CIRCUITS NEURONAUX DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET INTÉGRATIONS SENSORI-MOTRICES CIRCUITS EXCITATEURS OU INHIBITEURS ALIMENTÉS PAR LES AFFÉRENCES PROPRIOCEPTIVES MUSCULAIRES ET LEUR CONTRÔLE SUPRASEGMENTAIRE R. KATZ rose.katz@chups.jussieu.fr
Les fonctions motrices comprennent trois composantes : Tonus musculaire Maintien postural assurant entre autres chez l’Homme la station bipède Mouvements permettant au corps de diriger son action dans l’espace environnant Elles s’expriment toutes par la contraction musculaire qui est sous la dépendance directe des motoneurones L’activité des motoneurones est le reflet du fonctionnement combiné de diverses structures du système nerveux central : cortex moteur, cervelet, noyaux gris de la base, système vestibulaire, réseaux neuronaux de la moelle épinière
Les techniques expérimentales développées chez l’animal pour démembrer ces systèmes complexes se sont tout d’abord basées sur des préparations réduites : décérébrées, spinalisées, anesthésiées, curarisées) afin de permettre une étude spécifique de chacune d’entre elles Elles ont conduit dans un premier temps à une conception « segmentarisée » et « hiérarchique » du système nerveux. Les réflexes : Activités motrices innées, reproductibles, prédictibles, toujours identiques en réponse à un stimulus donné Les activités « automatiques ou programmées » : locomotion, respiration, comportement de grattage, mastication Les mouvements volontaires ou intentionnels
Le développement récent des nouvelles techniques de neurophysiologie et d’imagerie permet d’étudier ces circuits chez le singe éveillé et chez l’Homme dans des situations de vie «réelle » Elles conduisent à une conception plastique et dynamique du système nerveux Unités fonctionnelles de base : réseaux neuronaux situés au niveau de la moelle épinière (et du tronc cérébral) responsables d’une activité motrice de base Coordination entre muscles synergistes Inhibition entre muscles antagonistes Sélection par les centres supra-segmentaires de ces unités fonctionnelles de base selon que le sujet « décide » de marcher, courir, attraper un objet avec parallèlement une modulation de la commande descendante par les afférences sensitives
Mise en place des structures du système nerveux et musculo-squelettique impliquées dans la réalisation des fonctions motrices
Voie corticospinale 4 3 2 1 4 3 2 1 Cortex moteur Thalamus Capsule interne 3 Mésencéphale 2 Bulbe Pyramide bulbaire Décussation des pyramides 1 Moelle épinière Faisceau corticospinal
INNERVATION MOTRICE DES MUSCLES SQUELETTIQUES Motoneurone Motoneurone Fibres extrafusales Fibres intrafusales
REPARTITION DES FUSEAUX NEUROMUSCULAIRES DANS DEUX MUSCLES DU CHAT SOLEUS LAT GASTROC (d’après Chin, Cope et Pang 1962) 5 cm 7 mm
INNERVATION SENSITIVE DES MUSCLES SQUELETTIQUES Fibres Ia Récepteurs non spécifiques fuseaux neuromusculaires et organes tendineux de Golgi Capsule fibreuse Fibres musculaires Capsule de l’organe tendineux de Golgi Fibre Ib Fibres collagènes Tendon
Fuseau neuromusculaire Tendon du quadriceps Afférence Ia Quadriceps Motoneurone a Fuseau neuromusculaire Tendon du quadriceps Figures 17, 20
Structures cérébrales : - Cortex - Noyaux gris... Faisceaux corticospinaux Interneurones spinaux Motoneurones Fibres afférentes périphériques Structures médullaires : - interneurones - motoneurones Fibres musculaires force développée par la contraction Récepteurs sensitifs sensibles aux modifications de positions des segments de membres
Inh Exc
PLAN DE L’EXPOSÉ Moyens d’étude de l’excitabilité des motoneurones chez l’Homme Les connexions monosynaptiques Ia-MN Le contrôle de l’efficacité de la volée afférente Ia L’inhibition présynaptique La dépression homosynaptique L’inhibition disynaptique L’inhibition réciproque Ia L’inhibition Ib L’inhibition entre muscles du poignet Le relais propriospinal Quelques exemples des régulations des circuits spinaux au règlements physiopathologiques
Stimulation magnétique ACCÈS AUX STRUCTURES NERVEUSES IMPLIQUÉES DANS LE CONTRÔLE MOTEUR CHEZ L’HOMME Activité corticale et sous-corticale : - PETscan - IRMf - EEG et MEG Stimulation magnétique transcorticale Pas d’accès direct au motoneurone Mais l’EMG reflète l’activité motoneuronale Activation des motoneurones par : - Réflexes monosynaptiques (H ouT) -autres réflexes - activation volontaire : EMG/PSTH
Le Post-Stimulus Time Histogram (PSTH) Le réflexe H Motoneurone Amplitude Le Post-Stimulus Time Histogram (PSTH) 100 mV 50 ms N PUMs L’EMG redressé 10 15 20 25 30 Latence (ms) contrôle moyen % EMG 100 80 120 contrôle Conditionné MC 0,8 SM
I = 9 mA I = 15 mA I = 30 mA Amplitude H et M Amplitude H et M Latence (en msec) I = 9 mA -0,75 -0,5 -0,25 0,25 0,5 -20 20 40 60 80 Amplitude H et M -1,5 -1 -0,5 0,5 1 -20 20 40 60 80 Latence (en msec) I = 15 mA Amplitude H et M -3 -2 -1 1 2 -20 20 40 60 80 Latence (en msec) I = 30 mA Amplitude H et M
M H METHODOLOGIE : LE REFLEXE H (1) I = 9mA I = 12mA I = 15mA Latence (ms) 20 40 60 I = 30mA 5 10 15 25 30 35 1 2 3 4 Intensité de la stimulation (mA) Amplitude du réflexe H et de la réponse M en % de Mmax H M Réflexe H : activation réflexe des motoneurones par la stimulation des afférences Ia Réponse motrice directe (M) : activation orthodromique des axones moteurs
Taux de facilitation : 20% ST METHODOLOGIE : LE REFLEXE H (2) Amplitude du réflexe test SC réflexe conditionné SC inhibitrice : SC facilitatrice : 80% de sa valeur contrôle Taux d‘inhibition :20% 120% de sa valeur Taux de facilitation : 20% Les modifications de l ’amplitude du réflexe H reflètent l ’excitabilité motoneuronale
Enregistrement uniquement au cours de la contraction musculaire Evalue les modifications de la probabilité de décharge d’une unité motrice activée volontairement, sous l’influence d’une stimulation conditionnante Explore l’excitabilité d’un seul MN Enregistrement uniquement au cours de la contraction musculaire
LES CONNEXIONS MONOSYNAPTIQUES FACILITATRICES Ia • les connexions homonymes : le réflexe myotatique • les connexions Ia hétéronymes : la base des synergies
Afférences Ia Motoneurone Muscle
Réflexe myotatique 1 2 0,5 ms Afférence Ia Quadriceps Motoneurone a Fuseau neuromusculaire Tendon du quadriceps Figures 17, 20 Les afférences Ia s’articulent sur les motoneurones a. La latence centrale de 0,5ms de cet effet est compatible avec une connexion monosynaptique.
Réflexe myotatique Afférence Ia Poids Motoneurone a Charge Longueur du muscle Afférences Ia MN a Afférence Ia Motoneurone a Poids 3.1. Arc réflexe monosynaptique. 3.1.1. Réflexe myotatique (figure 16).
Projections monosynaptiques Ia Hétéronymes au membre inférieur Pierrot-Deseilligny & Burke, 2005
Projections hétéronymes monosynaptiques Ia Soleus Tibialis anterior Groupe Ia Quadriceps Exemple au membre inférieur : 3.1.4. Projections hétéronymes monosynaptiques Ia (figure 19).
Motoneurones explorés
Moelle cervicale Développement des contrôles inhibiteurs. Rôledans la sélectivité de la contraction sous-tendant les gestes fins du membre supérieur Moelle lombaire Apparition de connexions facilitatrices entre groupes musculaires de la jambe et de la cuisse. Rôle dans la sécurisation de l ’appui unipodal.
Les projections excitatrices Ia hétéronymes peuvent permettre les co-contractions des muscles qu’elles relient entre eux, mais selon le type de mouvement souhaité, il peut être nécessaire de sélectionner la contraction de certains muscles, particulièrement dans le cas de ceux qui peuvent agir soit comme des agonistes, soit comme des antagonistes. Par exemple, selon que l’on s’incline en avant ou en arrière, le quadriceps peut être en synergie soit avec le soléaire, soit avec le jambier antérieur.Il existe un dispositif qui contrôle les fibres Ia : c’est l’inhibition présynaptique
Inhibition présynaptique MN Ia Dépression homosynaptique 2 s 8 s MN Ia
INHIBITION PRESYNAPTIQUE ETUDE CHEZ LE CHAT
Inhibition présynaptique Phénomène diffus, met en jeu un réseau d’interneurones inhibiteurs (PAD) Inhibition des fibres Ia des fléchisseurs activée par des fibres afférentes issues des fléchisseurs et extenseurs ipsilatéraux inhibée par les afférences cutanées et II et III.
MNa PROJECTIONS SEGMENTAIRES ET SUPRASEGMENTAIRES (CHAT) Rs Cs Cut Vs Cs : tractus corticospinal Rs : tractus rubrospinal Cut Cut : Afférences cutanées Ib Ia Ia : fibre afférente Ia Ib : fibre afférente Ib ARF(i) ARF(i) : Afférences du réflexe de flexion ipsilatéral Vs Vs : tractus vestibulospinal RsB(i) RsB(i) : tractus réticulospinal bulbaire ipsilatéral Adapté de Jankowska, 1992 MNa Muscle de la patte postérieure Fibre afférente Ia Fuseau neuromusculaire Réseau d’interneurones de l’inhibition présynaptique
INHIBITION PRÉSYNAPTIQUE DES FIBRES Ia Franck et Fuortes (1957) : enregistrements intracellulaires des motoneurones ont montré qu’un PPSE évoqué dans un motoneurone par la stimulation des afférences Ia peut-être diminué par une stimulation dite conditionnante sans modification des propriétés membranaires du motoneurone (chat). Latence d’apparition de 1,5 à 1,8 ms impliquant la mise en jeu d’au moins deux interneurones (pour revue, Jankowska , 1992). Il s’agit d’un phénomène prolongé dont la durée est de 200 à 300 ms. Neuromodulation L’inhibition présynaptique s’exerce sur les terminaisons des afférences Ia par l’intermédiaire de synapses axo-axoniques inhibitrices GABAergiques. Rôle Diminution de l’efficacité de la transmission synaptique entre la fibre Ia et le motoneurone a.
De Gail, Lance & Neilsson, 1966 The vibration paradox De Gail, Lance & Neilsson, 1966 Delwaide 1971
L ’INHIBITION PRÉSYNAPTIQUE ECR Interneurone inhibiteur Ia Afférences Ia FCR MN Afférences Ia ECR Inhibition D1 présynaptique Amplitude du réflexe H du FCR conditionné (en c% de sa valeur contrôle) 50 100 150 200 -5 5 10 15 20 25 30 Intervalle entre les simulations conditionnante et test (ms)
INHIBITION D1 = INHIBITION PRÉSYNAPTIQUE ? Afférences Ia ECR FCR Stimulation radial médian Stimulation magnétique transcrânienne Amplitude du réflexe test réflexe conditionné Stimulation radial magnétique PEM test PEM conditionné
Inhibition présynaptique Patients hémiplégiques et paraplégiques FCR Presynaptic Inhibition Right side of tetraplegic patients 40 60 80 100 Amplitude of conditioned reflex (% of its control value Upper limb Lower limb Healthy subjects Non hemiplegic side Hemiplegic side 120 Left Side of tetraplegic Inhibition présynaptique Patients hémiplégiques et paraplégiques
La dépression homosynaptique : un autre mécanisme de filtrage de l’efficacité des afférences monosynaptiques Ia
Inhibition présynaptique MN Ia Dépression homosynaptique 2 s 8 s MN Ia
Effets de la fréquence de stimulation sur la taille du réflexe H Libération du transmetteur 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 20 30 40 50 60 70 Intervalle entre les stimulations (sec.) Amplitude du réflexe H FCR Afférences Ia
LES MECANISMES POST-SYNAPTIQUES INHIBITEURS • Inhibition réciproque Ia • Inhibition Ib
INHIBITION RECIPROQUE Ia
INHIBITION RÉCIPROQUE 1 2 1 ms 3.2. Circuits oligosynaptiques inhibiteurs. 3.2.1. Inhibition réciproque (figures 21, 22).
INHIBITION RECIPROQUE CHEZ LE CHAT
Mécanismes post-synaptiques inhibiteurs se projetant sur les MN Décours temporel de l’inhibition réciproque au coude: A = Biceps brachial B = Triceps brachial Le relâchement de l’antagoniste pendant une contraction musculaire = lié à une inhibition active des MNs de l’antagoniste.
Interneurone Ia � fléchisseur Extenseur � � Moelle épinière Fibre Ia MN Interneurone Ia � fléchisseur Extenseur Fibre Ia Moelle épinière � � Le circuit de l’inhibition réciproque est donc simple : une fibre afférente (Ia), un interneurone, le motoneurone innervant le muscle antagoniste Mais ce réseau neuronal très simple est en fait contrôlé par des circuits neuronaux situés au niveau médullaire et au niveau suprasegmentaire
Connexions de l’interneurone Ia D’après Baldissera, Hultborn, Illert Handbook of Physiology, 1981
INHIBITION Ib
Réflexe en canif ou réflexe myotatique inverse Organe tendineux de Golgi Afférence Ib Os Interneurone inhibiteur Motoneurone a Rôles de ce rétrocontrôle proprioceptif : Conditions extrêmes : protection du muscle d’une trop grande tension. 3.2.4. Réflexe en canif ou réflexe myotatique inverse (figure 25). En raison des difficultés d’exploration des seules afférences Ib, le rôle de telles connexions reste mal connu dans les conditions physiologiques.
Ia Ib interneurone Ib Oppint CoFRA + FRA Ia interneurone
INHIBITION DISYNAPTIQUE ENTRE MUSCLES DU POIGNET
L ’INHIBITION DISYNAPTIQUE ET PRÉSYNAPTIQUE ENTRE FLECHISSEURS ET EXTENSEURS DU POIGNET ECR Interneurone inhibiteur Ia Afférences Ia FCR MN Afférences Ia ECR Inhibition D1 présynaptique Amplitude du réflexe H du FCR conditionné (en c% de sa valeur contrôle) 50 100 150 200 -5 5 10 15 20 25 30 Intervalle entre les simulations conditionnante et test (ms)
Caractérisation du circuit de l’inhibition disynaptique
Faisceau corticospinal Noyaux gris de la base Faisceau corticospinal Interneurones spinaux Fibres afférentes périphériques Motoneurones spinaux
voie normale chez l ’hémiplégique Témoin Hémiplégique -80 -60 -40 -20 20 30 40 50 60 Latence (ms) EMG conditionné (% EMGcontrôle) atteint sain droit gauche Cutanées Propriospinal Corticospinal Formation réticulée Propriospinal Afférences Cutanées Corticospinal Lésion voie normale chez l ’hémiplégique
Cortex cérébral Noyau propriospinal Inhibition présynaptique MN antagoniste agoniste Réciproque Ib Renshaw