Le discernement chrétien avec Saint Augustin Sources: Marcel Neusch, Jean François Petit Présentation réalisée dans le contexte de l’Université d’été de l’Assomption fin août 2008
Aux frontières de l’humain Dans toutes les recherches, découvertes et applications scientifiques, Qu’est-ce qui nous rapproche de l’humain? Qu’est-ce qui nous en éloigne? Comment être en éveil « là où Dieu est menacé dans l’Homme et l’Homme menacé comme image de Dieu »? (règle de vie des Augustins de l’Assomption)
- I - L’histoire de Saint Augustin est en soi un chemin spirituel plein d’enseignements
La jeunesse tumultueuse d’un étudiant doué
En 354, naissance à Thagaste dans la province romaine de Numidie (aujourd’hui Souk-Ahras en Algérie), d’une mère chrétienne, Monique, et d’un père païen.
En 370 : il se rend à Carthage à l'âge de seize ans afin de parfaire son éducation, et délaisse la religion de sa mère, Monique
La recherche spirituelle infructueuse d’un professeur ambitieux
En 373: il adhère au manichéisme: Il prend très tôt une concubine qui lui donne un fils, et enseigne l'éloquence et la rhétorique à Carthage en 375.
En 383, il part pour Rome avec sa famille, mais ne trouvant pas le poste qu'il espérait, s'établit à Milan. L'évêque de la ville, Saint Ambroise, le convaincra de revenir à la religion chrétienne
Sa conversion radicale au jardin de Milan
Peu après, il est touché par la grâce dans un jardin de Milan. Il entendit une voix d’enfants qui lui disait « Prends, lis! Prends, lis ». Saisissant les lettres de Paul, il les ouvre au hasard et lit l’appel à se « revêtir du Christ » (Rm 13, 13-14). Aussitôt le torrent de larmes qui l’épuisait se tarit.
En 387, il est baptisé par saint Ambroise la nuit de Pâques. Monique, sa mère, décède peu après. En 388, il retourne en Afrique du Nord, à Thagaste où il s’engage dans une vie communautaire.
Sa vie d’évêque à Hippone (aujourd’hui Annaba en Algérie)
En 395, Augustin est consacré évêque d’Hippone, où il passera le reste de sa vie. Il installe dans sa propre maison une petite communauté fraternelle dont l’exemple est à l’origine de la plupart des règles monastiques.
En 397, début de la rédaction des Confessions. En 413, début de la rédaction de la Cité de Dieu. Augustin meurt, le 28 Août 430 à l’âge de 76 ans à Hippone assiégée par les Barbares.
Confronté aux débats et tourments de son temps
Le champion de la liberté. Face aux manichéens qui ont une vision dualiste de l’Univers: le bien et le mal s’opposent sans fin; le royaume de la Lumière s’oppose à celui des ténèbres.
Le témoin de l’humilité de Dieu. En débat avec les Platoniciens, qui reconnaissent « le Verbe éternel », mais ignorent « le Verbe fait chair », l’incarnation. Là, chez les Platoniciens, Augustin a « lu » que le Verbe est éternel, mais non pas « lu » qu’il s’est fait chair.
Le défenseur de l’unité de l’Eglise, dans le conflit avec les Donatistes, ceux qui avaient résisté aux persécutions sous Dioclétien. qui voulaient réserver l’accès de l’Eglise aux purs et durs, ceux qui n’avaient pas trahi et qui voulaient garder l’église autonome par rapport à Rome.
Le « docteur de la grâce ». Face au Pélagiens qui pensaient accéder au bien par le seul mérite de l’homme, Pélage exalte le libre arbitre de l’homme qui choisit entre le bien et le mal. A telle enseigne que la grâce devient inutile Augustin apparaît comme le champion de la grâce, non pas qu’il ignore la liberté, mais celle-ci reste inopérante sans la grâce.
Le chantre de la Cité de Dieu, Après l’invasion de Rome par les hordes barbares d’Alaric en 410. La Cité de Dieu est avant tout une défense et illustration de la « vraie religion », c’est-à-dire la foi chrétienne. Alors que chrétiens et païens doutaient de la capacité de Dieu de protéger la Ville éternelle.
Evêque malgré lui et moine malgré tout
Un évêque par devoir « Pour vous en effet je suis un évêque, avec vous je suis un chrétien ». « Évêque c’est le titre d’une charge qu’on assume ». « Chrétien, c’est le nom de la grâce ».
- II - Les fondements de la spiritualité augustinienne La recherche de Dieu La communion fraternelle L’amour qui embrasse tout
La recherche de Dieu « Tu nous as cherchés pour que nous te cherchions » (Confessions XXI 2,4). « Tu nous as fait orientés vers toi et notre cœur est sans repos tant qu’il ne repose en toi » (Première page des Confessions). « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi (St Paul aux Galates 2, 20).
La communion fraternelle Le moine n’est pas celui qui vit seul mais celui qui réalise l’unité de cœur avec ses frères. On ne peut pas rencontrer Dieu si l’on est divisé. L’appropriation est le principal obstacle à l’unité des cœurs et à la rencontre de Dieu.
L’Amour qui embrasse tout L’Amour charité est la règle suprême car il ne « cherche pas ses propres intérêts » « Qu’ainsi l’usage de tous les biens passagers soit dominé par la charité qui demeure toute l’éternité » Règle 5, 2
La vocation à l’Amour doit pouvoir se réaliser dans tout état de vie
Quelle que soit la vocation d’un homme, c’est l’Amour qui lui donne sens. « Là est le grand signe, le grand discernement. Aie tout ce que tu voudras, si cela te manque. Le reste ne te sert à rien »
Si le chrétien vivait sous le régime de l’Amour il n’aurait pas besoin de préceptes « Une fois pour toutes t’est donc donné ce court précepte: aime et fais ce que tu veux (…). De cette racine il ne peut sortir rien que de bon » (Commentaire de la première épître de St Jean).
- III - Le discernement chez Saint Augustin
Faire le tri Augustin a exercé le discernement en ce qui concerne sa propre vie. Discerner c’est faire un tri, faire la vérité, en particulier dans nos sentiments et nos désirs, mais aussi dans les situations de vie
Mais comment faire ce tri ? En recherchant la vérité.. Afin de « me connaître et de Te connaître » «Je veux faire la vérité « Dans mon cœur « Devant Toi « Devant de nombreux témoins… » (Conf. X, 1, 1)
Les buts du discernement Pas seulement y voir clair et se positionner « Naître » à une authentique relation à Dieu. Aider à retrouver la communion ou l’alliance avec Dieu. Aboutir à la « confession » (avouer sa foi): Dire le péché (boiteux sur le chemin de la recherche de Dieu) ; Dire la louange (rendre grâce à Dieu pour la splendeur de sa Création).
Les lieux du discernement Ce qui se passe en nous, l’« intus » et ce qui vient du dehors, le « foris ». En nous: Saint Augustin est l’homme de l’intériorité: « Rentre en toi-même ». Dehors: dans la situation concrète de l’Église à l’époque de Saint Augustin. Il regarde. Il enquête. Il consulte ses relations.
En nous Le cœur humain, maître du discernement « Revenez à votre cœur!... Le coeur se fait connaître à lui-même le juste et l’injuste. Ton cœur voit et il entend, il juge de tout le sensible. Il discerne le juste et l’injuste, le bien et le mal. »
Avec l’aide extérieure La vérité est bien en nous, mais l’accès à la vérité se fait avec l’aide extérieure. Il faut un accoucheur d’âme pour que la vérité resplendisse. Augustin comptait sur ses amis pour partager les points de vue. Il a cultivé l’amitié (cf livre de JF Petit). Il avait recours aux compétences de référents.
En s’appuyant sur les Écritures Augustin s’appuie surtout sur l’Évangile de Jean et sur les lettres de Saint Paul. « Crois-moi, tout le contenu des Écritures est profond et divin. En elles est la pure vérité, avec une doctrine des plus aptes à refaire et renouveler les âmes… » (De utilit. Credendi VI, 13).
L’attitude fondamentale requise est l’humilité. Au regard d’Augustin, l’accès aux Écritures n’est nullement réservé aux spécialistes. C’est d’abord une affaire de disposition spirituelle. L’attitude fondamentale requise est l’humilité. « Cette Autorité de l’Écriture m’apparaissait d’autant plus digne de foi sacrée qu’elle était à la portée de lecture de tous, et réservait en même temps la dignité de son mystère à une interprétation plus profonde; dans les termes les plus simples, dans le style le plus humble, elle s’offrait à tous, et elle exerçait aussi l’attention de ceux qui ne sont pas légers de cœur, afin d’accueillir tous les hommes dans son sein ouvert à tous… » (VI, 5,8)
En s’appuyant sur les appels de l’Église et du monde L’Écriture est toujours l’objet d’une appropriation communautaire Les appels du monde sont une interpellation dans la recherche de la vérité. Pour Augustin, la confiance en la médiation de l’Église est fondamentale. Elle est la voie vers la patrie, le royaume céleste.
La réciprocité des consciences Comment se fait-il que, lorsque deux êtres, échangent des paroles, ils se comprennent? La condition à priori de toute communication est que chacun soit intérieurement relié à la vérité. C’est parce que chacun a en lui-même la règle ultime de la vérité qu’il comprend ce que dit l’autre.
Par-dessus tout, pour le chrétien, seul l’Amour de Dieu et du prochain rend capable de discernement « Toi, parce que tu ne vois pas encore Dieu, c’est en aimant le prochain que tu mérites de voir Dieu… Commence donc par aimer ton prochain »
Une relation triangulaire Le maître intérieur « qui est au plus profond de toi-même » Augustin L’interlocuteur Les conseils, les avertissements…
Scruter les mouvements du désir Augustin a entrepris d’explorer le « continent âme ». Sa quête porte sur les raisons de vivre. Comme tout homme, il aspire au bonheur.
L’aspiration au bonheur Nous voulons tous être heureux (Conf X, 21,31) Au cœur de l’homme se trouve le désir de bonheur. C’est l’élément moteur de toute vie, le dynamisme fondamental de l’existence
Augustin a fait l’expérience du bonheur: Négativement dans sa jeunesse: « J’aimais à aimer… Je cherchais à porter mon amour, dans mon amour de l’amour…Mais je n’avais aucun désir des nourritures incorruptibles… » Positivement ensuite, après la lecture notamment d’Hortensius de Cicéron. Cette œuvre changea ses désirs en « un bouillonnement de cœur incroyable »… « J’avais commencé à me lever pour revenir vers toi ».
Les critères du bonheur Le critère subjectif fait appel à l’expérience émotionnelle, certes… Sentiment de plénitude, de repos, de sagesse. Le bonheur est « une mesure de l’âme » dont le trait essentiel est l’équilibre entre les excès.
Le bonheur c’est vivre de Dieu Le critère objectif Le bonheur est une jouissance de Dieu. Jouir c’est posséder ce que l’on aime. Si nous désirons vivre le bonheur il nous faut vivre avec Dieu et de Dieu. D’où la première prière recommandée par Augustin: « Demande la vie heureuse ».
Ce qui vient de l’Esprit Pour Augustin, le discernement résulte d’un don de l’Esprit qui souffle en chacun. Mais certains ont un « flair spirituel » qui n’est pas donné à tous. « Je pense qu’il n’est pas possible de faire ce discernement sans le charisme dont parle l’Apôtre (Paul), quand il énumère les différents dons de Dieu: à tel autre le discernement des esprits » (1 Cor, XII, 10)
Entre mauvais et bons esprits Refuser les mauvaises excuses qu’on pourrait être tentés de se trouver. Éviter les fausses pistes. Exercer sa liberté de conscience. « Tu ne nous laisses pas tenter au-delà de ce que nous pouvons supporter, mais avec la tentation tu fais aussi le chemin pour en sortir, afin que nous puissions tenir bon » (Conf; X, 5, 7)
La recherche de la vérité Lieux du discernement L’appel à l’Esprit Le moteur La recherche de la vérité L’effet t Subjectif Objectivation Objectif En Dieu Ce qui se passe en nous (l’intus): « rentre en toi-même ». Le Bonheur En Dieu Le bon Esprit Écoute du Maître Intérieur Le désir de bonheur intériorisé Sentiment de plénitude Ce qui se passe en dehors de nous (le foris): Les situations d’actualité. Le réel. Règles de foi en Église Le mauvais Esprit La mise en mouvement par l’Esprit Bonnes mœurs en société. Lois. extériorisé Les avertissements, les conseils…
Pour l’échange en groupes Qu’est-ce qu’on retient à la première écoute? Quels sont les appels qui nous touchent? Quels éclairages pour notre vie spirituelle, nos choix et nos engagements apostoliques… Les prolongements possibles à cette réflexion.