TD 1&2 - Oligopoles.

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TD 1&2 - Oligopoles

ENSGI – 1° année 2005-2006 Fondements d’économie pour l’entreprise TD 1&2 – OIigopoles Céline Jullien et Bernard Ruffieux

Exemple Demande Fonction de demande : Q = 13 - P avec Q : montant total produit P : prix unitaire Offre Le coût total de production est C = q soit un coût unitaire moyen et marginal de 1.

Maximisation du profit Le profit du monopole est égal, comme pour toute entreprise, à ses revenus moins ses coûts. Si le prix et les coûts dépendent des quantités, on peut écrire : La clé pour trouver le niveau de production qui maximise le profit est de considérer l’effet d’un changement du montant produit sur le profit. Le taux de changement est appelé profit marginal (marginal profit) (MP).

Maximisation du profit Comme les revenus et les coûts changent tous les deux quand le volume du produit change, les changements dans le montant produit affecte le profit. C’est la seule variable utile ici. Le taux de changement du revenu en fonction du montant produit est appelé revenu marginal (marginal revenue) (MR). De même, on définit le coût marginal (marginal cost) (MC) comme le changement de coût lié à un changement du montant produit.

Maximisation du profit Le profit marginal est simplement la différence entre le revenu marginal et le coût marginal : Si MR > MC : le profit marginal est positif. Le profit de la firme s’accroît sous l’influence d’un accroissement du produit. La firme qui cherche à maximiser son profit a intérêt à accroître sa production. Si MR < MC : le profit marginal est négatif. Le profit de la firme s’accroît si le montant produit est réduit. La firme qui cherche à maximiser son profit a intérêt à réduire sa production.

Maximisation du profit Lorsque MR = MC, le montant produit de la firme (q) est celui qui maximise le profit. Le profit ne peut plus être augmenté par un accroissement ou une réduction du montant produit. La règle de maximisation du profit est donc que la firme doit produire un montant de produit q* qui égalise le revenu marginal et le coût marginal. On supposera que les conditions de second ordre sont satisfaites, c’est-à-dire que q* définit bien un maximum et non un minimum de la fonction de profit. Notons aussi qu’il s’agit d’une règle de maximisation du profit si la firme reste en activité. Une autre décision est de savoir si la firme doit cesser ou non son activité.

Concurrence En situation concurrentielle, le prix est déterminé par le marché (cf. cours de microéconomie 1). Les firmes sont preneuses de prix : le prix est une constante. Ceci signifie que, pour une firme donnée, la courbe de demande est plate. Quelles que soient les quantités offertes, le prix est le même.

Concurrence Pour une firme preneuse de prix, le revenu est linéaire au montant produit, le prix p étant indépendant des quantités produits. C’est une constante. Ainsi, la fonction de revenu marginal d’une firme preneuse de prix est : Connaissant la règle de maximisation du profit des firmes : On obtient finalement :

Concurrence Dans l’exemple présent, le prix de marché est égal au coût marginal quel que soit la quantité produite. La firme concurrentielle est alors indifférente à ses quantités. Les courbes d’offre individuelle et de demande individuelle sont confondues. Par ailleurs, elle ne fera jamais de profit. Le surplus ira en totalité du coté des consommateurs.

Concurrence Le prix est de 1. Les quantités produits au niveau du marché sont de 12. Le surplus des producteurs est nul. Le surplus des consommateurs est de 72 (12.12/2).

Concurrence

Concurrence Surplus des acheteurs

Monopole Le profit du monopole est égal à son revenu moins ses coûts. Ce profit est maximum lorsque le revenu marginal est égal au coût marginal. Le revenu est égal à P.Q. Maintenant, le monopole fait le prix. Il fait face à la courbe de demande de la totalité du marché.

Monopole On peut donc substituer au prix la fonction de demande (inverse) et exprimer le revenu en fonction des seules quantités. R = P.Q = (13-Q).Q = 13Q – Q2 Ainsi, le revenu marginal (MR) est égal (en dérivant la fonction précédente) à : 13 – 2Q

Monopole Quand la courbe de demande est linéaire, on remarque que la pente du revenu marginal est égale au double de la pente de la courbe de demande. Revenu marginal

Monopole Le coût marginal est égal à 1. Ainsi, le monopole optimise son profit pour : 13 – 2Q = 1 soit Q = 6 Le prix de monopole est alors de 7 (Q = 13 – P). Le surplus total se réduit (on produit moins), mais la part du surplus qui va au producteur s’accroît (elle est maximale).

Monopole Surplus des acheteurs Surplus du monopole Perte D’efficacité

Monopole La perte de monopole est de 18 (6.6/2). Le surplus des consommateurs est de 18 également. Comparons les situations de concurrence et de monopole.

Concurrence et Monopole Prix : 1 € Quantités produites : 12 Surplus réalisé : 72 € Optimal Surplus producteurs : 0 € Surplus consommateurs : 72 € Monopole Prix : 7 € Quantités produites : 6 Surplus réalisé : 54 € Perte de monopole : 18 € Surplus producteur : 36 € Surplus consommateurs : 18 €

Duopole Supposons maintenant Deux producteurs se partagent le même marché Il existe des barrières à l'entrée de l'activité. La variable d'action pour chaque firme est sa quantité produite Les décisions de deux firmes sont prises simultanément Les deux producteurs ne peuvent pas communiquer. Il n'y a qu'une période unique de production

Oligopole de Cournot La situation qui vient d'être décrite est un duopole de Cournot. On appelle oligopole de Cournot une situation où la concurrence se fait par les quantités, les décisions étant prises de façon simultanée et non coopérative. Dans un oligopole de Cournot, le prix est fonction de l’offre totale des entreprises. Ce prix est déterminé ex post par la courbe de demande. Le prix est donc identique pour les deux entreprises.

Augustin Cournot 1801-1877 Antoine Augustin Cournot, mathématicien, économiste et philosophe. Auteur, en 1838, de Recherches sur les principes mathématiques de la théorie des richesses. Trouver une photographie

Remarque préliminaire Duopole de Cournot Remarque préliminaire La situation de Cournot contient des interactions stratégiques. Le gain de l’entreprise A dépend non seulement de son propre choix (le montant produit), mais aussi du choix de l’entreprise B. En effet : le choix du concurrent pèse sur la formation des prix.

L'exemple numérique en duopole de Cournot Peut-on déterminer un équilibre ? Le ou les équilibres de Nash se trouvent aux croisements, s’ils existent, des meilleures ripostes. Construisons les courbes des meilleures ripostes. Adoptons d’abord le point de vue de l’entreprise B.

La courbe des meilleures ripostes de B Supposons par exemple que A produise 1 unité du bien.   La courbe de demande alors adressée à B est alors : qB = 13 - 1 - P Le profit de B est ainsi : qB (13 - 1 - qB) - qB = - qB2 + 11 qB Maximum pour une production de : 5,5 Le prix est alors de : 6,5

La courbe des meilleures ripostes de B On peut raisonner de même – en restant du point de vue de B – pour toutes les productions possibles de A :   ·  si A produit 1, la meilleure riposte de B est de 5,5. Le prix est de 6,5 ·        si A produit 2, la meilleure riposte de B est de 5. Le prix est de 6 ·        si A produit 3, la meilleure riposte de B est de 4,5. Le prix est de 6,5 ·        etc. ·        si A produit 12, la meilleure riposte de B est de 0. Le prix est de 1

Exemple numérique en duopole de Cournot Plus systématiquement : Q = 13- P et Q = qB+qA On en déduit : qB+qA= 13- P Pour la firme B le prix est par exemple : P = 13 – qB – qA Le profit de B étant égal à PqB – qB il est égal à : qB(13 – qB – qA) – qB Soit 13qB – qBqA – qB2 – qB soit encore 12qB – qBqA – qB2 Ce profit est maximum pour 12 – qA – 2qB = 0

L'exemple numérique en duopole de Cournot Au total, la fonction des meilleures ripostes de B aux actions de A est de la forme : qB = -0,5.qA + 6 Symétriquement, les meilleures ripostes de A aux décisions possibles de B se déduisent de la formule : qA = -0,5.qB + 6 L’équilibre de Nash, au croisement des meilleures ripostes, est de : (q*A, q*B) = (4, 4)

Les courbes des meilleures ripostes en concurrence à la Cournot Abscisses : quantités produites par A Ordonnées : quantités produites par B En rouge : les meilleures ripostes de B En Vert : les meilleures ripostes de A Meilleures ripostes de A Quantités de B Meilleures ripostes de B Quantités de A

Les courbes des meilleures ripostes en concurrence à la Cournot Si A produit 1, la meilleure riposte de B est de produire 5,5 Mais si B produit 5,5 la meilleure riposte de A n'est pas de produire 5,5 mais 3,25, etc. Seul le croisement des deux courbes (4,4) constitue un équilibre. Meilleures ripostes de A Meilleures ripostes de B A

L'exemple numérique en duopole de Cournot L'équilibre Cournot-Nash de duopole Production totale de 8 (4+4) Prix de 5 € Surplus des producteurs 32 € L'équilibre concurrentiel Production totale de 12 Prix de 1 € Surplus des producteurs 0 € L'équilibre de monopole Production totale de 6 Prix de 7 € Surplus des producteurs 36 €

Équilibre de Cournot-Nash Résultats L’équilibre Cournot-Nash de duopole s'établit à un prix intermédiaire entre le prix de monopole et le prix concurrentiel. Idem pour les quantités. Généralisation Lorsque le nombre d’entreprise s'accroît, l'équilibre de Cournot s'établit à un prix qui réduit et converge vers le prix concurrentiel. Parallèlement, les quantités augmentent et converge vers les quantités concurrentielles.

Oligopoles de Cournot Résultats Conséquence en termes d’économie du bien-être En situation cournotienne, le bien-être s’accroît avec le nombre des producteurs. Conséquence en termes de stratégie d'entreprise En situation cournotienne, la profitabilité se réduit avec le nombre de producteurs. Non emboîtement des efficacités

L'apport de Bertrand En 1883, Joseph Bertrand reprend le cadre de Cournot l'applique à la situation où la variable d'action n'est plus la quantité, mais le prix.

Concurrence à la Bertrand La concurrence reste non coopérative et simultanée On continue à supposer l'existence de barrières à l'entrée Chaque producteur propose un prix Celui qui a propose le prix le plus favorable emporte la totalité de la demande à ce prix. Parallèle avec les prix affichés.

Équilibre de Bertrand La meilleure riposte de B à tout prix supérieur au prix d’équilibre est un prix légèrement inférieur. La meilleure riposte de A à ce prix est à nouveau un prix légèrement inférieur. L’équilibre de Bertrand est identique à l’équilibre concurrentiel.

Visualisation de la situation de Bertrand En abscisse les prix de A En ordonnées les prix de B En rouge, les meilleures ripostes de A En vert, les meilleures ripostes de B

Interactions stratégiques à la Bertrand Si A propose un prix de 2, la meilleure riposte de B est de proposer un prix légèrement inférieur à 2. Mais à ce prix, la meilleure riposte de A est de proposer un prix encore un peu inférieure… … et ce jusqu'au prix concurrentiel.

Compléments et substituts stratégiques Compléments stratégiques Substituts stratégiques

Compléments et substituts stratégiques Compléments stratégiques Dans certaines cas – ici Bertrand – un changement de prix de la part de A conduit à une riposte allant dans le même sens : une baisse des prix de A conduit à une baisse des prix de B. Substituts stratégiques Dans d’autres cas – ici Cournot – un changement de quantité de la part de A conduit à une riposte en sens inverse : une hausse des quantités de A conduit à une baisse des quantités de B.

Compléments et substituts stratégiques La distinction entre complément et substitut en stratégie est semblable à cette distinction relative aux produits. Cette différence est peu important lorsque le jeu est simultané… … mais lorsque le jeu est séquentiel, cette notion d’effet d'un changement marginal de son comportement sur les gains et, dès lors, sur le comportement de son adversaire est très important.

Représentation matricielle de Cournot et Bertrand Supposons pour simplifier que les firmes A et B - disons pour des raisons techniques d'indivisibilités - ne peuvent produire chacune que 0, 3, 4, 6 ou 7 unités. On peut alors représenter le problème sous la formé d’un matrice de gains, comme en théorie des jeux.

Les prix

Les surplus des deux firmes

Les meilleures ripostes

Un jeu connu…

La situation de Stackelberg Supposons que la firme 1 décide d'abord des quantités qu'elle va mettre sur le marché puis que, cette quantité étant connue, la firme 2 décide ensuite de après, en connaissant la décision – irrémédiable – de la firme 1. La firme 1 s'appelle le leader de Stackelberg, la firme 2 le suiveur.

Henrick von Stackelberg Marktform und Gleichgewicht, 1934

L'équilibre de Stackelberg La courbe des meilleures ripostes de la firme 2 à la firme 1 est identique à celle construite pour l’équilibre de Cournot. Mais elle se trouve être maintenant entièrement « à la disposition » de la firme 1. Ainsi, la firme 1 va choisir le montant produit, en cherchant le montant qui optimise son profit, parmi l’ensemble des issues de jeu possibles décrit par la courbe des meilleures ripostes de la firme 2.

L'équilibre de Stackelberg La courbe de demande adressée à la firme A est : qA = 13 - qB - p Le surplus de A est de : qA.p - qA Soit : qA(13 - qB - qA) - qA On sait par ailleurs que la courbe des meilleures ripostes de B à A est : qB = - 0,5.qA + 6 Dès lors, la fonction de surplus de A peut s’écrire : qA(13 + 0,5.qA - 6 - qA) - qA = qA(7 - 0,5.qA) - qA = - 0,5 qA2 + 6 qA

L'équilibre de Stackelberg Le profit est maximum pour : -qA + 6 = 0 soit qA = 6 Pour ce montant de production de 6 par la firme A, la meilleure riposte de la firme B est de produire 3. La production totale est de 9 et le prix est de 4. Les profits respectifs de 18 et 9 pour les deux firmes.

Stackelberg vs Cournot Équilibre de Stackelberg Production totale de 9 (6+3) Prix de 4 € Surplus des producteurs 27 € (18 et 9) Équilibre de Cournot Production totale de 8 (4+4) Prix de 5 € Surplus des producteurs 32 € (16 et 16) Le duopole de Stackelberg engendre un équilibre plus concurrentiel que le duopole de Cournot : le prix baisse, les quantités augmentent. Le bien-être s'élève… et les profits se réduisent.

Stackelberg vs Cournot Du point de vue des entreprises Il est profitable de se trouver en position de leader de Stackelberg. Au cas où elle ne peut être leader, une entreprise a intérêt a être en situation de Cournot plutôt que de Stackelberg. Du point de vue de l'équilibre du bien-être Un oligopole de Stackelberg est préférable à un oligopole de Cournot.

De Cournot à Stackelberg : comment une firme peut-elle modifier le jeu ? Une entreprise peut-elle passer d'une concurrence à la Cournot à une concurrence à la Bertrand ? Oui, si elle effectue une action stratégique. Une telle action est un engagement. Un engagement est une action irréversible. Une armée qui brûle ses vaisseaux fait une action stratégique. En économie, l'engagement irréversible le plus courant consiste à faire une dépense irrécupérable (sunk cost). Les dépenses irrécupérables sont donc des actions stratégiques

De Cournot à Stackelberg : comment une firme peut-elle modifier le jeu ? Dans notre exemple, en partant d'une situation à la Cournot, le premier qui produit 6 de façon irréversible - en tout cas qui fait croire à l'autre que l'action est irréversible - change le jeu en jeu de Stackelberg… … et se retrouve leader de ce jeu. Une telle action est stratégique, puisqu'elle change le comportement de l'autre (ici contre son intérêt).

Du suiveur … à l'entrant potentiel En l'absence de barrières institutionnelles, on peut considérer que le modèle de Stackelberg décrit une situation telle que : Le leader est la firme installée Le suiveur est l'entrant potentiel.

Prix limite Pour la firme A, le prix de monopole n’est pas "soutenable". Cela signifie que, si la firme A produit les quantités de monopole – égales à 6 – la meilleure riposte de B est alors de produire 3. Quel montant doit produire A si elle entend être en monopole, malgré la menace de production de B ? Ce montant, défini pour la première fois par Sylos-Labini en 1962, s’appelle le prix limite. Ce prix correspond au montant de production de la firme installée tel que le meilleur profit possible de l’entrant potentiel (ici la meilleure riposte) soit égal à 0.

Le prix limite dans notre exemple Dans notre exemple, le prix limite correspond à une production de 12 unités par la firme A. Pour ce montant, en effet, la courbe de profit de la firme B est de : q (13 - 12 - q) - q = - q2 Maximum pour q = 0   En d’autres termes, pour interdire l’entrée, il faut que la firme A produise un montant égal au montant concurrentiel.

Le prix limite dans notre exemple Ce résultat s’explique : l’entrée étant sans coût – absence de coûts fixes – le moindre pouvoir de monopole, aussi petit soit-il, crée un intérêt à l’entrée.   Dans ces conditions, il est avantageux pour l’entreprise A d’accepter l’entrée de l’entreprise B. Notons néanmoins que, dès lors, il est nécessaire pour la firme A d'avoir une production de leader de Stackelberg crédible. En effet, le montant de production de 6 n’est pas la meilleure riposte de A à une production de 3 !

Le prix limite dans notre exemple Pour une production de 3, la meilleure riposte est de 4,5. Seule une production de 12 conduit à une absence de production de B.

Barrière à l’entrée L’équilibre de von Stackelberg avec coûts fixes et irrécupérables

Barrière à l’entrée et équilibre de von Stackelberg avec un coût fixe irrécupérable On considère maintenant que la production nécessite un coût fixe irrécupérable. La courbe de demande du secteur est toujours : q = 13 – p La courbe des coûts d'une entreprise quelconque du secteur est : c = q + 6,25 soit un coût fixe considéré comme irrécupérable de 6,25 et un coût marginal constant et égal à 1.

Concurrence Le prix concurrentiel est de 1. A ce prix là, les entreprises ne produisent pas. Ainsi, en univers concurrentiel, la présence d’un coût fixe conduit à une absence de production.

Monopole non contestable (barrières institutionnelles) Si le monopole produit q unités, son revenu sera de : q.p ; soit : q (13 - q) Le profit du monopole sera alors égal au revenu moins les coûts, soit :  [ q (13 - q) ] - [ q + 6,25 ] soit : - q2 + 12q - 6,25 Le maximum est pour : 12 – 2q = 0 ; soit q = 6 Le monopole maximise son profit pour q = 6 unités. Le prix unitaire est alors de 7 €.   Pour cette quantité et ce prix, le profit est de : 12 . 6 - 62 - 6,25 = 29,75

Monopole avec … et sans coûts fixes Le prix et les quantités de monopole sont les mêmes avec ou sans coût fixe. L’optimisation du monopole – l’égalisation du revenu marginal et du coût marginal – est indépendante des coûts fixes.

Menace d'entrée… quand la firme installée cherche à s'en accommoder Supposons qu’une entreprise B peut entrer dans le secteur dans les mêmes conditions que A, c'est-à-dire que ses coûts fixes et variables soient identiques. Cette entreprise – qu’on suppose rationnelle – ne va entrer que si elle pense réaliser un profit positif.

S'accommoder de l'entrée Supposons que A produise la quantité de monopole, soit 6. Dans ce cas, pour B, le prix sera de : p = 13 - 6 - qB Le profit de B sera donc de : [ (13 - 6 - qB) qB ] - [qB + 6,25 ]   Cette équation est maximale pour qB = 3. L'offre totale sur le marché est alors de 9, le prix unitaire de 4 et le profit net de B de 2,75.

S'accommoder de l'entrée Dans cette configuration, si A maintient sa production de 6, le profit de A est de 11,75 (baisse des prix engendrée par l'entrée de B). C’est l’équilibre de Stackelberg. Il n’est pas différent de l’équilibre précédant, sans coûts fixes. Ici encore, seuls les profits diffèrent.

Choisir entre lutter et s'accommoder Supposons maintenant que A produise 7 unités et que l'entrant continue de croire que son comportement ne changera rien au comportement de A. Dans ce cas, l'entrant aura un profit de : [ (13 - qA - qB) qB ] - [qB + 6,25 ] Soit [ (13 - 7 - qB) qB ] - [qB + 6,25 ]

Choisir entre lutter et s'accommoder L'équation est maximale pour une production qB de 2,5. A ce montant de production, le profit de la firme B est égal à zéro. L'entrant choisira dans ce cas de ne pas entrer.

Choisir entre lutter et s'accommoder Du point de vue de la firme installée, le prix limite correspond au montant de production qA tel que, à ce montant, le maximum de l’équation de profit de B, est nul : [ (13 - qA – qB) qB ] - [qB + 6,25 ]

Choisir entre lutter et s'accommoder Ainsi, quand le monopoliste A produit 7 et non pas 6 (avec un profit de 28,75 et non de 29,75) le monopole devient “soutenable” puisque, à ce niveau de production, l’entrant potentiel B renonce. (… l'entrant renonce puisque son profit est au maximum nul, pour une production de 2,5).

Lutter ou s'accommoder : conclusion · En présence de coûts irrécupérables, il existe des barrières à l’entrée potentielles. · Selon l’importance des coûts irrécupérables, et en fonction de la configuration de concurrence, la firme installée peut avoir intérêt : - à s'accommoder de l'entrée en jouant leader de Stackelberg - à empêcher l’entrée en jouant le prix limite.

Lutter ou s'accommoder : conclusion Dans l’exemple que nous venons de prendre, l’entreprise A a intérêt à interdire l’entrée. Dans la réalité, l’entreprise installée peut avoir intérêt à accroître les coûts fixes irrécupérables de façon à limiter l’entrée. En termes plus généraux, accroître les dépenses irrécupérables accroît les barrières et, dès lors, procure un avantage concurrentiel.

Matrice de gains en présence de coûts fixes

Prix limite : interdire l'entrée

Les équilibres 3 4 6 7 13 0, 0 10 0, 27 9 0, 32 0, 36* Monopole de B 3 4 6 7 13 0, 0 10 0, 27 9 0, 32 0, 36* Monopole de B (insoutenable) 0, 35 27, 0 18, 18 Cartel égalitaire 15, 20* 9*, 18 Stackelberg (B leader) 6*, 14 32, 0 20*, 15 5 16*, 16* Cournot 8, 12 2 4, 7 36*, 0 Monopole de A 18, 9* (A leader) 12, 8 1 Concurrence Bertrand - 6, 35, 0 14, 6* 7, 4 7,