L’éjaculation précoce et son traitement : Le critère d’une minute maximum de pénétration en question Philippe Kempeneers Université de Liège (B) Clinique.

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L’éjaculation précoce et son traitement : Le critère d’une minute maximum de pénétration en question Philippe Kempeneers Université de Liège (B) Clinique Psychiatrique des Frères Alexiens (B)

Définition de l’EP : éléments de consensus 1.Rapidité de survenue du réflexe éjaculatoire 2.Faible sentiment de contrôle 3.Sentiment de détresse et d’insatisfaction sexuelle

Définition de l’EP : éléments de divergences Rapidité de survenue du réflexe éjaculatoire – Avant le moment souhaité (subjectivité stricte) ? – En deçà d’un temps pénétration vaginale (« Intravaginal Ejaculatory Latency Time – IELT ») déterminé et objectivé (IELT < 1min) ?

Prévalence de l’EP Généralement estimée autour de % Moins de 5% si on ne teint compte que des latences < 1 min 4

Critère de rapidité « IELT » (Intravaginal Ejaculatory Latency Time)

Critère de rapidité Qu’est-ce qui est perçu comme « normal » par les hommes ?

Critère de rapidité Sondage auprès des sexologues Too short

Critère de rapidité IELT (minutes) Patrick et al. (2005) – USA sujets – critères DSM Sujets EP : 1,8 minutes (médiane) – 3 min (moyenne) Sujets non EP : 7,3 minutes (médiane) – 9,2 min (moyenne) Giuliano et al. (2008) – Union européenne – 1115 sujets – critères DSM Sujets EP : 2 minutes (médiane) – 3,3 min (moyenne) Sujets non EP : 8 minutes (médiane) – 10 min (moyenne) Recouvrements importants entre 2 et 4 minutes

Objection au sein de l’ISSM, principalement portée par McMahon et Waldinger (McMahon et al. 2008) Il semble possible de caractériser l’EP primaire et généralisée (« Lifelong PE ») comme survenant endéans 1 à 2 minutes de pénétration 110 men with complaint of lifelong PE IELT : 40% < 15 sec ; 70% < 30 sec ; 90% < 1 min ; presque 100% < 2 min (Waldinger et al., 1998) Faux négatifs < 1% → DSM-5

Le problème avec la définition de l’EP primaire (IELT < 1-2 min) proposée par l’ISSM Manque d’études confirmatoires – McMahon (2002) : méthodologie non-précisée Études contradictoires : – Giuliano et al. (2007) ; Patrick et al. (2005) : respectivement 44% et 48 % des sujets EP présentent un IELT > 2 min (mais pas de distinctions entre les sous-types d’EP) – Kempeneers et al. (2013) : 26% des sujets présentant une EP primaire et généralisée rapportent une latence > 2 min (mais auto-estimations) – McMahon et al. (2012) : 74% des sujets EP (diagnostic PEDT) rapportent une latence > 2 min

Pourquoi retenir un seuil maximal d’une minute de pénétration comme critère définitionnel du trouble à partir d’évidences scientifiques aussi faibles ? Hypothèse : La visée ne serait-elle pas essentiellement de justifier une approche médicamenteuse du problème ?

Indicateurs physiologiques Temps Le problème Norme statistique (IELT « normal ») Valeur maximale d’IELT pour un sujet EP tel que caractérisé par la proposition de l’ISSM Durée moyenne de stimulation nécessaire à l’orgasme féminin « 5 à 25 min chez la femme contre 4 à 7 min chez l’homme » (Nagoski, 2010) Norme socioculturelle (IELT perçu comme « souhaitable » ou « normal »)

Coït «naturellement rapide » en regard des aspirations

Coït «naturellement rapide » Thèse évolutionniste (Hong, 1984) Rongeurs : < 15 sec Chat : < 5 sec Lion : < 20 sec Éléphant : < 30 sec Gorille : 30 sec – 4 min Bonobo : < 15 sec Valeur adaptative de la rapidité ?

Coït «naturellement rapide » en regard des aspirations Mais plasticité de la constitution (sensibilité avérée de l’EP aux facteurs d’apprentissage -> voir revues Melnik et al., 2011; Kempeneers et al., sous presse ) – Adaptation comportementale ± spontanée aux fins d’une optimalisation du plaisir – Plaintes : 15 à 30% de la population Deux stratégies d’aide : – TCC : favoriser des apprentissages propices à une gestion optimale de l’excitation – Pharmacothérapie : agir chimiquement sur la transmission nerveuse

Indicateurs physiologiques Temps Plaintes EP : 15 à 30 % de la population Norme statistique (IELT « normal ») Valeur maximale d’IELT pour un sujet EP tel que caractérisé par la proposition de l’ISSM Norme socioculturelle (IELT perçu comme « souhaitable » ou « normal ») Aide psycho-sexologique éthiquement acceptable

Indicateurs physiologiques Temps Plaintes EP : 15 à 30 % de la population Norme statistique (IELT « normal ») Valeur maximale d’IELT pour un sujet EP tel que caractérisé par la proposition de l’ISSM Norme socioculturelle (IELT perçu comme « souhaitable » ou « normal ») Aide psycho-sexologique éthiquement acceptable Aide pharmacologique éthiquement contestable (effets secondaires ? « médicalisation de la normalité » ? « dopage » ?)

Indicateurs physiologiques Temps « Trouble EP » = plainte + IELT < 1-2 min < 5% de la population Norme statistique (IELT « normal ») Valeur maximale d’IELT pour un sujet EP tel que caractérisé par la proposition de l’ISSM Norme socioculturelle (IELT perçu comme « souhaitable » ou « normal ») EP sévère = « anomalie » neurobiologique >> « correction » pharmacologique légitime

Indicateurs physiologiques Temps « Trouble EP » = plainte + IELT < 1-2 min < 5% de la population Norme statistique (IELT « normal ») Valeur maximale d’IELT pour un sujet EP tel que caractérisé par la proposition de l’ISSM Norme socioculturelle (IELT perçu comme « souhaitable » ou « normal ») EP sévère = « anomalie » neurobiologique >> « correction » pharmacologique légitime Traitement psycho-sexologique inefficace >> Traitement pharmacologique nécessaire

Indicateurs physiologiques Temps « Trouble EP » = plainte + IELT < 1-2 min < 5% de la population Norme statistique (IELT « normal ») Valeur maximale d’IELT pour un sujet EP tel que caractérisé par la proposition de l’ISSM Norme socioculturelle (IELT perçu comme « souhaitable » ou « normal ») EP sévère = « anomalie » neurobiologique >> « correction » pharmacologique légitime Traitement psycho-sexologique inefficace >> Traitement pharmacologique nécessaire ? ?

EP primaire sévère (IELT < 1 min) = trouble essentiellement neurobiologique ? Argument 1 Le seuil d’une minute ramène la prévalence des hommes touchés à une proportion analogue à ce que l’on trouve dans la plupart des maladies organiques (ostéoporose, diabètes, MCV)  Syllogisme Argument 2 Implication de variables constitutionnelles – Héritabilité de l’EP : 28% (Jern et al., 2007) – Variante LL du gène 5-HTLPR : durées de pénétration plus courtes (Janssen et al., 2009) – Influence du milieu hormonal (Corona et al., 2011)  Rien ne permet de conclure que ces variables jouent un rôle exclusif ou même prédominant dans les EP sévères

Traitements psycho-sexologiques inefficaces dans les EP sévères (IELT < 1 min) ?  Au moins trois essais cliniques démentent le propos – De Sutter et al. (JTCC, 2002) – De Caruffel & Trudel (J Sex Marital Ther, 2006) – Kempeneers et al. (J Sex Med, 2012) Améliorations de moindre ampleur dans les EP sévères mais néanmoins présentes, comme avec les traitements médicamenteux (Waldinger, 2007)

Conclusions  Il semble « prématuré » de fonder le diagnostic d’EP sur un IELT < 1 min. Ce critère détermine plutôt un gradient de sévérité du trouble  L’état actuel des connaissances ne permet pas d’affirmer que les formes sévères d’EP relèvent d’un trouble neurobiologique traitable seulement par voie médicamenteuse  L’indication d’un traitement sexo- ou pharmacothérapeutique ne semble pas pouvoir se trancher sur la base de l’IELT  En raison de possibles effets secondaires, les traitements médicamenteux ne devraient idéalement pas être proposés en première intention, même en cas d’IELT < 1 min.  La sexothérapie est moins aisément accessible (implication personnelle, coût, insuffisance relative de l’offre de soins) -> en cas d’impossibilité ou d’inefficacité, la pharmacothérapie ne devrait pas être écartée même pour les IELT > 1min.  L’effet combiné des deux stratégies gagnerait à être étudié et exploité, en particulier pour les formes sévères d’EP résistantes aux deux types de traitement