de la protéinurie glomérulaire (LGM vs autres) Évoque le diagnostic de protéinurie de Bence-Jones L’immunofixation des protéines urinaires voire le dosage néphélémétrique des chaînes légères : Confirme la présence d’une chaîne légère monotypique kappa ou lambda (myélome, MGUS) Le dosage de la béta2-microglobuline urinaire : Permet le diagnostic précoce de tubulopathies (au cours de traitements tubulotoxiques par exemple) La recherche d’une micro-albuminurie : Par des techniques immunologiques (RIA) Détecte une albuminurie pathologique > 30 mg / 24 h mais inférieure au seuil de positivité des techniques conventionnelles Circonstances d’utilisation : diagnostic des stades précoces de la néphropathie diabétique +++, retentissement viscéral de l’HTA et évaluation du risque cardio-vasculaire
Conduite à tenir devant une protéinurie Interrogatoire exhaustif ( antécédents personnels et familiaux uro-néphrologiques et de maladies générales susceptibles de retentir sur le rein, hématurie macroscopique, douleurs lombaires …) Examen clinique : oedèmes +++, HTA +++, maladie de système … Examens complémentaires de 1ere intention : Caractériser quantitativement et qualitativement la protéinurie Analyse du sédiment urinaire (hématurie, leucocyturie, cristaux, cylindres) Examen bactériologique des urines Évaluation de la fonction rénale (créatininémie et clairance de la créatinine) Échographie rénale
La protéinurie est positive en dosage pondéral mais négative à la bandelette : Suspicion de protéinurie de Bence-Jones. Rechercher les signes cliniques, biologiques et radiologiques évocateurs de myélome ou de syndrome lymphoprolifératif. Réaliser une électrophorèse et une immunofixation des protéines sanguines et urinaires. La présence d’une chaîne légère monotypique kappa ou lambda confirme le diagnostic La protéinurie est détectée par la bandelette urinaire et confirmée en dosage pondéral : Permanente ou intermittente Cas particulier de protéinurie intermittente : la protéinurie orthostatique adolescent, longiligne absence de toute autre anomalie rénale protéinurie strictement orthostatique : vider la vessie avant le coucher, recherche d’une protéinurie sur la première miction au lever résolution autour de 20 ans
La protéinurie est permanente : Protéinurie glomérulaire La protéinurie est abondante (> 1 g / 24 h) et constituée majoritairement d’albumine L’association protéinurie – hématurie Le syndrome néphrotique : Protéinurie > 3 g / 24 h ( > 50 mg /kg / 24 h chez l’enfant) et albuminémie < 30 g/l Signe obligatoirement une atteinte glomérulaire Conséquences : oedèmes, hypercoagulabilité, hypercholestérolémie, risque infectieux) Pur : absence d’hématurie, absence d’HTA, absence d’insuffisance rénale organique protéinurie sélective (> 80 % d’albumine) anomalie fonctionnelle de la barrière de filtration (LGM) Impur : autres glomérulopathies Protéinurie tubulaire La protéinurie est peu abondante (< 1 g / 24 h) et associé à des signes d’atteinte tubulaire (acidose, hypokaliémie, syndrome de Fanconi) ou tubulo-interstitielle (leucocyturie aseptique)