A la manière de Francis Ponge

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Transcription de la présentation:

A la manière de Francis Ponge Les chenilles A la manière de Francis Ponge

A la naissance de ces petites demoiselles un cordon ombilical les relie toujours à leur nid douillet. Sur leur peau arc-en-ciel une pilosité se développe, une chevelure hirsute et urticante les recouvre. Elles découvrent leur environnement. Après leur chute du haut des pins à la peau rugueuse et brune qui, de leurs longs bras, caressent le ciel, les chenilles redémarrent de plus belle. Leur route est toute tracée. Proies des volatiles, elles se camouflent, mais avancent déterminées, patte après patte, en se tortillant le derrière telles des danseuses invertébrées. Elles ondulent de leur petit corps gélatineux en direction d’un champ à dévorer comme ondulent les syllabes du substantif bien choisi : le « c » figure leur tête, le « n » leurs pattes nettes suivies d’un « i » et de deux « l » aux courbes parfaites mimant leur mouvement sinueux.

L’été envolé, les chenilles de leur corps métamérisé vont et viennent envahir nos jardins, investissant tranquillement les lieux, sans se soucier de nos pensées, elles s’imposent, se disposent et font même une pause, elles dévorent les cours des ménages, s’épanouissent dans les fleurs, se prélassent dans une orgie organique. Contrairement à celui qui coupe la branche sur laquelle il est assis, guidées par leur appétit débordant, elles, préfèrent la manger. Elles remplissent leur rôle d’organe. Un colon qui colonise, un être ni plus ni moins que digestif ! Prenant le temps de s’arrêter dans leur course folle, elles tournent la tête et sont frappées par le trait, le fruit de leur labeur, cette trace sans artifice, le rejet de leur humble personne. Comme le petit poucet, elles sèment leurs excréments.

Peut-être pensent-elles à s’alléger de ce leste, rêvant de leurs futurs voyages, de leur prochaine ascension. Mais bientôt, elles retombent, pattes sur terre, et continuent leur œuvre boulimique. Une, deux, trois, quatre chenilles, bouts de tuyau annelés, colorés de rouge, de vert et de jaune, elles ondulent leur corps et cheminent à la « queue-leu-leu », dans cette verdure, cette brousse, cette jungle, cette forêt amazonienne appelée herbe, afin de goûter aux chairs tendres et vertes, relevées d'une sauce à la chlorophylle. Elles prospèrent, cherchent un endroit, l’endroit magique de la transformation étonnante, qui d’une masse sans relief sculptera l’animal ailé, fragile, gracile.

A la fin de leur dure journée, elles vont se coucher, enveloppées dans leurs draps de soie, sans savoir que lorsqu’elles rouvriront les yeux, elles pourront quitter leur océan de verdure pour un océan azur. Elles rêvent : un jour, les chenilles se tortillèrent doucement et dirent « au-revoir ! » à leur état larvaire… * * * D’autres espèces, les chenilles grinçantes d’un clic clac métallique, progressent, ornées d’un gros bourgeon, une tourelle d’un gris brun vert. Elles envahissent, investissent les places, de préférence Pékin et Prague, surtout au printemps. D’autres encore, les chenilles joyeuses, en fête se dandinent, se lèvent sur un air de musique, chenilles processionnaires humaines, dansantes, hurlantes lorsque l’ambiance devient foraine.

Mais laissons là ces deux espèces déconcertantes, pour revenir à nos petites demoiselles qui rêvent. C'est la nuit et pas une lueur de soleil ne vient caresser leur peau inerte. Le processus est en marche. Nul ne sait ce que subissent ces petits êtres. Mais leurs chrysalides semblent remuer lentement de gauche à droite. Serait-ce Dame chenille qui daignerait sortir ? L'épaisse enveloppe qui la recouvre semble se craqueler. Mais ce n'est pas la chenille qui apparaît. A sa place, une masse difforme et fripée. Qu'est-ce donc que cet étrange insecte ? Ce n'est ni plus ni moins que Dame chenille transformée en Sieur Papillon prêt à conquérir les cieux et à faire la rencontre des fleurs. Les larves éruciformes ont perdu leurs guenilles pour un carnaval de couleurs. Finie la bouillie verte. Vive le nectar et le souffle de l’air sur leurs ailes ocellées. Leur vie sera courte, mais leur journée sera folle et riche.

Mais alors, est-ce qu'avec un peu de temps et de patience, toutes chenilles que nous sommes, nous pourrions devenir jolis papillons ?

Annexes : qui est Francis Ponge ? Ponge est un poète du 20ème siècle. Ses poèmes sont grandement inspirés de la célèbre théorie de Cocteau qui veut que la poésie éclaire les choses du quotidien, en les sublimant, loin de tout sentiment romantique, parce que « l’habitude frotte [l’] image puissante avec sa gomme ». (Le rappel à l’ordre, 1926). Ponge se dit ainsi « le poète le plus utile de sa tribu » (Méthodes, 1961) Dans son œuvre le Parti-pris des choses, Ponge veut établir des liens justifiant le rapprochement entre l’objet et le mot, c’est ce qu’il appelle « fonder ( le mot ) en réalité ».

« La fin de l’automne », F. Ponge Tout l’automne à la fin n’est plus qu’une tisane froide. Les feuilles mortes de toutes essences macèrent dans la pluie. Pas de fermentation, de création d’alcool : il faut attendre jusqu’au printemps l’effet d’une application de compresses sur une jambe de bois. Le dépouillement se fait en désordre. Toutes les portes de la salle de scrutin s’ouvrent et se ferment, claquant violemment. Au panier, au panier ! La Nature déchire ses manuscrits, démolit sa bibliothèque, gaule rageusement ses derniers fruits. Puis elle se lève brusquement de sa table de travail. Sa stature aussitôt paraît immense. Décoiffée, elle a la tête dans la brume. Les bras ballants, elle aspire avec délices le vent glacé qui lui rafraîchit les idées. Les jours sont courts, la nuit tombe vite, le comique perd ses droits. La terre dans les airs parmi les autres astres reprend son air sérieux. Sa partie éclairée est plus étroite, infiltrée de vallées d’ombre. Ses chaussures, comme celles d’un vagabond, s’imprègnent d’eau et font de la musique.

Dans cette grenouillerie, cette amphibiguïté salubre, tout reprend forces, saute de pierre en pierre et change de pré. Les ruisseaux se multiplient. Voilà ce qui s’appelle un beau nettoyage, et qui ne respecte pas les conventions ! Habillé comme nu, trempé jusqu’aux os. Et puis cela dure, ne sèche pas tout de suite. Trois mois de réflexion salutaire dans cet état ; sans réaction vasculaire, sans peignoir ni gant de crin. Mais sa forte constitution y résiste. Aussi, lorsque les petits bourgeons recommencent à pointer, savent-ils ce qu’ils font et de quoi il retourne, - et s’ils se montrent avec précaution, gourds et rougeauds, c’est en connaissance de cause. Mais là commence une autre histoire, qui dépend peut-être mais n’a pas l’odeur de la règle noire qui va me servir à tirer mon trait sous celle-ci.

« Le pain » , F. Ponge La surface du pain est merveilleuse d'abord à cause de cette impression quasi panoramique qu'elle donne : comme si l'on avait à sa disposition sous la main les Alpes, le Taurus ou la Cordillère des Andes. Ainsi donc une masse amorphe en train d'éructer fut glissée pour nous dans le four stellaire, où durcissant elle s'est façonnée en vallées, crêtes, ondulations, crevasses… Et tous ces plans dès lors si nettement articulés, ces dalles minces où la lumière avec application couche ses feux, - sans un regard pour la mollesse ignoble sous-jacente. Ce lâche et froid sous-sol que l'on nomme la mie a son tissu pareil à celui des éponges : feuilles ou fleurs y sont comme des sœurs siamoises soudées par tous les coudes à la fois. Lorsque le pain rassit ces fleurs fanent et se rétrécissent : elles se détachent alors les unes des autres, et la masse en devient friable… Mais brisons-la : car le pain doit être dans notre bouche moins objet de respect que de consommation

« Les mûres » , F. Ponge Aux buissons typographiques constitués par le poème sur une route qui ne mène hors des choses ni à l’esprit, certains fruits sont formés d’une agglomération de sphères qu’une goutte d’encre remplit. * Noirs, roses et kakis ensemble sur la grappe, ils offrent plutôt le spectacle d’une famille rogue à ses âges divers, qu’une tentation très vive à la cueillette. Vue la disproportion des pépins à la pulpe les oiseaux les apprécient peu, si peu de chose au fond leur reste quand du bec à l’anus ils en sont traversés. Mais le poète au cours de sa promenade professionnelle, en prend de la graine à raison : « Ainsi donc, se dit-il, réussissent en grand nombre les efforts patients d’une fleur très fragile quoique par un rébarbatif enchevêtrement de ronces défendue. Sans beaucoup d’autres qualités, - mûres, parfaitement elles sont mûres – comme aussi ce poème est fait. »

« Le gymnaste » , F. Ponge Comme son G l'indique le gymnaste porte le bouc et la moustache que rejoint presque une grosse mèche en accroche cœur sur un front bas. Moulé dans un maillot qui fait deux plis sur l'aine il porte aussi, comme son Y, la queue à gauche. Tous les cœurs il dévaste mais se doit d'être chaste et son juron est BASTE ! Plus rose que nature et moins adroit qu'un singe il bondit aux agrès saisi d'un zèle pur. Puis du chef de son corps pris dans la corde à nœuds il interroge l'air comme un ver de sa motte. Pour finir il choit parfois des cintres comme une chenille, mais rebondit sur pieds, et c'est alors le parangon adulé de la bêtise humaine qui vous salue.