LA POLITIQUE MONÉTAIRE ET LE CONTRÔLE DE DES HAUTES ÉTUDES COMMERCIALES Février 2000
L’inflation vue comme un phénomène monétaire On parle d’inflation lorsque le niveau général des prix augmente de manière continue. Pour comprendre les conditions qui rendent un tel processus viable, il est utile de retourner au schéma d’analyse que nous avons développé pour le marché des biens et services.
OG DG 0 Y0Y0 P Y en l’absence d ’une hausse simultanée de la demande globale…. les augmentations de coûts qui accompagnent le processus inflationniste... Y1Y1 Y2Y2 L’inflation vue comme un phénomène monétaire engendreraient une chute continue du PIB réel
OG DG 0 P Y Y0Y0 P0P0 P1P1 P2P2 DG 1 DG 2 seule une augmentation continue et simultanée de la demande globale peut permettre au processus inflationniste de suivre son cours sans causer de récession L’inflation vue comme un phénomène monétaire
Une telle expansion simultanée de la demande requiert une expansion continue et suffisante du crédit et des moyens de paiement (monnaie) qui l’accompagnent. –Sans augmentation des revenus réels, qu’est-ce qui pourrait autrement soutenir l’expansion de la demande globale ? La banque centrale a les moyens de freiner ou d’accélérer le rythme d’expansion du crédit et des moyens de paiement. C’est par ce biais qu’elle contrôle, en dernière instance, l’évolution du processus inflationniste. Étudions cela dans le contexte institutionnel canadien.
L’expansion du crédit et des moyens de paiement Pour comprendre le mécanisme de base derrière l’expansion du crédit et des moyens de paiement, nous allons considérer les relations entre la Banque du Canada et une banque commerciale canadienne typique. Les membres de l’Association Canadienne des Paiements (les banques, les coopératives de crédit ainsi que quelques autres institutions financières) maintiennent des dépôts à la Banque du Canada. Ces dépôts servent à des fins de compensation et règlement et nous les appelons par conséquent encaisses de règlement. Ces encaisses sont à la base de la pyramide des actifs permettant l’expansion des moyens de paiement.
Bilan simplifié d’une banque typique ACTIF PRÊTS personnels, hypothécaires,... Titres du marché obligataire Titres du marché monétaire Autres placements Dépôts à la Banque du Canada (Encaisses de règlement) PASSIF + AVOIR DÉPÔTS du public et des entreprises Dépôts du gouvernement Autres passifs Avoir net
L’expansion du crédit et des moyens de paiement Lorsque les banques font des prêts, elles créditent le compte de leurs clients et de nouveaux moyens de paiement sont ainsi créés. Toutefois, lorsque ces mêmes clients se mettent à utiliser les sommes obtenues, les banques doivent s’assurer d’avoir les encaisses nécessaires pour compenser les chèques et les retraits en espèce qui en sont la conséquence (une fraction du passif dépôt suffit). Bien qu’une banque individuelle puisse augmenter son passif dépôt en capturant une plus grande part du volume des encaisses disponibles, l’ensemble des banques ne peut faire de même sans que le volume global des encaisses disponibles soit en augmentation. C ’est ici qu ’intervient la Banque du Canada.
Bilan simplifié de la Banque du Canada ACTIF Titres du marché obligataire canadien Titres du marché monétaire canadien Avances aux membres de l’Association canadienne des paiements Titres en devise étrangère Autres placement PASSIF + AVOIR Dépôts des membres de l ’ACP (encaisses de règlement) Dépôts du gouvernement canadien Autres passifs Avoir net
L’expansion du crédit et des moyens de paiement La Banque du Canada peut affecter le volume total des encaisses de règlement disponibles dans le système financier canadien. Parmi les mécanismes utilisés, citons: –Le transfert des dépôts du gouvernement fédéral du compte que celui-ci détient à la Banque du Canada vers les comptes qu ’il détient dans les banques commerciales (et vice versa).transfert des dépôts du gouvernement fédéral –Les avances nettes consenties aux membres de l ’ACP par le biais des opérations de prises et de cessions en pension (opérations repo) sur le marché des fonds à un jour.avances nettes consenties aux membres de l ’ACP En fait, toute augmentation de la la taille du bilan de la Banque du Canada engendrera une augmentation du volume des encaisses de règlement.
Transferts des dépôts fédéraux ACTIF Titres du marché obligataire canadien Titres du marché monétaire canadien Avances aux membres de l’Association canadienne des paiements Titres en devise étrangère Autres placement PASSIF + AVOIR Dépôts des membres de l ’ACP (encaisses de règlement) Dépôts du gouvernement canadien Autres passifs Avoir net Le compte du gouvernement est débité Le compte des banques récipiendaires des fonds est crédité
Transfert des dépôts fédéraux ACTIF PRÊTS personnels, hypothécaires,... Titres du marché obligataire Titres du marché monétaire Autres placements Dépôts à la Banque du Canada (Encaisses de règlement) PASSIF + AVOIR DÉPÔTS du public et des entreprises Dépôts du gouvernement Autres passifs Avoir net en contrepartie de quoi les banques disposent de plus d ’encaisses de règlementcontrepartie
Avances consentie aux membres de l ’ACP ACTIF Titres du marché obligataire canadien Titres du marché monétaire canadien Avances aux membres de l’Association canadienne des paiements Titres en devise étrangère Autres placement PASSIF + AVOIR Dépôts des membres de l ’ACP (encaisses de règlement) Dépôts du gouvernement canadien Autres passifs Avoir net
ACTIF PRÊTS personnels, hypothécaires,... Titres du marché obligataire Titres du marché monétaire Autres placements Dépôts à la Banque du Canada (Encaisses de règlement) PASSIF + AVOIR DÉPÔTS du public et des entreprises Dépôts du gouvernement Autres passifs Avoir net et à nouveau, les banques disposent de plus d ’encaisses de règlement Avances consentie aux membres de l ’ACP
Comment la Banque du Canada régule-t-elle ce type d’opérations ? Il existe un marché très actif pour les encaisses de règlement. Sur ce marché, les institutions disposant d’un surplus d’encaisses prêtent aux institutions en déficit d’encaisses. Les principaux acteurs de ce marché sont –les banques –les courtiers en valeurs mobilières (qui y financent leur inventaire de titres du marché monétaire) –la Banque du Canada. Les fonds y sont prêtés pour une période de 24 heures à un taux appelé « taux à un jour ».
La fourchette opérationnelle pour le taux à un jour La Banque du Canada établit une fourchette opérationnelle cible pour le taux à un jour. Bien entendu, cette fourchette a un plancher et un plafond. Le taux plancher est le taux auquel la Banque du Canada rémunère les soldes créditeurs des institutions déposantes. Le taux plafond est le taux qu’elle charge aux mêmes institutions déposantes sur leurs découverts. Ce taux plafond constitue le taux d ’escompte de la Banque du Canada.
La fourchette opérationnelle pour le taux à un jour La Banque du Canada maintient un écart de 50 points de base entre le taux plancher et le taux d’escompte. Les institutions en surplus d’encaisses cherchent à placer leurs fonds à un taux supérieur au plancher tandis que les institutions en déficit d ’encaisses cherchent à les emprunter à un taux inférieur au taux d’escompte. –C ’est ce qui anime un marché négociant les taux au milieu de la fourchette opérationnelle. Pour s’assurer que le taux à un jour soit bel et bien au milieu de la fourchette, la Banque du Canada injecte des liquidités par le biais des transferts de dépôt et s’annonce prête à faire des prises ou des cessions en pension au taux médian de la fourchette opérationnelle.prises ou des cessions en pension
Marché des fonds à un jour Taux d’intérêt à un jour Encaisses de règlement D (courtiers et banques) O ( volume total des encaisses de règlement) Taux d’intérêt médian (5%) Taux d’escompte (5,25%) Limite inférieure (4,75 %) fourchette opérationnelle
Prises et cessions en pension Prise en pension –En échange d’un titre mis en garantie (pris en pension), la Banque avance des fonds (généralement à un courtier en valeurs mobilières) pour une période de 24 heures au taux médian de la fourchette. Cession en pension –Il s ’agit de l’opération inverse: c’est la Banque du Canada qui emprunte les fonds (généralement d’une banque) en mettant un titre en garantie (cédé en pension). En se déclarant prête à faire les deux types d’opération, la Banque du Canada s’assure que le taux du marché des fonds à un jour gravitera toujours au point médian.point médian
La Banque modifie sa fourchette cible en modifiant son taux d’escompte La Banque du Canada a pour seul et unique objectif de maintenir l’inflation entre 1 et 3 %. En fonction de l’évolution attendue de l’offre et de la demande globales, l’atteinte de cet objectif peut requérir un changement du taux d ’escompte et par conséquent de la fourchette opérationnelle pour le taux à un jour. Une augmentation du taux d’escompte (typiquement de 25 ou 50 points de base) signale un resserrement des conditions monétaires (la Banque souhaite une décélération du rythme d’expansion de la demande globale) tandis qu’une réduction signale un assouplissement (la Banque souhaite une accélération de la demande globale).assouplissement
Exemple d’assouplissement Taux d’intérêt à un jour Encaisses de règlement OO’ Nouvelle fourchette cible Fourchette originale Baisse du taux à un jour Le taux d’escompte baisse avec la fourchette D La Banque du Canada injecte des liquidités en transférant les dépôts fédéraux, en achetant des titres ou en acceptant des prises en pension.
Du taux d’escompte à la demande globale Bien que le taux à un jour ne concerne en définitive qu’un compartiment étroit des marchés financiers, il n’est pas sans influence sur les autres taux d’intérêt. Lorsque les encaisses de règlement rapportent peu, les institutions financières cherchent avidement des alternatives de placement. –elles achètent plus de titres du marché monétaire, ce qui concoure à maintenir un taux de rendement relativement faible sur ces titres –elles cherchent à faire plus de prêts, ce qui concoure au maintien de taux prêteurs plus faibles. Lorsque les encaisses de règlement rapportent beaucoup, c’est l’inverse qui se passe.
Relation entre les taux d’intérêt à court terme canadiens
Du taux d’escompte à la demande globale En exerçant une forte influence sur le taux à un jour, la Banque influence par ricochet les taux du marché monétaire (papier commercial, bons du Trésor, etc.). Mais en influençant les taux d’intérêt de la sorte, elle influence également le taux de change. Dans un pays comme le Canada, où plus de 40 % de la production est exportée, le taux de change est une variable dont l’importance est considérable. Les capitaux étant très mobiles, le taux de change est très sensible aux différentiels d’intérêt et aux anticipations des agents économiques. Les banques centrales influencent tout autant les taux d’intérêt à court terme que les anticipations des agents.
Elles ne suivent cependant pas toujours et simultanément la même politique: –Les objectifs ne sont souvent pas les mêmes –Les pays ne se trouvent pas tous en même temps au même point du cycle économique, subissent des chocs différents sans y être sensibles de la même manière. Ces divergences entraînent des pressions sur le marché des changes. On ne peut donc concevoir la politique monétaire sans tenir compte de l’interdépendance entre les marchés. Pour illustrer notre propos, nous allons nous concentrer sur l’expérience canado-américaine. Du taux d’escompte à la demande globale
La Banque du Canada, la FED et le taux de change La Réserve fédérale américaine (la FED) est responsable de la conduite de la politique monétaire américaine. À ce titre, elle mène une série d’opérations comme celles que nous avons étudiées dans le but d’influencer les conditions monétaires aux États-Unis. Lorsque la Banque du Canada et la FED poursuivent des politiques semblables, les taux d’intérêt ont tendance à augmenter et diminuer en tandem de part et d’autre de la frontière et le taux de change est relativement stable.
Il arrive cependant que les deux banques centrales ne mènent pas la même politique, l’une recherchant une augmentation des taux d’intérêt à court terme et l’autre leur stabilité, voire même, leur diminution. L’écart entre les deux taux ne peut alors rester stable et le taux de change doit s’ajuster. En règle générale, une banque centrale doit choisir entre la stabilité des taux d’intérêt ou la stabilité du taux de change. La Banque du Canada ne fait pas exception. La Banque du Canada, la FED et le taux de change
L’indice des conditions monétaires et les choix de la Banque du Canada DG =( C + I + G) + (X-M) influencées par E influencées par i La demande globale est influencée tout autant par le taux de change que par le niveau du taux d’intérêt. Pour juger de l’influence simultanée de ces deux variables, la Banque du Canada a construit un indice appelé indice des conditions monétaires
L’indice des conditions monétaires et les choix de la Banque du Canada La formule utilisée par la Banque du Canada pour calculer l’indice est un peu compliquée car elle fait intervenir un indice du taux de change pondérant chacune des monnaies du G6. Le poids du dollar américain est cependant prépondérant. Nous retenons donc une version simplifiée de l’indice des conditions monétaires. DG = (C + I + G) + (X-M) influencées par E influencées par i
L’indice des conditions monétaires et les choix de la Banque du Canada ICM (PC90-PC ) + (100/3) x (ln(E )-ln(E)) + (100/3) x (ln(E )-ln(E)) où PC90 représente le taux (en %) sur le papier commercial à 90 jours. L’indice prend la valeur zéro en janvier Il augmente par la suite avec l’augmentation de PC90 ou la diminution de E. Il diminue avec la diminution de PC90 ou l’augmentation de E. Le poids accordé au taux d’intérêt dans l’indice des conditions monétaires est trois fois plus important que le poids accordé au taux de change. Cela reflète le fait que la demande globale canadienne est plus sensible, à court terme, aux fluctuations des taux d’intérêt qu’aux fluctuations du taux de change. La Banque cherche d’abord et avant tout à influencer les taux d’intérêt car c’est ainsi qu’elle exerce la plus grande emprise sur la demande globale.
L’indice des conditions monétaires et les choix de la Banque du Canada ICM (PC90-PC ) + (100/3) x (ln(E )-ln(E)) + (100/3) x (ln(E )-ln(E)) où PC90 représente le taux (en %) sur le papier commercial à 90 jours. L’indice prend la valeur zéro en janvier Il augmente par la suite avec l’augmentation de PC90 ou la diminution de E. Il diminue avec la diminution de PC90 ou l’augmentation de E. Une augmentation de l’indice des conditions monétaires témoigne de pressions négatives sur la demande globale La Banque du Canada parle alors de resserrement des conditions monétaires. Une diminution de l’indice des conditions monétaires témoigne de pressions positives sur la demande globale La Banque du Canada parle alors d’assouplissement des conditions monétaires.
asouplissement resserrement
Resserrement et assouplissement des conditions monétaires Les conditions monétaires peuvent se resserrer ou s’assouplir sans que cela ne reflète une action délibérée de la Banque du Canada. En effet, les taux du marché monétaire (PC90) tout comme le taux de change (E) réagissent aux fluctuations continuelles de l’offre et de la demande. Lorsque le changement des conditions monétaires n’est pas imputable aux actions de la Banque du Canada, on parle, selon le cas, d’assouplissement ou de resserrement passif
Exemple d’assouplissement passif: Le prix des matières premières exportées par le Canada est en diminution Quantité de $US E O0O0 E0E0 D0D0 O1O1 E1E1 La baisse du prix de matières premières réduit la valeur en $US des revenus d’exportation. L’offre de $US sur le marché des changes s’en trouve réduite. La contraction de l’offre cause une augmentation du taux de change. Les conditions monétaires se sont assouplies sans que la Banque du Canada n’y soit pour rien.
Resserrement et assouplissement actif des conditions monétaires Dans la pratique actuelle, la Banque du Canada ne cherchera à contrer la hausse du taux de change que si l’assouplissement des conditions monétaires qui en résulte compromet l’atteinte des cibles en matière d’inflation. Dans le contexte de la crise asiatique de , la Banque craignait un ralentissement de la croissance de la demande globale alors que l’inflation était faible. En l’absence de pressions sur le taux de change, elle aurait sans doute mené une politique active visant une baisse des taux d’intérêt. Cela aurait causé la hausse du taux de change.
Les conséquences sur le taux de change d’un assouplissement actif Quantité de $US E O0O0 E0E0 D0D0 O1O1 E1E1 La baisse des taux d’intérêt au Canada réduit l’attrait des titres canadiens. L’offre de $US sur le marché des changes s’en trouve réduite car les entrées nettes de capitaux sont moins élevées. La contraction de l’offre cause une augmentation du taux de change. Les conditions monétaires s’assouplissent pour deux raisons: baisse de i et hausse de E
Et si la Banque du Canada ne veut pas de cette flexibilité du taux de change... E Quantité de$US D O E1E1 E0E0 Demande exédentaire de $US devant être comblée par la Banque du Canada si elle veut maintenir le taux de change à E 0
ACTIF Titres du marché obligataire canadien Titres du marché monétaire canadien Avances aux membres de l’Association canadienne des paiements Titres en devise étrangère Autres placement PASSIF + AVOIR Dépôts des membres de l ’ACP (encaisses de règlement) Dépôts du gouvernement canadien Autres passifs Avoir net Avec des conséquences aux bilans de la Banque du Canada...
et des banques commerciales ACTIF PRÊTS personnels, hypothécaires,... Titres du marché obligataire Titres du marché monétaire Autres placements Dépôts à la Banque du Canada (Encaisses de règlement) PASSIF + AVOIR DÉPÔTS du public et des entreprises Dépôts du gouvernement Autres passifs Avoir net (1) (2)
Politique monétaire et régime de changes En utilisant ses réserves de change afin d’empêcher la hausse du taux de change: –La Banque du Canada réduit le volume des encaisses de règlement et limite l’expansion du crédit et des dépôts bancaires. –Elle exerce de nouveau des pressions à la hausse le niveau des taux d’intérêt à court terme. –Elle renverse en définitive sa politique monétaire initiale qui consistait à assouplir les conditions monétaires. Pour mener une politique monétaire active, la Banque du Canada a besoin d ’un change flexible
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