Cours: Changement Social hiver salle M1160 Dr. Simone Baglioni Les racismes: théories et pratiques Cours du 8 décembre 2005

Nationalisme, impérialisme et racisme Sources de cette séance: Anderson, B., 1983, Imagined Communities: Reflections on the Origin and Spread of Nationalism, London, Verso Arendt, H., 1982, L’impérialisme, (II partie de: The Origins of Totalitarianism, 1951), Paris, Fayard Hobsbawm, E., 1990, Nations and Nationalism since 1870, Cambridge, Cambridge University Press Miles, R. and M. Brown, 2004 (2 ed.), Racism, (Chap. 6), London, Routledge

Intro Caractéristique de l’Etat-nation: pensée selon laquelle la population du monde est naturellement divisée entre différentes nations. Chaque nation a le droit à une organisation politique autonome assurée par un Etat (ensemble d’institutions exerçant autorité sur un territoire délimité) Etablissement Etat-nation accompagné par l’idéologie du nationalisme, idéologie ayant en commun avec le racisme le fait d’être enracinée sur la distinction entre le Soi-même et l’Autre

Etat-nation se forme sur les ruines de la société féodale: expression de la volonté d’autonomisation et d’indépendance des communautés Affirmation du principe: chaque peuple maître de son propre destin

Etapes historiques de la création du nationalisme: 1. Révolution française  principes clefs: p. démocratique (égalité) et p. national (Etat=peuple) 2. Politique expansion de l’ Allemagne fin XIX s. (impérialisme intra et extra-européen, 1 ère guerre mondiale) 3. Révolution industrielle (capitalisme et ses conséquences politiques: entrée des masses dans la politique)

Idéologie nationale élaborée pour garantir la cohésion sociale du peuple vers l’Etat, une façon d’intégrer les citoyens dans l’Etat démocratique Comme dans le passé la cohésion sociale était assurée par la religion, par la monarchie ou par les deux ensemble, au moment où c’est le peuple qui réclame le pouvoir, c’est autour du peuple que l’on va bâtir les raisons et les idées pour une nouvelle cohésion

Idées qui font appel à des racines ‘communes’ (ancêtres, langues, religion, culture) débouchant sur la formation d’un sentiment d’appartenance, de partage d’un seul destin Idée d’une communauté imaginée (voir Anderson) Moyen de diffusion de cette idée: langue, écoles, service militaire obligatoire

Cela est basée sur une idée précise de l’Altérité comme ‘ennemie’, comme ‘compétitive’. Dans les mots de l’Abbé Barruel en 1798: « Le nationalisme pris la place de l’amour et il fut possible de mépriser les ‘autres’, les étrangers [..] ceci fut appelé patriotisme » Nationalisme: dissociation entre les concepts de Nation et Humanité, car le N. répose sur l’idée de division naturelle du genre humain

Le projet politique du N. est entrelacé à un projet de représentation basé sur la construction d’une histoire et sur un sens émotionnel de partage d’un destin unique qui débouchera dans la création d’un ‘Soi- même’ défini dialectiquement par la présence d’un ‘Autre’ La distinction entre collectivités était basée pour certains nationalistes sur le racisme scientifique, les distinctions entre nations étaient ancrée dans la distinction biologique  racisme basé sur la définition négative de l’Autre et sur une idée d’historicité des destins, exactement comme N.

Construction de l’Etat-nation en Australie exemplaire de l’entrelacement entre nationalisme, racisme et capitalisme

Hobsbawm (I) Ethnie ou race, importants dans la construction du nationalisme moderne car les différences dans l’aspect physique sont évidentes et parfois ont été utilisées pour souligner les différences entre ‘nous’ et les ‘autres’, y comprise la différence nationale

Hobsbawm (II) Toutefois: 1. Avant le nationalisme moderne différences somatiques servaient pour différencier entre couches sociales plutôt qu’entre communautés; 2. Différences utilisées pour identifier les autres plutôt que le groupe d’appartenance; 3. Cette ‘ethnie’ négative est loin de constituer un élément de base du protonationalisme (exemples: la perception ‘raciale’ très forte des populations amérindiennes fruit de la colonisation n’a pas amené au nationalisme, ni la négritude toute seule a été à la base de la formation d’un seul état africain).

Hobsbawm (III) Liens nationalisme—racisme: commune aversion au ‘métissage’, commune aspiration à la ‘pureté’ (ex. langue) Nationalisme dévélop à la suite des changements sociaux et politiques Changements sociaux: 1. Resistance des groupes ménacés par la modernité; 2. Emergence de classes et couches sociales liées au dévéloppement et à l’urbanisation; 3. Migrations de masse, diasporas…

Anderson (I) Les rêves du racisme trouvent leur origine dans les idéologies de classe plutôt que dans celles de la nation (prétention des dirigeants à la divinité, revendication du sang ‘bleu’ des aristocrates….) Pas étonnant que le père du racisme moderne ne soit pas un nationaliste petit- bourgeois mais le ‘comte’ de Gobineau Racisme et antisémitisme se manifestent à l’intérieur des frontières nationales

Anderson (II) Racisme associé à la domination européenne pour deux raisons convergentes: 1. Nationalisme officiel réponse des groupes dynastiques et aristocratiques menacés au nationalisme vernaculaire populaire. Le racisme colonial était un élément majeur de cette conception de l’Empire qui tentait de souder légitimité dynastique et communauté nationale (fit par en généralisant aux territoires d’outre-mer le principe de supériorité); 2. Empire colonial permit à la bourgeoisie de jouer à l’aristocratie loin de la cour centrale

Arendt (I) Logique de Arendt: Nationalisme pervers  Impérialisme Impérialisme nécessite des théories raciales Impérialisme : conquête Européenne de l’Afrique, la calme en Europe qui précède la tempête. A. voit une continuité entre l’Imp. et les guerre mondiales, imp. phase préliminaire

Arendt (II) Expansion comme but principal et permanent était l’idée clef de l’impérialisme Nouveauté du concept dans l’histoire: il n’impliquait pas l’exploitation temporaire du territoire conquis ni l’assimilation définitive de ses habitants Originalité apparente: i. pas un concept qui a des origines politiques mais commerciales  expansion=agrandissement continu de la production industrielle et des transactions économiques typiques du XIX siècle

Arendt (III) Révolution industrielle se heurtait avec les frontières du territoire national: fabrication et diffusion de ses produits devait faire face à une multiplicité des populations organisées selon des systèmes politiques différents L’impérialisme est né quand la classe dominant se heurte avec les limitations nationales à ses affaires La bourgeoisie se dédie à la politique poussée par les besoins économiques: si elle voulait conserver le système capitaliste, basé sur la lois du développement sans cesse, elle devait imposer cette lois aux gouvernements en proclamant l’expansion comme le but ultime de la politique étrangère

La bourgeoisie a été émancipée politiquement par l’impérialisme Sa conception de l’état, avant son engagement politique, était basée sur l’idée d’une organisation ayant surtout des fonctions de ‘police’. Les bourgeois se voyaient comme des ‘privés’ auxquels l’Etat devait garantir une sécurité physique et une protection des activités commerciales.

Arendt (IV) La concurrence entre ‘empires’ armés ne pouvait se conclure qu’avec la victoire de l’un et la mort des autres Mais le nationalisme est un problème pour l’impérialisme: essai de la France sous Napoléon de mettre ensemble jus et imperium (transposition de la Nation française dans d’autres contextes, assimilation) est un échec Les anglais de leur côté essayent de maintenir le nationalisme des peuples soumis en leur laissant autonomie culturelle, religieuse, etc…ce qui n’a pas empêché la naissance du nationalisme des peuples soumis Tout cela a contribué à renforcer l’idée d’une supériorité permanente, d’une différence absolue et physique entre races supérieures et inférieures

Arendt (V) Alliance entre le capital et la plèbe Capital avait besoin de rejoindre des potentiels acheteurs et consommateurs dans d’autres pays (production industrielle accroit énormément richesse mais elle n’est pas distribuée: cela donne lieu à un excès d’épargne non-utilisé à l’intérieur des frontières nationales) La bourgeoisie, le capital, demandent donc à l’Etat de favoriser (et de sécuriser avec la force) l’investissement de l’épargne ailleurs

Arendt (VI) MAIS la lutte de classe à la base de la production industrielle minait la cohésion de la nation  l’expansion semblait alors fournir un nouveau intérêt commun C’est pour ceci que les impérialistes deviennent les ‘parasites du patriotisme’

Arendt (VII) La pensée philosophique-politique fournissant les présupposés de toute théorie raciale et donc aussi de l’impérialisme est celle de Hobbes Etat de nature, guerre de tous contre tous, base des idéologies concevant les nations comme des tribus séparées par nature, ignorant la solidarité humaine, ayant en commun le seul sentiment de conservation que l’homme partage avec les animaux

Arendt conclusion: « Si l’idée d’humanité n’est plus valable, rien est plus plausible d’une théorie selon laquelle les races de couleurs, brune, noire, jaune, descendent de quelque espèce de singes anthropomorphes différentes de celle de la race blanche et ces races sont toutes prédestinées par nature à se combattre jusqu’à disparaître…..et…

Arendt conclusions: Une fois que les russes sont devenus des slaves, les français sont devenus des comandants des la force noire, les anglais se sont transformés en ‘blancs’, et tous les allemands pour une désastreuse formule magique en ‘ariens’, c’est la fin de l’homme occidentale »