Cours de psychiatrie DCEM 3 Année universitaire 2011-2012 Dr Agathe BENOIT de COIGNAC (CCA) agathe.benoit@avc.aphp.fr Conférence d’introduction
DOSSIER N° 1 - 2010 ENONCE Une femme âgée de 24 ans, célibataire, est amenée en consultation par ses parents, suite à son renvoi d'un stage. Son employeur lui reproche son comportement (des colères explosives, des cris, des injures, et même des ébauches d'agressions envers ses collègues). Dans son long monologue, débité d'une voix monocorde, elle se dit trahie par son employeur. Elle aurait perçu des regards accusateurs de la part des autres employés et entendu leurs rires moqueurs. Elle évoque pêle-mêle : - "L'intrusion intolérable" et les commentaires de ses collègues qui l'auraient "obligée à être inconsciente", "rendue nerveuse" et l'"inciteraient au suicide". - des "douleurs aux veines" : "c'est toujours les veines qui m'attaquent en premier" ; elle éprouve aussi la sensation de "tuyaux dans sa tête prêts à éclater" signant l'imminence d'une "démantibulation". D'après elle, ses intestins ont cessé de fonctionner depuis plusieurs mois. - des sensations étranges, d'être "habitée", ou « ensorcelée ». - une lutte incessante contre l'idée de suicide qui lui apparaît tantôt comme imposée par une force extérieure, tantôt comme un choix volontaire, seule issue "à la guerre froide" qui l'oppose à son environnement. Elle déclare : "lorsque je vais m'endormir, je sens que je vais mourir définitivement, de toute façon, ça ne changera rien, je n'ai jamais su si j'étais à moitié morte ou à moitié vivante. La vie m'oblige à vivre, je suis un peu vide, je suis programmée comme un ordinateur ». Les parents de la patiente rapportent qu'à la fin de l'adolescence, elle a commencé à s'isoler, à se montrer irritable sans raison. Depuis qu'elle a obtenu son baccalauréat, elle a échoué dans ses tentatives d'insertion professionnelle et s'est coupée de ses relations sociales. Elle restait de plus en plus souvent sur son lit, à écouter de la musique, son baladeur sur les oreilles.
Première partie : orientation diagnostique QUESTION n°: 1 Quel diagnostic vous paraît le plus probable ? Argumentez votre réponse. QUESTION n°: 2 Quelles informations complémentaires sont à rechercher auprès de la patiente ou de ses proches ? QUESTION n°: 3 Quel(s) autre(s) diagnostic(s) pourriez-vous évoquer et sur quels arguments ?
QUESTION n°:1 Seule la clinique vous guide pour répondre à cette question d’orientation diagnostique TERRAIN : Anamnèse patient, ATCD personnels et familiaux (++troubles humeur): lire tout le dossier sémiologie psychiatrique++: faire une analyse sémiologique du texte (permet d’argumenter) Connaître très bien DIAGNOSTICS DIFFERENTIELS psy et toujours éliminer une organicité+++(PMZ)
TERRAIN Femme jeune Difficultés professionnelles ATCD personnels psychiatriques Début à l’Adolescence : rupture fonctionnement psychique Irritablité Apragmatisme repli relationnel Très fréquent : entrée dans la schizophrénie Beaucoup moins classique : troubles de l’humeur Désinsertion socio professionnelle: retentissement des troubles symptomatologie hallucinatoire? (baladeur sur les oreilles et psychiatrie)
Analyse sémiologique question 1 Deux étapes Synthétique : quelles sont les hypothèses diagnostiques Puis préciser,caractériser plus finement pour ne rien oublier Exemple : 1ère étape Délire Syndrome dissociatif Idées suicidaires Tristesse de l’humeur
Hypothèses diagnostiques Recrudescence délirante chez une patiente présentant une schizophrénie paranoïde Mélancolie délirante Bouffée délirante aigue Causes organiques : neuro Pharmacopsychose
Q1: Diagnostic le plus probable Recrudescence délirante chez une patiente présentant une schizophrénie paranoïde Terrain : femme jeune, début des troubles à l’adolescence Délire et Syndrome dissociatif
Deuxième étape (1) Caractériser DELIRE (« tomate »=memo) terrain Mécanismes : interprétatif, imaginatif, hallucinatoire, automatisme mental Thèmes : polymorphes (BDA), erotomaniaque, mystique, persécutif, mégalomaniaque, jalousie, cosmique…etc Organisation : systématisé ( secteur ou réseau) ou non Adhésion au délire : critique ou non son délire : adhésion aux soins Affectif (participation): éléments thymiques ou anxieux Evolution : Aigu /chronique : 6 mois d’évolution Aigu : causes organiques : neuro, pharmacopsychose, BDA Chronique : dissociatif ( scz) ou non (Délires paranoiaques, PHC,Paraphrénie)
Deuxième étape (2) Ici: Evolution Le plus probable: recrudescence d’un délire chronique Mais pas d’argument de certitude par rapport à un épisode délirant antérieur (dépression atypique, pharmacopsychose?) Dans les HD : on ne peut pas trancher entre aigu et chronique
Deuxième étape (3) Mécanismes : multiples Thèmes Hallucinatoire : hallucinations intrapsychiques, automatisme mental RAPPEL : AUTOMATISME MENTAL Hallucinations intrapsychiques Injonctions hallucinatoires « suicide sous l’emprise d’une force extérieure », « être téléguidée comme un ordinateur » +/- commentaire des actes Interprétatif Thèmes Persécutif : « trahison », « regard accusateur », « rire moqueur » Organisation : non systématisé Affectif : participation affective forte : RISQUE +++ PASSAGE A L’ACTE ( auto/heteroagressif) Éléments thymiques mélancoliformes ANGOISSE MAJEURE
Syndrome dissociatif Dans les psychoses chroniques, ce syndrome caractérise les schizophrénies Morcellement du Moi et une altération de la logique de la pensée : DISCORDANCE Sphère affective Sphère intellectuelle Sphère comportementale
Syndrome dissociatif (2) Sphère affective Athymormie : émoussement affectif Ambivalence affective Sphère intellectuelle : Alogie : relâchement des associations Cours global de la pensée : altération du débit idéique : diffluence du discours BARRAGE : suspension brusque du discours FADING : ralentissement du discours, devient parfois inaudible, puis reprend son cours !
Syndrome dissociatif (3) Teneur du discours : impénétrabilité du discours : hermétisme Troubles du langage : altérations complexes sémantiques, syntaxiques, phonologiques, le langage peut être souvent précieux: maniérisme. Le langage n’est plus utilisé dans une logique de communication, mais au profit d’une symbolique personnelle, souvent hermétique. On parle parfois de logolatrie : culte des mots. Au maximum, quand le patient utilise un néolangage complètement incompréhensible, on parle de schizophasie Paralogismes : mots connus pris dans une acceptation personnelle Néologismes : mots entièrement nouveaux, souvent étranges Agrammatisme : mauvaise utilisation de la syntaxe
Syndrome dissociatif (4) Sphère comportementale bizarrerie CATATONIE Négativisme psychomoteur : clinophilie, refus de la main tendue, occlusion forcée des paupières, esquive du contact physique Inertie psychomotrice : suspension des gestes Catalepsie Flexibilité cireuse Conservation des attitudes imposées Hyperkinésie Parakinésies Stéreotypies verbales Parakinésies : paramimies, stéreotypies motrices Impulsions violentes, décharges motrices clastiques
Syndrome dissociatif (5) Ici : Discordance idéoaffective Dissociation intellectuelle alogie Néologisme : « démantibulation » hermétisme Dissociation affective
Idées suicidaires EVALUATION DU RISQUE SUICIDAIRE++: Prévention et prise en charge du risque suicidaire (dimension active dans les soins) : pmz Souffrance Intentionnalité suicidaire, idéations suicidaires : « scénarii suicidaires » Critique des idées suicidaires Impulsivité du patient Moyens à disposition Environnement++ Ne pas confondre idées suicidaires et dépression++
On a répondu à la Q1 et à la 3 et on peut répondre facilement à la Q2 ATCD personnels TS Episodes similaires Suivi antérieur: ttt, histoire pédopsy (difficultés de développement) Prise de toxiques ATCD familiaux Episodes délirants Troubles schizoaffectifs, troubles de l’humeur Signes neurologiques à l’interrogatoire
CONDUITES A TENIR EN PSYCHIATRIE ET ECN QUESTION n°: 4 Quelles mesures thérapeutiques proposez-vous dans l'immédiat ? QUESTION n°: 5 Si elle refuse le traitement qui lui est proposé, prétextant qu'elle n'est pas malade et que ses difficultés proviennent de son employeur, quelle décision doit être prise? Préciser les modalités de la mise en oeuvre de cette décision. QUESTION n°: 6 Quel projet thérapeutique envisagez-vous à plus long terme ? QUESTION n°: 7 Un an plus tard, au cours d'une consultation de suivi, vous revoyez la patiente. Son état clinique est satisfaisant mais vous constatez qu'elle a pris quinze kilos. Quelles mesures envisagez-vous ?
CAT: en urgence et à plus long terme EN URGENCE : CADRE+TRAITEMENT MED+ SURVEILLANCE Hospitalisation en urgence ( pmz) en psychiatrie (pmz) et dire sous quelles modalités d’hospitalisation (sous contrainte ou pas) : pmz +++ Prévention/Prise en charge du risque suicidaire( pmz) Prévention du risque de passage à l’acte hétéroagressif
Q4/ controversée En urgence Ttt anxiolytique/sédatif Ttt antipsychotique antidélirant/antiproductif En urgence, en pratique on ne donne pas de NLP de 2ème génération …
CAT à plus long terme Poursuite du suivi psychiatrique en ambulatoire++ Traitement antipsychotique Antipsychotique, NLP de deuxième génération Olanzapine/ risperidone En l’absence de CI: ATCD de syndrome malin des NLP Tjs faire un ECG avant la mise sous NLP ( espace QT) Prise en charge médico-sociales: Prise en charge multidisciplinaire ALD (pec à 100%) Mesures hygienodiététiques Surveiller le POIDS++ Psychothérapie De soutien Analytique, comportementale…systémique… Prise en charge de la dimension familiale
Q7 Bilan clinique et nutritionnel Bilan métabolique : glycémie, bilan lipidique Diminuer ttt à poso minimale efficace/ changement de ttt: evaluer bénéfices/risques Mesures hygiénodiététiques++
Ouvrages de référence 1) COURS DE PSYCHIATRIE Ouvrage de référence : Le Polycopié national de Psychiatrie www.univ-rouen.fr. Fiches par item La collection des conférenciers : Psychiatrie; Ringuenet D., Modenel C. Masson 2) DOSSIERS PREPARATION ECN Les 50 dossiers de Psy chez de Boeck Psychiatrie Auteur : Michaël SZPRYNC | Editeur : S ÉDITIONS Collection : Comprendre par les dossiers D2 / D3 3) Sites internet http://www.laconferencehippocrate.com http://projetbecool.fr/