La responsabilité du radiologue et de son équipe CERF – Enseignement national du DES de radiodiagnostic – Imagerie médicale Module exercice professionnel 1 La responsabilité du radiologue et de son équipe Vincent HAZEBROUCQ, MCU-PH vincent.hazebroucq@parisdescartes.fr Vincent.hazebroucq@sap.aphp.fr
Jadis, le médecin était juridiquement irresponsable Ambroise Paré (1510 – 1590) « Je le pansai, Dieu le guérit » Parlement de Paris (26 juin 1696) « Le malade doit supporter les inconvénients relevant de son médecin puisque c’est lui-même qui l’a choisi ».
De nos jours, le médecin est pleinement responsable Aspect punitif Pénal / Ordinal Aspect indemnitaire Civil / Administratif
Les différentes responsabilités médicales Pénale : répression d’une violation de loi ou de règlement Ordinale : faute contre la déontologie médicale (devoirs vis à vis du patient, des confrères ou des règles profess.) Indemnitaire : compensation d’un dommage à l’amiable, par la CRCI ou par voie juridictionnelle (droit commun civil ou droit administratif, selon le cadre d'exercice, privé ou public; du praticien,) (+ responsabilité disciplinaire, dans le secteur public) Économique : devant les organismes sociaux (la « Sécu ») L'alternative civil/pénal/ordinal dépend du choix du patient (et/ou de sa famille)
Responsabilité pénale : mise en cause Vise à réprimer, punir la violation d'une loi ou d'un règlement Résulte le plus souvent d'une PLAINTE déposée devant le Procureur de la République, par lettre ou enregistrée par la police ou la gendarmerie Nécessite la démonstration d'une faute pénale : l'infraction (Crime, Délit ou Contravention) Le dossier est instruit (gratuitement) par un magistrat (parquet ou juge d’instruction)
La faute pénale = l’infraction L'infraction doit être définie par la loi (code pénal ou une disposition pénale d’un autre code) ou par un règlement et une peine doit être prévue (Nul crime, nulle peine, sans loi) Est démontrée par un procès verbal de contravention ou une procédure de délit flagrant, une enquête préliminaire ou une instruction judiciaire pénale (mise en examen)
Code pénal : de la responsabilité pénale -1 Article 121-1 Nul n'est responsable pénalement que de son propre fait Article 121-2 (Loi 2000-647 du 10/07/2000, loi 2004-204 du 09/03/2004) Les personnes morales, à l'exclusion de l'État, sont responsables pénalement, selon les distinctions des articles 121-4 à 121-7 des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants. Toutefois, les collectivités territoriales et leurs groupements ne sont responsables pénalement que des infractions commises dans l'exercice d'activités susceptibles de faire l'objet de conventions de délégation de service public. La responsabilité pénale des personnes morales n'exclut pas celle des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits, sous réserve des dispositions du quatrième alinéa de l'article 121-3.
Article 121-3 du Code Pénal loi 96-393 du 13/05/1996 - loi 2000-647 du 10/07/ 2000 - 1 Il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre. Toutefois, lorsque la loi le prévoit, il y a délit en cas de mise en danger délibérée de la personne d'autrui. Il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s'il est établi que l'auteur des faits n'a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait.
Article 121-3 du Code Pénal loi 96-393 du 13/05/1996 - loi 2000-647 du 10/07/ 2000 - 2 Dans le cas prévu par l'alinéa qui précède, les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer. Il n'y a point de contravention en cas de force majeure.
Protection légale des fonctionnaires dans l’exercice de leurs fonctions - 1/4 Article 11 de la loi 83-634 du 13 juillet 1983 (modifiée par la Loi n° 96-1093 du 16 décembre 1996 art. 50 Journal Officiel du 17 décembre 1996) Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions, d'une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent, conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales. Lorsqu'un fonctionnaire a été poursuivi par un tiers pour faute de service et que le conflit d'attribution n'a pas été élevé, la collectivité publique doit, dans la mesure où une faute personnelle détachable de l'exercice de ses fonctions n'est pas imputable à ce fonctionnaire, le couvrir des condamnations civiles prononcées contre lui. …/…
Protection légale des fonctionnaires dans l’exercice de leurs fonctions - 2/4 … (Art 11 loi 83-634, fin) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. La collectivité publique est tenue d'accorder sa protection au fonctionnaire ou à l'ancien fonctionnaire dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère d'une faute personnelle. » …/…
Protection légale des fonctionnaires dans l’exercice de leurs fonctions - 3/4 … (Art 11 loi 83-634, fin) La collectivité publique est subrogée aux droits de la victime pour obtenir des auteurs des menaces ou attaques la restitution des sommes versées au fonctionnaire intéressé. Elle dispose, en outre, aux mêmes fins, d'une action directe qu'elle peut exercer au besoin par voie de constitution de partie civile devant la juridiction pénale. Les dispositions du présent article sont applicables aux agents publics non titulaires. »
Protection légale des fonctionnaires dans l’exercice de leurs fonctions - 3/4 Article 11 bis A Loi 83-634 (modifiée par les lois 96-393 du 13 mai 1996 art. 3 Journal Officiel du 14 mai 1996, & 2000-647 du 10 juillet 2000 art. 13 Journal Officiel du 11 juillet 2000) Sous réserve des dispositions du quatrième alinéa de l'article 121-3 du code pénal, les fonctionnaires et les agents non titulaires de droit public ne peuvent être condamnés sur le fondement du troisième alinéa de ce même article pour des faits non intentionnels commis dans l'exercice de leurs fonctions que s'il est établi qu'ils n'ont pas accompli les diligences normales compte tenu de leurs compétences, du pouvoir et des moyens dont ils disposaient ainsi que des difficultés propres aux missions que la loi leur confie.
HOMICIDE INVOLONTAIRE : Art. 221-6 et 221-7 NCP Le fait de causer, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les règlements, la mort d’autrui constitue un homicide involontaire puni de 3 ans d’emprisonnement et de 45 k€uros d’amende. En cas de manquement délibéré à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les règlements (5 ans et à 75 k€uros) Les personnes morales peuvent être pénalement responsables d'homicide involontaire
CBIV GRAVES : ATTEINTES INVOLONTAIRES À L'INTÉGRITÉ DE LA PERSONNE 1: Art 222-19 NCP Le fait de causer à autrui par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les règlements une incapacité totale de travail pendant plus de trois mois est puni de 2 ans d’emprisonnement et de 30 k€uros d’amende. En cas de manquement délibéré à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les règlements, …( 3 ans et 45 k€uros) (art. 320 ancien C. Pén. = 15 jours à 1 an et/ou de 500 à 20 kF d’amende) Les personnes morales peuvent être pénalement responsables de CBIV (Art 222-19 NCP)
CBIV 2 : ATTEINTE MINEURE AVEC IMPRUDENCE DÉLIBÉRÉE : Art 222-20 NCP et R.625-3 ( infraction criminelle et délits nouveaux) Le fait de causer à autrui, par un manquement délibéré à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les règlements une ITT inférieure ou égale à 3 mois est puni d'1 an d'emprisonnement et 15 k€uros d'amende. (Art 222-20 NCP) Le fait, par un manquement délibéré à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les règlements, de porter atteinte à l'intégrité d'autrui sans qu'il en résulte d' ITT est puni de l'amende prévue pour les contraventions de 5è classe (Art R.625-2)
CBIV 3 : ATTEINTE MINEURE SANS IMPRUDENCE DÉLIBÉRÉE : (Art R CBIV 3 : ATTEINTE MINEURE SANS IMPRUDENCE DÉLIBÉRÉE : (Art R. 625-2 et -4) Hors le cas prévu par l'article 222-20, le fait de causer à autrui … une incapacité totale de travail d'une durée inférieure ou égale à trois mois est punie de l'amende prévue pour les contraventions de la 5è classe Peines complémentaires pour les CBIV légers : - personnes physiques : suspension du permis de conduire ou retrait du permis de chasser (3 ans), interdiction de détenir ou de porter une arme, confiscation de la chose qui a servi à commettre une infraction , confiscations d'armes, travail d'intérêt général (20 à 120 heures) - personnes morales : confiscation de la chose qui a servi à commettre l'infraction, amende quintuple de celles des PP
DÉLIT DE RISQUES CAUSÉS À AUTRUI : Art 223-1 et -2 Le fait d'exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement est puni (1 an , 15 k€uros). Les personnes morales peuvent être pénalement responsables de cette infraction
NON ASSISTANCE À PERSONNE EN PÉRIL : Art 223-6 et -7 Quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l'intégrité corporelle de la personne s'abstient volontairement de le faire est puni… (5 ans, 75 k€uros) id. pour …quiconque s'abstient volontairement de porter à une personne en péril l'assistance que sans risque pour lui ou pour les tiers il pouvait lui porter soit par son action personnelle, soit en provoquant des secours. Quiconque s'abstient volontairement de prendre ou de provoquer les mesures permettant sans risque pour lui ou pour les tiers, de combattre un sinistre de nature à créer un danger pour la sécurité des personnes est puni…(2 ans, 30 k€uros)
Erreur médicale ≠ faute pénale CA Nancy, 6 mai 1999 « L’erreur de diagnostic ou sa tardivité, ne sont pénalement punissables que lorsqu’elles procèdent d’une négligence, caractérisée par le fait que le médecin s’est abstenu de prendre les précautions nécessaires et de s’informer suffisamment sur l’état du patient compte tenu des données admises de la science médicale et des moyens techniques dont il pouvait disposer au moment des faits. Dès lors, la tardivité d’un diagnostic ne constitue pas une faute pénale, lorsqu’elle s’explique par la complexité des symptômes et la difficulté de leur constatation et de leur interprétation».
Responsabilité ordinale FONDÉE SUR LE CODE DE DÉONTOLOGIE MÉDICALE (Décret 95-1000 du 6 septembre 1995 intégré au Code de la Santé Publique, partie réglementaire (art. R.4127 - 1 à -112.) Règles d’exercice professionnel Devoirs spécifiques du médecin à l'égard des patients à l'égard des confrères
Code de déontologie médicale - 1 Art. R.4127 - 32- Dès lors qu'il a accepté de répondre à une demande, le médecin s'engage à assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science, en faisant appel, s'il y a lieu, à l'aide de tiers compétents. Art. R.4127 - 33- Le médecin doit toujours élaborer son diagnostic avec le plus grand soin, en y consacrant le temps nécessaire, en s'aidant dans toute la mesure du possible des méthodes scientifiques les mieux adaptées et, s'il y a lieu, de concours appropriés.
Code de déontologie médicale - 2 Art. R.4127 - 47: Quelles que soient les circonstances, la continuité des soins aux malades doit être assurée. Hors le cas d'urgence et celui où il manquerait à ses devoirs d'humanité, un médecin a le droit de refuser ses soins pour des raisons professionnelles ou personnelles. S'il se dégage de sa mission, il doit alors en avertir le patient et transmettre au médecin désigné par celui-ci les informations utiles à la poursuite des soins.
Responsabilité indemnitaire Vise à l'indemnisation (la réparation) d'un dommage Deux voies : amiable (transaction directe ou après expertise CRCI) ou juridictionnelle (condamnation civile ou admnistrative) Pour engager la responsabilité indemnitaire du médecin ou de sa structure, le demandeur doit cumulativement prouver l’existence de trois éléments : le fait générateur du dommage (la faute civile ou administrative, différente de la faute pénale) un préjudice (dommage) qu’il doit chiffrer une relation de cause à effet directe et certaine (lien de causalité)
Loi 2002-303 du 4 mars 2002 : distinction faute / aléa Art. L. 1142-1 (CSP). « - I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé … ainsi que tout établissement, service ou organisme (de santé) … ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. « Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. » II. Réparation de l’aléa médical par l’ONIAM et les CRCI
Où peut se situer la faute ? Dans tous les aspects du métier et de la prise en charge du patient : Indication Consentement éclairé et préparation pour l’examen Réalisation technique de l’acte (qualité, quantité, sécurité, gestion des incidents accidents…) Interprétation Rendu et transmission des résultats et prélèvements Suivi et prise en charge des complications Prise en charge ultérieure et devoir de suivi
ONIAM et CRCI : loi « Kouchner » du 4 mars 2002 ONIAM et CRCI d’Île-de-France Tour Gallieni II, 36 av. du Général de gaulle- 93175 BAGNOLET Cedex www.oniam.fr www.commissions-crci.fr N° Azur 0810 51 51 51
RÉGIMES DE RESPONSABILITÉ MÉDICALE ET JURIDICTIONS COMPÉTENTES INDEMNISATION SANCTION C. civil + c. procédure civile C. des tribx adm. c. pénal + c. procédure pénale C. de déontol. médic Cour de cassation (1è chambre civile) Conseil d’État Cour de cassation (Chambre criminelle) Conseil d’État Chambre disciplinaire nationale Cour d’appel Cour administrative d’appel Cour d’appel Chambre disciplinaire de 1re instance Tribunal de grande instance Tribunal administratif Tribunal correctionnel Conseil départemental de l’Ordre (conciliation) Responsabilité civile Prescription : 10 ans Responsabilité administrative Prescription : 10 ans Responsabilité pénale Prescription : 3 ans (délit) Responsabilité disciplinaire Pas de prescription SECTEUR PRIVÉ SECTEUR PUBLIC PRIVÉ et PUBLIC
Responsabilité économique Envers les organismes sociaux et la collectivité En pleine mutation avec les références médicales opposables et la multiplication des contrôles formels ne pas confondre cependant un outil global statistique d'évaluation d'activité un cas individuel auquel s'applique l'obligation de moyen
Le nouveau paradigme de la responsabilité Passer d’une logique de culpabilité à une culture de sécurité et de qualité des soins, avec une prévention des erreurs et des accidents médicaux
La logique générale du système -1 abandon d’une idée reçue historique « Avec - une excellente formation initiale des professionnels et - une réglementation adaptée, complétées par - l’indemnisation et la répression des fautes, - la conscience et le sérieux des professionnels de santé devraient suffire à assurer la qualité et la sécurité des soins »
Une nouvelle approche systémique -2 L’organisation même du système doit partir du principe que ‘tout ce qui est humain est faillible’ ‘Errare humanum est (Lucius Sénèque– Rome, 0030-50) ‘Whatever can go wrong, it will’ (Edward Murphy, USA 1949) et donc - Prévoir de multiples sécurités et des outils permanents d’évaluation de la qualité et de la sécurité des pratiques et des résultats, - Dépister continuellement les dysfonctionnements,les corriger et évaluer les correctifs (Roue de Deming Plan Do Chek Act) - Informer régulièrement professionnels et public de ce qui est fait en permanence pour garantir qualité et sécurité
Une nouvelle approche systémique -3 Exemples pratiques : relecture systématique des examens précédents pour voir si la conclusion a été confirmée par la suite et étudier dans des réunions d’erreur toutes les discordances Analyse systématique des erreurs signalées pour en comprendre les causes et les mécanismes (et non pour blâmer celui qui s’est trompé)
Conclusion ‘Errare humanum est’ … donc soyons vigilants à la confraternité, (sans excès le patient a droit à la vérité) à ne pas transformer - par une attitude ou des propos inappropriés- un accident médical en catastrophe judiciaire… Vérifiez l’actualisation de vos assurances RCP !
Merci de votre attention Des questions ? www.hazebroucq.net Pour en savoir plus : Diplôme universitaire d’imagerie médicolégale de l’Université Paris 5 René Descartes Vincent.Hazebroucq@parisdescartes.fr