La réunification de la République de Moldavie et de la Roumanie : aperçu historique et perspectives  Ana GUTU Docteur ès-lettres ULIM La Maison Roumaine en collaboration avec la Plateforme Unioniste « Action 2012 » (Filiales de la Diaspora)

Sujets abordés: Bref historique sur la Moldavie. Les trois réunifications historiques du Pays Roumain. La période de la Roumanie Grande 1918-1940; 1941-1944. Confusion linguistique et identitaire en RM – source de combat politique et manipulation des mentalités sociales. Tableau politique actuel en RM. Perspectives pour la réunification de la République de Moldavie avec la Roumanie. Le rôle de la diaspora roumaine.

BrEF historique SUR LA MOLDAVIE

1359 – première attestation du nom MOLDOVA – creux poussiéreux, mine; 1359-1859 – principauté de Moldova / Moldavie; langues - le slave, le latin, le grec, le roumain; Etienne le Grand, prince régnant de la Moldavie Médiévale (1433-1504), règne – 1457-1504; A mené des combats contre des voisins puissants tels la Porte Ottomane, le Royaume de Pologne, le Royaume de la Hongrie; A érigé des églises et des monastaires qui sont inclus aujourd’hui dans le patrimoine culturel universel; Surnommé par le Pape Sixtus IV « Athleta Christi »

Mihai le Brave (1558-1601) Il réalise la réunification de la Transylvanie, de la Munténie et de la Moldavie en un seul pays, il fut le premier prince régnant du Pays Roumain Unifié; Même si cette première réunification du pays Roumain fut exceptionnelle, elle ne bénéficia pas d’un contexte externe favorable: ni la Porte, ni l’Empire Hongrois, ni la Pologne n’était pas d’accord avec la naissance d’une nouvelle puissance en Europe. Mihai le Brave fut assassiné par le général Basta, envoyé par Rudolph II, l’empereur des habsbourgeois.

Protectorat turc, hongrois et russe Plus loin la principauté Moldave devient dépendante de la Porte Ottomane, au XVII - XVIII-e siècle on atteste la diminution de l’autonomie de la principauté. En commençant par 1775 la Porte cède la Bucovine à l’Empire Hongrois; En 1812 la Porte cède à la Russie une partie de la principauté moldave, qu’ils ont appelées la Bessarabie, selon le nom d’un des princes régnants du Budjac, sud de la principauté, Basarab 1-er.

Le 16 mai 1812 la Russie annexe la Bessarabie 1812 – une partie de la Principauté de la Moldavie est annexée par la Russie Tsariste (le Traité de Bucarest) – sous le nom de la Bessarabie; Durant le XIX-e siècle 90% de la population ne savait ni lire ni écrire; La population fut soumise à une politique dure de dénationalisation via les églises, l’administration, les écoles; Les roumains de la Bessarabie n’avait pas le droit à la confession orthodoxe en langue roumaine; Les prêtres orthodoxes venus de Russie ont commencé après 1850 à russifier les noms de la population autochtone; En 1864 parait l’édition de la Bible en langue dite « moldave »;

1859 – la réunification des Principautés Roumaines Election d’Alexandru Ioan Cuza en tant que Prince Régnant des deux principautés – La Moldavie et le Pays Roumain; Alexandru Ioan Cuza est le fondateur de l’Etat Roumain Moderne; Contexte interne favorable – esprit populaire favorable à la réunification des réunions ad-hoc étaient organisées pour voter la réunification, malgré des mouvements séparatistes clairs; Contexte externe favorable à la réunification formelle – l’agrément des pays européens tels que la France, la Prusse, après la guerre de Crimée (la Convention de Paris de 1958);

Le 27 mars 1918; ensuite le 1 décembre 1818 -1940 – Unification de la Bessarabie avec la Roumanie Le parlement de la Bessarabie – Sfatul Tarii – vote la réunification de la Bessarabie avec la Roumanie. Résultat du vote: 86 pour, 3 contre, 35 abstentions, 13 députés absents. Le président français Raymond Poincaré salua la réunification.

1918-1940 – véritable projet roumain de modernisation de la Bessarabie Avant 1918 - aucune école roumaine en Bessarabie; vers 1939 – 2718 écoles furent ouvertes; 20576 entreprises privées furent lancées; 3 aéroports furent construits; Des réseaux de chemin de fer furent bâtis; Quelques nouvelles banques ont été ouvertes en Bessarabie;

Brève incursion historique 1924 – création de la RASSM – l’actuelle région sécessionniste de Transnistrie – la langue moldave en base de l’alphabet cyrillique 1940 – occupation soviétique par l’URSS, perte du sud de la Bessarabie qui passe à l’Ukraine 1941 – 1944 – re-intégration avec la Roumanie – le roumain 1944 -1989 – occupation soviétique –langue moldave en base de l’alphabet cyrillique 1989 – nouvelle législation linguistique – utilisation du syntagme – la langue moldave en base de l’alphabet latin 1991 – Déclaration d’Indépendance, document juridique et politique fondateur de l’actuelle République de Moldavie

La Roumanie Grande entre 1941-1944 Le Maréchal Ion Antonescu – ré-intégrateur de la Bessarabie dans la Roumanie lors de la Seconde Guerre Mondiale. Régime relâché pour la population de la Bessarabie entre 1941-1944 A présent – interprétation différente du rôle du maréchal dans l’histoire à cause des pogrom des juifs .

1944 -1989 – occupation soviétique 1946-47 – La famine organisée par le régime soviétique communiste, 300 000 morts; 1941, 12-13 juin et en 1949, le 6 juillet – environ 55 000 personnes déportées en Sibérie;

Confusion linguistique et identitaire en RM – source de combat politique et manipulation des mentalités sociales.

Passage à l’alphabet cyrillique En 1944 avec l’occupation soviétique dans les écoles du jour au lendemain on passa de l’alphabet latin à celui cyrillique. Toute une littérature idéologiquement engagée prit naissance, elle faisait des éloges au régime communiste. Toute tentative de rétablir des liens entre la Roumanie et la RSSM était persécutée par la KGB. Le roumanisme fut exilé dans les cercles intellectuels, parmi les poètes, les philosophes.

Révolution des poètes 1989 Le 31 août 1989 sous la pression de la foule le Soviet Suprême de la RSS Moldave a adopté la loi sur le fonctionnement des langues sur le territoire de la RSSM qui instituait le passage à l’alphabet latin de la langue moldave – résultat de l’activisme civique de l’Union des Ecrivains Cette loi instituait le bilinguisme moldave-russe. 1991 – proclamation de l’indépendance de la République de Moldavie. La Roumanie fut le premier pays à reconnaitre l’indépendance de la RM.

La guerre de Nistru (Dniestr) En 1992 une guerre éclata dans la région de la rive gauche du fleuve Nistru (Dniestr) à cause des animosités liées à la déclaration d’indépendance de la RM, à cause aussi de la législation linguistique. Après le traité signé avec la Russie, l’armée russe resta en tant que garant dans la zone sécessionniste (20 000 tonnes d’armements). L’ainsi dite Transnistrie est connue à présent comme une zone d’insécurité, où l’on blanchit l’argent, on fait du trafic d’armements et de personnes. La Russie appuie financièrement cette zone séparatiste, le régime de Tiraspol est un régime pro-russe, avec une population nostalgique du régime soviétique. Démographie de la zone séparatiste: 33% Ukrainiens, 33% Russses, 33% Moldaves.

La République de Moldavie à la recherche de son identité www.moldova.ru? www.moldova.ro? www.moldova.eu ?

Confusion identitaire Cette confusion a des racines linguistiques : la langue roumaine est appelée « moldave » dans l’article 13 de la Constitution de la République de Moldova. L’identité du citoyen moldave s’avère être soit dédoublée, soit brisée: certains disent qu’ils parlent roumain mais ils sont des moldaves; certains disent qu’ils parlent roumain et qu’ils sont des roumains (des unionistes); certains disent qu’ils parlent moldave et qu’ils sont moldaves (molddovénistes). Il y en a qui disent qu’ils parlent russe, gagaouze, ukrainien etc et qu’ils sont soit des Russes, des Gagauzes, des Ukrainiens, soit des moldaves.

Structure ethnique de la population en % - recensement 2004

La nostalgie de l’URSS La pauvreté de l’esprit, cultivée durant les 70 ans d’occupation soviétqiue, est difficile a être évincée des mentalités sociales.

Langue et pouvoir „... …le rapport à la langue est politique. Cela n’est peut-être pas sensible dans un pays historiquement et culturellement « tassé » comme la France : la langue n’est pas ici un thème politique ;…dans des pays moins nantis, le rapport à la langue est brûlant… Il manque une théorie politique du langage, une méthodologie qui permettrait de mettre à jour les processus de l’appropriation de la langue…quelque chose comme le Capital de la science linguistique ; … cette théorie (politique) devra notamment décider où s’arrête notamment la langue et si elle s’arrête quelque part ” (R.Barthes).

Rapports langue et pouvoir pouvoir culturel pouvoir social pouvoir politique pouvoir économique langue

La langue est un dialecte qui a une armée et une flotte Métaphores La langue est un dialecte qui a une armée et une flotte Louis Hubert Gonzalve Lyautey 1854-1934, maréchal de France,  gouverneur de Maroc, élu académicien à l’Académie Française en 1912 avec 27 voix, fauteuil 14

La coercition de la langue la coercition de la langue consiste dans l’imposition des attitudes, des comportements et des visions par le biais de la langue La coercition du russe s’est manifesté dans son statut de langue de communication dans une fédération de 15 républiques au sein de laquelle le russe est devenu la langue officielle de l'Union, sans que ce principe n'ait jamais été reconnu dans la Constitution soviétique.

Monopol et chantage politique « Mais, de quelle parité pouvons-nous parler, quand en échange de la conclusion du contrat pour la livraison des gaz russes vers la RM, source énergétique unique de la République de Moldavie, les officiels de la FR dans la personne du ministre Novac, exigent à la RM de dénoncer le Traité énergétique Européen ? La compagnie Gazprom est devenue une véritable arme économique contre les pays qui ne veulent pas accepter la manière de penser de la FR. » (Discours de Mme Ana Gutu, sur le rapport Fonctionnement des institutions démocratiques en Fédération de Russie, le 2 octobre 2012, session APCE, Strasbourg, France)

La revolution Twitter – le 7 avril 2009

Tableau politique actuel en RM

Formation d’une alliance pro-européenne après 2009 En juillet 2009 après les élections parlementaires anticipées une alliance pro-européenne formée de 3 partis a été créée – PLDM, PL, PD, elle s’est engagée sur la voie de l’approchement des valeurs et des standards européens. La gouvernance en coalition s’est avérée très difficile et instable – manque d’expérience, immaturité politique, ambitions démesurées. Deux crises politiques profondes se sont déclenchées – impossibilité d’élection du président et chute du gouvernement en 2013 votée avec les communistes par un des partis de la coalition pro-européenne. En dépit de ça – la RM a accompli ses engagements liés au plan d’action avec l’UE visant la libéralisation des visas et a signé à Vilnius l’Accord d’Association avec l’UE, accord qui a été ratifié par le parlement en juin 2014.

Situation politique en RM 2015 Après les élections parlementaires du novembre 2014 un gouvernement minoritaire s’installe – par refus du Parti Libéral de faire parti de la coalition. Le parti communiste a perdu une partie majeure de ses votants qui ont migré vers un parti socialiste pro-russe et un parti populiste né récemment. Au parlement il n’y a pas de majorité parlementaire stable, les communistes participent de manière non-déclarée à la gouvernance. Les manigances financières autour de la banque populaire qui ont causé une hémorragie d’un milliard d’Euros ont déclenché des manifestations de protestation contre le gouvernement.

Risques géopolitiques Ralentissement des réformes internes y compris celle de la justice, fait lié au manque de volonté politique, mais aussi à la politique de l’UE de non-élargissement les 5 années à venir. Situation régionale fragile, favorable à l’escalade de la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine vers la région sécessionniste de la Transnistrie. La montée du mécontentement des citoyens et possible organisation d’un « Maidan » moldave, causé par le vol du milliard d’Euros dans lequel certainement sont impliqués des politiciens faisant partie de la coalition actuelle.

Perspectives pour la réunification de la République de Moldavie avec la Roumanie. Le rôle de la diaspora roumaine.

L’Unionisme idée nationale ou doctrine politique? L’unionisme est revenu dans l’espace public après 2009 – quand la presse est devenue libre (conventionnellement parlé). Le Parti National Libéral gagne en 2012 dans les instances judiciaires un procès contre le ministère de la justice, qui refusait enregistrer le changement dans les statuts du parti lié à la stipulation claire et nette visant la réunification de la RM avec la Roumanie – la voie pour des partis politiques prônant ouvertement la réunification avec la Roumanie est dès lors ouverte. Pour le moment c’est l’unique parti politique qui a dans ses statuts la clause de la réunification de la RM avec la Roumanie.

L’Unionisme comme idée nationale des Roumains Selon les sondages sociologiques, 75% des Roumains de la Roumanie seraient favorables à la réunification avec la République de Moldavie. En RM les chiffres sont beaucoup plus modeste – de 15 à 25%. L’idée de la réunification des deux états roumains n’a pas constitué une priorité claire dans les programmes des partis politiques en Roumanie et en RM, elle reste une idée au niveau du romantisme intellectuel dans les deux pays et souvent est exploitée dans des buts électoraux sans y accorder des issues pragmatiques, qui feraient l’objet d’une stratégie et d’un plan d’actions concrètes avec un échéancier adapté à la réalité.

Les ONG unionistes – la jeune génération en action Actiunea 2012 – président George Semion.(Roumanie) Tinerii Moldovei – président Dinu Plangau. (RM) Actions menées – sensibilisation de la population au sujet de la nécessité de la réunification des deux états roumains; lobby auprès des parlements des deux pays; déroulement des projets culturels et économiques afin de rendre très pragmatique l’idée de la réunification.

Premier Congrès de la Diaspora Unioniste Déroulement – le 3-5 avril 2015, Palis du Parlement, Bucarest, Roumanie. Environ 150 participants venus de la diaspora roumaine de différents pays d’Europe et Amérique du Nord, des parlementaires roumains, des hommes de culture, journalistes. Buts: formuler une stratégie et un plan d’actions afin de diffuser le plus largement possible l’idée de la nécessité de la réunification des deux pays roumains – la Roumanie et la République de Moldavie.

Que devrait faire la diaspora roumaine pour accomplir l’idéal national roumain? Réaliser l’unification des associations de la diaspora roumaine et moldave, ou, au moins, assurer la collaboration étanche entre elles. Assumer le rôle des messagers via la diplomatie populaire de l’idéal national roumain – la réunification des deux pays – la RM et la Roumanie. Transmettre des signaux forts dans l’intérieur des deux pays en faveur de la réunification, car la diaspora assure un pourcentage important dans le PIB (en RM – 30% du PIB). Mener des actions concrètes par le biais des projets y compris européens, qui représenteraient des investissements dans l’infrastructure de la RM, dans les institutions scolaires et culturelles etc.

Pour quand la réunification de la RM avec la Roumanie? Deux scénarios: Scénario rapide, mais douloureux: Escalade de la guerre d’agression de la Russie vers la RM – dans ce cas la Roumanie ne restera pas les bras croisés et la réunification s’effectuera très vite dans des conditions de pression. Scénario lent: Création d’une masse critique en RM, capable de promouvoir et réaliser la réunification via une entente populaire très large qui exercera une pression forte sur la classe politique.

Merci de votre attention! Ana GUŢU agutu@ulim.md www.anagutu.net

sources Ana Gutu, Les pouvoirs de la langue, Chisinau, 2014. Ana Gutu, Confusio identitarum, 2011. Dan Dungaciu, http://www.timpul.md/articol/jandarmul-roman-de-ieri-si- birocratul-roman-de-azi-7093.html