LES RESSOURCES PÉLAGIQUES AU SÉNÉGAL APRAPAM Par Dr Fambaye Ngom SOW Biologiste pêches Responsable des ressources pélagiques CRODT/ Sénégal 5 eme Forum Aprapam du 07/01/2014
PLAN DE LA PRÉSENTATION Contexte de la pêche au Sénégal Ressources pélagiques côtières Quelques aspects de la bioecologie Dynamique des pêcheries des Sardinelles au Sénégal Impact de l’environnement marin sur la dynamique des populations de sardinelles le long de la côte sénégalaise Etat d’exploitation des stocks de pélagiques côtières
Importance économique de la pêche au Sénégal Création de richesses Equilibre de la balance commerciale Création d’emploi (600 000 emplois directs & indirects) Sécurité alimentaire avec une contribution de 75 % aux apports nutritionnels en protéines d'origine animale. Lutte contre la pauvreté
Contexte de la Pêche au Sénégal Une façade maritime de 718 km, Une espace maritime de 198 000 km² Une zone économique exclusive de 200 miles marins Un large plateau continental de 23.800 km2 Eaux du littoral sénégalais classées parmi les plus productives d’Afrique de l’Ouest Le plateau continental sénégalais est une zone de forte productivité halieutique, liée à l’upwelling côtier qui détermine pour une large part la productivité du milieu, et conditionnant ainsi le niveau de recrutement de beaucoup d’espèces, en particulier les espèces à durée de vie courte comme les clupeidés par la rencontre du courant des canaries avec les courants dérivés du courant du Golf de Guinée siège d’un upwelling côtier intense Cette richesse s’explique
Sardinelles, Chinchards, maquereau et ethmalose LES PRINCIPALES RESSOURCES PELAGIQUES Sardinelles, Chinchards, maquereau et ethmalose Vivent en pleine eau sur le plateau continental Ressources partagées entre Maroc, Mauritanie , Gambie et Sénégal
LES PRINCIPALES RESSOURCES PELAGIQUES Il s’agit d’espèces à vie courte, dont l’abondance et la production sont très variables d’une année à l’autre, en liaison notamment avec l’influence du climat sur leur recrutement. Cette instabilité semble être accentuée par l’accroissement incessant de la pression de pêche En Afrique de l’Ouest, l’influence de l’environnement sur les ressources halieutiques est de plus en plus observée au cours de ces dernières décennies. Les conditions hydroclimatiques ont fortement évolué, correspondant ainsi à des changements climatiques très marqués dans la sous région. Ces modifications seraient à l’origine de la forte vulnérabilité observée des ressources pélagiques côtières, en particulier les sardinelles (Sardinella aurita et Sardinella madarensis).
Espèces qui effectuent des déplacements de grandes amplitudes Exemple de la Sardinelle ronde La sardinelle ronde est connue des pêcheurs artisans comme étant complètement migratrice. C’est l’espèce qui parcourt le plus de kilomètres, du Maroc (au nord) jusqu’à la presqu’île du Cap-Vert, au Sénégal (au sud). Elle fait son apparition dans les eaux sénégalaises à partir de la saison froide (entre novembre et décembre) pour repartir en sens inverse au moment des fortes chaleurs (entre juillet et août). L’espèce effectue également des mouvements du large vers la côte. Durant l’hivernage, elle peut se situer à des profondeurs allant jusqu’à 300 mètres 2 nurseries majeures (Ouest Banc d’Arguin – Sud Cap Timiris et Sud Dakar – Iles Bissagos) entre lesquelles migrent les adultes
Répartition spatiale (a) et bathymétrique (b) des sardinelles dans la zone sud Sénégal -Gambie (d’après Krakstad et al., 2006) Sardinella aurita La sardinelle ronde peut se retirer en dessous de la thermocline en saison chaude (période de faibles enrichissement jusqu'à des profondeurs de 200 mètres durant la nuit Sardinella maderensis Elle forme des bancs à la surface ou au fond jusqu'à 50 m au moins
Bioecologie Sardinelle ronde (Sardinella aurita) Espèces Distribution et habitat Reproduction Croissance Alimentation Sardinelle ronde (Sardinella aurita) Stock unique Atlantique Centre-Est. Zones côtières : Atlantique tropical (Gibraltar à Afrique du Sud, Méditerranée et Mer Noire), Atlantique ouest (Golf du Mexique au Brésil), Indo-Pacifique (Indonésie, Mer de Chine) Plateau continental. Préférence eaux froides (18-25 °C) et salées (˃ 35 ‰) (Camarena, 1986; Freon, 1988). Deux nourriceries importantes sont localisées au large du Cap-Blanc en Mauritanie et sur la Petite-Côte du Sénégal. Deux saisons principales de ponte au Sénégal: mai-juin et octobre-novembre. (Les périodes de reproduction se situent le plus souvent en saison froide avec deux maximums, au début et à la fin de la période d’upwelling). Sex-ratio: 55% en faveur des femelles Lf50%: 18,4 cm taille max: 31 cm LT En Mauritanie: mai-juillet (Conand, 1977) L∞=30.63 cm – K=1.206 an-1 - t0=0.062 an (Boely et al, 1982; Freon, 1988) Croissance rapide Elle atteint en moyenne 18 cm au bout d’un an (Camarena Luhrus, 1986 ; Cury et Fontana, 1988) à Durée de vie courte Planctonophage à alimentation opportuniste (Freon, 1988) Les détritus organiques prédominent
Bioecologie (Suite) Espèces Distribution et habitat Reproduction Croissance Alimentation Sardinelle plate (Sardinella maderensis) Une aire plus restreinte que la sardinelle ronde, car on la trouve seulement en méditerranée méridionale et dans l'Atlantique Est, de Gibraltar à l'Angola Préférence eaux de T° ˃ 25°C. Bancs de surface ou de fond jusqu’à 50 m (Fischer et al., 1981). Œufs et larves présents tout au long de l’année sur les côtes sénégalaises avec un maximum de ponte de mai à juillet (Freon, 1988). Taille de première maturité sexuelle 16 cm L∞=30.34 cm – K=0.49 an-1 - t0=-0.589 (Camarena, 1986) La croissance de la sardinelle plate au large des côtes sénégalaises est variable et rapide Planctonophage (FAO, 1983) le zooplancton est majoritaire
Bioecologie Chinchard jaune (Decapterus rhonchus) Espèces Distribution et habitat Reproduction Croissance Alimentation Chinchard jaune (Decapterus rhonchus) Bancs à proximité du fond sur des sondes de 30 à 50 m et parfois plus profond (˃ 200 m). Effectuant des migrations nord-sud en liaison avec les conditions hydrologiques (Fisher et al, 1981) Le maximum de ponte se situe aux mois de mai et juin (Conand et al, 1973). Taille de première maturité sexuelle 20 cm (Camarena, 1986). L∞= 44 cm – K=0.45 an-1 - t0=-0.114 an (Fischer et al, 1981). Petits poissons et invertébrés (FAO, 1983)
SYSTEME EXPLOITATION Pêche artisanale très diversifiée qui est en constante évolution. Senne tournante + filets maillants encerclants. Pêche industrielle (Sardiniers Dakarois) au nombre réduit : 3 unités en activité en 2012
Ressources pélagiques côtières Au Sénégal, Petits pélagiques occupent une place importante Ressources marines les plus abondantes, 71 % des prises totales réalisées dans les eaux sénégalaises.
Ressources pélagiques côtières Evolution des captures par espèce à l’échelle sous régionale Captures dominées par les sardinelles surtout la sardinelle ronde ( sardinelles près de 80 % des débarquements)
Importance des sardinelles dans les pêcheries artisanale Indutrielle
Dynamique spatio-temporelle des débarquements de sardinelles En termes d’évolution spatio-temporelle, trois phases peuvent être globalement notées. Du début des années 80 à la fin de la première moitié des années 90 on note un développement rapide de la pêcherie dans tous les centres de pêche. A partir de la deuxième moitié des années 90, les débarquements de sardinelle ronde ont connu une tendance générale à la baisse qui s’est poursuivie jusqu’au début des années 2000. Il y a qu’à Kayar où la tendance est globalement en hausse continue durant les trois décennies 2000 -2003 : on note amélioration sensible des volumes débarqués. Au cours des deux dernières années 2009-2010, les débarquements de sardinelle se réorientent à la baisse dans la presque totalité des centres de pêche.
Débarquements de sardinelle plate selon le centre de pêche La répartition spatio-temporelle des débarquements de sardinelle plate montre d’abord une prédominance du centre de Joal et dans une moindre mesure de Mbour Durant une bonne partie de la période 1981-2010, les débarquements effectués dans ces deux centres et surtout à Joal ont connuune tendance marquée par une forte hausse A partir de l’année 2004, la tendance des débarquements de sardinelle plate est entrée dans une phase de décroissance très marquée aussi bien à Joal qu’à Mbour (66,2%) Saint-Louis et Kayar on enregistre plutôt une légère amélioration
Evolution des rendements de pêche (cpue) des sardinelles dans toute la zone les rendements de pêche ou captures par unité d’effort (cpue) montrent généralement une succession de trois phases Jusqu’à la fin de la première moitié des années 1990. Ensuite on note une période de stabilité des rendements à leurs niveaux maxima. Cette période de stabilité a été cependant plus courte pour la sardinelle car elle s’est seulement étalée sur cinq ans (1992-1997) durant lesquels les cpue oscillent autour de 2 500 kg par sortie. Pour la sardinelle plate, les rendements ont évolué autour de leur maxima durant sept à huit ans (environ 2 000 kg par sortie). Au cours de la troisième phase, les rendements de ces deux espèces sont nettement orientés à la baisse. Cette tendance récente reflète certainement la surexploitation des stocks désormais de plus en plus sujets à l’effondrement si la même pression de pêche est maintenue.
Evolution des tailles de la sardinelle ronde Dans le cas des centres de la Petite Côte (Mbour et Joal), cette baisse s’est poursuivie sur tout le reste de la période. Ainsi, la taille moyenne qui se situait autour de 26 cm en 1996-1997, se trouve actuellement aux environs de 22 cm. Globalement jusqu’à la fin des années 90 la taille moyenne des individus de sardinelle ronde est restée relativement stable autour de 25 cm
Evolution des tailles de la sardinelle plate Comme dans le cas de la sardinelle ronde et notamment au niveau de la Petite Côte, le stock de sardinelle plate est donc affecté par une surexploitation de croissance depuis plus d’une décennie. Ainsi, alors qu’elle était autour de 25 cm au milieu des années 90, la taille moyenne de la sardinelle plate est actuellement aux environs de 20 cm.
Impact de l’environnement marin sur la dynamique des populations de sardinelles le long de la côte Sénégalaise L’abondance des sardinelles varie saisonnièrement et d’une année à l’autre avec une tendance à la baisse. Les rendements de la sardinelle ronde Sardinella aurita sont plus élevés en saison froide, entre les mois d’octobre à juin et faibles en saison chaude, de juillet à septembre. La sardinelle ronde se développe mieux dans un environnement relativement froid, tandis que la sardinelle plate S. maderensis montre une nette préférence pour des périodes chaudes. Les corrélations entre les séries temporelles montrent que, l’abondance de la sardinelle ronde, extrêmement variable en intensité et en durée saisonnière, est significativement corrélée à l’indice d’upwelling. Alors que l’abondance de la sardinelle plate est significativement corrélée à la SST.
Les stratégies démographiques de S. aurita et S Les stratégies démographiques de S. aurita et S. maderensis sont fortement liées aux conditions d’upwelling du milieu. La variabilité de l’intensité de l’upwelling a donc des répercussions majeures sur l'abondance et la disponibilité de ces poissons, favorisant tour à tour l'une ou l'autre espèce. Les populations de S. aurita sont rencontrées généralement dans les aires de résurgence saisonnières, tandis que S. maderensis habite toute la zone intertropicale et y accepte toutes les situations hydrologiques.
ETAT DES STOCKS DE PELAGIQUES CÖTIERS Evaluation des biomasses et du potentiel de ces pélagiques côtiers est assez délicate à réaliser. Leur caractère migratoire impose en effet que, quelle que soit la méthode utilisée (évaluation directe par écho-intégration ou indirecte par analyse des statistiques de pêche), la couverture de recueil et d’analyse des données concerne l’ensemble de la zone de distribution, Ces stocks partages entre les trois pays riverains (Senegal, Mauritanie et le Maroc) font l’objet d’un groupe de travail annuel reunissant des experts nationaux et internationaux dans le but d’evaluer l’etat de ces ressources et d’etablir des recommandations relatives a la gestion des peches et aux options d’amenagement. Par ailleurs, les caractéristiques biologiques de ces espèces et leur sensibilité aux conditions environnementales font que leur abondance peut fluctuer naturellement dans des proportions importantes.
Stock Diagnostic Recommandations d’aménagement Les conclusions et les recommandations du Groupe de travail de 2013 Nouhadibou / Mauritanie Stock Captures de la dernière année (2012) en milliers de tonnes. (moy. 2008-2012) Diagnostic Recommandations d’aménagement Sardinelles S. aurita S. maderensis Sardinella spp. (Tte la sous-région) 589 (471) 157 (144) 746 (691) Surexploité (2011) Réduire l’effort de pêche de tous les segments de la pêcherie. Le Groupe de Travail ne pourrait pas faire une recommandation de capture car ne disposant pas d’un indice d’abondance adéquat et est incapable de faire de prévision sur le recrutement future. Chinchards Ttrachurus. trecae 173 (297) Surexploité Groupe de travail recommande que l’effort ne devrait pas excéder le niveau de 2011 et les captures de 2013 pour les deux espèces ne devraient pas dépasser la moyenne des deux dernières années (280 000 tonnes).
Stock Diagnostic Recommandations d’aménagement Captures de la dernière année (2012) en milliers de tonnes. (moy. 2008-2012) Diagnostic Recommandations d’aménagement Maquereau Scomber japonicus (dans l’ensemble de la sous-région) 227 (257) Pleinement exploité Comme approche de précaution et considérant les estimations de bon recrutement, le Groupe de travail recommande que les captures ne devraient pas dépasser 250 000 tonnes environ en 2013 (moyenne des 5 dernières années). Ethmalose Ethmalosa fimbriata 62 (48) Surexploité Le Groupe de travail recommande de ne pas augmenter l’effort sur l’éthmalose malgré le fait que le stock n’est pas pleinement exploité dans la zone sénégalo-gambienne
CONCLUSION Compte tenu du rôle vital que jouent les facteurs environnementaux dans la bioécologie des sardinelles, les mutations hydroclimatiques constatées risquent d’entraîner d’importants bouleversements aussi bien à l’échelle globale que locale. On sait en effet que la température de l’eau a des effets directs sur la reproduction, la survie des larves et la croissance. Malgré la rareté d’études approfondies sur les écosystèmes côtiers sénégalais, quelques exemples d’investigations à travers le monde ont permis de révéler que les changements du climat et en particulier le réchauffement des eaux entraînent des modifications dans la distribution des espèces avec notamment une remontée d’espèces tropicales vers les eaux tempérées (Glantz, 1992 ; Sharp, 2004). Les sardinelles étant des espèces sténothermes (ne vivent que dans une faible marge de température) et sténohalines (ne tolèrent que de faibles variations de salinité), les variations de température et de salinité entraînent très souvent des déplacements d’espèces (Fréon, 1988).
CONCLUSION Les espèces à vie courte sont caractérisées par leur très grande sensibilité à la variabilité spatio-temporelle de l’environnement (Dia et al. 1996 ; Agnew et al. 2000 ; Faure 2000), notamment aux fluctuations interannuelles de l’intensité des upwellings qui ont lieu au cœur des zones de reproduction (Jouffre et al. 2000). La dynamique saisonnière de l’intensité de l’upwelling montre que les aires et saisons de ponte et les zones de nurseries des espèces pélagiques côtières résultent d’une optimisation spatio-temporelle des processus d’enrichissement (Demarcq et Faure, 2000 ; Faure, 2000 ; Faure et al. 2000 ; Caverivière et al. 2002).