Les effets du tournant gestionnaire dans les établissements de santé : quand le management n’est pas le problème mais la solution 19e Journées nationales d’études des cadres de santé « La transformation du travail d’encadrant de proximité » Montpellier - 23/01/2015 Anouk Grevin

L’impact du tournant gestionnaire « Tournant gestionnaire » des établissements de santé Introduction de nouveaux outils de gestion Nouveau management public Montée des contraintes industrielles, marchandes et événementielles Intensification physique et cognitive du travail Disparition des espaces de prise en charge collective des tensions Anouk Grevin, Montpellier, 23/01/2015

L’impact du tournant gestionnaire La multiplication des régulations externes : « Les réformes hospitalières, on est dans des vagues, dans des décrets, des circulaires qui sont quasi permanentes. Vous ne pouvez pas faire abstraction de cela, sinon vous mettez la structure contre un mur ! » (Direction, Soins de suite) La course à la qualité extrême « On a eu des montées, comme ça, de tellement vouloir être le meilleur élève, de la part des hiérarchies. (…) Il y a eu un niveau d’exigence, c’était débile. (…) Parce que vous n’avez pas le droit à l’erreur, il faut être parfait ici. » (Paramédical, Soins de suite) Anouk Grevin, Montpellier, 23/01/2015

Des cadres submergés Les cadres absorbés par des problématiques externes « Elles passent un temps fou dans leur bureau sans relever la tête, je me demande ce qu’elles peuvent faire. C’est phénoménal, elles doivent avoir du boulot, ça se voit, mais alors quoi ? » (AS, Clinique) L’alimentation continue des outils « Je croulais sous le travail à en pleurer parce qu’on était de moins en moins de responsables, on était sans arrêt en sous effectif, du coup il faut pallier aux manques de la collègue. Missions lourdes, plannings, calculs pour les ressources humaines, commandes… » (Cadre, clinique) Anouk Grevin, Montpellier, 23/01/2015

Réunionnite et « gestionnite » L’explosion des groupes de travail « On croule sous les réunions dans l’établissement, avec les accréditations, les trucs, les machins. » (IDE, Soins de suite) La multiplication des projets « On est tout le temps dans le projet, tout le temps débordés (…), on n’y arrive plus parce qu’il y a trop de projets en cours. » (Cadre, Soins de suite) Anouk Grevin, Montpellier, 23/01/2015

La disparition du dialogue Les cadres ne sont plus assez sur le terrain « [La responsable du bloc], faudrait presque envoyer un avis d’avocat avant pour avoir un rendez-vous. » (Brancardier, clinique) Les espaces de discussion sur le travail disparaissent « [Les réunions de service] elles sont de plus en plus rares, à cause de justement toutes les autres réunions, entre guillemets ! » (IDE, Soins de suite) Le dialogue n’a plus sa place « On a eu une super réunion pour nous expliquer l’organigramme, ça a duré 1h30… Par contre (…), ça aurait été évident qu’on commence par ‘‘Lundi on a eu un gros problème, quelqu’un veut en parler ?’’ » (IDE, Clinique) Anouk Grevin, Montpellier, 23/01/2015

Pouvoir parler du travail Les micro-problèmes ne sont plus traités « Il y a cette impression que ça ne remonte pas (…) c’est vrai ou pas, je sais pas. (…). Ça sème le discrédit parce que c’est des petits budgets. » (AS, Clinique) La parole devient malvenue « Ici on parle pas. (…) on n’est pas là pour se plaindre, on n’est pas là pour discuter du bien-fondé des choses, on est là pour bosser. Moi je le ressens très fort comme ça. » (Paramédical, Clinique) Les outils se substituent à la discussion sur le travail « [Les réunions] C’est plus pour quand eux ont des choses à nous dire, pas pour nous écouter. » (AS, Clinique) Anouk Grevin, Montpellier, 23/01/2015

Le malaise s’installe Le sentiment de ne pas être entendus « Moi ça me donne le sentiment d'être perçu par la direction comme vraiment, je dirais, du petit personnel, on est des pions qu'on déplace… » (IDE, Soins de suite) Retrait et engagement raisonné « On n’est plus motivées pour faire quoi que ce soit. Je suis motivée pour faire mon travail, mais faire autre chose en dehors, pourquoi se casser la tête, alors que là-haut, on n'est pas reconnaissant de tout ce qu'on fait ? » (AS, Soins de suite) Anouk Grevin, Montpellier, 23/01/2015

L’appel à la reconnaissance Un discours organisationnel contradictoire « On nous demande toujours plus. Toujours de faire de plus en plus de choses. Et en contrepartie on n'a rien en échange. (…) C'est toujours dans le même sens. » (AS, Soins de suite) L’attente d’un « jugement de beauté » de la hiérarchie « J'attends encore qu’on me dise merci, (…) merci d'avoir bossé sur le sujet. (…) Je ne demande pas qu'on m'augmente, mais qu'on me dise : c'est bien ce que vous avez fait, grâce entre autres à votre participation on a fait évoluer l'établissement. » (Paramédical, Soins de suite) Le manque de reconnaissance de l’investissement « Je me demande si on réalise tout le travail fait par l'ensemble du personnel. En dehors de leur travail propre, l'investissement. (…) On ne fait pas que notre travail et après voilà. » (IDE, Soins de suite) Anouk Grevin, Montpellier, 23/01/2015

Voir le travail et dire la gratitude « Ça sert à rien les coefficients, les machins, je calcule, il faut tant de personnel, non non, faut venir, faut venir travailler avec nous, faut voir ! » (Agent de stérilisation, Clinique) Dire la reconnaissance « [On attend] une reconnaissance du travail fait, et pas quelque chose de littéraire comme ça qui en fait, on sent qu’il y a pas de sentiment.» (AS, Clinique) Anouk Grevin, Montpellier, 23/01/2015

Un engagement sans retour Un dialogue de sourds « Moi je sens pas forcément de compréhension de leur part. Autant nous, en tant que cadre de proximité, elles sont notre priorité quotidienne, on pense qu’à elles et à la meilleure façon d’organiser leur travail… Il y a aucun retour ! » (Cadre, Clinique) Et pourtant l’engagement persiste « On court dans tous les sens pour faire en sorte que tout aille bien, et quand tout va bien, ils ne s’en rendent même pas compte qu’on court dans tous les sens. » (IDE, Clinique) Voir, reconnaître le travail invisible « L’important c’est d’être vu, c’est ce que j’ai compris. (…) personne ne me voit à la limite. Ils ignorent que je travaille là ! Ils ne savent même pas que je suis venue ! » (ASH, Soins de suite) Anouk Grevin, Montpellier, 23/01/2015

La relation s’effrite Les cadres sont ailleurs et ne voient plus le travail « [La cadre] On la voit jamais. Elle doit faire nos évaluations mais je pense qu’elle sait même pas comment on travaille. » (IDE, Clinique) Le dialogue s’éteint « Qui est-ce qui reste à l'écoute ? Vous voyez, si vous faites la déduction, il ne reste pas grand-chose. » (ASH, Soins de suite) Sentiment d’abandon et défiance « [Les cadres] Elles doivent certainement rendre énormément de comptes à leur responsable (…) du coup nous on se dit : ouh, on va pas aller… On se méfie en fait. » (AS, Clinique) Anouk Grevin, Montpellier, 23/01/2015

Les effets du tournant gestionnaire Les cadres sont aspirés par les tâches gestionnaires Les espaces de discussion disparaissent Plus personne ne voit le travail, ne le reconnait La régulation est bloquée, la coopération empêchée La confiance se dégrade L’engagement s’épuise Le mal-être s’installe Anouk Grevin, Montpellier, 23/01/2015

L’enjeu du management du travail Remettre les cadres sur le métier Désempêcher les cadres de proximité Signifier l’importance de l’animation des équipes et de la régulation locale du travail Autoriser la prise d’initiatives Privilégier la parole et la relation Accompagner les cadres de proximité Anouk Grevin, Montpellier, 23/01/2015

L’enjeu du management du travail Les espaces de discussion sur le travail Courts et réguliers Centrés sur le travail Animés par le cadre de proximité Marges de manœuvre et capacité à apporter des réponses Connectés entre eux Anouk Grevin, Montpellier, 23/01/2015

L’enjeu du management du travail Le substrat conventionnel nécessaire Une nouvelle conception de la communication : le dialogue Un nouveau mode de prise de décision : la collégialité Une nouvelle pratique de l’autorité : la subsidiarité Anouk Grevin, Montpellier, 23/01/2015

Merci de votre attention Anouk Grevin Maître de Conférences à l’Université de Nantes Laboratoire d’Economie et de Management de Nantes-Atlantique anouk.grevin@univ-nantes.fr Anouk Grevin, Montpellier, 23/01/2015