Chapitre 2 - L’intégration par des politiques communes

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Chapitre 2 - L’intégration par des politiques communes

Dans ce chapitre, deux politiques communes majeures seront analysées : - la politique agricole commune ; - la politique monétaire commune conduite aujourd’hui dans le cadre de la zone euro.

Section 1 - La politique agricole commune L'activité agricole est soumise aux aléas climatiques sans que l'action des pouvoirs publics ne puisse faire autre chose que d'en atténuer les conséquences. Cependant, il existe aussi des cycles endogènes dans l'agriculture, produits par les mécanismes de marché eux-mêmes. Du fait des délais de production, les décisions des agriculteurs sont basées sur les prix présents et les plans de production peuvent s'avérer mal ajustés à la demande future. Il s'ensuit un effet de rétroaction sur l'offre engendrant des cycles selon le modèle en toile d'araignée ou phénomène du cobweb (graphique 1).

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Soit DD et SS respectivement les courbes de demande et d'offre d'un produit agricole quelconque. Dans la situation initiale, le marché est à l'équilibre (Po, Qo). Par suite d'une mauvaise récolte, la quantité produite va s'établir en Q1. Cette réduction de l'offre va élever le prix qui atteindra le niveau P1. A ce niveau de prix plus élevé, les agriculteurs déterminent des plans de production qui débouchent sur des quantités produites plus importantes atteignant le niveau Q2. Cette offre accrue va être confrontée sur le marché à une demande relativement inélastique, ce qui va entraîner un abaissement des prix au niveau P2. Dès lors, cette baisse des prix engendrera à son tour une contraction des niveaux des plans de production antérieurs. La conséquence en est une récolte d'importance moindre de niveau Q3 qui va provoquer une hausse des prix des quantités produites, etc. Cette instabilité des prix agricoles est un phénomène connu et persiste en dépit du progrès technique. Les producteurs et les consommateurs peuvent être lésés par des modifications récurrentes des prix et des quantités produites. Aussi, les pouvoirs publics interviennent-ils pour assurer un niveau de revenu correct aux agriculteurs et des prix raisonnables dans les livraisons aux consommateurs. 5

L'analyse des dépenses du budget de l'UE  une politique commune majeure : la politique agricole commune. Même si son poids dans les dépenses communautaires s'est abaissé en passant des 2/3 à l'origine à moins de la moitié aujourd'hui (62% en 1989, 42,7% en 2010), elle reste la première politique commune. Ces dépenses avaient une progression limitée à 1% par an sur la période budgétaire 2007-2013. Aujourd’hui, l'agriculture représente un poids faible (mais stratégique) dans les activités économiques des EM (en 2011, environ 5% de l'emploi sectoriel en moyenne dans l'UE avec 2,1% du Pib). A partir de 2013, la PAC fait l’objet d’une codécision Commission européenne – Parlement européen (traité de Lisbonne).

Le traité de Rome consacre à l'agriculture les articles 38 à 47 (articles 38 a 44 du TFUE) qui définissent les principes généraux de la PAC. Ses cinq objectifs fondamentaux sont définis par l'article 39 : - la hausse de la productivité par le développement du PT et un emploi optimum des facteurs de production, notamment de la main - d'œuvre ; - la recherche d'un niveau de vie équitable pour l'agriculteur par l'élévation de son revenu individuel ; - la stabilisation des marchés dont les déséquilibres sont coûteux pour la collectivité ; - la garantie de la sécurité des approvisionnements ; - l'existence de prix "raisonnables" aux consommateurs.

Ces préoccupations et la nécessité d'éviter la désertification ont inspiré quatre principes du marché commun des produits agricoles : - la libre circulation des produits agricoles dans la Cee ; - l'unicité du marché assurée par des OCM destinées à remplacer les systèmes d'intervention nationaux (suppression des droits de douane et restrictions quantitatives intra-communautaires, prix agricoles communs) ; - la préférence communautaire qui favorise la consommation des productions domestiques par rapport aux productions des pays tiers (mise en place d'un système de prélèvements aux frontières et d'un TEC). - la solidarité financière assurée par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA) pour les dépenses nécessaires à la PAC.

Les politiques agricoles, exclusivement nationales avant la construction de la CEE, se sont traduites par une politique agricole communautaire des marchés et des prix et des politiques essentiellement nationales de structures depuis le traité de Rome. Dès son origine, la PAC a eu une orientation productiviste pour limiter la dépendance alimentaire extérieure de la Communauté. Cet objectif sera rapidement dépassé avec l'apparition d'excédents dont la gestion coûteuse conduira à sa réforme. Examinons tout d'abord les fondements de cette politique commune avant d'en analyser la mutation intervenue à partir de mai 1992.

A - Les mécanismes fondamentaux initiaux de la PAC Le choix d'une politique interventionniste de soutien des prix des principaux produits de base (lait, viande, céréales) régis par des organisations communes de marché (OCM) a permis d'atteindre trois objectifs fondamentaux : la croissance des volumes produits et livrés, l'amélioration des revenus agricoles et la modernisation de l'agriculture. 1 - La création des organisations communes de marché

A l’origine, plusieurs catégories d'organisations communes de marché peuvent être distinguées : - la plus importante est celle des OCM à prix de soutien et concerne environ les 3/4 de la production agricole (céréales, lait, sucre, viandes bovine, porcine, ovine, etc.). Les autres Ocm sont fondées sur la protection extérieure, sur une aide complémentaire ou sur une aide forfaitaire. - les OCM de protection extérieure (environ 25% de la production agricole - certains fruits et légumes, fleurs, œufs, volailles, etc.) sont concernées par une organisation de marché essentiellement limitée à la protection contre la concurrence des pays tiers. - le système d'aide complémentaire (2,5 % de la production agricole) permet d'assurer des prix relativement bas au consommateur et le soutien des revenus des producteurs.

Pour certaines productions, il existe une aide directe complémentaire au système de prix de soutien (blé dur) ; pour d'autres produits, l'aide sert à compenser la faiblesse ou l'absence de protection extérieure (absence de prix de seuil ou Tec faibles - colza, tournesol, coton, tabac). - Enfin, certaines OCM comportent des aides forfaitaires à l'ha ou par quantités produites sur le modèle américain (0,6 % de la production agricole - lin, houblon). En 2008, les 21 OCM ont été regroupées dans une OCM unique. Elle réglemente le marché intérieur et les échanges avec les pays tiers en reprenant les outils de régulation des anciennes OCM.

L'ensemble des OCM représente environ 91% de la production agricole L'ensemble des OCM représente environ 91% de la production agricole. Analysons le fonctionnement des OCM à prix de soutien en nous appuyant sur l'exemple des céréales. A l'origine, trois prix (le prix indicatif, le prix d'intervention et le prix de seuil) constituent les instruments de gestion des marchés (graphique 2). Ces prix communs sont fixés en Ecus par le Conseil des ministres. Ils permettent la régulation des marchés agricoles en limitant les variations de prix et en garantissant un revenu minimal aux agriculteurs.

Cela étant, le fonctionnement de l'OCM à prix de soutien comporte un soutien interne et un soutien externe. Examinons tout d'abord le soutien interne. Dans la CEE, le prix de marché fluctue entre 2 prix - limites qui sont des prix institutionnels ou administrés déterminés chaque année : un prix – plafond ou prix indicatif, et un prix – plancher ou prix d'intervention. Lorsque ces prix - limites sont atteints, des mesures correctrices de stabilisation des marchés agricoles se déclenchent. Au niveau du prix indicatif (production insuffisante), l'importation devient compétitive sur les marchés communautaires et empêche les prix de marché de s'élever au-dessus de ce prix institutionnel (consommateur lésé). Si le prix de marché baisse trop (production en excédent), le prix d'intervention est une limite à laquelle la CEE achète "à guichets ouverts" toutes les quantités proposées (ceci limite les pertes du producteur).

Le soutien externe présente un volet relatif à l'importation et à l'exportation. Pour les importations des pays tiers, un prix minimum à l'entrée de la frontière de la CEE est fixé : le prix de seuil. Il est calculé de façon telle qu'aucun produit agricole importé (frais de déchargement et de transport compris) ne puisse être vendu sur les marchés de consommation communautaire à un prix inférieur au prix indicatif. La différence entre le prix de seuil et le prix caf de la marchandise importée est perçue sous la forme d'un prélèvement (instrument plus efficace qu'un droit de douane).

Ce système crée une préférence communautaire car en situation normale, les prix de marché sont < prix indicatif. Pour les exportations, dans la mesure où les prix européens sont généralement > prix mondiaux, des subventions (les restitutions) sont octroyées aux exportateurs pour combler la différence entre les prix de marché communautaires et les prix mondiaux.

Le schéma ci-dessus de soutien des prix s'applique intégralement aux productions agricoles de base : des organismes d'intervention achètent les quantités offertes au prix minimal fixé (prix d'intervention) et les revendent quand la situation du marché s'améliore ou en exportent une partie vers des pays tiers. Pour d'autres produits (viande porcine, vins de table, certains fruits et légumes), les mécanismes d'intervention fonctionnent de façon moins automatique. En l'occurrence, des mesures plus souples pour stabiliser les marchés intérieurs peuvent être adoptées telles que les aides au stockage ou à la distillation. Toutefois, ce sont toutes des OCM pour lesquelles est établi un système de prix de soutien.

Notons que le Conseil des ministres peut limiter les périodes d'intervention, fixer des délais de paiement, déterminer les critères de qualité des produits admis à l'intervention… L'évolution de la PAC sera le résultat de réformes internes mais elle sera aussi la conséquence d'accords internationaux, en particulier celui de l'Uruguay round qui entraînera la disparition «regrettable» des prélèvements agricoles. Par exemple, les prix indicatif et de seuil des céréales ont été supprimés lors de la campagne agricole 1995-1996 à la suite du remplacement des prélèvements variables à l'importation par des droits de douane fixes (conformément aux accords de Marrakech).

2 - Le financement de la Pac par le Feoga La création d'un fonds pour la PAC était prévue par le traité de Rome. La gestion de l'ensemble de la PAC est assurée par le FEOGA (fonds européen d'orientation et de garantie agricole); il s'octroie la part la plus importante du budget et comporte 2 sections : la section garantie et la section orientation. La 1ère assume l'ensemble des dépenses publiques et des recettes de la mise en œuvre des OCM (dépenses d'intervention, restitutions, MCM). La 2ème finance des actions d'amélioration des structures des exploitations, les infrastructures rurales et les conditions de commercialisation et de transformation des produits. Les fonds communautaires sont affectés aux actions de politique structurelle, cofinancées avec les différents EM, avec les régions...

Initialement, le partage des dépenses entre la politique de garantie et la politique d'orientation devait se faire sur une base 2/3 - 1/3. Les fonds de la section orientation ont souvent représenté une part < à 10 % des dépenses globales du FEOGA. Les EM dépensent presque autant que la CEE pour l'agriculture mais 95 % des fonds nationaux vont à l'orientation des structures : coexistence d'une politique communautaire de garantie et de politiques nationales d'orientation  néfaste à la cohérence de la PAC en ne facilitant pas la gestion centralisée de la production agricole par une action sur les structures. En 2007, le FEOGA est remplacé par 2 fonds : le FEAGA (fonds européen de garantie agricole) pour soutenir les marchés agricoles et le FEADER (fonds européen agricole pour le développement rural) en charge des actions structurelles.

La PAC a rencontré un certain nombre de difficultés au cours de son existence. On peut en citer deux principales : la rupture de l'unicité des prix agricoles dans les OCM à prix de soutien en raison de la variation des taux de change des monnaies européennes. La Cee a alors instauré le système des montants compensatoires monétaires (MCM) qui a permis de retrouver l'unicité des prix agricoles dans le commerce intra-communautaire. Ce système accorde une prime aux agriculteurs des pays dont la monnaie a été réévaluée et instaure une taxe sur les agriculteurs des pays dont la monnaie a été dévaluée. Les échanges ont été préservés. Mais ce système a favorisé les conditions de production des agricultures des pays à monnaie forte et a pénalisé celles des agricultures des pays à monnaie faible. La réalisation de la monnaie unique a mis un terme à ce problème, excepté pour les EM demeurés hors de l'Union monétaire (Royaume-Uni, Suède, Danemark, ce dernier respectant la discipline du Sme-bis). Aujourd'hui, cette question est d'importance marginale.

- l'apparition d'excédents dans la Communauté, conséquence de la logique productiviste de la PAC. Pour maîtriser l'évolution de la production et des dépenses agricoles (gestion coûteuse des surplus), une réforme de la PAC en matière de politique des prix et des marchés a été amorcée par la CEE à partir des années 80 et s’est poursuivi dans le cadre de l'Agenda 2000 et au-delà aujourd’hui sur la période 2014-2020. B - La réforme de la PAC : l'adoption de paiements compensatoires sur le modèle étasunien La Cee a été confrontée au problème de la résorption des surplus agricoles et à la prévention d'excédents pour des productions pour lesquelles elle était proche de l'auto - suffisance. La difficulté était d'autant plus aiguë que la demande, à l'intérieur comme à l'extérieur de la Communauté, ne progressait que très lentement alors que se poursuivait l'élévation des rendements et de la productivité. Le fonctionnement de la politique agricole s'est aussi révélé inégalitaire : les différents producteurs se sont heurtés à un usage indifférencié du mécanisme de soutien des prix et des restitutions.

Des inégalités entre petits et grands exploitants sont apparues, entraînant un gaspillage des fonds publics : la fixation des prix à des niveaux visant à assurer un revenu correct à des exploitations de taille modeste, moins efficaces, a octroyé aux exploitations plus grandes et plus productives des suppléments de revenus élevés et non justifiés. Simultanément, le déclin des prix agricoles mondiaux a accentué le coût de l'écoulement sur le marché mondial. Une réforme de la PAC s’avérait alors nécessaire : après plusieurs tentatives de réformes infructueuses, une mutation de cette politique interviendra en 1992 par l'adoption d'un système de soutien agricole proche de celui des Etats-Unis; cette réforme ne sera d'ailleurs que la 1ère étape d'un processus se poursuivant aujourd’hui et couvrant la période 2014-2020.

1 - La réforme agricole de mai 1992 La théorie économique propose 2 modalités principales d'action : l'action sur les quantités pour rétablir l'équilibre sur les marchés (limitation des surfaces cultivées, contingentement des productions) et l'action sur les prix (limitation de la garantie de prix à un certain volume de production, baisse des prix de soutien). La Commission va surtout emprunter cette 2ème voie. Elle accorde progressivement au prix de marché un rôle accru pour guider l'offre et la demande. Mais, pour plusieurs produits agricoles (céréales, lait, viande), du fait de faibles élasticités - prix de l'offre et de la demande, le retour à l'équilibre nécessitait des baisses de prix qui auraient menacé le maintien du revenu agricole. L'action par les prix devait donc être complétée par d'autres dispositions telles les paiements compensatoires, inspirés du système américain. Ce dernier déterminera fortement la réforme de mai 1992.

Cette réforme a concerné tous les produits couverts par une OCM à prix de soutien, à quelques exceptions près (sucre, fruits et légumes, vin, porc, etc.) et a rompu avec l'orientation productiviste antérieure. Les objectifs principaux étaient une réduction importante des prix agricoles de soutien compensée par un système d'aides directes afin de maintenir le revenu des agriculteurs. Ainsi, les prix d'intervention des céréales ont baissé de 35% en 3 ans. Une aide directe à l‘ha a été accordée à ces cultures végétales si 15% de la surface habituellement cultivée était mise en jachère ou utilisée à une production non alimentaire et non fourragère (aide non conditionnée par la jachère pour les petites exploitations).

Le soutien a été limité et s'est traduit par une rupture du lien entre niveau de soutien et niveau individuel de production. En France, pour les grandes cultures, un quota national de surfaces primables de 13,5 millions d'ha et des aides directes déconnectées des résultats individuels ont été définis. En effet, l'aide à l'ha a été calculée pour 2/3 à partir du rendement départemental et pour 1/3 à partir du rendement national. L'aide était donc déconnectée des résultats individuels, mais pas des quantités produites globales.

Des mesures d'accompagnement cofinancées par l'UE et les EM ont complété le dispositif (régime de préretraite facultatif, aides à l'extensification et au boisement, régime agro - environnemental). La Cee a voulu réduire le nombre d'exploitations agricoles, en particulier celles concernées par les cultures excédentaires, et continuer de favoriser le développement d'une agriculture plus respectueuse de l'environnement. Cette 1ère étape de la mutation de la PAC a atteint la plupart de ses objectifs : assainissement des marchés, stocks publics résorbés et stabilisation du revenu agricole. Les dépenses agricoles de soutien des prix et des marchés ont respecté la ligne directrice agricole prévoyant chaque année les crédits maximum pouvant être engagés pour le soutien des marchés.

La réforme de 1992 a conservé un certain nombre de dispositions fondamentales: les mécanismes de soutien des prix sont maintenus mais les prix garantis sont moins élevés. La préférence communautaire avec le système des prélèvements variables est maintenue ainsi que la politique de restitution à l'exportation. Mais, avec les accords de l'Uruguay round (décembre 1993), les prélèvements variables ont été supprimés et remplacés par des droits de douane fixes (équivalents tarifaires progressivement abaissés). Un accès minimum au marché européen par grandes familles de produits (viandes, céréales) a été concédé avec ouverture de contingents tarifaires (3% de la consommation par pays en 1995, 5% en 2000). Les subventions à l'exportation ont été réduites ainsi que le volume des exportations subventionnées (aide alimentaire exclue). Enfin, la CE s'est engagée à baisser sensiblement le soutien interne à l'agriculture.

Ces accords menaçaient le maintien de la préférence communautaire (qui a fini par disparaître), limitaient les débouchés des productions européennes sur les marchés des pays tiers ainsi que le développement de productions dans lesquelles la Communauté était pourtant déficitaire (oléagineux) ! Des concessions majeures ont ainsi été consenties aux Etats-Unis. A cette époque, le problème était aussi moins l'inégalité de revenu entre grandes et petites exploitations que la dépendance des exploitations agricoles à l'égard d'un système d'aides directes appelé à être réformé.

2 - Les nouvelles adaptations de la PAC dans l’Agenda 2000 La Commission a proposé dans le cadre de l'Agenda 2000 d'accentuer l'orientation libérale de la PAC et l'ouverture de l'agriculture européenne sur les marchés mondiaux. C‘était une stratégie productive favorable à la grande exploitation qui devait coexister avec une autre agriculture de petite et moyenne exploitation, orientée vers la production labellisée, l'agriculture biologique. Les nouvelles réductions des prix de soutien du marché compensées par des aides directes aux agriculteurs ont eu pour but d’améliorer la compétitivité de l'agriculture européenne tant sur les marchés intérieurs que sur les marchés mondiaux. L'objectif était de limiter le risque d'un retour à la production d’excédents coûteux en évitant la surcompensation des baisses de prix par les aides directes (phénomène caractéristique de la réforme de 1992). La PAC n‘était donc pas stabilisée. Elle avait à surmonter des défis intérieurs et extérieurs dans un contexte sanitaire marqué par l'apparition de risques alimentaires nouveaux (produits génétiquement modifiés, cheptel contaminé par l'ESB).

a - Les défis agricoles à surmonter Tout d'abord les défis intérieurs. La reconstitution d'excédents était prévue à l'horizon 2005 en raison du déséquilibre croissant entre une consommation européenne stagnante et une productivité accrue du secteur agricole. De plus, le problème de la programmation budgétaire des années 2000 - 2006 s'est posé dans un contexte où 44 % environ du budget général de la CE sont consacrés en 1999 au soutien du revenu des agriculteurs qui ne représentent que 5, 3 % des actifs de l'UE. Ensuite deux défis extérieurs. Le 1er était le coût de l'élargissement de l'UE aux PECO et la constitution d'une zone de libre-échange avec les pays du bassin méditerranéen à l'horizon 2010. L'autre défi extérieur était représenté par l'ouverture de nouvelles négociations commerciales dans le cadre de l'OMC avec deux dossiers prioritaires : les contentieux d'ordre sanitaire et phytosanitaire et le système d'aides agricoles. A la suite de l'accord de l'Uruguay round, les systèmes d'aides agricoles ont été répartis dans trois boîtes :

- une boîte verte relative aux aides non couplées à la production (aides à l'environnement, à la lutte contre la désertification) ; - une boîte bleue relative aux aides intégrées dans la clause de paix du compromis de Blair House (paiements compensatoires européens et "deficiency payments" étasuniens) ; une boîte rouge relative aux aides traditionnelles à la production. Si les aides de la boîte rouge étaient vouées à la disparition, obtenir la suppression de celles de la boîte bleue allait être l'objectif des Etats - Unis au cours des prochaines négociations de l'OMC. La clause de paix arrivait à échéance en 2004 mais les Etats - Unis avaient remplacé leur système de "deficiency payments", avec le Fair Act de 1996, par des aides directes totalement découplées des prix et des niveaux de production, aides de surcroît dégressives jusqu'en 2002. Par conséquent, le système européen des paiements compensatoires était appelé à évoluer.

b - L'accord agricole dans l'Agenda 2000 L'Agenda 2000 a tenu compte de ces évolutions. La réforme de la PAC sur la période 2000 - 2006 prolonge la réforme antérieure de mai 1992 pour le secteur des marchés : les baisses de prix se poursuivent et ne sont que partiellement compensées par des aides directes (viande bovine, céréales, lait). Cette nouvelle diminution des prix devait permettre selon la Commission européenne : - de réduire l'incitation à produire en raison de l'existence de prix moins élevés ; - de continuer à rapprocher les prix européens des prix mondiaux ; - d'aider à l'intégration des PECO en leur évitant une élévation des prix par alignement sur ceux pratiqués dans l'UE, hausse des prix préjudiciable à ces pays en raison du poids élevé des produits de base dans le budget des ménages ; - d'aborder en meilleure position les négociations multilatérales dans le cadre de l'OMC.

La réforme des marchés est apparue assortie de préoccupations nouvelles: les aides compensatoires liées au respect de critères environnementaux. Le développement rural a été appelé à devenir le 2ème pilier de la PAC, et le débat sur le modèle agricole européen s’est posé en des termes nouveaux : une politique agricole axée sur les grandes exploitations compétitives sur le marché mondial et/ou une politique agricole de terroir pouvant bénéficier à la communauté rurale dans son ensemble.

3 - La réforme de la PAC de 2003 à 2014 Adoptée en juin 2003, elle s’inscrit dans le cadre de la stabilisation du budget agricole des marchés jusqu’en 2013 et de l’élargissement de la Communauté aux pays de l’Est (période transitoire s’achevant en 2013). Trois axes principaux caractérisent cette réforme : - la mise en place depuis le 1/1/2005 d’un paiement unique à l’exploitation se substituant aux multiples soutiens des différentes OCM. Cette aide directe est totalement découplée des quantités produites (sauf exception telle l’élevage de brebis). - le paiement direct est subordonné au respect de certaines règles (conditionnalité de l’aide) émanant de 19 directives et règlements européens (conditions sanitaires, agronomiques et environnementales). - la modulation des aides qui limite les avantages de la grande exploitation (réduction du paiement unique au-delà d’un certain seuil). Les sommes ainsi dégagées étaient réorientées vers le financement du développement rural. Cette réforme a visé donc à renforcer la prise en compte par les agriculteurs des conditions du marché et le respect de l’environnement.

En 2008, le Conseil des ministres de l’agriculture a adopté un ensemble complémentaire de six mesures (« le bilan de santé ») : - suppression progressive des quotas laitiers d’ici à 2015 ; - suppression de la jachère obligatoire de 10% pour les grandes cultures (situation d’excédents agricoles devenant de plus en plus rare aujourd’hui); - découplage systématique du paiement unique des quantités produites ; - limitation des achats à l’intervention pour certaines productions (blé, beurre, lait écrémé) ou suppression pour d’autres (porc, orge, sorgho); - transfert de fonds du budget des aides directes vers celui du développement rural (contribution des grands exploitants) ; - l’utilisation de ces fonds par les EM pour aider les secteurs de leurs choix.

Ces dernières mesures tendent à montrer que la PAC accorde une importance accrue aux préférences nationales. Notons que la conférence ministérielle de Hong Kong en décembre 2005 a entériné le principe d’une suppression des subventions à l’exportation pour les produits agricoles (étaient donc concernées les restitutions de l’UE, 1er exportateur mondial dans le domaine agricole). La PAC actuelle  nouveaux défis : le changement climatique, la pression des biocarburants, la gestion de l’eau, les crises sanitaires imputables à une mondialisation mal régulée, la financiarisation des marchés agricoles. Les marchés communautaires sont désormais soumis aux aléas productifs du reste du monde, ce qui doit conduire les pouvoirs publics européens, à défaut nationaux, à concevoir des stratégies alimentaires (produits agricoles de base) protectrices des consommateurs de l’UE. Une nouvelle réforme de la PAC a été envisagée pour le 1/1/2014.

Le 26 juin 2013, les ministres européens de l’Agriculture, le Parlement européen et la Commission européenne se sont accordés sur les règles de la PAC pour la période 2014 - 2020. Elles s’ordonnent autour de quatre textes concernant : les paiements directs ; le développement rural ; l’organisation commune de marché ; le financement, la gestion et le suivi. Ces textes laissent aux Etats une marge de manœuvre plus importante que lors des précédentes réformes. Les nouvelles règles sont applicables depuis le 1er janvier 2014, à l'exception de la nouvelle structure des paiements directs (paiements "verts", soutiens additionnels pour les jeunes, etc.) qui se fera à partir de 2015. Le budget pour l'agriculture et le développement rural sur la période 2014 - 2020 est de 362,8 milliards d'euros (278 milliards pour les aides directes, environ 85 milliards pour le développement rural). 4 - La réforme de la PAC (2014-2020)

A la fin du mois de novembre 2013, le Parlement européen a donné son accord à la réforme de la PAC qui se traduira pour la période 2014-2020 par une baisse des subventions aux plus grandes exploitations et des exigences environnementales accrues. Pour la première fois, en vertu du traité de Lisbonne, le Parlement a été invité à légiférer, conjointement avec les gouvernements, sur une politique mobilisant environ 50 milliards d'euros annuellement, soit 41 % du budget européen .

a - Les aides directes Les références historiques sont progressivement abandonnées et remplacées par un système d'aides à l'ha d'ici à 2019. Un nouveau "régime de paiement de base" implique un paiement uniforme par ha et contraint les gouvernements nationaux à allouer au moins 70 % des financements de leur 1er pilier à ces paiements. Pour les nouveaux EM, le mécanisme actuel de paiement unique à l'ha peut être prolongé jusqu'en 2020. En 2013, 80 % des paiements directs étaient alloués à 20 % des exploitations. Pour réduire les écarts entre les aides perçues par les agriculteurs, en 2019 aucun EM ne recevra moins de 75% de la moyenne communautaire de l'enveloppe dédiée à la PAC. Au sein d'un même EM ou d'une région, l'aide à l'ha ne sera pas < à 60% de la moyenne des aides versées dans une même zone administrative ou agronomique.

La France bénéficiera d'une enveloppe d'environ 7,5 milliards d'euros d'aides directes par an entre 2014 et 2020, contre 9,3 milliards auparavant.

Les EM ont la possibilité d'attribuer des aides plus élevées pour les "premiers hectares" d'une exploitation pour aider davantage les petites et moyennes structures. Les Etats ont toujours la possibilité de lier une partie des aides à un type spécifique de production en difficulté (aides couplées), par exemple l'élevage. La part maximale d'aides couplées augmente de 10 à 13% (et au minimum de 8%), auxquelles s'ajouteront 2 % pour la culture des protéagineux. Une majoration des paiements directs pour les jeunes agriculteurs, de 25 % pendant les 5 premières années, doit obligatoirement être mise en place. Les aides sont réservées aux seuls agriculteurs actifs. A l'exception des montants très faibles attribués aux petits agriculteurs, toutes les aides de la PAC doivent être rendues publiques.

b - Le soutien vert (ou le verdissement) Le compromis final agricole ne retient pas toutes les propositions de la Commission visant à rendre la PAC plus respectueuse de l'environnement. La future PAC comporte néanmoins quelques avancées, puisque 30 % des aides directes sont désormais liées au respect de trois pratiques agro-environnementales : - diversification des cultures : un agriculteur doit exploiter au moins 2 cultures lorsque la superficie de ses terres arables est > à 10 hectares et au moins 3 cultures lorsque cette superficie est > à 30 hectares. La culture principale peut occuper au maximum 75 % des terres arables et les 2 cultures principales au moins 95 % des terres arables. - maintien de prairies permanentes - préservation de 5 % de "surfaces d'intérêt écologique" (7 % à partir de 2018) au sein de surfaces de plus de 15 hectares. Il s'agit par exemple de haies, murets, jachères, arbres isolés, bosquets, bandes enherbées… Les agriculteurs qui ne respecteraient pas le verdissement risquent une amende correspondant à un maximum de 37,5 % de leurs aides directes, après deux années d’infraction.

c - le développement rural Six priorités existent : soutien au transfert de connaissance et à l’innovation, renforcement de la compétitivité et de la gestion durable des forêts, promotion de l’organisation et de la gestion des risques dans la chaîne alimentaire, restauration et protection des écosystèmes, promotion de l’utilisation efficace des ressources, lutte contre la pauvreté dans les zones rurales. 30% des enveloppes nationales dédiées au développement rural doivent être consacrées à des mesures de lutte contre le changement climatique et de gestion des terres. 5% doivent être réservées au programme de "Liaison entre action de développement de l’économie rurale" (LEADER). Une autre partie de l'enveloppe est dédiée aux outils de gestion des risques agricoles, afin de corriger les effets des crises (volatilité des prix, aléas climatiques…). Chaque pays peut transférer 15 % de l’enveloppe régionale prévue pour le développement rural aux aides directes perçues par les agriculteurs (1er pilier) et inversement. Entre 2014 et 2020, la France doit recevoir 11,4 milliards d’euros pour le développement rural.

d - Les outils de régulation des marchés En cas de crise, la Commission peut temporairement autoriser les producteurs à gérer les volumes mis sur le marché. L'UE met également en place une réserve de crise. Le pouvoir des producteurs dans la chaîne agro-alimentaire est renforcé : les organisations professionnelles et les interprofessions sont encouragées et pourront négocier des contrats de vente au nom de leurs membres. Des règles de concurrence spécifiques s'appliquent aux principaux secteurs (lait, viande bovine, huile d'olive, céréales). Concernant les droits de plantation des vignes, le principe de régulation est maintenu jusqu'en 2030. A partir de 2016, le nouveau régime permettra de gérer les plantations, pour toutes les catégories de vins, avec une limite maximale de croissance annuelle des surfaces plantées fixée à 1%. L'UE revient ainsi sur la libéralisation des droits de plantation avalisée en 2008. Les quotas de sucre seront supprimés en 2017, mais l'organisation du secteur doit être renforcée sur la base de contrats et d'accords interprofessionnels obligatoires. Les quotas laitiers prendront fin le 1er avril 2015, ce qui peut poser de redoutables problèmes de concurrence à la production laitière française.

Au total, la réforme vise à rendre plus simple et équitable la méthode de répartition des paiements directs, des subventions qui viennent soutenir les exploitations indépendamment des volumes de production et qui représentent les trois quarts du budget de la PAC. Le montant des aides directes, qui était momentanément basé sur des références historiques de production, donnant un avantage aux exploitations les plus productives, sera calculé à l'avenir proportionnellement à la surface exploitée.

En ce qui concerne la France (qui perçoit annuellement environ 10 milliards d’euros au titre de la PAC) : Elle pourra lier 15 % des subventions directes au niveau de production dans certaines régions pour tenir compte des contraintes naturelles spécifiques subies par les agriculteurs. Les grandes exploitations risquent de perdre jusqu'à 40 % de leurs subventions dans certains cas, mais les pays membres ont la possibilité de limiter la perte à 30 %. En outre, les exploitants recevant plus de 150 000 euros subiront un écrêtement de 5 % des sommes qui leur sont dues au-delà de ce niveau. En contrepartie, les jeunes agriculteurs bénéficieront de paiements majorés de 25 % pour un maximum de 100 hectares.

Remarque : La volonté de la Commission d'imposer un plafond aux aides directes ou d'aller vers une convergence du niveau des aides perçues dans les différents EM s'est en revanche heurtée à une absence de consensus… En conclusion, la crise de la PAC est survenue parce que la politique des marchés n'a pas été accompagnée d'une véritable politique des structures. Le soutien des prix a favorisé les méthodes d'exploitation productivistes et la concentration des exploitations. Environ 20% des agriculteurs ont bénéficié de 80% des budgets agricoles européens. A l’heure actuelle, les grandes exploitations sont relativement moins soutenues. Les actions communautaires sur les structures agricoles ont souffert de la faiblesse et de l'éparpillement des moyens engagés. Laissée essentiellement à la décision des EM, la politique des structures n'a pas été assez complémentaire de la politique communautaire des prix et des marchés. Les réformes récentes de la PAC ont tenté d’inverser cette tendance.

Cela étant, les perspectives inquiétantes liées au changement climatique rendent nécessaires des stratégies alimentaires cohérentes qui passent au minimum par l’autosuffisance au moins régionale en matière de productions agricoles de base (la PAC actuelle ne répond pas à cette exigence). Par ailleurs, les évolutions de la PAC laissent prévoir une diminution sensible du poids de l'agriculture dans le budget communautaire, situation a priori susceptible de donner davantage de marges de manœuvre à la politique économique pour l’union monétaire. Dans l'Union monétaire, une politique monétaire commune est apparue, aboutissement de plusieurs décennies d'une progression chaotique (voir section 2 suivante).

ANNEXES

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