Le signalement de maltraitances Une obligation juridiquement encadrée
Rappel: une définition large de la maltraitance « tout acte violent de nature à entraîner, ou risquer d’entraîner, un préjudice physique, sexuel ou psychologique; il peut s’agir de menaces, de négligences, d’exploitation, de contrainte, de privation arbitraire de liberté, tant au sein de la vie publique que privée » ONU
Précisions et nuances L’atteinte à l’intégrité physique ne signifie pas qu’il faille caractériser un contact physique entre l’agresseur et sa victime: le simple fait de menacer quelqu’un avec un couteau caractérise le délit de violences volontaires avec arme. Les circonstances aggravantes: lorsque les actes sont commis sur des personnes vulnérables, c’est-à-dire sur un mineur de moins de 15 ans, sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de l’auteur, sur un ascendant légitime, naturel ou adoptif.
Le cas particulier des violences sexuelles Les agressions sexuelles et l’inceste: Viol: tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte ou surprise. C’est un crime. Les attouchements sont des délits. Mêmes circonstances aggravantes.
Les textes Article 434-1,al 1, CP: le fait pour quiconque ayant connaissance d’un crime dont il est encore possible de prévenir ou de limiter les effets, ou dont les auteurs sont susceptibles de commettre de nouveaux crimes qui pourraient être empêchés, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives est puni de 3 ans d’emprisonnement et de 45000 € d’amende.
Les textes Article 434-1, al 1, CP: le fait pour quiconque ayant eu connaissance de privations, de mauvais traitements ou d’atteintes sexuelles infligés à un mineur de moins de 15 ans ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d’une maladie, d’une infirmité, d’une déficience physique ou psychique ou d’un état de grossesse, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives est puni de 3 ans d’emprisonnement et de 45000 € d’amende.
Le signalement: un acte citoyen obligatoire Le Code pénal impose à tous ceux qui en sont informés (pas seulement aux professionnels) de dénoncer les faits dont ils auraient connaissance. Le signalement doit être adressé à l’autorité judiciaire, en pratique par priorité au procureur de la République du lieu des faits. Il est admis que l’information puisse aussi être adressée au juge des enfants (s’agissant d’un mineur), au juge des tutelles, ainsi qu’aux autorités administratives ( président du CG, DDASS, maire…
En cas d’urgence S’adresser au parquet, y compris par téléphone. L’intérêt de saisir le parquet est que le procureur de la République peut immédiatement prendre une mesure de protection s’il s’agit d’un mineur, et saisir les services de police et de gendarmerie qui procéderont à une enquête.
Lettre type de signalement Nom, prénom, nom de la structure, profession et fonctions exactes, adresse professionnelle, téléphones professionnel et personnel, À Tribunal de Grande Instance, Monsieur le procureur de la République, adresse, Lieu, date
Lettre type de signalement (suite) Objet: signalement de la situation de XYZ, personne (mineur) en danger, Par courrier recommandé AR et télécopie, Monsieur le Procureur, dans le cadre de mon activité professionnelle, j’ai l’honneur de porter à votre connaissance les faits suivants, à toutes fins que vous apprécierez:
Lettre type de signalement (suite) Procéder à une narration synthétique et aussi objective que possible des faits, soit par exemple, communiquer: Le cadre dans le quel la personne est confiée, Si les faits ont été portés à votre connaissance de façon directe ou non ( par un autre salarié, préciser qui), Les éléments objectifs appuyant votre dénonciation (traces de coups, problèmes de comportement inhabituel, manque d’appétit, mutisme soudain…), Un éventuel certificat médical de constat des coups (aussi précis que possible et encore mieux accompagné de photos), La possibilité pour la personne de donner des indications sur son agresseur.
Lettre type de signalement (fin) L’état civil précis de la personne (nom, prénoms, date et lieu de naissance), Les parents de la personne sont domiciliés: (adresse), Je vous informe que j’adresse copie de la présente (à mon employeur, au conseil général…) Je suis à votre disposition pour compléter votre information, … Nom, prénom, signature
Prévenir l’employeur: utile mais pas suffisant L’employeur n’est pas une « autorité administrative », Le salarié a intérêt à informer son employeur de la situation, et du signalement, Mais il ne doit pas se contenter de cela si son employeur s’oppose à toute information de l’autorité administrative ou judiciaire, L’information de l’employeur n’exonère pas le salarié de sa responsabilité pénale, L’employeur qui, informé par son salarié, ne signale pas, engage sa responsabilité pénale, Le signalement peut être fait sous double signature.
La protection du salarié qui signale L’employeur ne peut pas prendre de sanctions disciplinaires à l’encontre d’un salarié qui signale (article 48 loi 2002-2). Aucune sanction disciplinaire ne peut être prononcée du fait de signalement de sévices par le médecin aux autorités compétentes…(loi du 17 janvier 2002).
Le secret professionnel: une limite restreinte Être obligé de dénoncer n’est pas de assimilable à de la délation: il est admis que celui qui dénonce des faits n’est pas contraint de dévoiler l’identité de l’auteur présumé, Ce qui doit conduire les professionnels à la vigilance: en cas de manquement à l’obligation de signaler, il ne sera pas possible de se retrancher derrière l’incertitude de la réalité des faits, ni derrière celle de l’identité de l’agresseur, ni derrière la difficulté de devoir continuer sa mission éducative après le signalement etc.
Le secret professionnel (suite) La seule limite admise à l’obligation de signalement est le secret professionnel, Articles 434-1 al 3 et 434-3 al 2 du CP, qui exemptent les personnes astreintes au secret professionnel au sens des articles 226-13 et 226-14 du CP, Mais: Le délit de violation du secret professionnel ne peut pas être reproché à celui qui signale, Ces dispositions ne sont pas applicables à celui qui intervient dans le cadre d’un mandat d’un juge, Le délit d’omission de porter secours peut être retenu contre une personne qui, par son silence, n’a pas permis de mettre une victime hors d’atteinte de son agresseur.
précautions S’abstenir de procéder soi-même à des vérifications ou investigations, pour ne pas gêner l’enquête, En cas de suspicion de viol, ne pas laver la victime, ni ses vêtements, Il n’y a pratiquement pas de risque d’être poursuivi pour diffamation ( procédure très complexe et prescription au bout de 3 mois), Il n’y a pas non plus de risque d’être poursuivi pour dénonciation calomnieuse ( il faut que soit établie la preuve de la mauvaise foi du dénonciateur), Dans la pratique: en parler avec les collègues… Serait-ce là que les difficultés commencent?