Dépression Résistante Quand la dépression ne guérit pas Quelle stratégie choisir? Preuves scientifiques et évidences cliniques Prof. William PITCHOT ULG
Dépression résistante Une question d’inertie
Inertie clinique : La faute à qui? "... Failure of health care providers to initiate or Intensify therapy when Indicated " and " recognition of the problem, but failure to act " 1 "... Use the term « clinical inertia » to encompass a host of factors in at least 3 categories : physician factors, patient factors and office system factors. " 2 1 Philipps et al. Ann Intern Med, 2001; 2 Allen et al. JMCP 2009
Du côté du clinicien : Inertie diagnostique et thérapeutique Recherche d’un diagnostic précis Remise en question du diagnostic : accepter de s’être trompé Le traitement : Quel objectif? Quelle ambition? Quelle détermination? Quelles connaissances? Quelle expérience?
Un épisode de dépression GUERISON REMISSION HAMD17 7 Rechute Récidive RESPONSE 50% réduction HAMD17 Sévérité Phase du traitement Aigu (8-12 sem) Entretien (6-9 mois) Maintenance 1 an But du traitement: Rémission complète Prévention des rechutes Prévention des récidives Response is traditionally defined as a 50% improvement on a rating scale (e.g. the HAMD17), with partial response defined as a 25–49% improvement [Prien 1991]. In antidepressant treatment trials response was often considered as the principal treatment goal. Remission is traditionally thought of as a fully asymptomatic state with return to premorbid functioning, or a complete response at the end of the acute treatment phase, marking the end of the clinical episode. This state can be substantiated further by a (near) lack of symptoms as expressed by a low absolute score on a rating scale (e.g. a HAMD17 score of less than or equal to 7 [Frank et al. 1991]) or, alternatively, a loss of the diagnosis of depression (i.e. no longer meeting DSM-IV criteria for depression). References Kupfer D.J. J.Clin.Psychiatry 1991;52 [5 suppl.]: 28-34 Nierenberg A.A. et al. J.Clin.Psychiatry 1999; 60 [suppl.22]:7-11 Ballenger J.C. J.Clin.Psychiatry 1999; 60 [suppl.22]:29-34 Frank et al. Conceptualization and rationale for consensus definitions of terms in major depressive disorder. Remission, recovery, relapse, and recurrence. Arch Gen Psychiatry 48: 851–5 (1991). Prien et al. The definition and operational criteria for treatment outcome of major depressive disorder. A review of the current research literature. Arch Gen Psychiatry 48: 796–800 (1991). Temps Kupfer. J Clin Psychiatry 1991. Nierenberg et al. J Clin Psychiatry 1999. Ballenger. J Clin Psychiatry 1999
La dépression : Comorbidité avec un trouble anxieux
Causes somatiques de la résistance au traitement Endocriniennes Hypo- et hyperthyroïdisme, hyperparathyroïdisme, post-partum, syndrome prémenstruel, maladie de Cushing, maladie d'Addison, diabète Infectieuses Syphilis tertiaire, influenza, pneumonie virale, hépatite virale, mononucléose infectieuse, tuberculose, SIDA Pharmacologiques Corticostéroïdes, contraceptifs oraux, réserpine, alphaméthyldopa, clonidine, flunarizine, anticholinestérases, cimétidine, sevrage d'amphétamine, interféron, indométhacine, vincristine, vinblastine, cyclosérine, mercure, thallium, phénothiazines, insecticides Neurologiques Sclérose multiple, maladie de Parkinson, trauma crânien, épilepsie partielle complexe, tumeurs cérébrales, apnées du sommeil, démences au début de la maladie, accidents ischémiques Nutritionnelles Défiscience en vitamine (B12, C, thiamine, acide folique) Néoplasiques Cancer de la tête du pancréas, carcinomatose Collagénoses Lupus érythémateux systémique, arthrite rhumatoïde Pitchot et al. Rev Med Liège 2010
Dépression majeure unipolaire résistante : Remise en question du diagnostic 39.2% passage du diagnostic de dépression UP à trouble bipolaire 24.3% bipolaires I 14.9% bipolaires II Surtout dans le cas des dépressions sévères et résistantes 1.0 0.8 0.6 0.4 0.2 Total (n=309) Men (n=74) Woman (n=235) Courbe de survie 0 10 20 30 40 50 Années depuis le début du 1er épisode Angst J, et al. J Affect Disord 2004.
Réponse aux antidépresseurs : liens entre l’absence de réponse et la bipolarité Patients bipolaires Patients unipolaires Absence de réponse au traitement 51.3% 31.6% Réponse initiale mais Perte de l’efficacité 53.8% 15.8% Virage maniaque sous AD 48.8% 0% 0 10 20 30 40 50 60 Ghaemi et al 2004
Dépression bipolaire vs unipolaire : Quelle probabilité? Dépression BPI si 5 ou plus Dépression UP si 4 ou plus Insomnie Perte d’appétit et/ou de poids Niveau d’activité normal ou augmenté Plaintes somatiques Début tardif du 1er épisode (>25 ans) Durée longue de l’épisode (>6mois) Absence d’histoire de bipolarité Symptomatologie Hypersomnie et/ou sieste Hyperphagie et/ou prise de poids Autres symptômes atypiques Ralentissement psychomoteur Caractéristiques psychotiques ou culpabilité pathologique Humeur labile/symptômes maniaques Evolution de la maladie Début précoce du 1er épisode (< 25 ans) Nombreux épisodes (5 ou plus) Histoire familiale Histoire positive de bipolarité
Dépression résistante Traitement médicamenteux
Doutes sur l’efficacité des antidépresseurs Les antidépresseurs comme le Prozac sont presque inefficaces, selon une étude britannique Article publié le 26 Février 2008 Source : LE MONDE.FR avec AFP Les antidépresseurs de dernière génération comme le Prozac et le Seroxat n'ont pas plus d'effet que des placebos sur la plupart des personnes souffrant de dépression, ... Antidepressants may not work - report Antidepressant drugs may have little effect on patients, many unpublished studies show. January 16 2008 According to a report in The Wall Street Journal, many studies have found that best-selling antidepressants like Wyeth's Effexor and Pfizer's Zoloft may have little or even no effect on patients. Kirsch et al. Plos Medecine,2008
Bénéfices des antidépresseurs : Rôle de la sévérité Kirsch et al. Plos Medecine,2008
Stratégies de traitement de la dépression résistante Augmentation de la dose et durée du traitement Changement d’antidépresseur Association d’antidépresseurs Potentialisation de l’antidépresseur D’autres stratégies ne peuvent être envisagées qu’après évaluation des éventuelles comorbidités, de l’observance du traitement et d’une optimisation du traitement initial. L’optimisation du traitement passe généralement par une augmentation de la dose et la garantie d’un essai adéquat du médicament; un essai de 4 à 8 semaines doit être tenté avant de passer à un autre produit. Références American Psychiatric Association. Practice guideline for the treatment of patients with major depressive disorder (revision). Am J Psychiatry 2000;157(4 suppl):1-45. Accédé en février 2006 par www.psych.org/psych_pract/treatg/pg/Depression2e.book.cfm. Anderson et al. Evidence-based guidelines for treating depressive disorders with antidepressants: a revision of the 1993 British Association for Psychopharmacology guidelines. British Association for Psychopharmacology. J Psychopharmacol 2000;14:3-20. National Institute of Clinical Excellence. Depression: management of depression in primary and secondary Care. Clinical Guideline 23. London: NICE (2004). Accédé en février 2006 par www.nice.org.uk/CG023NICEguideline. APA. Am J Psychiatry 2000;157(4suppl):1-45. Anderson et al. J Psychopharmacol 2000;14:3-20. Fava J Clin Psychiatry, 2009; Rush et al. CNS Drugs, 2009; Pitchot et al. Rev Méd Liège, 2010.
Seconde étape : Absence de réponse ou réponse partielle à un SSRI 432 professionnels de la santé impliqués dans le traitement de la dépression Préference (%) Augm. dose Augm. / combin. Passage à un autre SSRI Passage à un non-SSRI Fredman et al. J Clin Psychiatry 2000; 61: 403-408.
Optimisation du traitement antidépresseur Durée du traitement avant de changer de stratégie: entre 2 et 6 semaines Dose de l’antidépresseur: important pour les produits suivants Tricycliques IMAO Venlafaxine (Efexor exel°) Escitalopram (Sipralexa°) Pitchot et al. Acta Psychiatrica Belgica 2014
Intérêt de l’action combinée NA/5HT -0.6 -0.5 -0.4 -0.3 X Effect Size X -0.2 -0.1 X 0.1 0.2 All TCAs (n=25) p=.01 SNRI TCAs (n=15) p=.02 NRI TCAs (n=10) p=.48 Meta-analysis of 25 studies. Anderson. Depress Anxiety 1998; 7 (suppl 1):11-17.
SSRI vs AD avec des effets NA et 5-HT Méta-analyse de nouveaux AD 93 essais cliniques NNT = 24 Signification clinique? Papakostas et al. Biol Psychatry 2007
Possibilités de changement après échec avec un SSRI Paroxetine TCA Mirtazapine Venlafaxine Duloxetine Reboxetine Bupropion MAOI Citalopram Fluoxetine Sertraline Escitalopram Principallement des études ouvertes Résultats peu consistants Au moins 50% des patients non-répondeurs à un SSRI peuvent répondre à un autre Nelson JC. J Clin Psych 2003
To switch or not to switch : That’s the question Souery et al. World J Biol Psychiatry, 2011
Etude STAR*D : Quels enseignements? 2876 patients déprimés majeurs Traitement par Citalopram (dose moyenne=41,8 mg, durée moyenne=10 semaines) Peu de critères d’exclusion (« real world ») En médecine générale et en psychiatrie Randomisation et choix du patient Evaluation de la rémission plutôt que la réponse Rush et al. N Engl J Med 2006; Rush et al. CNS Drugs 2009
STAR*D : 4 niveaux de traitement Réponse satisfaisante Niveau 1 Citalopram Suivi Réponse insuffisante Niveau 2 Changement ou Potentialisation Niveau 3 Changement ou Potentialisation Niveau 4 Changement Rush et al. N Engl J Med 2006; Rush et al. CNS Drugs 2009
STAR*D : Rémission après changement d’antidépresseur Patients n’ayant pas répondu au Citalopram Rush et al. N Engl J Med 2006
Duloxétine chez les déprimés résistants aux SSRI et/ou venlafaxine Etude rétrospective 29 patients DM en consultation (9M, 20F) Absence de rémission complète (CGI-sévérité ≥ 3) après un traitement adéquat avec SSRI ou Venlafaxine Exclusion des patients avec une affection médicale ou un trouble de la personnalité Rémission après 6 semaines (CGI-Sévérité = 1, absence de dépression) Pitchot et al. Psychiatr Danub 2010
Duloxétine chez les déprimés résistants aux SSRI et/ou venlafaxine Avant Après Pitchot et al. Psychiatr Danub 2010
Duloxétine chez les déprimés résistants aux SSRI et/ou venlafaxine 48% Pitchot et al. Psychiatr Danub 2010
Associations d ’antidépresseurs Réboxétine-SSRI Mirtazapine-SSRI Venlafaxine-SSRI Venlafaxine-Mirtazapine SSRI-SSRI SSRI, venlafaxine-bupropion Tricyclique-IMAO
Associations d’antidépresseurs : Intérêt de la mirtazapine Etude en double-aveugle randomisée 105 Patients déprimés majeurs Traitement initial par mirtazapine associée avec fluoxétine, bupropion, venlafaxine Comparaison avec fluoxétine seule Evaluation de la rémission à 6 sem. % Blier et al. Am J Psychiatry, 2010
Rémission partielle: Stratégies de potentialisation Lithium Hormones thyroïdiennes Pindolol Buspirone Agents psychostimulants Agonistes dopaminergiques Cabamazepine Valproate Olanzapine Risperidone Aripiprazole Quétiapine ... Fava et al. J Clin Psychiatry, 2009
Stratégie de potentialisation avec le lithium : 10 études en double-aveugle vs placebo Taux de réponse Bauer et al. Eur Arch Psychiatry Clin Neurosci, 2003; Shelton et al. CNS Drugs 2010
Stratégie de potentialisation : Etudes contrôlées vs placebo Agent # Essais Total N Résultats Lithium 10 269 P=0.0001; OR= 3.11 (1.80-5.37) T3 4 75 P=0.29 Stimulants 1 60 P=0.22 Modafinil 308 P=0.02 Pindolol 2 80 Pas d’effet Acide folique 127 P<.05 chez la femme Omega 3 6 311 Variable, méta-analyses = n.s. Atypiques 15 3456 P=0.00001; OR=1.69 (1.46-1.96)
Odds Ratios des Taux de Réponse avec Atypiques vs Placebo Méta-analyse des taux de résponse dans les études en double-aveugles contrôlées vs placebo évaluant l’eficacité des atypiques en adjonction avec un AD Odds Ratios des Taux de Réponse avec Atypiques vs Placebo Essais par médication OR (Fixed) 95% CI Olanzapine Shelton 2001 Shelton II 2005 Corya 2006 Thase 2006 Thase II 2006 Sous-total 1.39 [1.05, 1.84]; Z=2.30, p=0.02 Risperidone Mahmoud 2007 Keitner 2009 Reeves 2008 Sous-total 1.83 [1.18, 2.82]; Z=2.71, p=0.007 Quetiapine Khullar 2006 Mattingly 2006 McIntyre 2006 Earley 2007 El-Khalili 2008 Sous-total 1.61 [1.24, 2.09]; Z=3.56, p=0.0004 Aripiprazole Berman 2007 Marcus 2008 Berman 2008 Sous-total 2.07 [1.58, 2.72]; Z=5.28, p=0.00001 Effet global 1.69 [1.46, 1.95]; Z = 7.00, p< 0.00001 0.1 0.2 0.5 1 2 5 10 Favorise Contrôle Favorise Traitement Nelson JC and Papakostas GI Am J Psychiatry, 2009
Quétiapine Mono, Quétiapine add-on et Lithium add-on Montgomery et al. EPA 2010
Quétiapine Mono, Quétiapine add-on et Lithium add-on Montgomery et al. EPA 2010
Potentialisation avec l’Aripiprazole : Etude en double-aveugle vs placebo Marcus et al. J Clin Psychopharmacol 2008
Lamotrigine : antiépileptique et antidépresseur Lamotrigine dans la dépression bipolaire Importance de la sévérité Intérêt dans la dépression unipolaire Groupes spécifiques : Rechute rapide Probabilité d’être bipolaire Geddes et al. Br J Psychiatry, 2009; Vigo and Baldessarini Harvard Review Psychiatr, 2009; Pitchot et al. Personal results
Lamotrigine pour les cas les plus difficiles 20 Déprimés majeur TRD : absence de rémission maintenue (> 4 sem.) malgré 5 essais thérapeutiques Rémission définie par un score CGI-sévérité de 1 après 12 sem. Avant Après Pitchot et al. 2010
Lamotrigine pour les cas les plus difficiles 2 Répondeurs 75% Dose moyenne = 116,7 ± 56,3 mg Pitchot et al. 2010
STAR*D : Taux de rémission par niveau Rush et al. Am J Psychiatry 2006; 163:1905-1917
Stratégies non-pharmacologiques ECT Psychothérapies Nouvelles approches Stimulation magnétique transcrânienne (TMS) Stimulation du nerf vague (VNS) Stimulation cérébrale profonde
Traitement de la dépression : Pas uniquement une question d’ « antidépresseurs » Antiépileptiques Antipsychotiques Exercices physiques Produits naturels Noyau dépressif Luminothérapie Traitements physiques Psychothérapies
Conclusions Rémission : un objectif réaliste à tous les stades de la maladie Remise en question du diagnostic en fonction de la nature de la résistance Stratégies de traitement : importance des données scientifiques, de l’expérience et du choix du patient Assumer ses choix thérapeutiques Rôle de la psychothérapie (surtout sur comorbidité et prévention des récidives) Quelle stratégie pour quelle type de résistance? Ne jamais abandonner