14 avril :18

La reine se meurt, la reine est morte ! Le roi pleure amèrement. Sa belle épouse s’en est allée, le laissant seul avec leur fillette. Avant de mourir, elle lui a fait promettre de se remarier – il faut une reine, dans un royaume ! – mais seulement avec une épouse plus belle qu’elle-même. Les années passent. Le roi ne trouve pas d’épouse plus belle que sa reine défunte ! Il se désole de ne pas pouvoir tenir sa promesse.

Un jour, entrant dans la pièce ou sa fille se tient avec la nourrice, il s’avise que la princesse est devenue une belle jeune fille, plus belle encore que sa maman… « Ma fille, lui dit-il, je dois tenir la promesse que j’ai faite à votre maman sur son lit de mort. Je vais donc vous épouser ! » La princesse Florine est atterrée. Mais cela ne se peut ! elle ne peut aimer son père comme un mari ! Que faire ? « Nourrice, que faire ? »

La nourrice, dans l’urgence, ne voit qu’une solution : que Florine quitte le château en secret, cachée sous une peau de bête. Un âne est donc abattu et écorché, et la peau est apportée à la jeune princesse, qui a un premier mouvement de répulsion…

Pourtant, dès la nuit venue, Florine, ayant quitté sa belle robe et revêtu des haillons, s’enveloppe dans la peau d’âne et quitte le château par une porte dérobée. Elle espère que son père comprendra et reviendra à de meilleurs sentiments. Elle sait bien que des familles royales ou princières ont eu recours à ces mariages entre frères et sœurs, ou entre parents et enfants, pour sauvegarder l’intégrité du patrimoine familial, mais elle ne saurait se plier à cette coutume... Elle va le plus loin possible, dans la campagne la plus reculée.

Heureusement pour elle, elle rencontre un très gentil paysan qui accepte de la prendre chez lui, de la nourrir et la loger, en échange de quelques menus travaux. Et voilà notre belle princesse transformée en gardeuse de cochons ! Comme elle n’a pas révélé son identité, et s’enveloppe toujours dans sa peau d’âne, on l’appelle simplement « Peau-d’Âne ».

Parfois, seule dans la petite pièce qui lui sert de chambre, elle quitte sa peau d’âne, ses hardes, et remet sa belle robe, coiffant avec art ses blondes boucles… Et elle chante avec nostalgie les berceuses que lui fredonnait sa nourrice. Le fils d’un prince voisin, entendant cette douce voix, lève les yeux, et voit par la fenêtre cette belle apparition… Il se rend aussitôt près du fermier, qui habite avec lui à la ferme.

Florine, entendant le galop du cheval, change de vêtements en hâte, et s’enveloppe à nouveau, par dessus ses hardes, de la peau d’âne. Et c’est ainsi qu’elle rejoint le fermier, au moment où celui-ci répond : « Non, non, Messire, je vous assure ! simplement moi et ma fille que voilà qui arrive ! » Incertain, hésitant, ne sachant que croire, le jeune homme demande qu’il lui soit livré un gâteau fait de la main de Peau-d’Âne.

Florine se plie avec plaisir au désir du prince, et, pour confectionner ce gâteau, met sa belle toilette. Sentant glisser une de ses bagues, elle a l’idée de l’enfouir dans la pâte du gâteau. Et le gâteau est livré au château, et servi au prince.

La reine, comme toutes les mères, est d’abord préoccupée par la santé de son fils ! « Mais quelle idée saugrenue, mon fils, de vous faire confectionner un gâteau par cette souillon qu’on ap… » elle est interrompue par un petit cri et un hoquet du prince. « Ah ! Mon fils ! s’écrie-t-elle. On vous a empoisonné ! » -Mais non, mère, vous vous alarmez toujours ! Regardez plutôt ce que j’ai trouvé ! » Et il montre à la reine sa mère une ravissante bague. Il pense à part lui : « cette bague appartient à un doigt bien menu, ce ne peut être cette souillon ! »

Alors, il promulgue un édit, publié à travers le royaume. Toute jeune fille en âge de se marier doit venir essayer la bague. Celle qui pourra l’enfiler à son doigt épousera le prince. Et il en est venu, des jeunes filles : du nord, du sud, de l’ouest, de l’est ! Elles arrivaient pleines d’espérance, ayant bien massé et soigné leurs mains… et repartaient dépitées, déçues, car leurs doigts étaient encore trop épais pour le bel anneau… Le prince se désolait !

Et… et voilà que se présente Peau-d’Âne ! Non comme le dessinateur l’a représentée, mais enveloppée de la tête aux pieds dans sa peau d’âne. La reine ne peut retenir un mouvement de répulsion. De dessous les plis de la peau, Florine sort sa main… Une toute petite main, ma fois ! Et l’anneau glisse parfaitement le long du doigt qu’elle tend. Alors, elle rejette le capuchon cachant ses belles boucles, laisse glisser la peau d’âne qui révèle sa belle toilette. Les spectateurs de cette scène sont médusés… Et le prince sent son cœur sauter de joie !

Il n’avait pas rêvé ! La beauté dont il gardait le souvenir existait bel et bien ! Explications, révélations… La reine a une jeune sœur, presque aussi belle que Florine ( pas tout à fait cependant ! ) et un ambassadeur part sur le champ avec elle la présenter au père de Florine. Tout est bien qui finit bien ! Le roi peut tenir sa promesse, et Florine et son Prince se jurent amour éternel.

Texte : d’après un conte traditionnel Illustrations : Carlos Busquets Musique : Ernesto Cortasar - A Kiss In The Dark Diaporama de Jacky Questel, ambassadrice de la Paix Site :