Spirochètes Gaëlle CUZON 6 novembre 2009
Généralités Définition Les Spirochètes définissent une famille de bactéries comprenant trois genres différents (Borrelia, Leptospira, Treponema) comprenant diverses espèces en leur sein dont certaines sont commensales, d'autres pathogènes. Morphologie caractéristique de forme hélicoïdale/spiralée Flexibles et mobiles 3 genres: Treponema: syphilis, bejel, pian, pinta Borrelia: fièvres récurrentes, borréliose de Lyme Leptospira: leptospiroses Mode de transmission variable: Interhumaine Anthropozoonose vecteur
Treponema Treponema pallidum
Généralités Complexe T. pallidum: 3 sous-espèces T. pallidum subspecies pallidum: « tréponème pâle », agent de la syphilis, maladie strictement humaine T. pallidum subspecies endemicum: agent de la syphilis endémique non vénérienne ou « bejel » T. pallidum subspecies pertenue: agent du pian Bactéries très fines, hélicoïdales Mobilité caractéristique par rotation du corps bactérien et flexion Ne prennent pas la coloration de Gram => observation au microscope à fond noir Les différentes sous-espèces ne sont pas différenciables morphologiquement ni sérologiquement Pas de culture in vitro, en milieu acellulaire
Treponema pallidum subspecies pallidum syphilis
1) Epidémiologie Maladie strictement humaine Principal mode de transmission : contact sexuel peut être congénitale: contamination transplacentaire dans la 2e moitié de la grossesse Rôle mineur de la transfusion (survie 5 jours à 4°C) Avec l’utilisation de la pénicilline pour le traitement et le dépistage systématique, le nombre de cas de syphilis a régulièrement diminué juqsu’à la fin des années 80 MAIS depuis 1990, réémergence de la syphilis aux USA, en Europe de l’Est et en France Co-infection par le VIH: 61% en 2000 => 42% en 2003 et 2004
Nombre de cas de syphilis par stade et par an, en France, 2000 – 2003 Primaire Secondaire Facteurs de risque: homme (96%) Âge moyen :36,5 ans - homosexuels (84%) L. précoce 180 160 140 120 100 80 60 40 20 2000 2001 2002 2003 INSTITUT DE VEILLE SANITAIRE
2) Pouvoir pathogène Syphilis => évolue de manière chronique => périodes subaiguës (syphilis primaire, secondaire, tertiaire et neurologique) entrecoupées d’intervalles asymptomatiques (syphilis latente) => 2 classifications: * clinique: syphilis latente, primaire, secondaire, tertiaire et neurologique * Pronostique: syphilis précoce contagieuse évoluant depuis moins d’1 an et syphilis tardive non contagieuse évoluant depuis plus d’1 an
Syphilis primaire incubation: 3 semaines Chancre: ulcération superficielle, indolore, à limites nettes , base indurée, unique dans 2/3 des cas Adénopathie satellite uni- ou bi-latérale, indolore Cicatrisation spontanée en 3 à 5 semaines mais persistance de l’induration et de l’adénopathie plusieurs mois Localisations extra-génitales: buccales, anales
Syphilis secondaire phase de dissémination septicémique 6 semaines après le chancre => éruption cutanée: polymorphe, évolue en 2 phases - manifestations cutanées précoces: roséole (macules non prurigineuses séparées par des intervalles de peau saine) - manifestations cutanées tardives: syphilides (papules squameuses à base indurée, très contagieuses si érosives) => plaques muqueuses: papules érythémateuses de la muqueuse buccale ou génitale; hautement contagieuses => alopécie: rare => autres: inconstants syndrome pseudo-grippal, méningé, polyadénopathies…
Syphilis tertiaire apparaît 2 à 30 ans après la phase primaire Sujets pas ou insuffisamment traités Lésions cutanéo-muqueuses, osseuses, cardiovasculaires et neurologiques Associent destruction et sclérose Non contagieuses => gommes: indurations indolores (tissus sous-cutanés, muqueuses, SNC) => Syphilis cardiovasculaire: aortite
Neurosyphilis apparaît 1 à 30 ans après la phase primaire présente à tous les stades de la maladie sauf stade primaire 5 à 10% des patients non traités => méningite => Syphilis vasculaire cérébrale => Neurosyphilis parenchymateuse : paralysie générale, gommes cérébrales, tabès Neurosyphilis asymptomatique: atteinte biologique du LCR Formes précoces: méningite et formes ophtalmiques Forme tardive: troubles du comportement, de la mémoire, désorientation
Syphilis congénitale transmission de la mère à l’enfant à partir du 4e mois de grossesse Par voie transplacentaire (syphilis en phase secondaire chez la maman) Mort in utero par atteinte polyviscérale Formes précoces: signes cutanés, osseux, atteintes viscérales Formes tardives: s’exprime au-delà de 5 ans (anomalies dentaires, surdité, gommes cutanéomuqueuses)
3) Physiopathologie 1. Chancre: multiplication des tréponèmes au point d’inoculation; guérison par réponse immunitaire locale 2. Dissémination par voie lymphatique et sanguine: bactériémie correspondant à la phase secondaire 3. Syphilis latente: quelques tréponèmes demeurent quiescents, entretenant la synthèse d’anticorps 4. Syphilis tertiaire: lésions destructrices et sclérosantes pauvres en tréponèmes; relèvent de l’immunité à médiation cellulaire
4) Diagnostic Direct Méthodes d'observation: - Microscope à fond noir: recherche de bactéries spiralées à la mobilité caractéristique. Difficile de bien distinguer T. pallidum des tréponèmes saprophytes (T.denticola, T. refringens) risque de faux positif pour localisations buccales et anales.Sensibilité variable: jusqu’à 80 % (observateur, prélèvement pauvre en tréponèmes). - Immunofluorescence: Méthode sensible qui distingue T. pallidum des tréponèmes saprophytes.
Indirect: Deux groupes de réactions 1) Réaction avec l’antigène cardiolipidique haptène lipidique de Wassermann VDRL (Venereal Disease Research Laboratory) réaction d’agglutination passive de particules de latex ou charbon sensibilisées par un Ag cardiolipidique Qualitatif ou quantitatif - faux positifs (LED, paludisme, grossesse)
2) Réactions avec les antigènes tréponémiques TPHA (Treponema Pallidum Hemagglutination Assay) - lysat de T. pallidum fixé sur GR - réaction d’hémagglutination passive d’hématies sensibilisées Qualitatif ou quantitatif Faux négatif par phénomène de zone FTA-Abs (Fluorescent Treponemal Antibody) - Tréponèmes entiers tués fixés sur lame - immunofluorescence indirecte - sérum préalablement absorbé par un ultrasonat de tréponèmes saprophytes pour éviter faux + FTA-Abs IgM: diagnostic de la syphilis congénitale TPI (Treponema Pallidum Immobilization ) - test d’immobilisation des tréponèmes ou test de Nelson - tréponèmes pâles vivants, virulents sont immobilisés par l’action des Ac, en présence de complément ELISA: IgM et IgG
Cinétique des anticorps FTA et TPHA se positivent en premier Puis VDRL VDRL: C'est la première technique à se négativer après traitement: bon marqueur de suivi de l’efficacité thérapeutique TPHA: Reste le plus souvent positif chez un malade guéri => Cicatrice sérologique FTA: Se négative après traitement dans la majorité des cas syphilis neurologique: Ac peuvent être recherchés dans le LCR
En France, le sérodiagnostic de la syphilis repose légalement sur la réalisation conjointe d’un test non tréponémique (VDRL) et d’un test tréponémique au choix du biologiste (TPHA) 4 situations VDRL - TPHA - : syphilis exclue ou contamination récente => FTA, IgM, contrôle de la sérologie 10-15 jours plus tard VDRL + TPHA + : syphilis probable => situer le stade de l’infection par l’anamnèse et une sérologie quantitative (notamment la valeur quantitative du VDRL) VDRL - TPHA + : - syphilis débutante - syphilis récente traitée - syphilis ancienne traitée ou non (cicatrice sérologique) VDRL + TPHA - : fausses réactions VDRL
5) Traitement 6) Prophylaxie Syphilis primaire, secondaire, latente précoce: une injection unique d’Extencilline® (pénicilline G retard) Syphilis tertiaire ou latente tardive: 3 doses à une semaine d’intervalle En cas d’allergie: doxycycline, érythromycine Neurosyphilis: péni G IV au moins 14 jours 6) Prophylaxie dépistages systématiques: sérologies obligatoires prénuptiale, prénatal traitement précoce des sujets infectés et de leurs partenaires Pas de vaccination
Autres tréponématoses
Tréponématoses endémiques lésions cutanées transmises dès l’enfance par contage direct - Bejel: T. pallidum subsp. endemicum régions désertiques d’Afrique et du Moyen Orient - Pian: T. pallidum subsp. pertenue régions inter-tropicales d’Afrique et d’Asie - Pinta ou Carate: T. pallidum subsp. carateum Amérique centrale et du Sud Aucune technique de diagnostic direct ou indirect ne permet de distinguer ces agents pathogènes
Borrelia
1) Généralités une vingtaine d’espèces responsables de différentes infections classées en: Maladie de Lyme: B. burgdorferi, B. garinii et B. afzelii Fièvres récurrentes: B. recurrentis => Culture très difficile => Transmission par des insectes vecteurs hématophages (poux, tiques)
Maladie de Lyme
Epidémiologie prédomine dans l’hémisphère Nord Réservoir: animal (mammifères, oiseaux, tiques) Transmission par piqûres de tiques contaminées (Ixodes) Répartition limitée < 1000 m Foyers endémiques en France: Alsace, Sarthe, Bretagne Surtout entre mai et octobre Population exposée: jardiniers, campeurs, marcheurs.... personnes travaillant à l’extérieur
2) Pouvoir pathogène 3 phases: Phase primaire - Erythème chronique migrant (ECM): pathognomonique (50% des cas) - apparaît 3 à 30 jours après l’inoculation - tache cutanée ronde érythémateuse centrée par le point de piqûre - évolution de façon centrifuge - persiste 3 à 4 semaines puis disparaît sans séquelles Phase secondaire - quelques semaines ou mois après la phase primaire - révèle parfois la maladie - manifestations cutanées, neuro-méningées, articulaires, atteinte cardiaque + manifestations générales Phase tertiaire - survient des mois ou des années après le début de la maladie - rappelle les manifestations de la phase secondaire mais sont plus graves
3) Physiopathologie 1. inoculation de Borrelia au niveau de la peau à la suite d’une piqûre de tique 2. Phase primaire localisée: évolution spontanément favorable 3. Phase secondaire septicémique (germe peut être isolé du sang, du LCR): régression spontanée même sans traitement 4. Phase tertiaire: le germe peut être isolé dans toutes les localisations Persistance du germe dans l’organisme pourrait être extrêmement prolongée
Avant tout diagnostic clinique +++ Direct: très rare Culture: très difficile car germe très exigeant, microaérophile, nécessite des milieux complexes et pousse lentement => Non réalisée PCR: encore peu appliquée et réservée à des labos spécialisés (LCR, liquide synovial) Indirect: Très spécialisé IFI, ELISA spécificité médiocre (phase initiale) en général, ELISA utilisé en 1ère intention puis confirmation par Western Blot réactions croisées avec autres spirochètes Pas d’antibiogramme
5) Traitement 6) Prévention But: guérir les manifestations cliniques et éviter l’évolution vers les phases secondaires et tertiaires ß- lactamine ou cycline (amoxicilline, doxyccycline ou C3G pour les formes sévères) Résultats spectaculaires aux 2 premières phases de la maladie, régression plus lente des signes à la phase tertiaire 6) Prévention individuelle: éviter les piqûres de tiques par le port de vêtements protecteurs Rechercher tiques sur le corps et les retirer après ballade en forêt Idem avec les animaux Pas de vaccin
Fièvres récurrentes
1) Epidémiologie 2) Pouvoir pathogène 3) Diagnostic B. recurrentis: transmission par les poux de corps agent de la fièvre récurrente cosmopolite rare, foyers en Afrique B. duttonii, B. hispanica, B. parkeri, B. venzuelensis: - transmission par les tiques - agents des fièvres récurrentes régionales - endémiques ans de nombreuses régions du monde 2) Pouvoir pathogène incubation: 2 à 8 jours Début brutal avec fièvre, frissons, algies, raideur méningée et HSM Succession de phases fébriles entrecoupées de phases d’apyrexie 3) Diagnostic Direct: PCR Indirect: sérologie mais manque de sensibilité et de spécificité
Leptospira
1) Généralités 2 espèces: L. biflexa : saprophyte L. interrogans: espèce pathogène pour l’Homme et les animaux 230 sérovars (antigènes mineurs) rassemblés en 23 sérogroupes (antigènes majeurs) parmi lesquels : L. ictero-haemorraghiae L. grippotyphosa L. canicola les plus représentées en France bactéries très fines et flexueuses, terminées en crochets à leurs extrémités mouvements d’hélice ou de vrille se colorent mal Culture lente, nécessitant des milieux spécifiques incubés à 30°C à l’obscurité
2) Epidémiologie Diversité extrême des réservoirs : - domestiques: bovins, porcins, chiens - sauvages: cervidés, rongeurs (+++) Survie dans l’environnement jusqu’à 6 mois dans l'eau, les sols boueux Modes de transmission à l’homme Pénétration par les muqueuses intactes (conjonctives, muqueuse naso-pharyngée, poumons en cas d’inhalation d’eau) et par des plaies cutanées. Contact direct Avec le germe (personnel de laboratoire), ou avec des animaux infectés ou leurs organes (éleveurs, vétérinaires, employés d'abattoir, bouchers, employés de tanneries...) Morsure de rat
Contact indirect (le plus fréquent) Travail en environnement contaminé par l'urine d’animaux infectés (égoutiers, agents de voirie, éboueurs, dératiseurs, agents de stations d'épuration, d'entreprises de travaux publics, agriculteurs travaillant en terrain humide ou en rizières, forestiers, ...) Pratique de loisirs aquatiques (baignades, planche à voile, canoë-kayak), de la chasse et de la pêche en eau douce. PLUSIEURS CAS GROUPES
5 sérogroupes identifiés, majoritairement icterrohaemorrhagiae (62%) Leptospirose en France métropolitaine Été 2003 Enquête sur augmentation des leptospiroses en France (InVS, Ddass, CNR) du 1.6 au 31.8. 39 cas investigués. Premiers signes (maladie) : début juin - fin août , 50 % entre 11 - 24 août 37 hospitalisés et 2 décès 5 sérogroupes identifiés, majoritairement icterrohaemorrhagiae (62%) Cas groupés (Aube, Ardennes, Dordogne) Lieux de baignades communs ++++ Mesures de contrôle (interdiction de baignade) prises. Pas de recrudescence de la leptospirose au cours de l’été 2003.
3) Pouvoir pathogène incubation: 2 à 21 jours Début brutal, suivi d’une évolution biphasique (septicémique puis immunologique) 2 formes classiques: Forme anictérique pseudo-grippale - 80% des cas - fièvre élevée, céphalées, myalgies, arthralgies - régression en 5 à 6 jours, parfois réapparition des symptômes avec signes méningés Forme ictérique pluriviscérale ou ictère infectieux à recrudescence fébrile vers J5: apparition d’un ictère très intense + manifestations rénales Puis régression des symptômes Vers J15: rechute fébrile Evolution favorable mais généralement convalescence longue Rares cas: aggravation de l’hépatonéphrite conduisant au décès
4) Diagnostic Recherche spécialisée, demande selon la chronologie suivante: culture, PCR, sérologie (> J8) Culture: milieux particuliers à 30°C à l'obscurité durant 2 mois. Prélèvements effectués selon 1 chronologie précise tenant compte du devenir de la bactérie dans l’organisme *Hémoculture (J1-J10) *LCR (J7-J14) *Urocultures > J14 Identification précise: espèce, sérogroupe et sérovar (intérêt épidémiologique) Réalisée par le CNR PCR +++ Diagnostic sérologique ++++ Réservé J8-10 à 3-6 mois, cinétique indispensable (2 fois à 2 S) Pas d’antibiogramme
5) Traitement 6) Prévention antibiothérapie est d’autant plus efficace qu’elle est débutée précocement Diminue la durée d’évolution et l’intensité des signes cliniques Traitement précoce et absence d’IR: doxycycline Autres cas: amoxicilline ou ceftriaxone 6) Prévention éviter et protéger les plaies cutanées du contact avec l’eau Laver et désinfecter immédiatement Se protéger (gants, bottes, combinaisons…) Chimioprophylaxie par doxycycline en cas d’exposition prévisible à haut risque Vaccin: indiqué en cas d’exposition avérée
En résumé: Habitat et Pouvoir pathogène des Spirochètes Leur habitat est très variable en raison de la multiplicité des réservoirs et des vecteurs possibles, l'homme pouvant être un hôte accidentel Espèce Réservoir Vecteur Maladies B. recurrentis Homme Poux Fièvres récurrentes B. burgdorferi Mammifères Maladie B. garinii sauvages Tiques de B. afzelii domestiques Lyme Leptospira Mammifères sauvages Leptospiroses domestiques Treponema Homme Syphilis, bejel, pian...