Introduction à la physique du son Un peu de physique pour les musiciens, un peu de musique pour les physiciens Jérôme Joubert CRR de Saint-Maur-des-Fossés - 2013
Organisation des exposés De la nature des sons et de leur organisation 22 février 2013 – 17h Des instruments à vents 22 mars 2013 – 17h Des instruments à cordes et à membranes 19 avril 2013 – 17h
De la nature des sons…
Nature physique Vibration d’un matériau (fluide en général) Oscillation de pression au sein de tranches de fluide Évolution spatiale : Évolution temporelle : exemple d’une onde sinusoïdale Source : http://www.energieplus-lesite.be Patm ≈ 100000 Pa P ≈ 0,01 Pa
Description des phénomènes vibratoires : intensité L’intensité de l’onde sonore est reliée à ce qu’on ressent en terme de force du son. L’intensité est quantifiable en partie par l’amplitude de la variation de pression
Description des phénomènes vibratoires : intensité L’intensité dépend de la vitesse de déplacement des tranches de fluide I = p.v en Watt par m² (flux de puissance sonore à travers une surface d’un m²) v Et le décibel dans tout ça ?
Description des phénomènes vibratoires : intensité L’oreille est un récepteur relatif : elle ne perçoit que le rapport de puissance à une référence Iref, plus petite intensité perceptible I/Iref. Quand on fait jouer deux violons ensembles, le résultat n’est pas deux fois plus fort ! ? ? L’oreille est un récepteur logarithmique
Description des phénomènes vibratoires : intensité Evolution logarithmique : Niveau sonore : Iref = 10-12 W.m-2 Pref = 2.10-5 Pa Alexander Graham Bell (1847-1922) co-inventeur du téléphone
Description des phénomènes vibratoires : intensité Ordre de grandeur des niveaux sonores : Nuance p ~ 50 dB (et p ~ 0,02 Pa) Nuance f ~ 100 dB (et p ~ 2 Pa) Tutti d’orchestre ~ 110 dB Une oreille adulte peut faire la différence entre deux niveaux séparés de 2 dB Remarque : ça dépend de la distance Source : http://www.notre-planete.info/environnement/bruit.php
Description des phénomènes vibratoires : fréquence La hauteur du son dépend de sa fréquence f = 1/T f en Hz, c’est le nombre de vibrations identiques en une seconde Plus la vibration est rapide, plus le son est ressenti aigu La réalité n’est pas si simple : un son de basse fréquence et de très forte intensité est parfois ressenti plus aigu qu’un son de plus haute fréquence : c’est le domaine de la psycho-acoustique
Ce que l’oreille perçoit La3 (440 Hz) Source : http://www.zikinf.com/articles/home-studio/oreille.php Source : http://peutz.fr/index.php?page=lacoustique&cat=concepts&def=sensibilite
Sons complexes : notion de timbre Un son est rarement constitué par une vibration à une seule fréquence On peut décomposer un son en une série de partiels, i.e. d’ondes sinusoïdales chacune caractérisée par une fréquence (éventuellement variable) une intensité (éventuellement variable) une phase (= décalage à l’origine de l’émission du son) Le timbre se définit par l’ensemble de ces paramètres et sans doute aussi par beaucoup de ressenti psycho-acoustique… Décomposition en somme de Fourier Joseph Fourier (1768-1830), mathématicien et physicien français
Sons complexes : exemple de son à deux partiels Partiels de même intensité Partiels d’intensités différentes
Harmoniques vs partiels Les partiels sont dits harmoniques si leur fréquence sont des multiples entiers de la fréquence du fondamental Altération de la périodicité Exemple d’un son à deux partiels non harmoniques f2 = 2,1.f1
Harmoniques vs partiels Partiel trop haut par rapport à la note « juste » Partiel trop bas par rapport à la note « juste » La série harmonique sonne « faux »
Représentation du contenu fréquentiel Représentation graphique de la décomposition en somme de Fourier Gain de lisibilité Onde sonore Spectre
Représentation du contenu fréquentiel Onde sonore spectre Le spectre ne fait pas apparaître des pics très bien définis - erreur de traitement mathématique - la fréquence n’est physiquement pas bien définie
Représentation du contenu fréquentiel
Représentation du contenu fréquentiel Outil d’évolution temporelle du contenu fréquentiel, le sonogramme Le timbre évolue avec le temps L’oreille perçoit une globalité : importance de l’attaque
Effet de déphasage Le décalage temporel entre des partiels peut-il avoir un effet sur le timbre ?
Ce que mesure un accordeur électronique Il est sensible à la fréquence la plus basse du son émis Il compare (via un circuit électronique) cette fréquence à une base de donnée Il affiche le nom de la note la plus proche et l’écart par rapport à cette note.
Propagation du son La transmission n’est pas instantanée Longueur d’onde et fréquence sont liés par la vitesse de propagation, notée c l = c/f
Propagation du son : quelques ordres de grandeurs c ~ 340 m/s dans l’air Temps mis par le son des trombones au fond de l’orchestre pour arriver au chef : environ 0,03 s Durée d’une double croche au tempo =120 : 0,125 s (plus de 4 fois plus long) Conclusion : si les trombones sont décalés d’une double par rapport au premier violon, c’est qu’ils ne sont pas attentifs !
Réflexion et absorption du son Lorsque le son rencontre un obstacle, une partie est réfléchi et une partie est absorbée : c’est la conservation de l’énergie. Effet d’écho, réverbération Les matériaux mous tendent à absorber a
Réflexion du son : effet de la forme de la surface On peut guider le son grâce à la forme des parois du lieu dans lequel il se propage : Utile dans la conception des salles de concert Source : http://cyrille.nathalie.free.fr/math/mathcurve/ellipse.shtml.htm gravure de Friedrich Schultes dans Neue Hall- und Thon-Kunst d’Athanasius Kircher et Tobias Nislen (1684)
Effet d’interférences Le caractère ondulatoire peut créer des interférences :
Effet d’interférences Il peut exister lorsque le son provient de deux sources différentes ou d’une source unique qui subit des réflexions (cas des salles de concert) Source : Physique, E. Hecht, ed. DeBoeck
Source sonore en mouvement effet Doppler Lorsque la source sonore est en mouvement par rapport à l’auditeur, la fréquence perçue est différente de la fréquence émise Exemple : sirène des pompiers Source : http://www.obs-hp.fr/lumiere/page15.html
Source sonore en mouvement effet Doppler Effet d’une source qui se rapproche de l’auditeur La source émet un « bip » chaque seconde (fréquence de 1Hz) et se déplace à 1 m/s (3,6 km/h) en direction de l’auditeur. Le « bip » est perçu plus tard par l’auditeur : au bout du temps t = d/c (c : vitesse du son, d distance à laquelle le « bip » est émis). Entre l’émission de deux « bip », la source a avancé de 1 m, donc le temps mis par le 2e « bip » pour arriver à l’auditeur est plus court. L’auditeur reçoit les « bip » plus resserrés qu’ils ne sont émis : la fréquence perçue est plus grande Ce qui est vrai pour les « bip » est vrai pour tout phénomène périodique, donc pour les ondes sonores : les sons perçus sont plus aigus
Source sonore en mouvement effet Doppler Pour v = 1 m/s (3,6 km/h), fperçue = 1,003.fémise. (un dixième de demi-ton) Pour v = 10 m/s (36 km/h), fperçue = 1,03.fémise. (environ un demi-ton) Pour v = 100 m/s (360 km/h), fperçue = 1,4.fémise. (un peu moins qu’une quarte augmentée) Son émis Son perçu Son émis Son perçu Son émis Son perçu
Source sonore en mouvement effet Doppler Pour une source qui s’éloigne de l’auditeur, l’effet est inverse : le son perçu est plus grave que le son émis réellement. Quand une voiture de pompier dépasse un passant, la fréquence de la sirène passe de plus aigüe à plus grave.
… et de leur organisation De la nature des sons…
Intervalles L’oreille n’est pas sensible à des écarts de fréquences mais à des rapports (récepteur logarithmique aussi bien pour l’intensité que pour la fréquence) Un intervalle est défini par un rapport de fréquence Les intervalles diffèrent selon le choix de gamme utilisée : c’est un choix conventionnel quintes
l’Harmonie Universelle L’octave On l’entend partout sans l’entendre vraiment : c’est le deuxième partiel des instruments à cordes, des flûtes, etc. Définie physiquement par le couple de sons émis par deux cordes de même tension et de longueur double l’une de l’autre. Rapport de fréquence : 2 Monocorde de Mersenne l’Harmonie Universelle
Gammes et intervalles Deux personnes chantant à l’octave donnent l’impression de chanter la même chose. L’octave définit une plage de fréquence au-delà de laquelle on a l’impression d’un recommencement. On construit une division de l’octave en intervalles plus petits qu’on répète cycliquement : on obtient une gamme Il existe une infinité de gammes possibles En fonction du nombre d’intervalles qu’on veux y inclure En fonction des rapports de fréquences choisis pour définir les intervalles L’octave s’impose comme l’unité de base pour définir un système d’organisation des sons
Le tempérament égal : rationnel ou irrationnel ? Division la plus rationnelle de l’octave pour un esprit moderne : intervalles tous égaux. Division en douze sons : intervalle de demi-ton Empilement de 12 demi-tons = octave La quinte sonne faux ! nombre irrationnel (ne peut pas s’écrire comme un rapport de nombres entiers)
La quinte pure Elle se définit par le 3e partiel d’une série harmonique (rapport de fréquence : 3) Le 3e partiel est distant du fondamental de plus d’une octave : on divise sa fréquence par deux pour le ramener à l’intérieur de l’octave de base La quinte pure est définie par le rapport 3/2 = 1,5 ≠ 1,49807… quinte pure quinte tempérée superposition
Mesure des écarts : le cent Unité de division de l’octave en 1200 intervalles égaux (ou du demi-ton égal en 100 intervalles égaux) Écart entre quinte pure et quinte du tempérament égal : environ 2 cent
Quinte pure et gamme de Pythagore (VIe siècle av. J.C.) La gamme de Pythagore est construite par un empilement de quintes pures Fa-Do-Sol-Ré-La-Mi-Si-etc. L’empilement de quintes pures ne permet pas de boucler sur l’octave : 12 quintes pures superposées donnent environ 7 octaves (excès de 23,5 cents) : il faut raccourcir une des quintes Les tons et demi-tons ne sont pas tous égaux Il faut choisir un jeu d’altérations pour construire tous les demi-tons : limitation des transpositions
Intervalles purs et gammes de Zarlin (1517-1590) La gamme est construite à partir des intervalles purs (par division d’une corde ou via les partiels), notamment la tierce (rapport 5/4). Il existe deux types de tons majeur (rapport 9/8) mineur (rapport 10/9) (plus petit de 21,5 cents = comma zarlinien) Il existe deux types de demi-tons diatonique (rapport 16/15) chromatique (rapport 25/24) (plus petit de 41 cents) Quasi-impossibilité de transposition
Notion de tempérament Il s’agit de modifier l’organisation des sons d’une gamme pour atténuer des effets désagréables à l’oreille ou faciliter les transpositions Surtout valable pour les instruments à sons fixes (instruments à claviers, harpe,…) C’est un mode de répartition de l’excès de l’empilement des quintes
Comparaison des tempéraments Source : Intervalles, échelles, tempéraments et accordages musicaux – J. Lattard
Mesure des écarts : le(s) comma(s) Le comma pythagoricien : écart entre 12 quintes pures et 7 octaves ; 23,5 cents Le comme syntonique (ou zarlinien) : différence entre un ton majeur et un ton mineur (ou entre demi-tons diatonique et chromatique) ; 21,5 cents Le comma enharmonique (ou diesis) : écart entre do # et ré b dans la gamme de Zarlin ; 41 cents Le schisma : écart entre comme P et comma S ; 1,955 cents Le comma holderien : intervalle issu de la division de l’octave en 53 intervalles égaux ; 22, 6 cents INUTILISABLE EN PRATIQUE
Intervalle dissonant ? La dissonance d’un intervalle est une question de culture Deux notes très rapprochées créent le phénomène de battements (impression de vibrato) Quand les battements interviennent entre les partiels de deux notes jouées simultanément, on a l’impression que l’intervalle sonne faux Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Battement
Bibliographie Le son musical, John Pierce, Pour le Science 1983 Les instruments de l’orchestre, Jean-Claude Risset, Pour la Science 1995 Intervalles, échelles, tempéraments et accordages musicaux, Jean Lattard, L’Harmattan 2003 Acoustique des instruments de musique, A. Chaigne, Belin 2008 Acoustique, informatique et musique, Brigitte d’Andréa-Novel, Presses des Mines 2012 Physique, Eugene Hecht, De Boeck 1999
Quelques logiciels Audacity 2.0 - logiciel libre http://audacity.sourceforge.net Goldwave - version d’essai complète http://www.goldwave.com/