L’adaptation à la haute altitude De crise en crise …jusqu’au Nirvana ! Jean-Paul Richalet, Université Paris 13
La problématique: s’adapter Survivre, vivre, se reproduire dans une environnement qui change: environnement naturel vs environnement extrême Vézelay Floride Paris Everest Titan
Environnement naturel = Espace habituel Les modifications locales du milieu entraînent des réactions physiologiques/comportementales. Ces réactions passent inaperçues et sont considérées comme NATURELLES L’homéostasie est facilement conservée
Environnement extrême, hostile = Espace inhabituel En réponse aux sollicitations du milieu, l'organisme développe des mécanismes d' ADAPTATION pour : - conserver une activité quasi-normale - conserver une autonomie satisfaisante - au minimum, survivre Le maintien de l’homéostasie nécessite des mécanismes de régulation très efficaces
Environnement extrême = Espace inhabituel* * létal * adaptation possible niveau CULTUREL - niveau PHYSIOLOGIQUE - niveau GÉNÉTIQUE * Notion variable selon les espèces (voir extrèmophiles)
ESPACE HABITUEL ESPACE LETAL (survie ?)
Adaptation à un environnement inhabituel : NIVEAU CULTUREL ADAPTATION TECHNOLOGIQUE : Pas de tentative pour adapter l'organisme humain à l'environnement L'objectif est de SOUSTRAIRE l'homme aux effets de l'environnement, grâce à un environnement TAMPON
Exemples pour l’altitude Ascension avec bouteille d’oxygène Oxygénation des dortoirs dans les mines chiliennes en haute altitude Collahuasi
Adaptation à un environnement inhabituel : NIVEAU CULTUREL, TECHNOLOGIQUE ENVIRONNEMENT DE SUBSTITUTION HABIT Coût croissant HABITACLE HABITAT
HABIT
HABITACLE
HABITAT
Adaptation à un environnement inhabituel : NIVEAU PHYSIOLOGIQUE MISE EN JEU DE MÉCANISMES D' ACCLIMATATION Objectif : recréer au niveau cellulaire un environnement similaire à l'environnement habituel Caractéristiques : les mécanismes mis en jeu disparaissent quand l'individu est soustrait à l'environnement hostile
L’environnement de haute altitude Le Mont Blanc 4807 m
Arête terminale de l’Everest Everest face nord 8848 m Arête terminale de l’Everest
Trekking Tour des Annapurnas 5416 m
Populations vivant en haute altitude - Himalaya Karakoram 3500 - 5000 m
DEFINITION BIOLOGIQUE DE L'ALTITUDE 8848 m Très haute altitude 5500 m Haute altitude 2000 m Moyenne altitude Basse altitude 1000 m vie impossible ? vie permanente impossible effets ressentis au repos pas d'effet effets sur la performance maximale sous - maximale PaO2 = 30 mmHg !
HYPOXIA Detection of hypoxia HIF 1, VEGF, NO, EPO, etc... All cells Aerobic metabolism Anaerobic metabolism HIF 1, VEGF, NO, EPO, etc... O2 - sensors involved in a regulation loop concerning O2 transport pseudo O2 - sensors NOT involved in a regulation loop concerning O2 transport Secreting cells with/without O2 sensitive enzyme Chemoreceptors erythropoietin producing cells Pneumocytes PII Smooth muscle cells Endothelial cells Central Peripheral Alveolar mediators adrenal cortex hypophase (18-OHase) kidney (1-OHase) Ventilatory Erythropoietin vasomotricity vasomotricity lung muscles pulmonary systemic hemostasis ( conv. enz.) cell proliferation heart cap. permeability Autonomous O2 transport capacity Respiratory system aldosterone nervous system vit-D3 Cardiovascular system angio II Respiratory system ANP Water / electrolytes Cardiovascular system PO 4 / Ca metabolism
PAO2 PtO2=cte Cœur droit Cœur gauche cellule Ventilation pulmonaire : CONVECTION PAO2 Transfert alvéolo-capillaire en oxygène : DIFFUSION Cœur droit Cœur gauche Transport de l’oxygène par le sang : CONVECTION Diffusion de l’oxygène vers les tissus : DIFFUSION cellule PtO2=cte Consommation d’oxygène Production d ’énergie aérobie
Chemosensitivity to hypoxia: sensory transduction in the carotid body 2 Blood vessel 1. Oxygen detection 2. Na and Ca action potential (Ca influx) 3. Rise in cytosolic Ca 4. Transmitter release 5. Increase of firing in afferent fibers O2 O2 O2 1 Glomus cell Nerve ending 3 2 4 Ca2+ influx 5 to CNS From Lopez-Barneo et al., NIPS, 1993
Test à l’effort en hypoxie: FIO2=11,5%, puissance 30% VO2max
Fréquence cardiaque au repos et à l ’exercice en hypoxie aiguë et chronique: désensibilisation des récepteurs adrénergiques 40 60 80 100 120 140 160 180 200 Fréquence cardiaque (b/min) 1 2 3 4 5 6 7 8 9 Altitude (km) maximal, aigu maximal, chronique repos, aigu repos, chronique
- Myocyte + cell membrane cytosol A1 M2 AMPc b-AR Gs Gi Adenylate cyclase AMPc A1 M2 norepinephrine adenosine acetylcholine - + IK Ach, Ado ITl IF ICa Myocyte cell membrane cytosol From: Lerman and Belardinelli, Circulation, 1991 and Favret and Richalet, 2007
Concentration d ’hémoglobine en fonction de l ’altitude et de la durée du séjour 2000 4000 6000 8 sem 4 sem 2 sem 1 sem SL 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 Hémoglobine (g/100 ml) Altitude (m)
EPO Globules rouges Temps (jours) Evolution de la concentration sérique d ’EPO et du nb de globules rouges au cours d ’un séjour à 4350 m. mU/mL 500 EPO Globules rouges 10 1 2 3 4 5 6 7 Temps (jours)
HYPOXIE Activation de divers gènes et de boucles réflexes = Réaction contre l’hypoxie Desensibilisation de récepteurs = Protection contre l’hyperactivation HYPOXIE Processus d’upregulation Processus de downregulation « Etat d’activation » « Etat de résistance »
Adaptation à un environnement inhabituel : NIVEAU GÉNÉTIQUE LES MÉCANISMES D' ADAPTATION SONT INSCRITS DANS LE PATRIMOINE GÉNÉTIQUE DE L' INDIVIDU. ILS PERMETTENT UNE ACTIVITÉ NORMALE POUR L' ESPÈCE CONSIDÉRÉE ENVIRONNEMENT NATUREL = COÛT NUL
Evolution de la FIO2 atmosphérique Berner, Robert A. (1999) Proc. Natl. Acad. Sci. USA 96, 10955-7
Quelques exemples de stratégies d’adaptation à l ’hypoxie d ’altitude: du lama de l’Altiplano... à l ’oie cendrée de l’Himalaya 1
Déplacements des camélidés depuis leur origine En marron : régions où l ’altitude est supérieure à 3000 m Lama, alpaca: forte affinité de l’hémoglobine pour l’oxygène Déplacements des camélidés depuis leur origine
Adaptation embryonnaire Oiseaux: Modification de la perméabilité de la coquille d ’œuf: Baisse jusqu' à 2800m, pour préserver l ’eau Augmente au delà de 2800m, pour préserver l ’oxygène Le meilleur compromis possible face à deux contraintes vitales 7
Le yak ou yack (Poephagus grunniens) Pas d ’hypertension artérielle pulmonaire Caractère autosomique dominant Animal croisement Pres. Art. Pulm. Rés. Pulm. Vache 27 1,92 Yak 20 0,58 Dzo Vache x yak 21 0,79 Stol Dzomo x taureau 25 1,46 Gar Dzomo x yak 25 2,53 Anand et al., Thorax, 1986 12
Le pika (Ochona curzoniae) Rongeur des hauts plateaux tibétains et du Qinghai (présent depuis 37 millions d ’années) Présente des caractéristiques adaptatives à la haute altitude: pas d’HTAP, pas de polyglobulie Pap VD/VG+S Hb e/d mast. TGF Pika +5 mmHg 0,22 = 9 % - - Rat +19 mmHg 0,45 ++ 27 % ++ ++ Ge et al., Am J Physiol, 1998 9
L ’oie cendrée de l ’Himalaya (Anser indicus) N ’augmente pas plus son débit cérébral en hypoxie qu’une espèce non adaptée (économie) Le contenu artériel en O2 est plus élevé: Hb légèrement plus élevée P50 plus basse (affinité standard augmentée) Effet Bohr plus utilisé: pH plus alcalin Faraci et al., Am J Physiol, 1984 11
Poules de basse et haute altitude au Pérou Poules de basse altitude Poules de haute altitude en haute altitude en haute altitude difficile facile élevée faible basse haute (P50= 35-55) (P50=28-34) Reproduction Couvaison Mortalité par MCM Affinité Hb* * due à une différence de réponse de Hb à son régulateur allostérique, l ’inositol hexaphosphate (IHP) La substitution d ’un acide-aminé sur la chaîne peut modifier la conformation spatiale d ’un site de fixation ou de régulation allostérique F. León-Velarde et al., 1999
Au total, pour l’adaptation génétique à l’altitude… Les stratégies sont variées Les points d’ impact les plus importants sont: l ’affinité de l ’hémoglobine: augmentée La polyglobulie: absente la vasoconstriction pulmonaire hypoxique: absente Le « dessein » est une économie d ’énergie 10
Coût de l'adaptation Culturel HABIT Physiologique Génétique (=0) Coût croissant HABITAT HABITACLE Culturel HABIT Physiologique AIGU CHRONIQUE Génétique (=0)
Adaptation à l'environnement Deux types de stratégies : 1. Soustraire l'organisme en entier ou chaque cellule à l'environnement en interposant, par des processus technologiques ou physiologiques, un environnement tampon, de substitution. 2. "Accepter" l'environnement en développant, sous sa pression, ou utilisant des caractéristiques génétiques favorables à la vie dans cet environnement.
Crises vers le Nirvana ? Des manifestations pathologiques témoignent d’une acclimatation / adaptation incomplète à l’environnement hypoxique
Pathologie aiguë de haute altitude OPHA MAM OLHA OCHA
Pathologie chronique de haute altitude Mal chronique des montagnes (Maladie de Monge) : Polyglobulie sévère… Ht = 85% Hypertension artérielle pulmonaire Physiopathologie: Perte d’acclimatation à l’hypoxie chronique Hypoventilation nocturne Défaut de contrôle de la ventilation Hypoxémie Hyperstimulation de l’érythropoïèse
Le passage d’un état donné d’adaptation à un autre Culturel Physiologique Génétique est “mimé” lors de crises successives : mal aigu et mal chronique des montagnes La résolution de chaque crise traduit un niveau supérieur d’adaptation: . le natif du NM acclimaté à l’altitude ne souffre plus de MAM . l’espèce adaptée à la vie en altitude ne présente plus de polyglobulie
Coût de l'adaptation Culturel HABIT MAM Physiologique MCM croissant HABITAT HABITACLE Culturel HABIT MAM Physiologique AIGU MCM CHRONIQUE Génétique (=0)
L’étude des “crises” ou phases transitoires nous permet de mieux comprendre les mécanismes d’adaptation Contrôle de la ventilation: Son évolution dans le temps d’exposition: acclimatation Sa variabilité individuelle intra-espèce (MAM, MCM) Sa variabilité inter-espèces (lama, homme) La vasomoticité pulmonaire: Sa variabilité individuelle intra-espèce (OPHA, HTAP chronique) Sa variabilité inter-espèces (rat, pika, yak)
L’étude des “crises” ou phases transitoires nous permet de mieux comprendre les mécanismes d’adaptation (suite) L’érythropoïèse: Sa variabilité individuelle intra-espèce (MCM ou natif HA normal - Tibet/Altiplano, réponse individuelle de l’EPO) Sa variabilité inter-espèces (rat, souris, homme, lama, pika) Le transfert tissulaire de l’oxygène: Modifications de la capillarisation musculaire, de la myoglobine, du métabolisme Les fonctions supérieures: Tâches simples et tâches complexes: adaptation des stratégies cognitives ?
En route vers le Nirvana !