Energie et mobilité: la transition Alexandre Rojey Mesdames et messieurs bonsoir, François Chéry nous a présenté un panorama très complet de l’évolution de la mobilité. Avant la discussion je vais essayer d’apporter quelques éléments complémentaires concernant la transition qui doit intervenir dans les années à venir dans les domaines de l’énergie et la mobilité.
Energie, transports: enjeux et alternatives de demain Les enjeux de la mobilité Transition énergétique et mobilité La mobilité de demain Je vais tout d'abord situer les enjeux de la mobilité et les raisons pour lesquelles l’avenir de la mobilité est étroitement lié à celui de l’énergie. Je parlerai ensuite des conditions dans lesquelles peut s’effectuer la transition énergétique, qui va conditionner nos choix en matière de mobilité. Je présenterai enfin les perspectives d'avenir dans le secteur de la mobilité et des changements auxquels nous pouvons nous attendre . IDées, 8 février 2011
Les enjeux de la mobilité Croissance des besoins Dépendance au pétrole Risques d’approvisionnement Réchauffement climatique Chacun de nous aspire à devenir de plus en plus mobile, mais assurer cette mobilité va devenir de plus en plus difficile dans l’avenir. Il va falloir répondre à des besoins toujours croissants, dans un contexte de forte dépendance des transports vis-à-vis du pétrole, avec les problèmes que cela pose en termes de risques d’approvisionnement et de réchauffement climatique. IDées, 8 février 2011
Croissance des besoins de mobilité La distance moyenne parcourue par habitant dans le monde a été multipliée par un facteur proche de 5 en un siècle. Elle atteint actuellement 18 km par jour, soit plus de 6500 km par an, dont actuellement près de la moitié en voiture. En France , elle est passée de 5 km en 1950 à 45 km en 2005. IDées, 8 février 2011
Croissance de la demande mondiale énergie / transports En outre les besoins de transport augmentent la démographie. La population mondiale devrait passer de 6 milliards d'habitants à plus de 8 milliards d'habitants d'ici 2030 et à environ 9 milliards d'habitants en 2050. On est ainsi passé de 220 millions de véhicules en 1970 à 660 millions en 2000. On en est actuellement à environ 1 milliard et on en prévoit près de 2 milliards d’ici 2030. La part des transports dans la consommation d’énergie augmente constamment, tandis que la consommation d’énergie augmente également, avec l’augmentation de la population mondiale, qui devrait faire passer la consommation d’énergie de 1 tonne et demi d’équivalent pétrole à près de 2 tonnes en 2030. Le transport représente dans le monde 28% de la consommation d’énergie, 32 % en France, mais surtout il représente près de 55% de la consommation de pétrole, dont les transports routiers et aériens dépendent presque totalement. IDées, 8 février 2011
Une demande tirée par transports et électricité* La demande est tirée par la progression des secteurs du transport et de l'électricité, qui représentent une part croissante de la consommation d'énergie. En outre les transports routiers et aériens dépendent de manière quasiment exclusive des carburants pétroliers. Alors que les transports consomment environ 20% de l’énergie, ils consomment près de 60% du pétrole produit. Part électricité + transport 41,0% 50,9% 54,9% 56,3% 58,6% * scénario de référence AIE IDées, 8 février 2011
Production de pétrole brut et de condensats * Mb/j Bruts conventionnels Autres Biocarburants Condensats and LPG Huile extra-lourde 40 50 60 70 80 90 100 110 2005 2010 2015 2020 2025 2030 Huiles extra-lourdes Condensats + GPL Autres: GtL, CtL, réduction d’autoconsommation Face à cette progression de la demande, on se trouve confronté à la difficulté croissante d'assurer l'offre correspondante. Ce diagramme présente la vision de Total concernant les approvisionnements futurs en pétrole. Ce diagramme fait apparaitre un plafond de production, brut + condensats, de 95 Mb/j, qui serait atteint dès 2020. * : source TOTAL IDées, 8 février 2011
Les défis à relever: Émissions de CO2 (tonnes de carbone par an) L'Union Européenne s'est assignée comme objectif de ne pas dépasser une élévation totale de température de 2°C. Ceci implique de limiter à 550ppm d'équivalent CO2 la teneur en gaz à effet de serre , ce qui correspond à 450 ppm pour le seul CO2. Pour cela, il faudrait stabiliser les émissions de CO2 à partir de maintenant, en restant au niveau de 7 milliards de tonnes de carbone émis, c'est à dire environ 26 milliards de tonnes de CO2, alors que le scénario de référence prévoit un doublement de ces émissions d'ici 2050. Étant donné qu'au début les émissions de CO2 vont continuer à monter, cela signifie qu'il faudra viser en 2050 un niveau d'émission plus faible pour compenser cet accroissement initial. C'est la raison pour laquelle on estime que les émissions de CO2 devront être divisées par 2 d'ici 2050. Compte tenu de la nécessité pour les pays en développement d'améliorer leur niveau de vie, l'effort à accepter dans les pays industrialisés est encore plus important, d'où le facteur 4 de réduction que la France s'est assignée pour 2050. Les transports représentent un peu moins de 20% des émissions de CO2 dans le monde, en France le tiers environ. 2005 IDées, 8 février 2011
Répartition de la fourniture d'énergie primaire 0,7% 2,2% 10,0% 5,8% L'alternative est de passer à des énergies non carbonées, nucléaire et renouvelables. En pratique, il s'avère que ce changement ne peut pas être immédiat. En effet, il faut voir que les alternatives qui pourraient progresser le plus rapidement dans l'avenir ne représentent qu'une part très faible de la fourniture totale d'énergie. Le nucléaire représente 16% de la fourniture mondiale d'électricité et seulement 6% environ de la fourniture d'énergie primaire. Le solaire et l'éolien ne représentent que 0,7% de cette fourniture. La biomasse fournit 10% environ de cette énergie, mais en fait elle est largement utilisée dans des pays du tiers monde dans des conditions qui sont souvent loin d'être vraiment satisfaisantes 81,3% Source: AIE (WEO 2010) – Chiffres 2008 IDées, 8 février 2011
Durée de la transition énergétique % 100 100 Énergie non fossile 50 50 L'évolution au cours du temps de la fraction d'énergie non fossile par rapport à la fourniture totale d'énergie se présente sous la forme générale d'une courbe en S. En traçant une telle courbe, on s'aperçoit que pour inverser le ration énergie non fossile sur énergie fossile d'ici la fin du siècle, il faudrait que les énergies non fossiles assurent 50% de l'offre en 2050. Or dans toutes les prévisions, y compris les plus volontaristes, on en est loin et les valeurs les plus élevées se situent entre 30 et 40%. Dans ces conditions, la transition énergétique ainsi définie devrait se poursuivre au moins jusqu'à la fin du siècle. La situation demande toutefois des mesures urgentes, notamment pour faire face au changement climatique. Il va donc falloir mettre en oeuvre un plan d'actions spécifique de la période de transition. 2000 2050 2100 IDées, 8 février 2011
Les quatre leviers de la transition énergétique Capter et stocker le CO2 émis XTL + CSC Electricité + CSC Axe carbone Réduire la consommation d'énergie Limiter les déplacements Réduire le poids du véhicule Améliorer le rendement Diversifier les sources d’énergies fossiles GNV, GPL XTL Axe énergie Sur quels leviers pouvons-nous nous appuyer? Nous devons raisonner selon deux axes, un axe énergie: il faut pouvoir assurer la fourniture d'énergie qui est indispensable au développement de la planète. Il faut le faire en limitant les émissions de CO2 et il faut donc également raisonner selon un axe carbone. Un premier levier absolument prioritaire consiste à réduire la consommation d'énergie. De cette façon, il devient plus facile d'assurer l'offre correspondante et en même temps, on réduit les émissions de CO2, ce qui est particulièrement intéressant. Il faut également chercher à réduire le contenu carbone de l'énergie consommée, en développant l'utilisation d'énergies non fossiles. Compte tenu des délais nécessaires pour augmenter significativement la part de ces énergies non fossiles, il sera tout de même nécessaire d'assurer des approvisionnements en énergies fossiles dans des conditions maîtrisées. Dans ces conditions, pour arriver à boucler le bilan carbone, il faudra, au moins au cours de la phase de transition caper et stocker une partie du CO2 émis. Réduire le contenu carbone de l'énergie Biocarburants Nucléaire Electricité Renouvelables Hydrogène IDées, 8 février 2011
Réduction des émissions de CO2 des véhicules en Europe Dans le domaine du transport, l'objectif visé au sein de l'Union Européenne est d'arriver à un niveau d'émissions de 130g / km pour les automobiles d’ici 2012-2015, en partant d'un niveau de l'ordre de 180, puis 95 g / km d’ici 2020. Cet objectif sera difficile à atteindre, en particulier pour les véhicules à essence. On voit qu’en France, l’évolution suivie répond assez bien à cet objectif, mais qu’au niveau Européen, il parait peu probable que l’on y arrive, notamment en raison de la situation en Allemagne où les grosses cylindrées consomment sensiblement plus de carburant. hybride IDées, 8 février 2011 Source: CCFA
Transition énergétique: Energies alternatives pour la propulsion GNV, GPL Solution de transition, intéressante pour les pays producteurs Difficultés de distribution XTL (GTL, CTL) Coûts élevés Forte pénalité carbone Biocarburants Disponibilité biomasse Energies bas carbone (nucléaire, renouvelables) Passage par vecteur d’énergie: Electricité Hydrogène Aucune des solutions alternatives pour alimenter la propulsion ne s’impose instantanément. Toutes présentent des difficultés et inconvénients. Si l’on veut passer à l’utilisation d’énergie à bas niveau carbone, il va falloir recourir à des vecteurs énergétiques, qui peuvent être produits à l’aide de telles sources alternatives, c’est-à-dire l’hydrogène et l’électricité. L’hydrogène peut constituer à long terme une solution intéressante pour l’avenir pour l’aviation. Dans le domaine de l’automobile les obstacles à franchir paraissent très importants et il n’apparait pas encore certain qu’ils pourront être surmonté. Reste l’électricité, qui rencontre un très grand intérêt, mais qui reste handicapée, comme la montré François Chéry, dans le cas des automobiles par la quantité d’énergie limitée que l’on peut stocker dans une batterie. Par contre, bien sûr le transport guidé par rail est déjà très largement électrifié. IDées, 8 février 2011
Un scénario prospectif pour la mobilité de demain Transition vers des énergies bas carbone Développement de la propulsion électrique et de la route électrique Nouvelles conceptions de la mobilité à partir de l’économie numérique ( mobilité 2.0 ) Evolution vers des véhicules à conduite automatisée (cyber car) Passage par des étapes de transition En fonction de toutes ces remarques, je vais à présent me risquer à présenter un scénario de transition. Vous aurez bien sûr toute l’opportunité pour réagir. Ce scénario est basé sur les points suivants Transition vers des énergies bas carbone Développement de la propulsion électrique et de la route électrique Nouvelles conceptions de la mobilité à partir de l’économie numérique ( mobilité 2.0 ) Evolution vers des véhicules à conduite automatique (cyber car) Passage par des étapes de transition IDées, 8 février 2011
La première autoroute à stations de recharge électriques Voici une photo d’une première autoroute équipée de stations de recharge électrique . Elle relie l’Etat d’Oregon aux Etats-Unis au Canada. Elle va être équipée de trois stations de recharge électrique, placées à 130 km de distance et qui seraient capables de recharger une batterie à 80% en 1/2h. . IDées, 8 février 2011
La route électrique Les chercheurs du KAIST en Corée du Sud ont étudié un concept de route électrique, consistant à équiper 20% de la longueur des routes de bandes conductrices à induction. Typiquement 20km de la longueur de route serait équipée tous les 100 km, les 80km non équipés étant franchis à l'aide de la batterie qui équipe le véhicule. Cette solution parait astucieuse, dans la mesure où la batterie parait de toutes façons indispensable. Ils ont déjà expérimenté le système avec des voitures de golf et comptent à présent l'expérimenter avec un autobus. Cette solution permet de régler le problème de recharge des batteries et de lever la limitation sur l’autonomie des véhicules électriques. La densité de flux magnétique obtenue se situe entre 20 et 50 mG (Gauss) à 20kHz, au dessous la limite fixée par la Commission Internationale sur la Protection vis à vis des rayonnements non ionisants. Le rendement de transmission dépend de l'entrefer. Ils ont initialement trouvé 80 % pour 1 cm et de 60% pour 12 cm. Ils seraient arrivés à faire remonter l'efficacité de transmission à 72 % avec 17cm, ce qui est considéré comme un progrès décisif par Cho Dong Ho, le responsable du programme. Ils ont estimé l'investissement à 318000 $ par kilomètre. En Allemagne,la compagnie IAV étudie une technologie similaire. Ils affirment que le rendement de transmission est de 90 %, mais ceci réclame un entrefer très réduit (non précisé). Aux USA, un système de guidage automatique d'autobus par des bandes magnétiques placées dans le sous-sol a été étudié dans le cadre du programme PATH à l'université de Berkeley. IDées, 8 février 2011
La mobilité à l’ère numérique Télé-travail / télé-réunions « Réinvention » des moyens de transport Metrobus, covoiturage, Velib’, Autolib’ Révolution informationnelle: Mobilité 2.0 Modes de transport interactifs, autopartage Systèmes de Transport Intelligents / Véhicules à conduite automatisée A l’ère numérique, la conception de la mobilité est en train d’évoluer. Tout d’abord, beaucoup plus d’activités peuvent être menées sans se déplacer. Le télétravail, les téléréunions vont se développer de plus en plus, représentant le moyen de dépenser moins de temps et d’énergie. On va progressivement sortir du tout voiture, en réinventant des utilisations plus intelligentes de modes de transport déjà connus..Le metrobus c’est l’association de lignes de bus classiques avec des stations de correspondance telles qu’on les trouve dans les stations de métro. Ce concept a été mis en œuvre dans la ville brésilienne de Curitiba. Le partage d’un même véhicule va se développer, que ce soit l’autopartage, le velib’ ou l’autolib’ . Une mutation plus radicale est liée à la révolution informationnelle, qui va permettre de concevoir des systèmes de location ou d’utilisation de transports collectifs interactifs, beaucoup plus flexibles que ceux qui existent actuellement, qui permettront de programmer et optimiser chaque déplacement, en fonction de l’ensemble des moyens disponibles. Enfin, la révolution du numérique va conduira au développement de Systèmes de Transport Intelligents, débouchant sur des véhicules à conduite automatisée. IDées, 8 février 2011
Cyber car Expérimentation par Google Il est dès à présent possible de faire rouler des véhicules à conduite entièrement automatisée. En France l’INRIA notamment travaille sur le concept de cyber car. Il existe différentes réalisations de ce concept. Aux Etats-Unis même Google s’y est mis et affirme avoir fait rouler des véhicules à conduite entièrement automatisée sur des autoroutes américaines. Expérimentation par Google IDées, 8 février 2011
Transition vers des véhicules électriques automatisés (Document AET) Ce diagramme présente la road map prévue par l’association AET, AET voulant dire automated electric transportation pour aller vers des véhicules électriques entièrement automatisés d’ici 2050, en passant par des solutions de transition telles que le véhicule hybride rechargeable, mais en allant vers la route électrique. Il est clair qu’un tel mode de transport se prête à des solutions d’autopartage qui conduiront à des modes d’utilisation très différents de ceux qui sont pratiqués aujourd’hui. AET: US Dpt. of Transportation, NREL, Argonne, Oak Ridge, EII, Austin Energy, NTSC, RITA, Nl. Ren. En. Lab., Cal. En. Com.,Texas A&M, Utah State Univ., Univ. of California IDées, 8 février 2011
La transition à venir Après- demain 2030-2050 Demain 2020-2030 Energies bas carbone Véhicules électriques/ Route électrique Véhicules à conduite automatisée Avion à hydrogène Demain 2020-2030 Mix énergétique diversifié Véhicules hybrides rechargeables Systèmes de transport intelligents Multimodalité Aujourd’hui Energies fossiles Moteur à combustion interne On voit donc que pour faire face aux grands défis de l’énergie et du développement durable, il va donc falloir mettre en œuvre une nouvelle transition de grande ampleur . Cette transition va nécessiter une vague d’innovation, qui pourra nous conduire à une mobilité décarbonée faisant appel à de nouveaux concepts tels que la voiture électrique, la route électrique, le véhicule automatique ou l’avion à hydrogène. Cette transition ne va pas être instantanée et on va passer par des solutions intermédiaires telles que le véhicule hybride rechargeable et un recours croissant à des transports multimodaux. IDées, 8 février 2011
Conclusion Les besoins en mobilité croissent rapidement La dépendance vis-à-vis des énergies fossiles pose un problème difficile pour l’avenir Il est urgent de développer des solutions innovantes de rupture Il faut assurer une transition vers ces solutions de rupture En conclusion, il apparait donc clairement qu’assurer la mobilité de demain nous pose un problème difficile. Il va falloir développer des solutions radicalement nouvelles, ce qui représente aussi une opportunité en termes économiques, à condition de savoir anticiper. La période de transition risque d’être difficile à gérer, avant que ces nouvelles solutions ne soient prêtes. Elle va nécessiter tout un ensemble de mesures. La prmière des priorités va être de trouver des moyens pour réduire la consommation d’énergie à travers une évolution des modes de vie, des modes de transport et de la conception des véhicules. IDées, 8 février 2011