Partie 7 Atténuation par les puits de carbone Décembre 2002 Partie 7 Atténuation par les puits de carbone
Au sens de Kyoto, les « puits » incluent les processus qui absorbent du CO2 de l’atmosphère par renforcement anthropique du stockage du carbone dans les réservoirs terrestres et océaniques. Le Protocole de Kyoto et les accords ultérieurs sur sa mise en œuvre comportent des dispositions pour envisager l’élimination de CO2 de l’atmosphère par de nouveaux processus biologiques anthropiques dans les écosystèmes forestiers et agricoles. Dans la mesure où le carbone ainsi éliminé ne l’aurait pas été sans ces actions et qu’il serait resté stocké dans les réservoirs terrestres, cela neutralise effectivement les émissions de dioxyde de carbone dans l’atmosphère attribuables à des activités humaines.
Le Protocole de Kyoto aborde la question des puits dans plusieurs de ses articles. Englobe les variations nettes des émissions de gaz à effet de serre par les sources et de l’absorption par les puits dues au boisement, au reboisement et au déboisement (BRD) depuis 1990 (article 3.3). Autres activités humaines (en sus du BRD) qui influent sur les sources et les puits dans les terres agricoles et l’aménagement des forêts (article 3.4). Autorise les pays pour lesquels le changement d’affectation des terres et la foresterie constituaient en 1990 une source nette d’émissions (p. ex. l’Australie) à utiliser 1990 comme année de référence (article 3.7).
Principaux réservoirs du bilan planétaire du carbone Selon Kyoto, les « puits » doivent être calculés en fonction du bilan planétaire naturel du carbone. Principaux réservoirs du bilan planétaire du carbone Atmosphère : ~730 milliards de tonnes de carbone (GtC) (ou 2 700 milliards de tonnes de CO2) Végétation, sols et litière terrestres : ~2 000 GtC Océans ~38 000 GtC Flux planétaires annuels dans un bilan du carbone équilibré Des terres vers l’atmosphère et de retour vers les terres ~60 GtC/an De l’océan vers l’atmosphère et de retour vers l’océan ~90 GtC/an Pour comprendre la valeur scientifique des puits biologiques, ceux-ci doivent être situés dans le contexte des réservoirs planétaires de carbone et des échanges naturels qui interviennent entre eux. Tant les réservoirs planétaires naturels de carbone que les flux naturels entre ces réservoirs sont très importants (à noter qu’une tonne de carbone équivaut à environ 3,7 tonnes de CO2). À titre de comparaison, les émissions anthropiques rejettent environ 8 GtC dans l’atmosphère chaque année. Cela représente environ 5 % des émissions naturelles moyennes totales ajoutées et retranchées de l’atmosphère chaque année. Source : IPCC 2001. Climate Change 2001: The Scientific Basis. Contribution of Working Group I to the Third Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Changes [Houghton, J.T., et al. (eds.)]. Cambridge University Press, Cambridge, UK. P 188
Durant la majeure partie du dernier millénaire, le bilan planétaire du carbone a été équilibré. Directement mesurées Données extraites des carottes de glace Toutefois, au cours de la période préindustrielle des 10 000 dernières années, les concentrations atmosphériques très stables de dioxyde de carbone révèlent que les flux et les stocks naturels de CO2 dans l’atmosphère ont été en moyenne remarquablement équilibrés. À bien des égards, cela ressemble à un budget financier ou à un compte en banque, où le solde moyen net reste le même tant que les recettes et les dépenses sont à peu près équilibrées, qu’elles soient importantes ou pas. Depuis la révolution industrielle, les faibles quantités d’émissions de CO2 d’origine humaine ont entraîné un déséquilibre persistant de ce bilan naturel. Tout comme un déficit budgétaire persistant peut provoquer l’accumulation d’une dette importante, ce déséquilibre a entraîné l’accumulation progressive d’un excès de CO2 dans l’atmosphère. Les concentrations de CO2 dans l’atmosphère ont augmenté de 30 % par rapport à leurs niveaux préindustriels. Ce niveau est déjà supérieur à celui que l’on peut détecter dans les enregistrements géologiques qui représentent au moins les 200 000 dernières années et, sans doute, les 20 000 000. Les recherches montrent clairement que la cause principale de cette hausse est la combustion des combustibles fossiles au cours du siècle dernier. Durant la même période, les concentrations de méthane ont augmenté de 145 % et celles d’hémioxyde d’azote de 15 %, par rapport aux niveaux préindustriels. Source : Adapté de IPCC 2001. Climate Change 2001: The Scientific Basis. Contribution of Working Group I to the Third Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Changes [Houghton, J.T., et al. (eds.)]. Cambridge University Press, Cambridge, UK., p 201.
Hausse dans l’atmosphère Depuis 10 ans, les océans et les écosystèmes ont compensé les émissions anthropiques par un renforcement des absorptions par les puits naturels. + GtC/an dans les années 1990 - = Au cours des années 1990, les sources anthropiques de CO2 ont été : 6,4 ± 0,4 GtC/an attribuables à la combustion de combustibles fossiles et à la production de ciment; 1,6 ± 0,8 GtC/an attribuables au déboisement (estimation 1989-1998). L’augmentation des concentrations dans l’atmosphère durant la période s’est chiffrée en moyenne à 3,2 ± 0,1 GtC/an. L’écart de 4,8 GtC/an a été retiré de l’atmosphère par le renforcement des puits naturels de carbone dans les réservoirs terrestres et océaniques. Les océanographes estiment que les puits océaniques ont été de l’ordre de 1,7 ± 0,5 GtC/an, ce qui donne des puits terrestres résiduels de 3,1 GtC/an (faible niveau de confiance). Source : IPCC 2001. Climate Change 2001: The Scientific Basis. Contribution of Working Group I to the Third Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Changes [Houghton, J.T., et al. (eds.)]. Cambridge University Press, Cambridge, UK. p208. - Hausse dans l’atmosphère Énergie Déboisement Puits océaniques Puits terrestres
Perspective atmosphérique du bilan du carbone terrestre 730 GtC CO2 atmosphérique Perturbations humaines et naturelles Production nette de biome ~1 GtC/année Production écosystémique nette 5 GtC/année respiration hétérotropique par bactéries et champignons Respiration autotrophique par des tissus végétaux Production primaire nette 60 GtC/année Production primaire brute 120 GtC/année fixée par photosynthèse Notez qu’un Gt C (gigatonnes de carbone) est égal à environ 3,7 Gt CO2 On estime que les écosystèmes de terrain absorbent environ 120 Gt C/an par photosynthèse végétale, mais environ la moitié de cette production primaire brute est rapidement libérée du fait de la transpiration des plantes. Des 60 Gt C de la production primaire nette qui reste, environ 55 Gt C/an sont libérées par la décomposition de la biomasse, d’où une production écosystémique nette d’environ 5 Gt C/an. Les feux irréprimés et le changement d’utilisation des terrains par l’homme libèrent, en plus et suivant des estimations, quelque 4 Gt C/an de cette matière dans l’atmosphère, ce qui laisse un production nette de biome d’environ 1 Gt C/an. Cette quantité peut toutefois beaucoup varier d’une année à l’autre. Source: IPCC 2001. Climate Change 2001: The Scientific Basis. Contribution of Working Group I to the Third Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Changes [Houghton, J.T., et al. (eds.)]. Cambridge University Press, Cambridge, UK. P 188
Toutefois, cette compensation varie beaucoup d’un mois et d’une année à l’autre. 1960 1970 1980 1990 2000 8 6 4 2 GtC/an Émissions des combustibles fossiles Hausse annuelle des conc. atmosph. Hausse mensuelle des conc. atmosph. (filtrées) Toutefois, l’absorption annuelle de CO2 par les océans et les terres varie beaucoup d’une année à l’autre, comme en témoigne la variabilité de la hausse des concentrations de CO2 dans l’atmosphère. Cette variabilité est principalement causée par des variations du climat. En particulier, les phénomènes climatiques comme El Niño peuvent avoir une profonde influence sur les processus terrestres qui absorbent et émettent du carbone. La majeure partie de cette variabilité s’observe au-dessus des terres sous les tropiques, mais survient également dans tous les autres écosystèmes. Cette variabilité nous rappelle que les changements climatiques auront également de profondes conséquences sur le rôle futur de la biosphère comme source ou comme puits de carbone. Source : IPCC 2001. Climate Change 2001: The Scientific Basis. Contribution of Working Group I to the Third Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Changes [Houghton, J.T., et al. (eds.)]. Cambridge University Press, Cambridge, UK. p204.
Plusieurs facteurs importants interviennent dans les flux du carbone terrestre •Fertilisation CO2/N –Améliore les taux de croissance –Modifie la composition des écosystèmes –Aboutit à la saturation au bout d’une certaine période •Hausse des températures –Renforce la croissance des espèces dans les zones assujetties à des contraintes de basses températures - Atténue la croissance dans les régions assujetties à des contraintes de fortes températures –Accentue la respiration des plantes et des sols •Changements de précipitations –Réponse variée à l’égard de la croissance de la végétation –Hausse/baisse des incendies •Changement d’affectation de terrain
Les sources et les puits naturels jouent un rôle important dans le calcul du niveau de référence du scénario MSQ pour les actions de la CCCC. Combustibles fossiles + Déboisement Scénarios d’émissions IS92 ou SRES Modèles de bilan du carbone Concentrations dans l’atmosphère Sources et puits terrestres Sources et puits océaniques Atmosphère Si rien n’est fait pour atténuer les changements climatiques, l’atmosphère continuera d’être influencée par le bilan final des sources et des puits naturels et anthropiques à mesure qu’ils réagissent dans le temps aux variations survenant dans les paramètres physiques, sociaux, économiques, technologiques et politiques de notre monde. Ces flux de carbone MSQ continueront d’entraîner des changements dans les concentrations atmosphériques de gaz à effet de serre. Ces variations ont été estimées par des experts, et elles sont décrites dans le Rapport spécial sur les scénarios d’émissions (SRES) du GIEC. Pour établir les scénarios de maintien du statu quo en ce qui concerne les concentrations de CO2 dans l’atmosphère, les scientifiques utilisent des modèles du bilan du carbone océanique et terrestre pour tenir compte des puits terrestres et océaniques qui existent déjà. Les variations de concentration par rapport aux scénarios MSQ dues aux puits exigeront de nouveaux puits qui ne sont pas compris dans les calculs de ces scénarios MSQ.
Croissance réelle des puits Attribuable au déboisement À l’échelle planétaire, on estime que le puits terrestre naturel est très important GtC/an Croissance réelle des puits Puits net - = Attribuable au déboisement Les experts estiment que l’absorption nette par les écosystèmes terrestres mondiaux durant les années 1990 a été d’environ 1,4 GtC/an. Depuis, on pense que le déboisement a entraîné l’émission d’environ 1,6 GtC/an, ce qui incite à croire qu’il existe un puits compensateur dans d’autres parties des écosystèmes terrestres, qui se chiffre à 3 GtC/an.
Puits terrestres planétaire Ce puits est le cumul des sources/puits nets des écosystèmes terrestres de chaque pays. = Puits terrestres planétaire (-3,0 GtC/an) Pays A Pays B Pays C Canada Etc. Sources/puits de chaque pays Facteurs : Variabilité naturelle Structure par âge Fertilisation par CO2/N Affectation et gestion passées des terres Ce puits de carbone terrestre est la somme de tous les puits et sources de carbone sur les territoires de chaque État de la communauté internationale. Ces puits résultent d’une diversité de causes, notamment de la variabilité naturelle attribuable aux fluctuations du climat et à la dynamique des forêts, de la fertilisation par le CO2 et l’azote, et de la regénérescence attribuable aux perturbations anthropiques passées.
Il existe divers types de puits « anthropiques », mais tous ne sont pas également réalisables. Potentiel Élevé dépôt en mer Dépôts géologiques 1st Qtr 2nd Qtr 3rd Qtr 4th Qtr 10 20 30 40 50 60 70 80 90 East West North Suppression des perturbations ? forestières BRD Fertilisation des océans Ces puits peuvent être renforcés directement et indirectement par diverses activités humaines. Les experts pensent que les plus importantes mesures possibles de dépôts en mer et géologiques sont également celles dont la faisabilité est plus douteuse. La suppression des incendies et des perturbations présente un fort potentiel, mais elle est considérée par d’autres pays comme faisant partie de la gestion des forêts. Cela veut dire que, à défaut d’agir ainsi maintenant, cette activité risque d’être considérée comme une source. Source : Environnement Canada. 1998. Rapport du GRDE sur la 5e Assemblée technique sur les sources et les puits de gaz à effet de serre et d’arérosols. Sans labour Produits agricoles Peu Élevée Faisabilité
Presque tous les puits et sources dans les sols agricoles sont d’origine humaine Mt CO2/an Les sols agricoles du Canada sont une source de CO2 atmosphérique depuis un siècle en raison de l’épuisement du carbone des sols attribuable à la culture. L’adoption de pratiques culturales sans labour dans l’ouest du Canada, principalement pour des raisons économiques, a contribué à retourner du carbone dans les sols. D’après les prévisions, nos sols deviendront bientôt des puits nets. Ces sources sont mal comprises, et ne font pas partie pour l’instant de l’inventaire de nos émissions. Source : Rapport de la Table des puits sur le processus national sur le changement climatique, 1999, p 94. Année
À titre de comparaison, les nouvelles forêts accumulent du carbone très lentement. Title goes here 600 Peuplier hybride Douglas taxifolié 500 Épinette noire 400 Mètres cubes de bois/ha/an 300 200 Le rythme d’absorption de CO2 par les arbres dépend beaucoup du type d’essence et de l’âge du peuplement. Pour la plupart des essences, il y a une très faible accumulation de carbone au cours des 10 premières années de croissance. Les essences à croissance rapide sont l’exception, mais elles parviennent rapidement à maturité, deviennent saturées comme puits et, à moins d’être exploitées, elles deviennent à nouveau un puits. Source : Rapport de la Table des puits du Processus national sur les changements climatiques. 100 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 Âge
La plantation de nouvelles forêts peut également contribuer au réchauffement de la planète en réduisant l’albedo. Colombie-Britannique Puits potentiel Reste du Canada Albédo Ex-URSS Région Europe du Nord De plus, le changement d’affectation des terres qui a pour effet de remplacer les champs agricoles par de nouvelles forêts peut également affecter le coefficient de réflexion du rayonnement solaire visible à la surface de la Terre. Dans les régions climatiques où le manteau neigeux dure longtemps, cet effet peut être très marqué. Cela est dû au fait qu’en hiver, des champs agricoles recouverts de neige dont le facteur de réflexion est élevé sont remplacés par des paysages forestiers dont l’albédo est faible. Cela peut influer sur le réchauffement d’une région, ce qui, dans certaines, neutralise largement l’avantage climatique des puits de carbone que constituent ces forêts. Cet état de choses concerne la majeure partie du Canada. Source : Claussen, M., Brovkin, V. et Ganopolski. 2001. Biogeophysical versus biogeochemical feedbacks of large-scale land cover change. Geophysical Research Letters 28:1011-1014. Europe du Sud Europe de l ’est Sud des É-U. -150 -100 -50 50 100 150 200 250 Puits équivalent (t C/ha)