Docteur Luc Lorgis Service Cardiologie Soins Intensifs CHU Dijon Infarctus du Myocarde ou Syndromes coronaires avec et Sans Sus-Décalage du Segment-ST Docteur Luc Lorgis Service Cardiologie Soins Intensifs CHU Dijon
Définition Nécrose ischémique d'une partie du myocarde Conséquence d'une occlusion thrombotique d'une artère coronaire, sur des lésions d'athérosclérose Met en jeu le pronostic vital C'est une urgence médicale, car le traitement précoce (stratégie de reperfusion) permet d'en limiter la mortalité
Anatomie coronarienne
Épidémiologie Affection fréquente: 100 000 nouveaux cas d'infarctus par an, prédominance masculine avant 50 ans Affection grave: mortalité de 10% dans la première année "French paradox" Fréquence de l'infarctus du myocarde en France est 2,5 fois moins élevée que dans les pays européens voisins (Allemagne, Iles Britanniques) et près de 3 fois moins élevée que dans les pays d'Amérique du Nord L'athérosclérose se développe en fonction de la présence ou non de facteurs de risque dont les principaux sont : le diabète, l'hypertension artérielle, le tabagisme, l’obésité et l'hypercholestérolémie. La réduction de ces facteurs de risque permet de réduire le développement de l'athérosclérose et la fréquence des complications
Physiopathologie L'occlusion d'une artère coronaire entraîne une ischémie myocardique, des lésions cellulaires puis la nécrose. Ces différentes phases se déroulent en 6-12 heures. Ultérieurement, le territoire infarci devient fibreux et perd définitivement ses capacités de contraction L'amputation du potentiel contractile dépend de la taille de l'infarctus. L'évolution ultime de cette cardiopathie est l'insuffisance ventriculaire gauche par défaut de la fonction systolique (capacité de contraction) du VG Hyper excitabilité ventriculaire /Troubles de la conduction lors de l'infarctus, au stade initial, il y a d'importants risques de troubles de l'excitabilité (fibrillation ventriculaire ou tachycardie ventriculaire) qui peuvent être responsable d'une mort subite. On estime que 2/3 des décès subits sont la conséquence d'un infarctus aigu (soit 1/3 des infarctus décède avant d'arriver dans un hôpital). Au stade chronique, persistent des risques de troubles de l'excitabilité. De même, s'observent principalement à la phase aiguë, des bloc de branche ou bloc auriculo-ventriculaire. Ces derniers peuvent être responsables de bradycardie extrême ou de syncopes
Physiopathologie:athérosclérose 1) Stade précoce: la strie lipidique
Physiopathologie: athérosclérose 2) Recrutement des monocytes circulants, transformation en macrophages puis en cellules spumeuses
Physiopathologie: athérosclérose 3) La lésion fibro-lipidique
Topographie de l’athérosclérose
Athérosclérose
2 catégories de syndrome coronarien aigu: Syndromes coronariens aigus avec surélévation du segment ST Syndromes coronariens aigus sans surélévation du segment ST, subdivisé en deux, angine de poitrine instable et infarctus non-Q Rupture de Plaque Adhésion plaquettaire Activation plaquettaire Occlusion partielle par thrombose artérielle & angor instable Microembolisation & IdM sans surélévation du segment ST Occlusion totale par thrombose artérielle & angor instable
Thrombus riche en plaquettes occlusif dans une artère coronaire Physiopathologie Provient d'une liaison croisée des plaquettes par le fibrinogène sur les récepteurs glycoprotéiques IIb/IIIa à la surface de la rupture de plaque Thrombus riche en plaquettes occlusif dans une artère coronaire GP IIb-IIIa plaquette fibrinogène Plaque rompue Paroi artérielle
Diagramme diagnostique SCA
Électrocardiogramme
Clinique Le début est souvent brutal, assez fréquemment en dehors de l'effort, pendant le sommeil. Plus rarement le début peut être d'effort, diurne Dans 40 % des cas, l'infarctus du myocarde est inaugural, il représente la première manifestation clinique de l'insuffisance coronarienne Dans 60 % des cas au contraire, cet infarctus survient chez un coronarien connu : - Cet infarctus survient alors que la maladie coronarienne était cliniquement déclarée soit par une angine de poitrine stable soit par une angine de poitrine instable, mais ce n'est que rétrospectivement que le diagnostic est fait, le patient n'ayant pas consulté pour cette angine de poitrine. - Une fois sur deux cet infarctus survient inopinément chez un malade dont l'angine de poitrine paraissait bien stabilisée. - Dans l'autre moitié des cas, l'infarctus du myocarde survient chez un coronarien connu dont la symptomatologie angineuse s'est progressivement aggravée avant la survenue de la nécrose réalisant un angor instable
Clinique Le tableau clinique est dominé par la douleur: Elle est présente dans 95 % des cas, d’apparition brutale,rétrosternale en pleine poitrine possédant des irradiations très riches au niveau des deux membres supérieurs, du cou et des mâchoires, parfois au niveau de l'épigastre, douleur classiquement très intense, constrictive, résistante à la trinitrine, douleur ne cédant qu'aux morphiniques, durant plusieurs heures Signes mineurs: vomissements, hoquet dans les formes postérieures, sueurs profuses, sensation de mort imminente L'examen à ce stade est très pauvre, on relève seulement des bruits du cœur sourds, parfois une bradycardie initiale à laquelle fait suite rapidement une tachycardie ; souvent l'examen n'apporte rien
Diagnostic Le diagnostic d'infarctus repose sur l'association de 2 de ces critères: La douleur: rétro sternale en barre, à type de crampe ou de constriction, intense, irradiant vers les mâchoires et les vaisseaux du cou. Début brutal, la douleur persiste plus de 20 minutes Les anomalies de l'ECG: ces anomalies évoluent en plusieurs phases (ischémie, lésion puis nécrose). Ainsi, l'ECG permet le diagnostic de l'infarctus, mais aussi permet de préciser s'il est aigu, récent ou ancien. En fonction des dérivations ECG sur lesquelles sont visibles ces anomalies, on peu différencier les infarctus de la paroi postérieure, latérale ou antéro-septale Les marqueurs biologiques: un marqueur de nécrose myocardique est une substance spécifique de la cellule myocardique décelable dans le sérum en cas de nécrose cellulaire. En pratique, 2 marqueurs sont utilisés pour le diagnostic de l'infarctus : les CK (fraction MB qui est spécifique) : apparaissent en 4-6 heures et décelables pendant 2-4 jours ; la troponine I ou T, plus sensible, décelable entre 3 heures et 10 jours
Bilan initial/ Prise en charge Le Bilan initial a pour but de confirmer le diagnostic: L’interrogatoire: permet de préciser le type de douleur, le terrain vasculaire du patient, les allergies connues et les contre indications aux traitements envisagés, et doit faire préciser les délais (apparition de la douleur, durée …) le plus précisément possible L’examen clinique: recherche des signes d’infarctus grave, et des signes de diagnostic différentiel Les anomalies de l'ECG: Seul l'électrocardiogramme permet d'aboutir à un diagnostic de certitude rapide. Il doit être réalisé en première intention, avant toute autre démarche diagnostique devant le moindre soupçon d'infarctus en évolution. Au besoin, si non convainquant lors du premier enregistrement, il doit être répété Test thérapeutique par les dérivés nitrés spray
Électrocardiogramme
Exemple d’ischémie sous-épicardique antérieure
Exemple de lésion sous-endocardique latérale
Fibrillation ventriculaire :
Bilan initial/ Prise en charge La prise en charge a pour but de perdre le moins de temps possible: Mise en place de 2 VVP de bon calibre Patients scopé en permanence, avec surveillance de la TA, de la saturation, O2 2l/min Début d’un traitement antiagrégant plaquettaire le plus précoce possible ( Aspégic 250-500 mg IVD ) Associé à un traitement anti-thrombotique Recours aux antalgiques morphiniques si besoin Stratégie de reperfusion coronaire à discuter dés la confirmation électrique du diagnostic
Objectifs But = restauration la plus précoce possible du flux coronaire pour : Préserver la Fonction du VG. Améliorer le Pronostic.
Traitements de reperfusion Reperfusion de l'artère occluse le plus vite possible : Thrombolyse Angioplastie
Transport Le transport se fait uniquement en présence d’un médecin et dés qu’il est techniquement envisageable Véhicule SMUR ou pompier équipé de Défibrillateur On doit assurer le maintien des constantes, améliorer la douleur, et si besoin évaluer l’efficacité des thérapeutiques mises en œuvre Le patient est dirigé vers la salle de coronarographie d’emblée, ou il est pris en charge par une équipe confirmée
Prise en charge pré- et hospitalière d’un SCA ST +
Traitement Phase aiguë: dominée par l'urgence de la prise en charge Hospitalisation immédiate, transfert médicalisé risque de décès par trouble du rythme Morphine pour calmer la douleur Stratégie de " reperfusion ": le but est d'ouvrir l'artère occluse dans les meilleurs délais. Cette stratégie permet de limiter la taille de l'infarctus et le risque de décès, mais n'est efficace que si elle est appliquée dans les 6 premières heures, d'où l'urgence de la prise en charge. Les moyens sont, soit le traitement thrombolytique, soit l'angioplastie
Recos ESC 2012 lors d’un SCA ST +
TTT Recos ESC 2012 SCA ST+
L'angioplastie directe Cathétérisme artériel fémoral Recanalisation de l'artère responsable de la nécrose
Evolution des stents Euro PCR 2013
Evolution non compliquée Complications 70 % Complications Rythmiques Insuffisance Cardiaque FE Mécaniques Tdr Ventriculaires : - ESV - TV - FV CIV IM par rupture ou ischémie du pilier Tdr Auriculaires CHOC CARDIOGENIQUE Tdr Conductifs
Diagnostic différentiel Dissection aortique: terrain d'HTA, douleur à irradiation dorsale, souffle diastolique, abolition d'un pouls, pas de modification " ischémique " de l'ECG, pas de marqueur biologique de nécrose, élargissement du médiastin à la radio pulmonaire. Le diagnostic est confirmé par l'échographie cardiaque et le scanner (ou l'IRM) Embolie pulmonaire: terrain de maladie thrombo embolique veineuse, douleur latéro-thoracique, dyspnée, toux, crachat, tachycardie. Radiographie pulmonaire normale. Diagnostic par la clinique, scintigraphie, échographie cardiaque et scanner Péricardite aiguë: contexte infectieux, diagnostic d'élimination en absence d'épanchement péricardique Angor instable
Évolution Les décès surviennent surtout dans les premiers jours de l'évolution: 50% des décès interviennent dans les 3 premiers jours de l'évolution 70% dans la première semaine de l'évolution Par la suite, le risque de décès s'amenuise mais persiste jusqu'à la fin du premier mois Complications: Troubles du rythme ou de la conduction : surtout pendant la première semaine Troubles du rythme ventriculaire: extrasystoles, FV ou TV Troubles du rythme supra ventriculaires: fibrillation auriculaire Insuffisance cardiaque Choc cardiogénique (tachycardie, œdème pulmonaire, hypotension artérielle, oligo anurie) IVG (dyspnée, râles crépitants, surcharge vasculaire pulmonaire) Récidive douloureuse (récidive d'infarctus) Ré-occlusion après re-perfusion de l'artère responsable de l'infarctus Complications mécaniques (rupture de pilier de la valve mitrale, de la paroi VG au niveau du septum inter ventriculaire : communication inter ventriculaire, au niveau d'une paroi libre : tamponnade par épanchement péricardique)
Évolution Prise en charge des facteurs de risque Modification du mode de vie : régime méditerranéen, arrêt du tabac, réduction du surpoids, activité physique régulière, en plus du traitement médicamenteux Re-entraînement à l'effort en centre spécialisé : particulièrement utile pour l'éducation des patients jeunes et actifs Re-insertion professionnelle : infarctus non compliqué, arrêt de travail d'un mois, puis retour à la vie active. Reclassement professionnel selon d'importance de la nécrose, les complications et séquelles et le type d'activité physique. Reclassement pour les personnels conducteurs d'engins (SNCF, avion ou PL)
TRAITEMENT Phase hospitalière Poursuite de l'aspirine, définitivement Héparine pendant 48 heures Bêta bloquant Inhibiteur de l'enzyme de conversion si altération de la fonction VG Statines Autres traitements en fonction des complications éventuelles Correction des facteurs de risque et règles hygiéno-diététiques Moyens médicamenteux Angioplastie coronaire avec ou sans stent Pontage aorto-coronaire
MEDICAMENTS B-Bloqueurs: inhibent au niveau des organes cibles l'action des catécholamines en bloquant les récepteurs spécifiques. Diminution de l'inotropisme et ralentissement de la fréquence cardiaque ayant pour effet une diminution de consommation d'oxygène du myocarde Aspirine: anti-agrégants plaquettaire,répond à la pathogénie actuellement admise du développement de l'athérome qui en fait un conflit plaquettes-paroi artérielle. réduction d'environ 30 % des événements vasculaires. La dose recommandée en l'absence de contre-indication est de 75 à 325 mg. Statines: Hypocholestérolémiants, seul les statines ont démontré une efficacité en termes de réduction de la morbidité/mortalité Inhibiteurs de l’enzyme de conversion (I.E.C)
Correction des facteurs de risque Diabète: Chez le diabétique de type II, l'insulinothérapie est recommandée à la phase aiguë de l'infarctus du myocarde et pour les 6 à 12 semaines qui suivent. Cette thérapeutique permet d'améliorer le pronostic d'un infarctus chez le diabétique Tabagisme: 60% des patients rechutent à 1an, mais l’arrêt du tabac permet de diminuer de 30 % le risque de récidive. Il faut mettre tous les moyens en œuvre pour stopper l’intoxication tabagique, au besoin par un soutien psychologique, ou par des traitements substitutifs. Intérêt démontré de stopper les intoxications associées. Hypercholestérolémie: Régime approprié, conseils diététiques, Hypocholestérolémiants, seul les statines ont démontré une efficacité en termes de réduction de la morbidité/mortalité Hypertension artérielle: Intérêt du régime désodé, de la perte de poids, des traitements anti-hypertenseurs Obésité: Intérêt de l’activité physique, et du régime hypocalorique