Accélération d’ions par laser de forte intensité : principe, applications, et limites Erik Lefebvre Département de Physique Théorique et Appliquée CEA/DIF,

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Transcription de la présentation:

Accélération d’ions par laser de forte intensité : principe, applications, et limites Erik Lefebvre Département de Physique Théorique et Appliquée CEA/DIF, Bruyères-le-Châtel, France E. d’Humières, L. Gremillet -- CEA/DIF, Bruyères-le-Châtel T. Fuchs -- DKFZ, Heidelberg, Allemagne V. Malka -- LOA, Palaiseau J. Fuchs, P. Antici, P. Audebert -- LULI, Palaiseau présenté aux « Journées Accélérateurs » 2005 de la SFP, Roscoff, octobre 2005

De nombreuses expériences et observations concordantes ont été faites sur les installations laser multi-TW Diagnostic par empilement de film radiochromique (à 70 mm derrière la cible) ~5 1019 W.cm-2 Protons accélérés Cible d’or Épaisseur 60 mm 10 mm

Des cibles chauffées résistivement ou décapées par laser permettent d’accélérer des ions plus lourds Le chauffage de la cible, ou le décapage de sa face arrière permettent d’ôter la couche de polluants hydrogénés qui sont sinon préférentiellement accélérés et fournissent l’essentiel du courant ionique. On a observé des ions C4+ jusqu’à 12 MeV, des F7+ jusqu’à 100 MeV, et des Pb46+ jusqu’à 430 MeV (en face avant) M. Hegelich et al., Phys. Rev. Lett. 89, 085002 (2002) E. Clark et al., Phys. Rev. Lett. 86, 1654 (2000)

Chauffage électronique par interaction laser à ultra-haute intensité Une impulsion laser « ultra intense » possède un champ électromagnétique qui communique aux électrons une vitesse relativiste p┴/mec = a0 = eE/mcw0 ~ 1, soit Il2 ~ 1018 W/cm2 × µm2 Phénomènes très non-linéaires dans la dynamique du plasma, qui conduisent au chauffage d’une fraction de ses électrons à des énergies multi-MeV (pour des impulsions moins intenses, l’énergie laser est absorbée par Bremsstrahlung inverse, et chauffe l’ensemble des électrons du plasma à des températures de ~ keV) On mesure des absorptions et des énergies assez variables, selon les paramètres laser et cible, mais la tendance est à Thot ~ Upond ~ 0.511 ((1+Il2/1.4×1018)1/2-1) MeV Abs ~ 1.2×10-15 × I0.74 [W/cm2], avec un maximum à 0.5 a b G. Malka et J.-L. Miquel, Phys. Rev. Lett. 77 (1996), 75 M. Perry et al., LLNL, non publié

L’accélération d’ions par laser Contaminant hydrogéné (H2O) Cible massive 10 - 100 mm Ex = kThot/elD ~ 1012 V / m Laser quelques J / ~1 ps (>10 TW) Il2 >1018 W cm-2 mm2 - - - H+ - + - + - + H+ + autres e- + - + - Laser I. ambipolar expansion III. target normal sheath acceleration II. hole boring, electrostatic shock R. Snavely et al., Phys. Rev. Lett. 85, 2945 (2000). J. Denavit, Phys. Rev. Lett. 69, 3052 (1992) S.J. Gitomer et al., Phys. Fluids 29, 2679 (1986) nion ~ exp(- z / lo) Expansion quasineutre z n

Emax/rear ~ (nsheathThot)1/2 Thot ~ (Il2)1/2 A partir du modèle isotherme, on déduit une approximation de l’énergie maximale en fonction des paramètres de l’interaction Thot=Tponderomotive d Emax/rear ~ (nsheathThot)1/2 Thot ~ (Il2)1/2 En introduisant ces estimations de la densité et de la température des électrons chauds dans le modèle isotherme, avec un temps d’accélération de l’ordre de la durée d’impulsion laser: Emax ~ kBThots ln2[1.3 wpe tlaser] on obtient un accord raisonnable avec les mesures et les calculs Pourtant l’expansion n’est pas du tout isotherme – mais elle dure aussi plus longtemps que la durée d’impulsion laser ! avec un ½ angle d’ouverture typique : q ~ 20°

Quand l’épaisseur de cible diminue, on passe d’un régime de TNSA classique à celui de la transparence relativiste Cible mince + intensité “relativiste” = transparence induite de la cible, chauffage en volume, et accélération ionique à plus haute énergie Shock TNSA expansion E. d’Humières et al., Physics of Plasmas 12, 062704 (2005)

Par rapport aux prédictions théoriques, l’énergie maximale obtenue est limitée par l’effet de la préimpulsion laser sur la cible Exemple d’une expérience récente au LULI : Mais l’impulsion est précédée par un « piédestal » à 10-7 Imax pendant plusieurs centaines de ps E = 20-30 J p = 0.3 ps l= 1053 nm 25 modèle ‘isotherme’ Autoco 3w - delay (ps) 20 1,E-12 1,E-10 1,E-08 1,E-06 1,E-04 1,E-02 1,E+00 -120 -100 -80 -60 -40 -20 - 20 40 60 15 Front avant de l’impulsion 10 5 Perturbation en face arrière 10 100 Épaisseur d’Al (µm) Un contraste mieux contrôlé est nécessaire pour tirer parti de l’interaction avec des cibles sub-micrométriques (utilisation de miroir plasma, de mousse ou jet de gaz en face avant…)

L’interaction à haute intensité est modélisée avec notre code particulaire (Particle-In-Cell) CALDER L’interaction ondes – particules est décrite en résolvant, sur un domaine de géométrie 1D, 2D ou 3D, le système couplé formé par Les équations de Maxwell Une équation cinétique (Vlasov sans collisions) pour chaque espèce de particules Les équations de Maxwell sont résolues sur une grille cartésienne, fixe et régulière, avec comme termes sources les densités (r, j) résultant du mouvement des espèces du plasma Les équations de Vlasov sont résolues par une méthode particulaire, ce qui demande le calcul des trajectoires d’un grand nombre de « macro-particules » soumises aux champs régnant dans le plasma et extérieurs Ce code est parallélisé par une technique de décomposition de domaine et peut utiliser plusieurs centaines de processeurs sur la machine TERA du CEA/DIF

La simulation PIC confirme le scénario d’accélération par TNSA Laser : 1020 W/cm2,36 fs Ces simulations particulaires confirment globalement les propriétés des faisceaux : large spectre en énergie avec chute abrupte, variations avec l’épaisseur de la cible, l’intensité laser, caractère apparemment ‘isotherme’ de la détente…

Applications (1) : protoscopie Les faisceaux de protons produits par interaction laser-plasma ont des caractéristiques adaptées à l’imagerie de champs basses fréquences dans les plasmas : Résolution spatiale  5 µm, car la source virtuelle est plus petite que la source réelle Technique multi-image, résolution temporelle  1 ps liée à la résolution de la mesure en énergie – en raison du spectre large de la source, les protons d’énergies différentes traversent le plasma à des temps différents Mylar 50 mm, t ~ 5 ps Al 40 mm, t ~ 10 ps M. Borghesi et J. Fuchs, communications privées

Applications (2) : chauffage isochore En raison de la brièveté du faisceau de protons et des bonnes propriétés de dépôt d’énergie des ions dans la matière, ces sources sont de bons candidats pour porter des solides à des températures de plusieurs eV en quelques ps – avant tout mouvement hydrodynamique sensible. Une « preuve de principe » a été donnée par P. Patel et al. dans une expérience avec le laser JanUSP (10 J / 100 fs / foyer 50 µm / 5×1018 W/cm2) à Livermore : Chauffage d’une cible secondaire d’aluminium de 10 µm d’épaisseur à des températures de 4 à 23 eV, selon la géométrie de la cible émettrice de protons température de 23 eV ≡ énergie interne de 0.73 MJ/g – qui peut par exemple être apportée par un faisceau de 8×1011 protons d’énergie moyenne 1.5 MeV, frappant la cible sur une dimension de f 46 µm Un tel faisceau transporterait 0.2 J, i.e. 2 % de l’énergie laser incidente P. K. Patel et al., Phys. Rev. Lett. 91, 125004 (2003)

On calcule bien l’émission d’un faisceau convergent à partir d’une cible incurvée En accord avec les mesures de Patel, le calcul indique que le faisceau convergent émis par une cible hémisphérique est capable de chauffer la cible secondaire à une température supérieure, et sur une plus petite zone Cible plane : 12 eV; f 160 µm Cible courbe : 33 eV ; f 20 µm La température et la taille de la zone chauffée peuvent être modifiées en variant la position de la cible secondaire dans le faisceau convergent : pour un décalage de -50 µm : 22 eV, f 60 µm

Si l’on extrapole à des lasers en projet (Petawatt, multi-kJ) 3×1013 protons avec une distribution maxwellienne à une température de 3 MeV, et un cutoff “bas” à 2 MeV, emportant 24 J On calcule le dépôt d’un tel faisceau dans 20µm d’aluminium solide : tous les protons ont leur pic de Bragg “derrière” l’aluminium, ce qui garantit un dépôt d’énergie très homogène La cible est chauffée à une température moyenne de 130 eV avec une ionisation Z* ~ 8.5 ~24 J dans le faisceau incident, ~2.2 J deposé dans la cible d’Al

Limites et perspectives : on aimerait accélérer à des centaines de MeV L’utilisation de ces sources « laser intense » pour la protonthérapie demande d’atteindre des énergies supérieures à la centaine de MeV, avec une grande répétition Le record en énergie (55 MeV) a été obtenu sur une installation très énergétique (Pétawatt Nova, à Livermore), où la fréquence de tir est faible (quelques tirs / heure) donc impropre à une utilisation « industrielle » des faisceaux Pour atteindre de telles énergies avec des lasers à impulsions courtes (sub-100 fs), susceptibles de fonctionner à plus haute cadence, les simulations indiquent que des éclairements de l’ordre de 1021 W/cm2 sont nécessaires Laser 1021 W/cm2 Avant même une telle application, ces sources d’ions pourraient avoir un intérêt pour la production de radio-isotopes émetteurs b+ – des activités de l’ordre du GBq en 11C ou 18F sont attendus avec un laser à 1020 W/cm2 / 30 fs / 10 Hz après 30 minutes d’irradiation S. Fritzler et al., Appl. Phys. Lett. 83, 3039 (2003) E. Fourkal et al., Med. Phys. (2002) V. Malka et al., Med. Phys. 31, 1587 (2004)

Limites et perspectives : on aimerait diminuer la dispersion en énergie… La dispersion en énergie est intrinsèque au mécanisme d’accélération : plus un ion est « enfoui » sous la surface de la cible, plus le champ qu’il subit est écranté par les ions extérieurs, et plus son énergie finale est réduite. → Pour réduire la dispersion en énergie, on peut commencer par réduire l’épaisseur de la couche de protons en face arrière Simulations 1D de l’interaction d’une impulsion de durée 51 fs et d’intensité 1.25 x 1021 W/cm2 avec une cible à 40 nc et d’épaisseur 500 nm. En 2D/3D, il faut aussi réduire la largeur du dépôt de protons. Avec une largeur inférieure ou égale à la largeur de la tache focale, le faisceau de protons produit devrait être beaucoup plus homogène en énergie. Nous étudions actuellement des scénarios « multi-impulsions / multi-cibles » pour mieux contrôler l’accélération et la dispersion en énergie Dépôt de protons Laser Cible

Conclusions De nombreuses expériences ont permis d’observer des faisceaux d’ions accélérés à partir de la face arrière (non irradiée) d’une cible soumise à une impulsion laser de quelques fractions de ps / plusieurs 1019 W/cm2 Sauf précautions particulières, l’émission est principalement constituée de protons, accélérés par le fort champ de charge d’espace qu’établissent aux bords de la cible les électrons chauffés par le laser Plusieurs propriétés intéressantes de ces faisceaux suscitent déjà des tentatives d’applications: Possibilité de réglage de l’énergie maximale et de la température en jouant sur intensité et durée de l’impulsion laser, épaisseur de la cible Régime « amélioré » d’accélération pour des cibles très minces, chauffées en volume par le laser Géométries de cibles « exotiques » pour mieux contrôler les propriétés du faisceau Faisceau court : utilisation pour chauffer des échantillons micrométriques de matière solide à des températures de plusieurs eV Spectre large en énergie et source virtuelle microscopique : utilisation pour la radiographie des champs quasi-statiques dans un plasma T. Zh. Esirkepov et al., Phys. Rev. Letts. 89, 175003 (2002)