La Chine et la crise mondiale: un tournant? Bruno Jetin, CEPN
Introduction: La Chine et l’Asie ont bien résisté à la première récession. La thèse érronée du découplage et le débat sur le rééquilibrage de la croissance. Les conséquences négatives du plan de relance Conclusion: Comment la Chine peut-elle résister à une nouvelle récession? Plan
1. La Chine et l’Asie ont bien résisté à la première récession
L’influence mondiale de la Chine En 2010, la Chine est devenue le premier producteur manufacturier mondial avec 19.8% de la production manufacturière mondiale, dépassant les USA (19.4%), et mettant fin à 110 années de domination américaine (IHS Globlal Insight, cité dans le Financial times, 13/03/2011). La Chine exporte ses produits industriels non seulement aux pays riches mais aussi aux pays en développement d’Amérique latine, d’Afrique et d’Asie et importe des matières premières de ces pays… .. Au point que l’on parle de tendance à la “reprimarisation” de certains pays d’Amérique latine: dépendance au Soja » « dépendance à la Chine ». L’influence mondiale de la Chine
L’influence mondiale de la Chine Cela donne à la Chine une position de force et une grande influence sur les relations internationale La Chine est le premier client du Japon, de la Corée du sud, de la Thaïlande, et compte parmi les premiers clients de beaucoup d’autres pays d’Asie. Ce qui est plus surprenant est qu’elle est aussi le premier client du Brésil, et du Chili, le deuxième de l’Argentine, du Pérou et du Venezuela. L’influence mondiale de la Chine
Avant la crise actuelle, la « thèse du découplage» est apparue. La région de l’Asie de l’est serait devenue une entité auto-suffisante avec le potentiel de maintenir son dynamisme de croissance propre indépendemment des perspectives économiques du reste du monde. Cela correspondait bien avec les revendications de la Chine et l’Inde à occuper une place plus importante dans les institutions internationales. Sa base empirique repose sur la tendance croissante du commerce interne de l’Asie de l’est. 2. La thèse erronée du découplage et le débat sur le rééquilibrage de la croissance
2. La thèse érronée du découplage La crise actuelle a révélé la fragilité de cette thèse. Premièrement, il n’y a pas de tendance généralisée à la croissance du commerce entre pays de l’Asie de l’est et du sud est. Deuxièmement, Les exportations asiatiques ont été fortement affectées par la première récession aux USA et en Europe, même les exportations chinoises. Cela montre que les exportations des pays d’Asie ne sont pas invulnérables à la crise même si elles sont les premières à avoir profité de la reprise du commerce mondial à partir du printemps 2009. 2. La thèse érronée du découplage
2. Les exportations de la Chine ont reculé de 80 milliards de US$ durant la première récession, mais la balance commerciale est positive.
Le commerce intraregional est important pour certains pays d’Asie mais pas tellement pour la Chine
De plus, il n’y a pas d’intégration commerciale croissante entre la Chine et l’Asie de l’est et du sud-est
2. La thèse du découplage est erronée L’augmentation rapide du partage international de la production, appelée aussi « chaîne de production internationale » constituée et dirigée par les firmes multinationales en Asie de l’est et du sud-est a renforcé la dépendance de l’Asie envers les marchés du reste du monde. Les pays d’Asie de l’est et du sud-est exportent des biens intermédiaires vers la Chine qui les assemblent puis exporte les produits finis vers le reste du monde. On peut juger de l’importance du phénomène en observant le poids des biens intermédiaires dans le commerce des biens manufacturiers. 2. La thèse du découplage est erronée
2. La thèse du découplage est erronée La part des composants et pièces détachées dans les importations des pays d’Asie de l’est et du sud-est (commerce intra-régional) représentait 51,7% en 2006-07… … alors que pour l’Accord de Libre-échange de l’Amérique du Nord (ALENA) elle est de 36,3% et pour l’Union Européenne à 15 de 22,1% seulement. Cela explique pourquoi quand les exportations manufacturière de la Chine chutent, les exportations de l’Asie de l’est et du sud-est sont immédiatement affectées. Par conséquent, il n’y a pas encore de découplage, et pour qu’il y en ait un, un rééquilibrage massif de la croissance de long-terme de la Chine est nécessaire. Source: Prema-Chandra Athukorala and Archanun Kohpaiboon (2010). 2. La thèse du découplage est erronée
2. Le débat sur le rééquilibrage de la croissance Dans ce qui va suivre, on va se concentrer sur la Chine, du fait de son importance, mais nos conclusions pourraient aussi s’appliquer à plusieurs pays d’Asie dont la croissance est tirée par les exportations La croissance de la Chine est très déséquilibrée en faveur de l’investissement et des exportations nettes et aux dépens de la consommation des ménages. La part de la consommation dans le PIB de la Chine est très faible et la part de l’investissement est extrêmement élevée (voir les graphiques). 2. Le débat sur le rééquilibrage de la croissance
La très faible part de la consommation des ménages s’explique par le déclin de la part des revenus du travail dans le revenu national
Les inégalités de revenus aggravent le problème Source: National Bureau of Statistics, China Statistical Yearbook, Beijing, Les inégalités de revenus aggravent le problème
Les inégalités de revenus seraient en réalité bien plus élevées Une recherche indépendante réalisée par Wang Xiaolu de la « Fondation pour la réforme de la Chine » commandée par le Crédit Suisse montre pour l’année 2008 que le revenu disponible des 10% des ménages les plus riches serait trois fois plus élevé que l’estimation officielle. En zone urbaine, l’écart entre le revenu des ménages les plus riches et le revenu des ménages les plus faibles serait de 26 contre 9 selon l’estimation officielle. En zone urbain et rurale, l’écart serait de 65 contre 23 selon l’estimation officielle. Les inégalités de revenus seraient en réalité bien plus élevées
Les inégalités de revenus seraient en réalité bien plus élevées Les « revenus de l’ombre » proviendraient principalement de la corruption et du détournement des ressources publiques. Ces « revenus de l’ombre » pourraient représenter jusqu’à 15% du PIB selon l’étude du Crédit Suisse. Même s’ils ne représentaient que la moitié, 7,5% du PIB, cela révèlerait une répartition du revenu national beaucoup plus inégale que ne l’indique les chiffres officiels. Les inégalités de revenus seraient en réalité bien plus élevées
Les inégalités de revenus aggravent le problème Quelles conséquences pour la consommation? Les riches ont une propension à consommer beaucoup plus faible que les pauvres. Selon Wang Xiaolu, les ménages qui gagnent plus de RMB 400 000 épargnent 63% de leur revenu. Ceux qui gagnent entre RMB 7-10 000 épargnent seulement 9% de leur revenu, et ceux qui gagnent moins empruntent. Or, l’essentiel des revenus de l’ombre vont aux riches qui épargnent beaucoup. Cela signifie aussi que le taux d’épargne est probablement plus élevé et la part de la consommation dans le PIB plus faible que le montrent les statistiques officielles, peut être 31% selon Wang Xiaolu, ce qui est extrêmement faible. Les inégalités de revenus aggravent le problème