Kawa est l’une des plus jeunes cigognes du groupe. C’est aussi la plus fine, la plus rapide, la plus racée. Du moins, c’est ce qu’elle dit. Elle se fait souvent rappeler à l’ordre par Woba, la chef de groupe, car elle ne suit pas les autres, et vole en franc-tireur. - En volant ainsi, lui dit Woba, tu te fatigues pour rien, et un jour tu seras incapable de suivre notre vol. Ce jour-là, nous ne pourrons pas t’attendre.

- Que s’imagine donc Woba ? pense Kawa dédaigneuse. Je suis capable de voler bien plus vite, bien plus loin, bien plus haut que toutes ces vieilles rombières ! Et la voilà partie toute seule, en avant. Mais Kawa ne connaît pas la route, et s’éloigne de plus en plus de ses compagnes. En vain Woba la rappelle en craquetant désespérément. Bientôt, Kawa est seule dans l’immensité du ciel, seule sur l’immensité de la mer… Ah ! pense-t-elle, elles m’ont abandonné ? Mais je vais leur montrer que je n’ai pas peur, et, lorsqu’elles reviendront me chercher, elles seront toutes surprises ! Hélas ! Woba avait raison, le groupe ne peut se permettre de revenir en arrière chercher une cigogne perdue. Kawa, de plus en plus fatiguée, aperçoit enfin la terre ferme et se laisse choir.

Où était la cigogne arrogante et si belle ? Elle n’était plus qu’un oiseau ébouriffé, perdu, épuisé, et affamé ! Sur ce morceau de terre dénudée, pas de grenouilles, rien d’appétissant à gober. Elle était prête à ne pas faire la difficile, mais… Elle se blottit dans un creux du terrain pour la nuit, et attendit le jour. Elle décida alors de partir, avec les forces qui lui restaient, à la recherche d’un peu de verdure et de nourriture. Du haut du ciel, elle aperçoit un endroit qui lui semble calme, avec même de l’eau, et elle risque un atterrissage.

Mais où est-elle donc tombée ? Quel est cet endroit bizarre ? Comment donc faisait Woba, pour leur trouver toujours un lieu de repos calme et bien pourvu ? Comble de malheur, une bande d’enfants accourt vers elle en criant et courant. Elle s’envole effrayée. A bout de forces, sur le point de se laisser choir sans volonté, elle aperçoit enfin une oasis de calme et de verdure. Elle réussit à se poser,. toute étourdie. Une musaraigne étourdie qui lui file entre les pattes est aussitôt gobée. Un ver de terre ! Ah ! Voici un escargot ! Kawa se sent mieux, et explore avec crainte son nouveau domaine. Où est donc Woba, qui les défendait toujours ? Elle se sent bien seule et vulnérable, et regrette ses compagnes…

Elle arrive près du ruisseau qu’elle entendait gazouiller, et s’arrête interdite : un de ses congénères est là, qui pêche tranquillement. Kawa n’ose d’abord par bouger. Puis, prête à s’envoler à la moindre menace, elle émet un craquètement très doux. Mais la cigogne dans l’eau, qui vient d’attraper une belle proie, ne semble même pas l’entendre, et se paie un bon déjeuner. Alors, Kawa entre aussi dans l’eau, et, après plusieurs tentatives, réussit elle aussi à attraper un poisson. Que c’est bon !

Doko le pêcheur lève enfin la tête. Sa première réaction est de chasser l’intruse. Mais elle semble si perdue, si craintive… Son instinct de mâle lui donne envie de la protéger. Et puis, en regardant mieux… Elle est bien mignonne, cette petite cigogne ! Vous devinez la suite. Kawa et Doko ont fait connaissance, ils ont sympathisé. De concert, ils sont partis à la recherche d’un endroit où ils pourraient bâtir un nid. Et ce n’est pas une mince affaire ! Il faut en transporter, des branches de toutes sortes ! Mais le nid se termine, et notre couple de cigognes peut se reposer.

Alors, Kawa prend possession du nid, et pond un, deux trois œufs ! Elle les couve, mais Doko prend son tour de garde pendant que Kawa part s’alimenter. Délicatement, l’un ou l’autre, avec son long bec, retourne les œufs sur leur matelas de mousse et d’herbes sèches. Kawa a tout le temps de réfléchir et de méditer. Ses aventures l’ont mûrie, et elle comprend enfin combien elle avait été sotte et orgueilleuse. Elle mesure sa chance d’avoir rencontrer Doka, d’avoir pu avec lui édifier ce nid.

Et, quand les cigogneaux naquirent, que leurs petites têtes déplumées se hissèrent sur le bord du nid, que leurs becs avides s’ouvrirent tout grand, le cœur de Kawa se gonfla de reconnaissance envers la vie, qui permet que même les cigognes les plus orgueilleuses et les plus stupides puissent un jour trouver une vie heureuse et en paix…

Photos trouvées sur le Net Texte : Jacky Musique : Berlioz – Symphonie Fantastique – Le bal Diaporama de Jacky Questel, ambassadrice de la Paix