L'équation NORD-SUD : les importer ou les produire ? SOLAGRO & Les Amis de la Terre Crise climatique, de l'énergie, agriculture du monde : et les biocarburants dans tout çà ? 31 janvier 2007, Toulouse L'équation NORD-SUD : les importer ou les produire ? Jacques Berthelot, Solidarité et Solagro
La forte croissance des besoins alimentaires d’ici 2050 Population mondiale de 9,2 Md d'habitants contre 6,6 Md en 2006 Toute la hausse dans les PED, dont 1 Md de plus en Afrique SS 854 M de sous-nutris chroniques en 2002 (37 M de + qu’en 1999) plus 1,2 Md de malnutris Déficit alimentaire croissant des PED hors cultures tropicales exportées (café, cacao, thé, caoutchouc, coton…) Celui d’Afrique de l’Ouest passé de 2,6 à 4,9 Md$ de 1995 à 2004 mais sa population passera de 271 M en 2006 à 637 M en 2050 Hausse des niveaux de vie des PED augmentera la consommation de produits animaux bien plus gourmands en produits végétaux Si 1,450 Md de Chinois au PIB/tête actuel des USA en 2031 mangent aussi 800 kg de grains/tête, cela nécessiterait les 2/3 de la produc- tion mondiale actuelle
Il faudrait doubler la production alimentaire d’ici 2050 Et il faudrait qu’elle quadruple en Afrique sub-saharienne (ASS) selon la FAO Mais les possibilités de doubler la production mondiale sont faibles car : La surface mondiale de cultures et pâturages permanents stagne (0,8% de plus seulement de 1994 à 2003) et les ressources en eau baissent Le rendement des céréales stagne en ASS depuis 1974 à 10-11 qx La production mondiale de céréales n’a augmenté que de 6,3% de 1997 à 2005 alors que la population a augmenté de 10,5% Le réchauffement climatique frappera bien plus les pays du Sud et un rapport brésilien estime qu’une hausse de 3° de la température mondiale d’ici 2100 (hypothèse centrale actuelle) réduirait d’1/3 la surface apte aux cultures de soja, maïs, riz, haricot et café. Si les seuls Chinois ont en 1931 3 voitures/4 hb comme aux USA, la sur- face en routes et parkings égalerait celles des rizières en 2004 (28 M ha) Chaque jour le monde consomme 21 M barils (B) d'essence + 21 M B de diesel, équivalant à 30 M B d'éthanol + 23 M B de biodiesel soit pour l’éthanol à 300 M ha de canne à sucre ou 590 M ha de maïs, 15 et 5 fois respectivement les surfaces mondiales actuelles. Pour le biodiesel cela équivaudrait à 225 M ha de palmiers à huile, 20 fois la surface actuelle…
Les pays du Nord veulent importer des biocarburants du Sud La production mondiale d’éthanol est passée de 20 Md l en 2000 à 40 Md l en 2005, soit seulement 3% de la consommation mondiale d’essence Avec technologies actuelles, l'UE, les EU et le Canada auraient besoin de 30 à 70% de leurs surfaces agricoles pour 10% de leur carburant de transport Puisque le Nord n’envisage pas de réduire vraiment sa consommation de carburant et qu’il n’a pas assez de biomasse agricole ou forestière pour des biocarburants, il encourage les PED à le faire pour les leur exporter. Pour atteindre 5,75% de biocarburants en 2010, l’UE doit avoir 18,2 M de TEP, contre 3,3 M TEP produits en 2005 par 3,2 Mt de biodiesel et 0,7 Mt d’éthanol. 50% des 18,M TEP en éthanol nécessiteraient 2,9 Mha de betterave sucrière (79% de plus que celle de l’UE-15 en 2004) ou 6,8 M ha de blé (49% de la surface en blé tendre de l’UE-15 en 2004). Et les 50% en biodiesel impliquent 7,7 M ha de colza (133% de plus que les 3,3 M ha de l’UE-15 en 2004). Les USA ont produit en 2005 15 Md l d’éthanol soit 2,8% de l’essence con- sommée à partir de 55 Mt de maïs (20% de la production), ce qui a contribué à hausser de 56% le prix FOB du maïs en 2006, contribuant aussi à la hausse du prix mondial des autres céréales et des produits animaux. Malgré des droits de douane élevés et de fortes subventions au maïs et à l’éthanol, celui importé est moins cher et les USA en ont importé 2 Md l en 2005 (1,2 MD l du Brésil et 0,6 Md l d’Amérique centrale et 60 000 t de Chine).
Les dégâts de la production des biocarburants au Sud Quelle que soit la meilleure compétitivité-prix des PED - pour l’éthanol de soja d’Amazonie ou d’Argentine, celui de canne à sucre du Brésil, de l’Inde, et pour le biodiesel tiré de l’huile de palme d’Indonésie, Malaisie, Colombie ou Ouganda, ou du Jatropha de l’Inde, d’Afrique du Sud, du Sénégal et du Mali – cela accélère la déforestation et donc le réchauffement climatique tout en accroissant la perte de biodiversité, le déficit alimentaire, la hausse des prix des produits vivriers et donc la faim pour les plus pauvres Il y aura une concurrence croissante entre les 800 M d’automobiles et les 2 milliards d'humains déjà sous-nutris ou malnutris. Si les prix céréaliers continuent à grimper il y aura des émeutes dans les pays pauvres ou impor- tateurs comme le Nigéria, l'Indonésie, le Mexique et plus largement toute l’Afrique, même si la hausse des prix des importations peut aussi rendre la production nationale plus compétitive malgré les bas droits de douane imposés par le FMI et la BM.
La production de biocarburants doit être soutenable et s’inscrire dans la souveraineté alimentaire sans dumping La priorité pour l’UE et les USA est de refonder leurs politiques agricoles et l’Accord agricole de l’OMC sur la souveraineté alimentaire sans dumping camouflé sous des subventions internes Ils devront ensuite adopter des comportements alimentaires moins riches en protéines animales ce qui sera aussi bénéfique pour lutter contre l’obésité et basés sur les productions nationales de saison Ils devront adopter des systèmes de production écologiques, avec un mini- mum d’intrants chimiques, autonomes pour la fertilisation et l’alimentation animale Il faudra relocaliser les filières alimentaires, de la fourche à la fourchette, pour réduire les transports internes et internationaux et le besoin de trans- formation industrielle et de stockage au froid Si l’UE et les USA cessent leur dumping alimentaire massif, cela libérera des terres pour des agrocarburants mais à condition d’avoir un bilan environne- mental positif et sans subventions