A propos de la maladie d’Alzheimer Louis PLOTON Professeur de gérontologie Université Lyon-2
Définition La maladie d’Alzheimer (M.A.) est une affection comportant une atteinte progressivement invalidante de la mémoire et d’au moins une des facultés développées par apprentissage; Son évolution est lente et progressive (plus de six mois). Autrefois, pour porter le diagnostic on doit éliminer toutes les autres causes neurologiques ou psychologiques connues. Actuellement: Le diagnostic se fait au moyen d’une exploration (neuropsychologique) poussée des fonctions intellectuelles. Pr. Louis PLOTON
Plans d’étude de la MA La maladie d’Alzheimer (MA), associe : Des modifications neurologiques, Des déficits intellectuels et psychomoteurs, Des modifications psychologiques. NB/ pour le clinicien, la MA n’est pas plus neurologique que psychologique, c’est l’exploration qui en est faite qui se situe sur un de ces terrains, avec des interactions probables entre eux. Pr. Louis PLOTON
Les modifications neurologiques Dans la MA on observe: Des zones d’atrophie cérébrales (hippocampe) Des lésions microscopiques (subst. Amyloïde; subst. Tau)… Des baisses de quantité de neuromédiateurs (acéthylcholine) Sans qu’on sache vraiment quels lien de cause à effet il y a entre les changements biologiques et les symptômes observés. Il y a une corrélation statistique lésions / déficit cognitif, mais avec des exceptions inexpliquées. Pr. Louis PLOTON
Les déficits intellectuels et psychomoteurs Ils sont caractéristiques de la de MA et ils permettent de la différencier des affections apparentées, avec notamment : perte progressive de la mémoire biographique (m. épisodique) ; Atteinte de l’attention et de la mémoire de travail, perte progressive des apprentissages (mémoire procédurale) altérations du langage (manque du mot, erreurs de mots) défaillances des opérations mentales (orientation, logique, abstraction, conceptualisation, sens figuré, anticipation, planification….). Notion de perte de la commande consciente volontaire. Pr. Louis PLOTON
Chronologie des déficits Pannes de pensée, diminution des capacités d’association d’idées; Pertes de compétences ex: manger, s’habiller, se laver (apraxies) mais aussi reconnaître des familiers (agnosies) Perte de la capacité de penser avec des mots (aphasie) ce qui influe sur l’exploration de la mémoire; Absence d’images mentales, puis sentiment de vide de la pensée; Perte de la différence : image / réalité ; Incapacité de se représenter ce qui est absent (permanence de l’objet perdue). Pr. Louis PLOTON
Aspects psychologiques (1) Préoccupations de mort ; Dépendance affective et la mise en place de relations de type parent-enfant (la recherche d’une mère) ; Difficulté à assumer des choix; Perte de la fonction anti-stress (cathartique) de la parole; Prédominance de l’expression comportementale (ex: incontinence). Pr. Louis PLOTON
Aspects psychologiques (2) Le maintien d’une capacité de se déprimer, de se démotiver et de devenir apathique (si oui = non) de présenter des phénomènes anxieux et même des peurs évoquant des manifestations phobiques. Un vécu d’abandon conduisant à être dans la demande (au moyen des conduites) en relation avec les déficits intellectuels, L’existence d’un possible sentiment de dévalorisation (honte), risque de se sentir indésirable (qui influence les conduites); Une tendance à être confus et halluciné (delirium) : dès le stade de infra-clinique (MCI) peut se situer dans le passé (plongeons rétrogrades, hallucinations mnésiques). capacité, dans des situations émotionnelles qui rappellent des situations traumatiques antérieures à rééditer des conduites anciennes (dénuées de sens pour ceux qui n’ont pas la « clef »). Pr. Louis PLOTON
La tendance aux troubles du comportement (TC) Prédisposition aux troubles du comportement, comme moyens d’expression, On constate que les conduites des MA répondent très souvent à une forme de logique. C’est ainsi que la tendance aux TC témoigne : du besoin de compter, d’attirer l’attention, de la demande, en relation avec le vécu d’abandon (le même que chez l’abandonnique, à d’autres âges, par ex : à propos des chutes) ; du refus ou de la protestation (tenir compte de la personnalité); du sentiment de dévalorisation, de la honte, du besoin de se sentir exister (en criant ?) d’une réaction à des « non dits » (générateurs de biais relationnels ?) D’une douleur somatique ignorée (fécalome, infection urinaire…). Pr. Louis PLOTON
Particularités de la M.A. (1) Dans la M.A. on assiste principalement à un affaiblissement du fonctionnement intellectuel (cognitif), puis à des altérations des capacités subjectives (donner du sens par associations d’idées) avec la perte du sens figuré; La mémoire inconsciente (implicite) et l’ensemble du fonctionnement dans le registre purement affectif semblent longtemps préservés. Approche globale (approximative, mais non sans fondement) des situations et des relations avec autrui. Tout se passe comme si le malade gardait une forme de perception affective, assortie de capacités d’expression affectives (comportementales); Une conscience variable des troubles: ignorance (agnosie, déni?) fabulations, dissimulation; Des variations cliniques ponctuelles, moments « d’état de grâce ». Pr. Louis PLOTON
Particularités de la M.A. (2) Cela évoque un fonctionnement s’appuyant sur des noyaux affectifs de pensées (non formulées et non formulables) restant à l’état de cristaux, de germes, correspondant virtuellement à la dimension affective d’une pensée, désormais réduite à cette seule dimension. Cette notion de trame affective de la pensée, peut être comparée à ce qu’est le rythme concernant le chant, tandis que la subjectivité correspondrait, elle, à la mélodie et la cognition aux paroles. Cela conduit à travailler en s’appuyant sur l’hypothèse du maintien d’une forme inconsciente de mémoire et d’intelligence affective (dans une logique adaptative, défensive…). Pr. Louis PLOTON
Remarque sur la question de la régulation des émotions Chez le sujet normal, les émotions sont rendues supportables par: La capacité de mettre des mots sur des émotions; Le travail associatif de l’esprit (création de sens figuré…) Chez le malade d’Alzheimer: Du fait du vide psychique, pas de travail associatif; Faute de mieux, comme dans la psychose, maintient d’autrui à distance au moyen de mécanismes dits « d’attaque à la pensée » (qui neutralisent l’autre en le stressant) En réaction nous mettons en place des mécanismes de contrôle de la distance relationnelle pour réguler nos propres émotions. Pr. Louis PLOTON
Vers un modélisation de la M.A. Analogie: cerveau / réseau de neurones; Différentes causes de déficits en connexions efficaces: Mort ou inactivation de neurones, Problématiques psychiques, Rôle possible de la configuration (personnalité?) Mise en place d’un fonctionnement de secours, à visée adaptative, reposant sur des « délestages » de fonctions; Risque d’impasses adaptatives. Pr. Louis PLOTON
En conclusion Conservation de la trame affective de la vie psychique et de la dynamique adaptative inconsciente; Possibilité de rejoindre le malade, en pleine réciprocité, dans le registre affectif (intuitif global) Ce faisant, le changement clinique peut reposer sur: Attitude éthique consistant à se représenter la maladie, du point de vue du malade; La qualité de notre investissement: alliance thérapeutique reposant sur l’empathie, La modification de notre regard (de nos représentations) qui surdétermine nos conduites, L’important: ce n’est pas ce qu’il faudrait faire, mais ce que nous pensons, le pari du sens, qui va tout changer.. Pr. Louis PLOTON