Sensibilité des espèces forestières à la sécheresse Hervé COCHARD * Jean-Marc GUEHL, Nathalie BREDA, Thierry AMEGLIO *UMR-PIAF, INRA site de Crouël, 63100 Clermont-Ferrand cochard@clermont.inra.fr JST 2005
Sécheresse et forêts Importance de la ressource en eau Production Stabilité des écosystèmes (dépérissements…) Grande diversité en termes de sensibilité Diversité selon les espèces Diversité selon les stations Diversité liée à la sylviculture Objectif de l’exposé : Donner les bases conceptuelles et physiologiques pour comprendre la sensibilité des espèces à la sécheresse.
Sensibilité à la Sécheresse: définition - Contrainte hydrique + 1 2 3 - sensible +sensible Processus physiologique Arbres: Caractéristiques Physiologiques spécifiques Environnement: Climat, sol, forêt… Sensibilité: réponse (physiologique) de l’arbre à la contrainte hydrique Contrainte hydrique édaphique Contrainte hydrique dans l’arbre
Contrainte hydrique édaphique Teneur en eau du sol: bilan hydrique Précipitations: Climat, interceptions par le feuillage Evapotranspiration ETP, Indice foliaire, gs composition floristique Sol capacité de rétention Profondeur, volume exploré par les racines Instant t, station s, individu i, de l’espèce e Exposé à une certaine contrainte hydrique Drainage
L’eau du sol est absorbée par les racines Circulation de l’eau dans l’arbre La sève s’évapore dans les feuilles en passant à travers les stomates La sève brute circule dans l’aubier Aubier Bois de coeur L’eau du sol est absorbée par les racines dans des vaisseaux et des trachéides
P sortie = P réservoir – R*F P sève = Psol – R*F Circulation de l’eau dans l’arbre: analogie hydraulique Préservoir Résistance hydraulique R Humidité du sol, longueur du trajet, diamètre des vaisseaux Psol Psève Flux d’eau F Régulée par l’ouverture du robinet Flux d’eau F Régulée par l’ouverture Des stomates Résistance hydraulique R (longueur, diamètre du tuyau) Psortie DP = R* F P sortie = P réservoir – R*F P sève = Psol – R*F
P sève = Psol – R*F Psol F R P sève F P sève Validation expérimentale Relation hydriques au cours d’une journée P sève Psol F R F P sève = Psol – R*F P sève
Contrainte hydrique édaphique et contrainte hydrique dans l’arbre L’eau est maintenue dans les pores du sol par des forces capillaires = Psol (potentiel hydrique du sol) Physique de l’eau dans le sol Au cours d’une sécheresse, l’eau se rétracte dans des pores de plus en plus petits
Physique de l’eau dans le sol La sécheresse diminue la conductivité hydraulique du sol La sécheresse diminue le potentiel hydrique du sol Bréda et al 1995
Effets d’une sécheresse sur le fonctionnement hydrique de l’arbre Psol diminue R augmente P sève est régulée par la diminution de transpiration Noyer P sève = Psol – R*F
Statut hydrique de l’arbre Paramètre clé pour la réponse des arbres à la sécheresse Variable clé: Pression de sève, Potentiel hydrique Y (MPa, bar) Plus Psève est négative plus l’arbre est stressé. Chambre à pression
Sensibilité à la sécheresse Réponse d’un processus physiologique à la contrainte hydrique (Psève) Un processus est d’autant plus sensible à la sécheresse qu’il est affecté par des contraintes hydriques faibles (Psève élevées) Quels processus? Croissance, production de bois Mortalité, survie Floraison, fructification Production de latex (Hévea) et de résines (Pins) Résistance à des pathogènes - Contrainte hydrique + 1 2 3 - sensible +sensible Processus
Conductance stomatique Processus physiologiques affectés par la sécheresse 100 80 Croissance racinaire 60 Intensité du processus Embolie Croissance diamètre Conductance stomatique Photosynthèse 40 20 10 20 30 Temps (jours) - + Sécheresse Modifié d’après MB Bogeat
Sensibilité de la croissance des arbres à la sécheresse Dendromètres automatiques Arrêt Irrigation Irrigation La croissance radiale s’arrête très précocement
Variations inter-annuelles de la croissance radiale des arbres 25 50 75 100 déficit hydrique (mm) 60 80 120 140 indice croissance (%) 1964 1968 1972 1976 1980 1984 1988 1992 1996 Les variations interannuelles de croissance radiale (mesures dendrochronologiques) sont corrélées au déficit hydrique saisonnier du sol (calculé rétrospectivement par bilan hydrique journalier) N. Bréda, 1998
Conductance stomatique Sensibilité de la croissance à la contrainte hydrique selon les espèces Croissance = eau (régulation stomatique, pression de turgescence, osmorégulation) + carbone (réserves, photosynthèses) Temps (jours) 10 20 30 40 60 80 100 Photosynthèse Conductance stomatique Efficience d’utilisation de l’eau WUE = Photosynthèse/Transpiration améliorée par la sécheresse
Relation linéaire entre WUE et d13C
+ WUE - En conditions de sécheresse, relation positive entre WUE et croissance
Processus de survie: stratégie de résistance à la sécheresse Échappement : perte des feuilles pendant la saison sèche Évitement : Retarde le développement d’une contrainte hydrique dans l’arbre: fermeture stomatique, croissance racinaire Tolérance: Augmentation de la résistance à la contrainte hydrique (résistance à la cavitation)
Stratégie d’évitement: fermeture stomatique Diminution de la transpiration foliaires La fermeture stomatique réduit progressivement la transpiration : économise l’eau du sol
Stratégie d’évitement: fermeture stomatique Contrôle de la contrainte hydrique dans l’arbre Noyer P sève = Psol – R*F
Stratégie d’évitement: fermeture stomatique Sensibilité à la sécheresse selon les espèces Economie l’eau du sol n’explique pas, seul, la sensibilité des espèces
Stratégie de tolérance: résistance à la cavitation Une limitation physique au transfert de l’eau sous tension Forces sur H2O : Cavitation Embolie gaseuze
% perte de conductance hydraulique Technique de mesure de l’embolie (Sperry et al 1988) www.instrutec.fr XYL’EM Conductance Initiale PLC = 1- Conductance Saturatée Conduit embolisé % embolie = % perte de conductance hydraulique
Utilisation de la force centrifuge pour induire l’embolie (Cochard 2002) Conductance du segment: K= (dr/dt) / 0.5 r w2 [R2 – (R-r)2] Microscope r 0.5 1 Light Réservoir Amont Aval Microscope Pression négative de sève P= -0.5 r w2R2
Courbes de vulnérabilité à l’embolie Pcav= -2.5 MPa P50 = -3.2 MPa Pinus sylvestris
Sensibilité à la cavitation selon les espèces
Sensibilité à la cavitation et résistance à la sécheresse
Stratégies de résistance à la sécheresse: évitement et tolérance
Stratégies de résistance à la sécheresse: évitement et tolérance La majorité des ligneux Pression de sève -2 -4 Ouverture stomatique Embolie Certains ligneux (Cèdres, Pins) Ouverture stomatique Embolie -4 -2 Pression de sève
« coût » de la résistance à la cavitation ?
Des effets à très long terme Défoliations Bombyx 50 100 150 200 250 Largeur de cerne (1/100 mm) 1900 1910 1920 1930 1940 1950 1960 1970 1980 1990 2000 sécheresse sécheresse Dépérissement Mortalité 40 ans après … 70 ans après … Chênaies en Forêt de Haguenau, Bréda & Dupouey, 1998
Conclusions Grande diversité de sensibilité à la sécheresse des espèces Cette sensibilité dépend de nombreux paramètres: Environnement Processus physiologiques Dimension temporelle
Sensibilité des espèces forestières à la sécheresse Hervé COCHARD * Jean-Marc GUEHL, Nathalie BREDA, Thierry AMEGLIO *UMR-PIAF, INRA site de Crouël, 63100 Clermont-Ferrand cochard@clermont.inra.fr
Dépérissement et intensité des déficits hydriques Quercus petraea Indice de croissance (%) 20 40 60 80 Déficit hydrique Quercus robur 200 Dépérissement Mortalité 175 150 125 100 75 50 1964 1968 1972 1976 1980 1984 1988 1992 Forêt de la Harth France, N. Bréda, 1998
L’eau, l’arbre et la forêt Climat: précipitations, ETP Forêt : sylviculture compétition autres individus L’arbre: espèce, Individu, physiologie Le sol : réserve utile en eau
Contrainte hydrique édaphique subie par un arbre Volume racinaire disponible : Profondeur d’enracinement Compétition avec d’autres individus Densité racinaire Transpiration foliaire Caractéristiques physiologiques spécifiques Rapport surface foliaire / surface racinaire