Economie de la culture et du spectacle vivant Maxime Legrand

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Transcription de la présentation:

Economie de la culture et du spectacle vivant Maxime Legrand Décentralisation culturelle et intervention des collectivités locales

Introduction Deux acceptations de la décentralisation culturelle : Au premier sens du terme, il s’agit d’une décentralisation artistique, c’est-à-dire d’une diffusion sur tout le territoire des produits de la création, et notamment en dehors de Paris et des grandes villes. Dans une seconde acceptation, il est plutôt question des conséquences au plan culturel des différentes lois de décentralisation. La diffusion de la culture en province, si elle connaît un essor sans précédent à partir de 1959, et surtout de 1981, débute bien avant les années 60. N’oublions pas que pendant tout le XIXe siècle nombre de villes gèrent et financent des bibliothèques, des musées, des théâtres, des conservatoires, et subventionnent des associations et des sociétés savantes. Le lancement dès 1946 de la politique de décentralisation théâtrale sous la houlette de Jeanne Laurent, ne tarde pas à déteindre sur les autres disciplines sous l’impulsion de deux facteurs qui commanderont longtemps la politique culturelle de l’Etat : la planification l’aménagement du territoire. Les grandes dates : création des maisons de la culture à partir de 1961, puis des centres d’actions culturelles, plan décennal pour la musique (1969), début de la mise en place de DRAC dans les années 60, lancement des chartes culturelles avec les collectivités territoriales à partir de 1974, mise en place en 1975 d’un Office national de la diffusion artistique (ONDA).

A. DEUX REGIMES DE DECENTRALISATION DE L’ACTION CULTURELLE (1) Deux visions opposées de la décentralisation : Le premier régime – que l’on nommera « décentralisation artistique ou culturelle » - se fonde sur la nécessité de définir les conditions d’une action culturelle susceptible d’atteindre le plus vaste public, tout en restant conforme aux attentes et exigences des acteurs culturels. Ses fleurons sont la création des centres dramatiques régionaux dans les années cinquante, les maisons de la culture dans les années 60, les chartes culturelles des années soixante-dix. Le second régime – la décentralisation institutionnelle » - s’intéresse prioritairement aux procédures de fonctionnement et à l’organisation, plus ou moins rationnelle, des autorités publiques qui interviennent dans le champ culturel : il s’agit d’une décentralisation des compétences dans la logique de la réforme de 1982-1983. Les orientation récentes de la décentralisation : En 2001, le gouvernement Jospin a souhaité rationnaliser les activités foisonnantes des collectivités territoriales et définir les grands principes de régulation de l’action-publique. Deux idées-forces traduisent cette volonté : la responsabilisation d’un « chef de file » et la possibilité de l’expérimentation. Dans cette perspective, le ministère de la Culture a proposé à des régions et départements volontaires de signer des contrats instaurant des protocoles de « décentralisation culturelle ».

A. DEUX REGIMES DE DECENTRALISATION DE L’ACTION CULTURELLE (2) La consécration symbolique de la décentralisation : Très attaché à réussir l’acte II de la décentralisation, Raffarin s’est employé à parachever la réforme de 1982, dans la perspective de la décentralisation-compétence. Le projet est cependant ambitieux puisqu’il introduit, par la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, une modification de l’article 1 de la Constitution de 1958, ainsi reformulé : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale (…). Son organisation est décentralisée ». Outre cette consécration symbolique de la décentralisation, une loi organique du 1er août 2003 relative à l’expérimentation par les collectivités locales les autorise : « à déroger, à titre expérimental, aux dispositions législatives régissant l’exercice de leurs compétences » pendant cinq ans.

A. DEUX REGIMES DE DECENTRALISATION DE L’ACTION CULTURELLE (3) L’expérimentation et le transfert national : La loi entend rationnaliser les initiatives locales, nombreuses et encore peu coordonnées, en donnant mission aux départements d’établir, en concertation avec les communes, un schéma départemental pour améliorer l’offre de formation et les conditions d’accès à l’enseignement. la mission est ainsi explicitée : Faire « un bilan des répartitions de compétences en matière culturelle » et « une évaluation des politiques culturelles menées par l’Etat et les collectivités locales » ; « dresser un état des lieux, une cartographie de l’action et des partenariats engagés, savoir par qui et comment le service public de la culture est assurer, identifier et éviter les éventuelles redondances, repérer les éventuelles carences ».

B. Système de coopération et gouvernance culturelle (1) Il faut aussi insister sur les changements dans les procédures et les outils des politiques publiques qui autorisent à parler d’une nouvelle action publique fondée sur le partenariat, la transversalité, la territorialisation. Cette problématique enregistre la mutation qui affecte les trois grandes structures qui identifiaient le modèle français d’administration culturelle. Premièrement la centralité normative de l’Etat est contestée par l’autonomie intellectuelle grandissante du local ; on cherche à mettre en cohérence la production artistique et intellectuelle, voire scientifique des acteurs locaux pour promouvoir des formes d’identifications des collectivités, et imaginer des solutions. Deuxièmement la segmentation entretenue de l’expression des intérêts sociaux, et le mode d’organisation sectoriel qui en est le corolaire, sont combattus par des politiques transversales qui visent un développement du territoire conçu globalement. Enfin, aux lignes hiérarchiques de pilotage et de mise en œuvre de l’action publique fondée sur le paradigme centre-périphérie se substitue une stratégie de territorialisation de l’action culturelle publique, impliquant des acteurs variés autour d’un projet commun.

B. Système de coopération et gouvernance culturelle (2) Vers une gouvernance culturelle territorialisée : Les initiatives prises dans le cadre de la décentralisation artistique sont les principales étapes de la mise en place et de l’apprentissage d’un système de coopération contractuel. les villes, les départements, les régions, l’administration centrale, sans oublier la Commission européenne cherchent à mutualiser leurs ressources financières autour de projets communs, ce qui se traduit par un système de contractualisation généralisée des autorités publiques autour de plans d’action concertés – conventions de développement culturel, contrat de pays, contrat de villes, contrat de Plan Etat-région, etc. – associant acteurs professionnels, associations et pouvoirs publics. A la fin des années quatre-vingt-dix, le système s’est nettement polarisé au profit des collectivités territoriales, essentiellement des villes. Ce changement dans les positions d’influences peut s’observer dans la structure des dépenses culturelles, où l’on constate que la part des villes dans le financement public est deux fois plus élevé que celle du Ministère de la Culture. Depuis la charte de la décentralisation de 1992, les crédits du ministère sont gérés par les Directions Régionales des Affaires Culturelles (DRAC) qui ont su créer avec les collectivités locales des relations plus négociées et plus confiantes. On peut désormais parler de gouvernance culturelle territorialisée.

B. Système de coopération et gouvernance culturelle (3) Gouvernance multiniveaux ou risque de dilution ? Si l’on constate une plus grande régularité de l’action culturelle, on constate de l’autre côté une certaine difficulté des acteurs culturels « nouveaux venus » à pénétrer les réseaux locaux. Les observateurs ont pu voir émerger alors une offre culturelle alternative à laquelle on a reconnu ou aménagé une place dans des « friches ». Reste maintenant à organiser la place de ces cultures émergentes au sein des politiques culturelles, à organiser la circulation des artistes entre les deux réseaux. La question de l’autonomie de l’action culturelle est en effet posée lorsque l’intervention publique sur la culture est envisagée comme le volet d’un vaste projet de territoire où l’on recherche des effets de synergie et de transversalité. Cette approche de la culture, envisagée non pas comme un bien en soi mais comme un facteur de cohésion socio-économique, tend à faire éclater l’unité des politiques culturelles telles qu’elles se sont développées depuis un demi-siècle.

C. LES DEPENSES CULTURELLES DES COLLECTIVITES LOCALES Evaluation d’ensemble : Toutes les données disponibles illustrent l’inégalité des moyens entre niveaux de collectivités publiques. A elles seules, les communes mobilisent deux fois plus de crédits que le ministère. Sur le plan méthodologique, il convient tout d’abord de rappeler que les dépenses culturelles des collectivités locales incluent les transferts de l’Etat. Il faut tenir compte des multiples subventions et conventionnements. Une analyse du ministère donne des ordres de grandeurs : l’ensemble des actions en partenariat devait donner lieu, en 2001, à l’allocation de 991 M€ de financement par le Ministère de la Culture, et de 1,8 à 2 Mds € de cofinancement par les collectivités. La part de l’Etat devait provenir à raison d’environ 762 M€ des chapitres de fonctionnement, et pour 152 à 229 M€ des titres V (travaux sur monuments historiques en maîtrise d’ouvrage) et VI (travaux sur monuments historiques n’appartenant pas à l’Etat).

D. La politique culturelle de la ville (1) La construction des politiques culturelles de la ville : On peut avancer trois éléments fondateurs des politiques culturelles des villes : Une vie culturelle « traditionnelle » organisée autour des grandes institutions des beaux-arts, comme le musée, la bibliothèque, le théâtre, hauts lieux de la sociabilité bourgeoise des II e et IV e Républiques. Certes, ils représentent une vision conventionnelle de la culture, mais ce traditionalisme est néanmoins composite et allie plusieurs fractions de la bourgeoisie locale, qui se mêlent à un public qui cherche le divertissement et au théâtre et à l’opéra. Une aspiration au partage culturel porté par les militants de l’éducation populaire, organisés en associations. Mais les élus sont encore souvent réticents devant une action culturelle synonyme d’aspiration au changement politique, et d’un renversement des équilibres sociaux traditionnels. Une action volontariste de l’Etat, menée au nom de l’art vivant par des fonctionnaires dynamiques, qui jettent les bases d’un accord entre les villes et l’administration centrale. On doit évoquer ici l’œuvre de Jeanne Laurent qui inventa la collaboration entre les villes, les militants culturels et l’administration des beaux arts pour créer les centres dramatiques nationaux dans les grandes villes de province dès 1946.

D. La politique culturelle de la ville (2) Les acteurs de la politique de la ville : Le groupe municipal. C’est celui des représentants politiques et administratifs locaux qui gèrent les fonctions de représentations de la ville, d’intégration des groupes sociaux, de conflictualité locale et assument, par rapport à ces fonctions, les décisions de politique culturelle. Ce groupe veille à la coordination des programmes, à leur articulation avec les autres domaines de la vie politique locale. C’est de lui que dépend la capacité à convaincre les présidents des conseils régionaux et généraux, ainsi que l’administration centrale, à s’impliquer dans la ville. Le groupe central. Il rassemble les représentants non locaux des politiques culturelles : conseillers des DRAC, fonctionnaires centraux. Il opère un double travail de traduction : il utilise la ville comme point d’appui de sa politique, mais en même temps, il réutilise à son profit des innovations réalisées dans la ville pour les généraliser. Ce groupe est également en étroite liaison avec les professionnels puisqu’il distribue les labels ministériels, évalue et contrôle la qualité artistique des établissements sous convention avec l’Etat. Le groupe professionnel. Les artistes et administrateurs des institutions culturelles locales ont des intérêts communs à protéger. Ils sont responsables de la production et de la programmation des œuvres, au travers desquelles ils affirment une stratégie de singularité et une recherche de notoriété. Le groupe des coopérateurs territoriaux. Il s’agit des représentants des autres collectivités locales, ceux du département et de la région qui participent aux projets de la ville. Ils peuvent à l’occasion se comporter en associés rivaux capables d’entrer dans des coalitions bénéfiques ou de gêner la réalisation des projets quand se pose la question du leadership politique d’une personnalité. Le groupe des investisseurs économiques. Nouveaux venus dans la communauté des politiques culturelles, il joue un rôle accru depuis les années quatre vingt. On peut le décomposer en deux ensembles. Le premier représente les intérêts des industries culturelles. Le second comprend une nébuleuse d’entreprises dont les intérêts sont liés à l’attractivité culturelle de la ville et les mécènes ou sponsors divers plus ou moins organisés en clubs, dont l’image sociale est liée à l’image culturelle de la ville.

D. La politique culturelle de la ville (3) Les grandes orientations : Jusqu’aux années quatre-vingt, on pouvait aisément caractériser l’action culturelle des villes dans la mesure où elle se résumait à une politique d’équipements. On peut voir dans cette situation un modèle spatial de développement culturel qui se diffuse hiérarchiquement des grandes viles aux petites, de sorte que l’activité culturelle urbaine est corrélée à la taille de l’agglomération. On constate plus généralement que le niveau, l’intensité et la variété des équipements sont fortement congruents avec les autres facteurs d’attractivité des villes comme l’indice de qualité de vie, l’image de marque, ce qui entraîne un fort clivage entre par exemple Lyon, Nantes, Rennes, Strasbourg ou Grenoble et Calais, Dunkerque, Montluçon, Valenciennes ou Metz. Tout l’espace devient potentiellement une ressource culturelle, comme le manifeste le mouvement de rénovation des friches, ou encore l’installation des multiplex en banlieues. Les activités artistiques jouent un rôle structurant dans la construction de l’expérience et du sens des lieux les moins remarquables. Cependant, deux séries de facteurs rendent improbable le maintien d’une exception culturelle communale. En premier lieu, la logique de l’intercommunalité progresse dans tous les domaines En second lieu, le niveau métropolitain du fait de sa nouveauté même, est le bon échelon pour prendre acte des mutations du modèle culturel et procéder aux recompositions qui s’imposent.

E. L’INTERVENTION DES REGIONS ET DES DEPARTEMENTS (1) L’Etat de la coopération entre Etat, régions et départements Accompagnant et légitimant l’intervention alors croissante des collectivités territoriales dans différents domaines de l’action publique, et en particulier celui de la culture, les lois de décentralisation de 1982-1983 ont entrepris de reformuler le cadre général de l’organisation des responsabilités entre collectivités publiques. Avec leur renforcement par les lois de 2004 (décentralisation 2), l’Etat prend acte des difficultés à assurer des missions devenues trop étendues et entérine l’intervention déjà existante des collectivités locales. Décharger l’Etat de ses responsabilités opérationnelles et rapprocher la décision et la conduite de l’action des niveaux territoriaux apparaît comme la reconnaissance de la responsabilité des collectivités et la garantie d’une meilleure efficacité pour l’action. Dès 1975 est mise en place une politique de chartes culturelles, qui se généralisa, après 1981, sous le nom de convention de développement culturel. Il faut noter ici l’apparition d’une procédure contractuelle innovante : les protocoles de décentralisation culturelle contractualisés. Ils ont été mis en place en 2001 avec des collectivités volontaires, sur la base de transfert de compétences.

E. L’INTERVENTION DES REGIONS ET DES DEPARTEMENTS (2) L’action culturelle des régions : Circonscription d’action régionale en 1959, établissement public régional (EPR)en 1972, la région devient, en 1982, une collectivité territoriale à part entière, et fait son entrée dans la Constitution, en 2003. 2,3% des dépenses des régions seulement vont à la culture en 1996, et 3,6% en 2002. Le spectacle vivant ne représentait qu’un cinquième de leurs dépenses. Aujourd’hui, l’ordre des priorités s’est inversé et l’effort des régions en faveur de la création artistique, est le plus important pour le spectacle vivant. L’action culturelle des départements : En 1996, l’effort culturel des départements varie entre 1% et 11,9% du budget total, pour une moyenne de 2,4%, qui montera a 2,8% en 2002. L’engagement différencié des départements tient à plusieurs facteurs, dont la richesse fiscale, qui détermine globalement le volume des finances départementales, et la volonté politique locale sont parmi les plus importantes. Plus qu’auparavant, les conseils généraux deviennent les maîtres d’œuvres de leurs actions, ce que traduit en parti la progression des dépenses de fonctionnement. Si l’action culturelle ne figure pas parmi les priorités des conseils généraux, elle ne s’en est pas moins fortement développée, favorisée par des transferts de compétences qui forment aujourd’hui un noyau d’interventions incompressibles. Ces nouvelles responsabilités ont contribuées au renforcement du rôle culturel des départements, qui ont accru leurs dépenses et leurs propres services, aujourd’hui largement professionnalisés.

F. Le développement de l’intercommunalité culturelle (1) Qu’est-ce que l’intercommunalité : L’expression intercommunalité désigne les différentes formes de coopération existant entre les communes. L’intercommunalité permet aux communes de se regrouper au sein d’un établissement public, (EP), soit pour assurer certaines prestations (ramassage des ordures ménagères, assainissement, transports urbains...), soit pour élaborer de véritables projets de développement économique, d’aménagement ou d’urbanisme. On distingue deux types d’intercommunalité : la forme souple ou associative (dite sans fiscalité propre), financée par les contributions des communes qui en sont membres. Elle leur permet de gérer ensemble des activités ou des services publics ; la forme approfondie ou fédérative (dite à fiscalité propre), caractérisée par l’existence de compétences obligatoires et par une fiscalité propre.

F. Le développement de l’intercommunalité culturelle (2) L’intercommunalité, pour quoi faire ? C’est un remède à l’émiettement communal et un instrument de l’organisation rationnelle des territoires. L’intercommunalité favorise aussi le développement économique local et la relance de la politique d’aménagement du territoire. Comment sont créées les structures intercommunales ? Quelles que soient les structures, on peut dégager les étapes de création suivantes : L’initiative appartient aussi bien à un ou plusieurs conseils municipaux demandant la création d’une structure intercommunale, qu’au préfet après obtention d’un avis de la Commission départementale de coopération Intercommunale. Dans les deux cas, le préfet fixe ensuite par arrêté le périmètre de la structure intercommunale, c’est-à-dire la liste des communes intéressées. La loi de 1999 introduit un critère de continuité et de cohérence. Le périmètre doit être d’un seul tenant et ne doit pas comporter d’enclave. Les communes concernées par le projet doivent ensuite se prononcer dans un délai de trois mois. Si la majorité qualifiée (au moins 2/3 des conseils municipaux représentant plus de la moitié de la population totale ou la moitié des conseils municipaux représentant les 2/3 de la population) est réunie, le préfet établit par arrêté la création de la nouvelle structure intercommunale.

F. Le développement de l’intercommunalité culturelle (3) L’intercommunalité culturelle : état des lieux Ce sont désormais près de 90% des communes et de la population française qui relèvent d’un EPCI à fiscalité propre. Au 1er janvier 2008, on compte 2 393 communautés de communes, 171 communautés d’agglomération, 14 communautés urbaines et 5 syndicats d’agglomération nouvelle. Ces 2 583 EPCI à fiscalité propre regroupent 33 636 communes, soit 92% des communes françaises et 54,6 millions d’habitants, soit 87% de la population. Les EPCI à fiscalité propre recouvrent des réalités très différentes en termes de population et de taille : la population moyenne d’une communauté de communes est de 11 000 habitants ; la moitié des communautés de communes comptent entre 4 400 et 14 000 habitants. Les communautés de communes regroupent en moyenne 14 communes ; la population moyenne d’une communauté d’agglomération est de 125 000 habitants ; la moitié des communautés d’agglomération comptent entre 66 000 et 145 000 habitants. Les communautés d’agglomération regroupent 18 communes en moyenne ; une communauté urbaine est constituée en moyenne de près de 450 000 habitants et de 26 communes.

F. Le développement de l’intercommunalité culturelle (4) Pratique d l’intercommunalité culturelle : trois types caractéristiques en matière culturelle : un premier type où le groupement de communes est une autorité culturelle fantôme ; au mieux il constitue un guichet pour les cofinancements ; un deuxième type où l’intercommunalité constitue un pôle subsidiaire et spécialisé par rapport aux actions culturelles des communes ; un tel pôle se voit souvent confier la responsabilité de certains équipements culturels ; enfin, dernier cas, lorsque l’établissement intercommunal devient le nouveau centre de la politique culturelle du territoire. Les facteurs de l’intercommunalité : Deux situations relatives au niveau de développement culturel du territoire intercommunal ou à sa nature sont propices à une démarche de transfert de l’action culturelle au niveau intercommunal : un retard relatif du développement culturel, caractérisé par exemple par l’absence sur le territoire d’équipements culturels ou d’équipements conformes aux normes actuelles ; la possibilité de structurer une spécialisation d’excellence dans un domaine culturel, à partir d’un avantage comparatif qui contribue à légitimer un investissement accru et une direction à l’échelle intercommunale.

Conclusion Les politiques culturelles communautaires participent directement de la constitution ou du renforcement d’une identité territoriale des habitants, jusque-là située entre identité urbaine et identité régionale ou départementale. Les intercommunalités tendent à une plus grande transversalité des actions et à la mise en oeuvre de politiques plus territorialisées. Enfin, les réflexions présidant à l’élaboration des lignes d’action à l’échelle communautaire sont en mesure d’intégrer les mutations récentes de L'effort budgétaire accompli par les intercommunalités en matière de culture est très variable, de quelques subsides à une vingtaine de millions d'euros par an pour ceux qui gèrent le plus d'équipements. Ce sont les agglomérations de taille moyenne (Montpellier, Amiens, Evry, Metz...) qui présentent les budgets les plus généreux rapportés à leur population. E n moyenne, les dépenses culturelles des communautés d'agglomération (35 euros par habitant) ne sont pas si éloignées de celles des communautés de communes (26 euros), ce qui traduit le réel effort de ces dernières. L’intercommunalité culturelle, repensée sous le prisme de la décentralisation, offre des réponses à plusieurs questions. Elle est tout d’abord un moyen de mutualiser les compétences, les fonds et les infrastructures. Mais elle apparaît aussi, et peut-être surtout, comme un outil de structuration de l’espace métropolitain.