Histoire de l’URSS 1917-1991.

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Histoire de l’URSS 1917-1991

2.2 – Changements dans la structure du pouvoir Le Comité de défense de l’État, créé en 1941 est supprimé dès 1945, et les structures précédentes sont remises en place. Mais on peut voir certains changements : par exemple, en 1946, le Conseil des commissaires du peuple devient Conseil des ministres. Des élections visant le renouvellement des soviets sont tenues et le XIXe congrès du PCUS décide d’accroître le nombre de membres du Présidium et du Comité Central, pendant qu’une nouvelle vague de répression s’abat sur le parti.

2.3 – Nouvelles répressions Ces années sont l’âge d’or du système concentrationnaire : zeks d’avant-guerre, prisonniers de guerre ennemis, Soviétiques capturés par l’ennemi, élites nationales des nouveaux territoires, etc. La population des camps est alors de 5 à 12 millions de personnes. 1948 : création de camps à régime spécial, qui isolent les criminels politiques des droits communs. Certains chefs militaires trop populaires se retrouvent à la tête de zones militaires reculées. Mais c’est bien sûr le parti qui est la première victime, avec l’affaire de Leningrad (par laquelle Béria, par-dessus la tête de Staline, dirige l’épuration de ses adversaires) et le célèbre complot des blouses blanches.

2.4 – Politique nationale Pour la victoire, l’ensemble des nationalités de l’État soviétique ont été mises à contribution et par la suite, l’ensemble des ressources du pays se concentrent pour remettre sur pieds les républiques et les régions de l’ouest du pays. L’évacuation des industries et des usines a stimulé le développement économique de la Sibérie occidentale et de l’Asie centrale. La guerre a entraîné le développement de mouvements nationaux, particulièrement dans les nouvelles républiques, où la dékoulakisation doit aussi s’appliquer. Des populations entières suspectées de collaboration avec les Allemands subissent des punitions collectives et sont déportées en Sibérie orientale et en Asie centrale.

Le cas des juifs est particulier : au cours de la guerre, le centre avait mis sur pied le Comité juif antifasciste et après la guerre, ce comité fait pression pour obtenir une région autonome juive. Mais Mikhoels, le chef du comité est assassiné en 1948 et sa mort lance la répression contre les membres du Comité. Staline fait preuve après la guerre d’un remarquable chauvinisme grand-russe et jusqu’à sa mort, une politique de russification douce sera entreprise, entre autres en limitant les possibilités pour les autres nationalités d’apprendre leur langue et leur histoire.

Répressions des élites nationales (1945-1950)

3 – Politique étrangère (1945-1953) 3.1 – « Début » de la guerre froide Par sa victoire, l’URSS est devenue l’un des principaux États de la planète, ce qui modifie considérablement la situation et le climat international. Les alliés d’hier se méfient de plus en plus les uns des autres : l’arme nucléaire inquiète les Soviétiques ; les 15 millions de soldats soviétiques inquiètent les anglos-saxons.

Et le prestige soviétique aussi inquiète : les populations européennes de l’époque savent que c’est l’URSS qui a vaincu le nazisme et conséquemment, les partis communistes d’Europe voient le nombre de leurs membres tripler entre 1939 et 1946. Ce qui met Staline en appétit : dès 1941, il demande des territoires turcs, des modifications au régime du Liban et de la Syrie et un protectorat en Tripolitaine. En plus de ce qu’il a déjà obtenu par le pacte Ribbentrop-Molotov. C’est cependant le discours de Churchill à Fulton en 1946 qui met le feu aux poudres : évoquant un « rideau de fer », il en appelle à une politique d’endiguement de « l’impérialisme soviétique ».

Truman reprendra à partir de 1947 cette idée Truman reprendra à partir de 1947 cette idée. L’ensemble des éléments de cette politique est nommé « doctrine Truman » : 1 – Plan Marshall à la reconstruction 2 – Création de l’OTAN (1949) 3 – Établissements de bases militaires américaines entourant l’URSS 4 – Soutien financier à l’opposition dans les États pro-soviétiques 5 – Usage de la force contre l’URSS Deux objectifs à cette doctrine : 1 – Empêcher l’URSS d’accroître son influence et 2 – la refouler si possible derrière ses frontières. Pour l’URSS, c’est une déclaration de guerre et cela la poussera à consolider ses positions dans les États sous occupation.

Plan d’attaque de l’URSS (1948)

3.2 – Exportation du système stalinien En 1945, des régimes prosoviétiques s’installent au Vietnam, en Corée, en Yougoslavie et en Albanie. À partir de 1947 commence la soviétisation de l’Europe orientale sous occupation soviétique. En Bulgarie (1946), puis en Pologne, en Hongrie, en Roumanie (1947) et en Tchécoslovaquie (1948), les PC prennent le pouvoir, interdisent les autres partis et adoptent des constitutions de modèle soviétique. Dès lors, l’URSS s’implique activement dans les orientations intérieures et extérieures de ces États, s’appuyant sur son prestige mais aussi sur des aides directes (15 milliards de roubles entre 1945 et 1952).

Expansion soviétique

En 1949 est mis sur pied le COMECON, chargé de coordonner les politiques économiques de l’URSS et de ses alliés. Au plan politique, la mise au pas se fait progressivement, avec une accélération subite en 1948, lorsque Tito est excommunié de la grande famille. S’ensuit une chasse aux sorcières dans les différentes démocraties populaires. De nombreux communistes « nationaux » sont alors arrêtés pour être remplacés par des inconditionnels du modèle stalinien, formés en URSS. Enfin, au plan militaire, l’organisation du Pacte de Varsovie ne verra le jour qu’en 1955, après la mort de Staline.

Membres du Comecon

3.3 – Apogée de la guerre froide Deux graves crises surviennent dans les dernières années de Staline, plaçant le monde au bord d’une autre guerre. En 1948, c’est la crise de Berlin : incapables de s’entendre avec les Soviétiques concernant la réunification de l’Allemagne, les Occidentaux décident d’unifier leurs trois zones, sans tenir compte des Soviétiques et de signer la paix. L’URSS réplique par un blocus de Berlin ouest, qui pendant un an sera ravitaillé par pont aérien. Cela entérine de facto la division de l’Allemagne. En 1949, l’Occident créé l’OTAN et l’URSS expérimente sa première bombe atomique…

Puis c’est la guerre de Corée : profitant de l’absence de l’URSS, causée par le refus d’expulser la Chine nationaliste de l’ONU, les Occidentaux font voter une intervention militaire en Corée, sous la conduite des États-Unis, pour freiner l’offensive nord-coréenne. L’URSS appui discrètement les Nord-coréens, la Chine, totalement. Les Occidentaux ne parviennent cependant pas à vaincre et en juin 1953, après la mort de Staline, un cessez-le-feu est signé, divisant la Corée au 38e parallèle. Le traité de paix n’a toujours pas été signé. Ces deux crises inciteront les successeurs de Staline et les Occidentaux à chercher des compromis, d’autant que Truman est remplacé en 1952 par Eisenhower.

4 – Aperçu de la culture soviétique 4.1 – La culture dans les années 30 - Avec la centralisation, les différents mouvements autonomes des années 20 disparaissent. Pour Staline, ces ingénieurs des âmes que sont les artistes doivent travailler à un seul but : créer l’homo soviéticus appelé à vivre dans ce système. Il convient alors d’expliquer aux « plus humbles » l’ABC du marxisme-léninisme.

- L’art destiné à cet objectif portera le nom de réalisme socialiste : les artistes doivent illustrer la vie non pas telle qu’elle est, mais comme elle doit être dans une société socialiste. On promet ainsi au peuple des « lendemains qui chantent » et un « avenir radieux ». L’autre fonction de cet art utilitaire est de créer une sorte de surréalité, dans le but de convaincre la population que le bon temps est déjà commencé : c’est là l’origine d’un des slogans de Staline au pire des purges des années 30, en 1937 : « La vie est devenue meilleure, la vie est devenue plus gaie… » Bien sûr, les camps attendent les artistes qui refusent de se plier à cet art de commande.

4.2 – La culture et la guerre Comme pour le reste, le contrôle culturel se relâche au cours de la guerre. Le régime oriente bien sûr la production dans le sens d’une célébration des valeurs du moment : courage, honneur, patriotisme, etc. Le contrôle est de toute façon moins nécessaire, les artistes comprenant eux-mêmes les enjeux. Les artistes participent à la guerre, comme soldats bien sûr, mais ils s’emploient aussi à maintenir le moral des troupes, ou encore à saper celui de l’adversaire. Tous les domaines sont mis à contribution : chanson, cinéma, poésie, etc.

4.3 – Le jdanovisme - La politique culturelle de 1945 à 1953 est initialement liée au nom d’Andreï Jdanov. C’est lui qui sonne la fin de la récréation. Parallèlement à la montée des périls extérieurs, le régime se lance en 1946 dans une lutte contre les influences extérieures et contre le « cosmopolitisme » (à partir de 1948). Deux publications sont créées dans ce but (La vie du parti et Culture et vie), lesquelles s’en prennent à des « concurrents » coupables de publier des auteurs « contestables ». - Les directeurs des associations culturelles sont sommés de purger de leurs rangs les artistes déviants.

- Toutes les disciplines sont touchées : philosophie (1947), musique (1948), etc. Mentionnons qu’à de rares exceptions, ces purges entraînent uniquement des sanctions diverses, et non des séjours en camps. Des disciplines scientifiques considérées comme bourgeoises sont interdites : mécanique ondulatoire, cybernétique, psychanalyse, génétique, etc… C’est l’apogée du lysenkisme… : le volontarisme remplace la rigueur scientifique, suivant l’axiome de Staline selon lequel « Pour nous, bolcheviques, il n’existe pas de problèmes objectifs que nous ne puissions résoudre… »

Stations du métro de Moscou

MGOU

5 – La société soviétique sous Staline 5.1 – Les ouvriers : L’État prolétarien réserve souvent à sa classe « dirigeante » des conditions de vie très difficiles. La priorité au développement industriel entraîne d’une part un accroissement considérable des ouvriers (de 28 à 40 millions de personnes entre 1929 et 1932), et d’autre part, en corollaire, une détérioration de leurs conditions : manque de logements, approvisionnement erratique, etc. On tente de palier à ces difficultés en introduisant en 1929 des coupons de rationnement ou en mettant sur pied des cafétérias d’État.

Dans la première moitié des années 30, la vie est difficile car s’ajoutent aux conditions de vie l’interdiction des grèves, la suppression de l’indépendance syndicale, etc. À partir de 1935, Staline commence à accorder un peu plus d’attention aux problèmes ouvriers : infrastructures culturelles, vacances familiales, etc. Parallèlement arrive le stakhanovisme, qui va entraîner une augmentation des cadences, et pour ceux qui n’arrivent pas à suivre, une détérioration des conditions matérielles. On voit apparaître une « aristocratie » du travail, dont les membres vivent mieux que les autres.

- Comme les ouvriers ne pouvent faire pression autrement qu’en « votant avec leurs pieds », en changeant d’entreprise, le régime réintroduit le carnet de travail et on renforce les régimes de propiska et de passeport intérieur. Vivant souvent dans des appartements communautaires, les ouvriers développent des comportements asociaux et l’alcoolisme fait des ravages. Bref, à la fin des années 30 (et même au début des années 50), il semble que le régime n’a pas rempli ses engagements par rapport aux ouvriers qu’il est censé représenter : en 1936, le pouvoir d’achat de l’ouvrier est inférieur à ce qu’il était en 1913….

Salaires comparés

Pouvoir d’achat des ouvriers en 1913 et 1936

Kommounalka

5.2 – La paysannerie : C’est pire encore pour les paysans, dont l’ordre social a été détruit par la collectivisation. Tout au long des années 30, les demandes de l’État à son endroit vont crescendo : ils doivent vendre de moins en moins cher, alors que la production industrielle coûte de plus en plus cher. D’autant que les MTS grugent une part importante de leur faible revenus. En 1935, soucieux de maintenir un approvisionnement acceptable des villes, le régime concède aux paysans le droit d’exploiter des lopins privés : bientôt, 5% des terres vont produire 25% de la production agricole. C’est la classe méprisée, suspectée, de la société, qui ne jouit pas d’une grande mobilité sociale, surtout après la réintroduction des passeports intérieurs.

5.3 – La nouvelle intelligentsia Officiellement, les autres classes sociales n’existent pas. Et pourtant… Traditionnellement, l’intelligentsia tsariste était oppositionnelle. Ce n’est pas le cas de celle de l’époque soviétique, qui est l’un des plus fidèles soutien au régime, à qui elle doit tout. En gros, cette classe est constituée des spécialistes « prolétariens », formés dans des écoles spécialisées (entre 1928 et 1932, le nombre d’étudiants de ces écoles passent de 50 000 à 300 000) qui ont remplacé au cours des années 20 et 30 les spécialistes bourgeois.

5.4 – Les détenus Ce n’est pas une classe à proprement parler, mais compte tenu de leur importance numérique, il faut bien en tenir compte. Leur apport à la construction du système, bien que difficile à quantifier, n’en demeure pas moins très important. Il faut aussi mentionner les académiciens déchus qui se retrouvent dans des camps spéciaux, des prisons scientifiques (charachki) ou le régime les laissent, sous contrôle, poursuivre leur recherche. Leur apport à la science soviétique est aussi très important.

5.5 – La nomenklatura La dernière, mais non la moindre, de ces classes soviétiques, n’existe pas officiellement, mais c’est elle qui est au sommet du système et le contrôle. Cette classe a remplacé au cours des années 30 les spécialistes bourgeois impliqués directement dans la gestion de l’État. Le trait dominant de ses membres, c’est l’orthodoxie idéologique, allié à partir de la fin des années 30 surtout, à des origines modestes. Le terme, que l’on traduit par « liste », désigne deux choses : les postes stratégiques à combler et les personnes susceptibles de les combler.

C’est l’aristocratie du régime, qui vit beaucoup mieux que le reste de la population, ayant accès à des magasins particuliers, se déplaçant en voiture de luxe, vivant à part du reste de la société. Mais c’est une classe très hiérarchisée : au sommet se trouvent les membres du Politburo et du Comité central, puis les directeurs des commissions de contrôle et des organes de sécurité, suivis des chefs de la bureaucratie et de l’armée, et enfin, les scientifiques les plus importants, les directeurs des grandes usines, etc. Mentionnons que cette hiérarchisation existe au niveau fédéral et à celui des républiques.

Sixième cours : La succession de Staline et les années Khrouchtchev (1953-1964) 1 – Bref bilan du règne de Staline 2 – Évolution du système politique 3 – L’économie de l’URSS de 1953 à 1964 4 – La politique étrangère soviétique (1953-1964)

1 – Bref bilan du règne de Staline Considéré comme une divinité jusqu’en 1956 par la gauche, Staline sera à partir de cette date critiqué. Sévèrement à l’étranger, mais de façon beaucoup plus sélective en URSS même. On lui reproche bien sûr la terreur, mais aussi, nombreux sont les Soviétiques qui l’accusent d’avoir perverti le système, d’avoir trahi la révolution et conséquemment, d’avoir à terme entraîné l’échec de l’URSS. Puis viennent d’autres éléments moins fondamentaux : sa nullité militaire, sa politique culturelle, son culte personnel, etc. Mais ses « bons coups » sont aussi nombreux pour les Soviétiques : modernisation du pays, victoire dans la Seconde Guerre mondiale, alphabétisation. Bref, en 25 ans, il a fait d’un pays faible et méprisé l’une des grandes puissances du monde.

2 – Évolution du système politique 2.1 - La mort de Staline et la lutte pour sa succession. Le 5 mars 1953 coupe l’histoire de l’URSS en deux : ce qui suivra sera très différent, l’URSS achevant sa transition d’État révolutionnaire à État « normalement autoritaire ». La lutte pour la succession commence dès la mort du Guide et ne prendra fin qu’en 1958. Elle se déroule en 3 étapes : De mars à juin 1953 : Malenkov, chef de l’État et du parti, s’oppose à Beria, chef des organes de sécurité. Malenkov est sommé de choisir entre ses deux postes, et il opte pour celui de chef de l’État, laissant celui de chef de parti à Nikita Khrouchtchev.

Mars-juin 1953

Beria s’emploie entre mars et juin à nettoyer son image, en libéralisant le système : réhabilitations massives, décentralisation, etc. En juin, Khrouchtchev et Malenkov font front commun contre Beria. Avec l’aide de l’armée, celui-ci est destitué, arrêté et exécuté le 26 juin 1953. Été 1953 à février 1955 : la deuxième phase oppose les alliés d’hier, Malenkov et Khrouchtchev. Chef du parti, celui-ci reprend la technique stalinienne en faisant nommer ses proches dans les hautes instances. En février 1955, Boulganine remplace Malenkov, qui devient ministre de la production électrique. Février 1955 à mars 1958 : 3e et dernière étape. Elle comprend le XXe congrès du PCUS et les crises hongroises et polonaises, lesquelles servent de prétexte pour tenter de destituer Khrouchtchev.

Été-février 1955

Été 1957 : le Présidium se réunit en l’absence de Khrouchtchev et vote sa destitution. Alerté, ce dernier parvient grâce à l’armée (Joukov) a réunir un plénum du Comité central, lequel renverse la décision du Présidium. En vertu des règles du parti, les chefs du groupe sont condamnés pour fractionnisme, exclus du présidium, ils ne sont pas exécutés et restent au service de l’État dans de prestigieux (…) postes. Le chef de l’État, Boulganine, qui s’est compromis, est aussi destitué. Khrouchtchev s’empare alors de son poste et devient théoriquement aussi puissant que le Staline de l’après-guerre. Ses alliés sont récompensés mais Joukov, d’abord nommé ministre de la Défense, est trop dangereux pour Khrouchtchev, qui obtient sa destitution en 1958.

Février 1955-mars 1958

Février 1955-mars 1958

2.2 – Le XXe congrès du PCUS et la déstalinisation Même sans le fameux discours secret, le congrès aurait été important : on admet la possibilité d’arriver au socialisme autrement qu’en URSS et le discours de Mikoïan, sans critiquer Staline, condamne certaines des tendances au sein du parti : centralisme, culte des chefs, etc. À la fin du congrès, les membres du PCUS sont avisé qu’il y aura une séance à huis clos pour eux. C’est lors de cette séance qu’il sera question du rapport secret de Khrouchtchev. Dans ce texte, le SG s’en prend violemment à Staline, accusé de presque tout ce qui ne fonctionne pas en URSS, et davantage : son culte, ses erreurs pendant la guerre, la terreur. Mais le rapport demeure très sélectif : si le SG condamne les purges contre le parti, il ne dit rien au sujet de la population ; il omet d’ailleurs de parler de la purge du PC ukrainien, qu’il a lui-même montée.

Malgré tout, c’est une véritable bombe qui va à terme changer complètement la perception de l’URSS, à l’intérieur, puis à l’extérieur, lorsqu’il sera connu. Pourquoi ce rapport ? 1 – Khrouchtchev, dont le pouvoir est mal assuré cherche à déstabiliser ses adversaires ; 2 – compte tenu de l’opacité de la direction stalinienne, il est parfaitement possible qu’il ne connaissait pas l’ampleur des « erreurs » de Staline. Quoi qu’il en soit, le rapport va entraîner une crise majeure dans le mouvement communiste international. En Pologne et surtout en Hongrie, la situation va déraper. Certains PC d’Occident vont revoir leur rapport avec la « patrie du socialisme ». Quant aux relations sino-soviétiques, le rapport va entraîner une rapide détérioration.

Après une pause entre 1957 et 1961, le XXIIe congrès va relancer le processus de déstalinisation. Le discours du SG à cette occasion est beaucoup plus critique et sévère que celui qu’il avait tenu 5 ans auparavant : il n’est plus question d’erreurs, mais bien de crimes. Khrouchtchev, dont le pouvoir est alors battu en brèche par ses opposants, tente ainsi de faire appel à la population, aux simples membres du PC, pour contrer ses adversaires. La manœuvre échouera (comme l’ensemble de l’œuvre khrouchtchévienne, d’ailleurs).

2.3 – Réhabilitations De juin 1953 à 1956, les camps se vident à un rythme très lent et les détenus politiques doivent s’armer de patience avant de voir leur nom lavé : en février 1956, seulement 7 000 personnes avaient été réhabilitées, 200 000 libérées. Le XXe congrès lance une réhabilitation massive : de 1956 à 1961, 700 000 personnes seront réhabilitées. Les grands noms de l’opposition à Staline ne sont pas réhabilités (Trotski, Boukharine, Kamenev) car cela reviendrait à condamner le cours stalinien (et le parti ne cherche à condamner que les méthodes) Avec la mise à la retraite de Khrouchtchev, les réhabilitations s’arrêteront et ne reprendront qu’avec l’arrivée de Gorbatchev.

2.4 – La chute de Khrouchtchev Au début des années 60, la grogne commence à monter contre le SG : on lui reproche pêle-mêle les difficultés économiques, son attitude personnelle, le culte de sa personnalité, son volontarisme débridé et son aventurisme en politique étrangère. C’est ainsi qu’en octobre 1964, profitant de son éloignement, le scénario de 1957 est rejoué, mais cette fois il fonctionne. Khrouchtchev est envoyé à la retraite et la « direction collégiale » est remise en place. Deux hommes lui succèdent : À la tête du parti, Léonid Brejnev À la tête de l’État, Alexeï Kossyguine La douceur avec laquelle il tombe témoigne du chemin parcouru, entre autres grâce à lui : aucun mal ne lui est fait, il est simplement « démissionné ».

3 – L’économie de l’URSS de 1953 à 1964 3.1 – Les réformes de Malenkov Dès 1953, les successeurs de Staline comprennent que certains éléments du système doivent être revus et qu’il faut réduire le poids de l’idéologie dans les décisions économiques. La situation internationale le permettant, Malenkov propose de rééquilibrer les investissements en faveur de l’industrie légère, en investissant autant dans celle-ci que dans l’industrie lourde. Mentionnons que ces mesures étaient proposées par Voznessenski au lendemain de la guerre et qu’elles avaient provoquées la purge de Leningrad.

3.2 – La politique agricole de Khrouchtchev Avec la prise de contrôle de Khrouchtchev, on ajoute à ces principes une proposition (originale) d’alliance entre l’industrie lourde et l’agriculture. Deux principes sont proposés : augmenter les terres cultivées et la productivité de celles-ci; intéresser davantage les kolkhoziens à produire. Deux mesures sont mises en place pour répondre au premier principe : mise en valeur des terres vierges (à partir de 1954, 120 000 travailleurs vont s’employer à mettre en valeur 42 millions d’hectares) et augmentation de la surface des kolkhozes en les fusionnant (de 83 000 en 1953, le nombre des kolkhozes passe à 45 000 en 1960).

Plusieurs mesures seront prises pour accroître l’intérêt des kolkhoziens à produire: augmentation des prix, réduction des livraisons obligatoires, etc… Entre 1953 et 1958, la production agricole augmente de 34%. Mais les choses se gâtent par la suite… En 1959, Khrouchtchev décide d’abolir les MTS, mais les kolkhozes n’ont ni les moyens, ni les connaissances nécessaires à l’entretien de la machinerie. Le volontarisme du SG, qui lance l’idée de rattraper les États-Unis pour la production de viande et de lait, conduisent à des aberrations, comme l’affaire de Riazan. Et bien sûr, la tare fondamental du système : bureaucratisme et centralisation font en sorte que des fonctionnaires qui ne connaissent rien décident à la place des paysans.

3.3 – Le développement industriel La courbe est la même dans ce secteur : d’abord une hausse jusque au début des années 60, puis vient un fléchissement. La grande réforme de Khrouchtchev en matière industrielle, c’est la création des sovnarkhozes, organismes régionaux de gestion de la production. Mais cette bonne idée se heurte à la mauvaise volonté des fonctionnaires, qui refusent de quitter la capitale pour aller travailler en zones éloignées. Dès le début des années 60, on fusionne ces organismes pour retourner au centralisme. Au début des années 60, nouvelle lubie de Khrouchtchev : il promet le communisme pour le début des années 80… Toutes ces politiques sont mal coordonnées et coûtent cher. L’URSS devra recourir aux emprunts internationaux, pour rien…

3.4 – Politique sociale - Malgré les échecs, soulignons un changement : les dirigeants prennent conscience de la nécessité d’améliorer les conditions de vie de la population et de changer le rapport pouvoir-population ; Khrouchtchev sera le premier à vouloir remettre en question la coupure entre l’État et le peuple, en s’adressant à lui. - Plusieurs mesures sont adoptées en ce sens : chute radicale des prix des produits de consommation (le pain coûte 3 fois moins cher en 1953 qu’en 1948) ; augmentation du salaire moyen (qui augmente de 6% par année entre 1953 et 1960) ; établissement d’un plan visant l’amélioration des conditions de vie de la population, etc…

La reconversion partielle des investissements de l’industrie lourde vers l’industrie légère porte ses fruits, avec une augmentation considérable de l’accessibilité aux biens de consommation. Élargissement du système de pensions et retraites à toute la population et réduction de la semaine de travail. Et surtout : construction massive de logement, problème récurrent du pays. Le nombre d’unités disponibles augmente (en dix ans, on construit de quoi loger 54 millions de personnes), de même que la superficie habitable par personne. Un grand effort est aussi fait pour la construction d’infrastructures destinées à la population : écoles, hôpitaux, musées, théâtres, etc. Même lorsque les problèmes économiques apparaîtront, les dirigeants vont s’employer à maintenir la croissance du niveau de vie, ce qui sera effectivement le cas jusque dans les années 80.

4 - La politique étrangère soviétique (1953-1964) 4.1 – À la recherche d’une nouvelle stratégie Deux tendances émergent à la mort de Staline : la belliqueuse et la pacifiste. Elles se rejoignent sur un point : le système soviétique doit triompher du capitalisme. La première tendance est incarnée par Molotov : la guerre entre les deux systèmes est inévitable et il faut se préparer à la mener, même si des pauses peuvent être nécessaires. Pour les pacifistes (Malenkov puis Khrouchtchev), la guerre n’est pas inévitable parce que l’URSS est forte, qu’elle dispose de la bombe et que si on veut éviter l’apocalypse nucléaire, c’est par une compétition pacifiste entre les deux systèmes que doit être réglé le conflit.

4.2 – Les relations avec l’ouest et le problème du désarmement Dès 1953, les successeurs de Staline font baisser la tension internationale : cessez-le-feu entre les deux Corées, abandons des prétentions territoriales soviétiques sur la Turquie, normalisation des relations avec la Yougoslavie, compromis autour de la question indochinoise (1954), traité de paix avec l’Autriche (1955), normalisation des relations avec l’Allemagne (1955) et le Japon (1956) La guerre des mots s’estompe aussi : dès 1954, Malenkov propose au monde sa conception d’une compétition pacifiste entre les deux systèmes. Le XXe congrès va dans le même sens et donne naissance au concept de « coexistence pacifique ». L’adoption de la théorie des voies diverses vers le socialisme permet aussi au PC occidentaux de souffler : ils sont désormais autorisés à lutter dans le cadre des systèmes pluralistes.

En 1956, le SG insiste sur la création d’un système de sécurité collective en Europe et en Asie. Mais en même temps, il affirme la nécessité de maintenir une pression militaire sans laquelle l’impérialisme capitaliste aura envie de renouer avec les aventures militaires (les dirigeants soviétiques sont convaincus que les Occidentaux sont tous des va-t-en-guerres). En d’autres termes : si vous voulez la paix, nous vous l’offrons, sinon, nous nous opposerons à vous de toutes nos forces. Cette même année 1956, la crise de Suez offre l’occasion de donner une illustration de cette puissance et l’URSS menace de représailles la France et la Royaume-Uni si les deux pays ne se retirent pas d’Égypte. Lâchés d’autre part par les Américains, ils s’exécutent.

Puis en 1957, le lancement du premier missile balistique intercontinental met fin au statut de sanctuaire du territoire américain. L’URSS développe aussi sa flotte de sous-marins nucléaires et en 1961, Gagarine devient le premier homme dans l’espace. 1961 voit un accroissement des tensions, avec la construction du mur de Berlin et ce, malgré des pourparlers sur le désarmement entre les deux K en juin à Vienne. Mais c’est en 1962 que la tension atteint son paroxysme, lors de la crise des missiles :

Construction du mur de Berlin (1961)

Suite au débarquement de la Baie des cochons, Khrouchtchev décide de déployer des missiles sur le sol cubain. Avec leur U2, les Américains ont vent de l’affaire et ordonnent le blocus de l’île. Ils pensent bombarder les installations mais s’abstiennent, heureusement. Pendant quelques jours, des navires soviétiques et américains croiseront à une proximité très dangereuse. Une issue sera trouvée à la crise, l’URSS acceptant de démanteler ses bases (au grand dam de Castro) à Cuba et les Américains en échange supprimeront leurs bases d’Anatolie en Turquie. C’est suite à cet crise que sera installée la ligne de communication directe et permanente entre Moscou et Washington, le fameux téléphone rouge.

4.3 – L’URSS et le camp socialiste - Ici aussi, le temps est d’abord à la détente, avec le rétablissement de relations normales entre l’URSS et la Yougoslavie. Ce calme sera de courte durée : la critique de Staline suscitera une violente tempête dans le camp socialiste. Commencée pacifiquement dans certains pays (Bulgarie et Roumanie), la déstalinisation va déraper dans d’autres. En juin 1956, des émeutes à Poznan, pour des raison économiques vont dégénérer en revendications politiques. Le pire sera évité grâce à la présence de Gomulka, un communiste antistalinien récemment réintégré au POUP et qui prend la tête du parti, apaisant la population. En Hongrie, les choses seront beaucoup plus graves. Les causes initiales sont les mêmes qu’en Pologne, mais l’intervention des troupes soviétiques (à la demande du gouvernement hongrois) va envenimer la situation.

On tente le même coup qu’en Pologne (réintégration de Nagy et Kadar) mais entre temps, la population s’est radicalisé et réclame un changement de régime. Nagy, débordé, accepte, ce qui contraint les Soviétiques à intervenir de nouveau. La répression, extrêmement violente, fait 20 000 morts. À l’est, les choses vont mal également. Mao n’apprécie pas les critiques de Khrouchtchev à l’endroit de Staline (…) et ne supporte plus de jouer les seconds violons. La tension monte et les Soviétiques décident de punir la Chine en lui retirant toute l’aide et en exigeant la condamnation du PCC par la communauté socialiste (la Roumanie et l’Albanie s’abstiennent). La dégradation de la situation entraînera des escarmouches à la frontière sino-soviétiques. L’ensemble de ces crises va considérablement affaiblir le pouvoir de Khrouchtchev et ses opposants lui reprocheront la gestion de celles-ci.

4.4 – L’URSS et le tiers-monde - La Seconde Guerre mondiale ayant entraîné l’effondrement des empires coloniaux, l’URSS va tenter de profiter de la situation. Lors du XXe congrès, il sera proposé d’inclure les mouvements de libération nationale parmi les forces progressistes et décidé de les appuyer financièrement. En 1955, Khrouchtchev et Boulganine entreprennent une tournée de pays récemment décolonisés, pour leur tendre « une main fraternelle ». En 1956, la conférence de Bandoeng lance l’idée de la formation d’un bloc des « non-alignés ». En 1957, lors du festival mondial de la jeunesse, l’URSS inaugure l’Université de l’amitié internationale, où la jeunesse du tiers-monde pourra s’instruire aux frais de l’URSS, qui devient alors le chef de file de l’anti-impérialisme

L’URSS n’exige que peu de choses de ces pays, simplement la neutralité L’URSS n’exige que peu de choses de ces pays, simplement la neutralité. Pas nécessairement le socialisme, simplement pas le capitalisme. Cette politique coûtera très cher à l’URSS (qui par exemple financera la construction du barrage d’Assouan à un taux de 1% d’intérêt et assumera 15% des coûts du plan industriel de l’Inde), mais elle rapporte énormément sur le plan politique : le bloc des « non-alignés » sera en fait très souvent aligné sur Moscou.