Histoire de la Guerre froide

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Histoire de la Guerre froide Deuxième cours : Les premiers désaccords (1943-1948)

Deuxième cours : Les premiers désaccords (1943-1948) 1 – Les grandes négociations : Téhéran, Yalta, Potsdam 2 – Le mémorandum Maïski 3 – Le problème allemand et la crise de Berlin 4 – La réaction soviétique au discours de Churchill à Fulton 5 – Naissance du « bloc de l’est »

1 – Les grandes négociations : Téhéran, Yalta, Potsdam Dès le début de l’invasion du territoire soviétique par les forces allemandes en juin 1941, Churchill, déclare sa solidarité avec l’URSS, donnant ainsi de facto naissance à la grande coalition antihitlérienne. De juin 1941 jusqu’à février 1943, les relations entre l’Ouest et l’URSS se limitent à la fourniture de matériel. Les deux blocs discutent bien sûr, mais les opérations sont menées de façon très indépendante. Cela n’empêche pas l’URSS de commencer à exiger l’ouverture d’un front occidental, afin de soulager la pression exercée sur l’Armée rouge.

1.1 – Téhéran La victoire à Stalingrad modifie le rapport de force entre les trois grands et place Staline dans une position avantageuse par rapport à ses alliés. Du 28 novembre au 1er décembre 1943 eut lieu à Téhéran une conférence des chefs des trois grandes puissances. Roosevelt et Churchill s’engagent alors à entreprendre une opération de débarquement en France en mai 1944. Pour sa part, Staline rassure Roosevelt quant à la participation de l'URSS à la guerre en Extrême-Orient. On examina aussi la question de la création de l’ONU. Staline approuva en substance le plan proposé par Roosevelt.

La déclaration finale, signée le 1er décembre 1943, réitérait la résolution des Alliés à « travailler en commun pendant la guerre, ainsi que dans la période de paix qui la suivra ». Staline souleva la question de l’Allemagne, celle des frontières de la Pologne ainsi que des centres d’intérêt soviétiques et des zones de sécurité en Europe de l'Est et en Asie qu’il réclamait. La délégation soviétique insista sur l'établissement d’un contrôle allié sur les principaux points stratégiques en Allemagne, mais surtout, sur la reconnaissance de l’annexion à l'URSS des républiques baltes et sur le rétablissement des frontières de l'URSS avec la Pologne (telles qu’elles étaient en octobre 1939).

L'URSS réclama en outre que lui soient remis des ports à l’abri des glaces sur la mer Baltique, de même qu’une partie du territoire de la Prusse orientale. Soulignons la constance de la position soviétique, continuant de défendre ses acquisitions territoriales reçues conformément aux protocoles secrets soviéto-germaniques de 1939. Les deux dirigeants occidentaux exprimèrent leur volonté de satisfaire aux revendications de l'URSS. Churchill par exemple, le 30 novembre 1943, en présence de Roosevelt et de Staline, reconnu de façon claire « ce fait que la Russie doit obtenir un accès aux mers chaudes ».

1.2 - Yalta   Lors de la seconde grande conférence des Alliés à Yalta du 4 au 11 février 1945, la situation avait grandement évolué : il était à ce moment là bien clair que la victoire était à portée de main et conséquemment, il devenait moins nécessaire pour les Occidentaux de satisfaire toutes les demandes soviétiques. On y élabora les bases d’une politique commune en ce qui concerne l'Allemagne, basée sur les principes de sa démocratisation, de sa démilitarisation et de sa dénazification. Staline changea d’opinion quant à l’Allemagne et se montra favorable à la préservation de son intégrité.

Les Trois Grands à Yalta

La question des réparations était mieux définie La question des réparations était mieux définie. La somme totale des réparations fut fixée à 20 milliards de dollars, et de ce montant, l'URSS devait recevoir 10 milliards, la Grande-Bretagne et les États-Unis, 8 milliards, et tous les autres pays, 2 milliards de dollars. La question polonaise provoqua de vives discussions. Staline s’y exprima de façon exceptionnellement rude contre toutes tentatives visant à le forcer à considérer « les Polonais de Londres » comme des partenaires dans les négociations sur l’avenir de la Pologne. Les Alliés s’entendirent sur les frontières de la Pologne, Dont la frontière orientale devait passer le long de ladite « ligne Curzon », frontière ethnographique du peuplement polonais.

La « translation » de la Pologne

Roosevelt proposa à Staline des conditions très avantageuses en échange d’une entrée de l'URSS dans la guerre contre le Japon, trois mois après la capitulation de l'Allemagne : l'adjonction à l'URSS des Kouriles et du territoire sud de Sakhaline, un droit à bail sur Port Arthur, l'internationalisation du port du Daïran et l'exploitation de l'ensemble du système ferroviaire de la Mandchourie. Malgré les ententes intervenues sur plusieurs questions, Yalta marque le début des mésententes entre les trois grands : quelques semaines après la fin de la conférence, des interprétations diverses des décisions de celle-ci existaient déjà.

1.3 – Potsdam La dernière des trois grandes conférences se tint à Potsdam, à partir du 17 juillet 1945. Les questions relatives à l’avenir de l'Allemagne se retrouvèrent au centre des discussions. Les réclamations territoriales de l’URSS à l’endroit de la Turquie, ainsi que sa proposition de défense commune des détroits de la mer Noire, irritèrent profondément les alliés de l’URSS lors de la conférence de Potsdam. Staline se considérait comme le vainqueur de la guerre. Et c’est à ce titre qu’il présenta ces réclamations.

2 – Le mémorandum Maïski Grâce au mémorandum élaboré en janvier 1944 par Ivan Maïski, nous connaissons précisément les objectifs que s’était fixés le gouvernement soviétique relativement à la défense de ses intérêts après la guerre. Maïski fut un membre actif du parti menchevique et au cours de la guerre civile, il coopéra avec les blancs. Cela ne l’empêcha pas de devenir un important diplomate soviétique. La base de la proposition de Maïski était d'élaborer la politique étrangère soviétique sur « la paix et la sécurité à long terme ».

Le but concret devait être « l’établissement d’une position par laquelle serait garantie la sécurité de l'URSS et la paix préservée, au moins en Europe et en Asie. Pendant un délai suffisant pour que : а) L'URSS ait le temps de devenir si puissante qu’aucune agression en Europe ou en Asie ne puisse l’effrayer. b) L'Europe ait eu le temps de devenir socialiste, excluant ainsi la possibilité de guerre dans cette partie du monde. C’est-à-dire 30 à 50 ans. L'URSS devait obtenir des frontières avantageuses dont le fondement devait être celles de 1941. Il fallait reconsidérer les frontières avec la Pologne, la Roumanie, la Finlande, etc. « en fonction de notre intérêt ou de la nécessité de tenir compte de la politique des États-Unis et de l'Angleterre ».

En Asie, le secteur sud de Sakhaline devait être rendu à l'URSS, de même que les Kouriles. « La neutralisation de l'Allemagne » pour une période de 30 à 50 ans constituait la principale tâche en Europe. Il ne devait y avoir dans l’Europe de l’après-guerre qu’une seule superpuissance terrestre, l’URSS, et une seule superpuissance navale, l'Angleterre. La Pologne devait être indépendante et viable, sans être trop forte, compte tenu de « l’agressivité » polonaise. La frontière orientale de la Pologne devait passer le long de la frontière de 1941. La Tchécoslovaquie devrait être systématiquement avantagée, surtout en ce qui concerne la Silésie. La Hongrie devrait être réduite.

Une place particulière était occupée par les perspectives des relations de l'URSS avec ses alliés, les États-Unis et l’Angleterre. « Il ne restera dans le monde que quatre véritables grandes puissances et le rôle dirigeant dans la politique mondiale se trouvera entre les mains de l'URSS, des États-Unis et du Royaume-Uni. Maïski soutenait que les États-Unis deviendrait la citadelle de l'impérialisme, aspirant à une large expansion d’un nouveau type : son arme ne sera pas tant l'annexion territoriale, mais plutôt l'annexion financière et économique. Maïski était partisan de la préservation des liens avec les alliés dans l'après-guerre.

3 – La réaction soviétique au discours de Churchill à Fulton La réaction de Staline au discours de Fulton fut exceptionnelle et unique dans toute l'histoire de l'URSS. Le discours fut dès le 12 mars reproduit dans les Izvestia. Questionnée sur son opinion quant à ce discours, Staline déclara qu’il s’agissait d’un acte dangereux, visant à semer la discorde entre les alliés. Il compara de même l’accent mis par Churchill sur le rôle des anglo-saxons à la théorie raciale des nazis. Sur la situation en Europe de l’est (le thème du « rideau de fer »), Staline déclara que le discours de Churchill était purement mensonger, car à Vienne et à Berlin, les Alliés étaient plus influents que l’URSS.

Puis Staline présente la position soviétique quant aux rapports de l’URSS avec les États est-européens. Il souligne que les forces allemandes ont pu s’en prendre à l’URSS en passant par les États d’Europe orientale, car les gouvernements de ceux-ci étaient hostiles à l’URSS. Il est conséquemment normal que Moscou cherche à éviter d’avoir à nouveau à ses frontières des gouvernements hostiles. Quant à la situation politique de ces États, il fait remarquer que les communistes ne sont qu’un parti parmi plusieurs autres au sein de gouvernements de coalition et que conséquemment, il est faux de croire que Moscou contrôle ces États.

Puis Staline répondit le 22 mars 1946 aux questions du correspondant d’Associated Press, Eddy Gilmore. Soulignons que Staline parle dans ces deux entrevues de « Churchill et ses amis » et insiste sur le fait qu’il ne s’agit pas des gouvernements du Royaume-Uni et des États-Unis, ne souhaitant évidemment pas une détérioration de ses rapports avec ses récents alliés. Puis en septembre 1946, Staline accorda une troisième entrevue, cette fois aux correspondants de l'agence américaine United Press et du journal anglais Sunday Times À la question : « Êtes-vous d'accord avec l'opinion du secrétaire d'État Byrnes, quant à l’augmentation des tensions entre l'URSS et les États-Unis? », Staline répondit laconiquement : « Non ».

Puis suivi le 20 décembre 1946, une quatrième entrevue avec le fils du défunt président Roosevelt, Elliot, au cours de laquelle il donna son accord à une nouvelle rencontre des « trois Grands » pour discuter de la situation internationale. Enfin, Le 9 avril 1947, Staline rencontra un des membres du parti républicain des États-Unis, H. Stassen. Dans cette grande entrevue, Staline tenta d’adoucir les contradictions politico-idéologiques entre les deux pays et déclara à son interlocuteur qu’il fallait se montrer tolérant envers les systèmes choisis par les autres peuples et éviter de s’invectiver mutuellement.

Ainsi, Staline conduisit personnellement sa campagne de propagande, qui se résumait à deux éléments principaux : premièrement, la volonté d’attaquer les considérations de Churchill quant à la situation internationale et, deuxièmement, maintenir ou ressusciter les anciennes relations des « Trois Grands ». Cependant, les relations soviéto-américaines et les relations de l'URSS avec l'Europe occidentale continuaient à se dégrader. Le consul général de l'URSS à New York écrivait à Moscou en février 1947 : « Par comparaison avec novembre et décembre de l'année dernière, en janvier et février 1947, nos relations avec les États-Unis se sont nettement détériorées. »

4 – Le problème allemand et la crise de Berlin La crise de Berlin était inévitable. Par le partage des sphères d'influence en Europe, le statut particulier de Berlin transforma la ville en centre de rivalité. Dès la fin de 1947, un projet dit des « Principes supplémentaires » fut proposé par les puissances occidentales. Le 1er mars 1948, l'administration soviétique introduisit des restrictions sur les communications, les transports et le commerce entre Berlin et les zones occidentales de l'Allemagne, de même qu’entre les zones orientales et occidentales.

L’Allemagne occupée

L'introduction dans les secteurs occidentaux d’une nouvelle devise monétaire amena un renforcement du blocus de Berlin-Ouest. La direction politique soviétique affirma que les Alliés avaient violé les accords sur Berlin, la réforme ayant pour conséquence un afflux des anciennes devises vers Berlin. Le 30 août, Staline proposa  de supprimer les restrictions de transport entre Berlin et les zones occidentales et d’introduire à titre de seule unité monétaire à Berlin le Deutschemark « est-allemand » Un accord préliminaire fut conclu, par lequel les puissances occidentales retireraient de Berlin le mark occidental et accepteraient l'utilisation du mark de l’est en échange d’un contrôle commun sur la devise, ce que Staline accepta.

Mais ces accords ne furent pas appliqués. Le blocus fut poursuivi et en mai 1949 fut conclu un accord prévoyant que dès le 15 mai 1948, l'URSS et les pays occidentaux lèveraient le blocus mutuel entre leurs zones En septembre 1949, la République fédérative d’Allemagne fut créée et en octobre, ce fut au tour de la République démocratique d’Allemagne de voir le jour sur les terres de la zone soviétique d’occupation.

5 – Naissance du « bloc de l’est » 5 – Naissance du « bloc de l’est ». La réponse soviétique au plan Marshall et à la doctrine Truman : la satellisation de l’Europe de l’est. Les critères du plan Marshall vont inciter Moscou à faire pression sur les États est-européens, afin qu’ils rejettent la proposition américaine. La totalité des États en question se pliera rapidement aux exigences soviétiques, à l’exception notable de la Tchécoslovaquie, très tentée d’accepter l’aide américaine. Pour les Soviétiques, le plan Marshall n’a pour objectif que d’approfondir la dépendance des États européens.

Ainsi, le plan Marshall fut interprété à Moscou comme la mise en application d’une politique de blocs, visant à entourer l’URSS d’États hostiles. La réponse soviétique globale à cette politique fut, en septembre 1947, la mise sur pied du Kominform, étroitement encadré par Moscou. En Europe de l’Est, où depuis 1945 gouvernaient des coalitions composées de plusieurs partis de gauche, cela va se traduire par la mise en place de gouvernement prosoviétiques, l’interdiction des autres partis, de grands procès truqués, des purges au sein des PC et la mise en place du système qui existe en URSS. En 1949 est créé le COMECON, afin de fédérer économiquement sous la tutelle de Moscou les États d’Europe orientale.

Stalinisation de l’Europe de l’est

Les pays membres et associés du COMECON (1978)