Teva rentre à petits pas, le sourcil froncé. Chose étonnante, il ne jette pas son cartable à la volée, mais le pose sagement, indice d’une grande préoccupation. Maman commence à s’inquiéter ! -Bonjour, Teva. Tu ne viens pas m’embrasser ? Tout s’est bien passé, au catéchisme ? - C’était compliqué. Je n’ai pas bien compris. (Teva lève vers Maman un regard plein d’espoir) Mais tu vas m’expliquer, toi, n’est-ce pas ?
Teva prend son goûter et vient s’installer à table. Il sort son caté et explique : - Le catéchiste nous a relu le même passage d’évangile que la dernière fois. Celui du festin. Et il nous dit que cela veut dire aussi le festin du Royaume. Il y aura des festins, au ciel ? Et pour qui ? - Je te l’ai déjà dit, il s’agit souvent d’images qui traduisent une réalité ; « le festin du royaume », cela veut dire une abondance de joie, un bonheur intarissable que nous partagerons tous, parce que nous verrons enfin Dieu. Notre âme sera rassasiée, notre cœur sera comblé.
A la messe, Jésus se donne à nous comme une nourriture, mais nous ne sommes pas capables de comprendre la richesse de ce don. Au ciel, nous saisirons enfin la valeur de cet amour. Nous en comprendrons la richesse. Nous passerons notre temps d’éternité à en découvrir toutes les facettes, à y pénétrer toujours plus profond. Je ne sais pas si nous regretterons d’avoir si mal, si peu aimé sur terre. Mais je crois plutôt que notre Père, dans sa bonté, enlèvera tout regret de nos cœurs.
Mais l’image du banquet, du repas abondant, a souvent été prise pour signifier un grand bonheur. Déjà le prophète Îsaïe disait : « Le Seigneur va donner un festin sur cette montagne, un festin pour tous les peuples, un festin de viandes grasses succulentes et de vins vieux décantés. » Et ce qu’il ajoutait était une traduction, en quelque sorte, de cette image du banquet : « Il fera disparaître sur cette montagne la mort pour toujours. Il essuiera les larmes sur tous les visages. Exultons, jubilons, puisqu’il nous sauve ! » (Is 25, 6-9)
-Le catéchiste nous l’a dit : au ciel, c’est le bonheur sans fin. - Oui. Regarde cette image. C’est bien comme cela que je me représente l’arrivée d’une âme au paradis, après le décès de quelqu’un. - Mais alors, pourquoi on pleure, quand quelqu’un meurt ? Tu as pleuré, à la mort de mamie ! Alors, c’est de l’égoïsme ?
-mais c’est humain. Quand ton copain Elemoe est reparti chez lui, parce que sa maman avait fini son traitement et que tout s’était bien passé, il était fou de joie de retourner dans sa famille. Mais tu as pleuré parce qu’il partait… Pourtant, tu savais bien qu’il partait pour être mieux qu’ici, ou ses grands- parents étaient plutôt sévères avec lui… - C’est vrai. J’étais content pour lui, mais j’étais si triste à l’idée que je ne le verrais plus… Oui, je crois que je comprends mieux, maintenant ! Je comprends aussi pourquoi tu dis que la Toussaint est ta fête préférée !
- Oui. Nous devrions la célébrer dans la joie. J’aime mieux dire « la fête de tous les saints ». C’est d’ailleurs le sens du mot « Toussaint ». En fait, si on le décompose, il a deux sens : « la fête de tous les saints » et « tous saints » : nous sommes tous saints. - Comment ça, tous saints ? - Jésus, par sa mort sur la croix, a « vaincu la mort ». Cela ne veut pas dire que notre corps ne meurt pas, bien sûr, il meurt ! Mais il a vaincu la mort de notre âme. Notre âme ne meurt jamais, Jésus a conquis pour elle la vie éternelle. Et, avoir la vie éternelle, cela veut dire « être saint ».
-Alors, mamie est une sainte ? - Oui, bien sûr. C’est pour cela que je te dis parfois de lui demander de t’aider à être sage et raisonnable. - Et Ehu-Kai, qui battait sa femme, se saoulait, et finalement c’est suicidé ? Ce n’est pas possible qu’il soit saint ! - Dis donc ! tu ne vas pas juger à la place de Dieu ! Mais je crois que le sang que le Christ a versé, qu’il continue à verser à chaque messe sur tous les autels du monde, est bien plus puissant que nos plus grosses fautes ! - Mais ce n’est pas juste ! - Jésus a dit : « seras-tu méchant parce que je suis bon ? » Et il l’a dit à quelqu’un qui disait : « ce n’est pas juste ! »
Et un prophète nous dit en parlant au nom de Dieu : « vais-je garder rancune ? Mais je suis Dieu, moi, et non pas un homme ! » De toute façon, il ne nous appartient pas de tirer des conclusions ! - Alors (Teva réfléchit profondément, son front se plisse de plus en plus !) alors, une grande sainte, comme Ste Thérèse, et un… enfin, un homme comme Ehu-Kai se retrouvent ensemble au ciel ?
-Je ne sais pas, Teva… Mais je sais que Jésus a dit à ses apôtres, le soir du Jeudi saint : « Il y a beaucoup de demeures dans la Maison de mon Père. Sans cela, vous aurais-je dit : Je vais vous préparer une place ? » Mais Teva revient à sa première idée : - Alors, si la Toussaint est la fête de tous les saints, c’est aussi la fête de mamie ? - C’est la fête de tous les morts de tous les temps dont le nom ne figure sur aucun calendrier. La fête de tous les oubliés. Leur âme a pris son envol pour rejoindre Dieu, comme la colombe s’envole vers son pigeonnier. - Pourtant, on prie pour les morts ? Pourquoi, alors ?
-Parce que nous ne savons pas exactement s’ils jouissent aussitôt de ce bonheur, où s’ils doivent avant faire une petite toilette de leur âme, dans ce lieu mystérieux que l’Église appelle « le purgatoire ». Alors, à tout hasard, on prie pour que, si c’est le cas, ce séjour loin de Dieu soit abrégé. Car ce doit être terrible d’avoir vu Dieu, et d’en être ensuite séparé, ne serait-ce que quelques minutes ! - C’est tout de même compliqué… Mais j’ai un peu mieux compris. Merci Maman, maintenant je vais étudier ma poésie ! »
Photos de sources diverses. Les bandes fleuries sont extraites d’un CD de cliparts de Micro-Application. Texte : Jacky Musique : cantique : « Christ est là dans la nuit. » Diaporama de Jacky Questel, ambassadrice de la Paix Site :