Valorisation de la recherche, brevets et propriété intellectuelle Valorisation et commande publique Séminaire 27 janvier 2010.

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Transcription de la présentation:

Valorisation de la recherche, brevets et propriété intellectuelle Valorisation et commande publique Séminaire 27 janvier 2010

Les organismes de droit public sont désormais plus attentifs à une gestion de leur patrimoine immatériel et de leurs investissements créatifs. Les procédés de valorisation sont divers et nombreux et de nombreux organismes présents ici mènent une politique active en la matière en ayant recours à de nombreux instruments que ce soit l’octroi de licences ou l’essaimage d’entreprises, par exemple. Je voudrai, pour ma part, traiter spécifiquement d’un instrument auquel on ne pense pas toujours dans le cadre d’une politique de valorisation des biens immatériels, à savoir l’achat public. Mes propos viseront aussi bien le cas des organismes soumis aux dispositions du Code des marchés publics que ceux relevant de l’Ordonnance du 6 juin 2005 et de ses textes d’application.

Tant sur le plan national que communautaire, l’achat public est encadré. Les règles relatives à la passation d’un marché public supposent que le besoin de l’acheteur public soit clairement défini, que les critères de choix soient objectifs et déterminés au préalable, que le marché soit attribué au candidat le mieux disant ce qui englobe la pertinence de la réponse technique mais aussi une optimisation des coûts. La logique de l’achat public c’est bien l’offre économiquement la plus avantageuse, celle qui répond le mieux à un besoin bien identifié, à des spécifications très précises, respectueuses du principe de non discrimination et qui permet d’acheter au meilleur coût afin de s’assurer d’une bonne utilisation des deniers publics en minimisant les risques. Une interprétation fidèle des principes fondamentaux qui gouvernent la commande publique et qui sont rappelés à l’article 1er du Code des marchés publics – c’est-à-dire la liberté d’accès, d’égalité de traitement et de transparence – conduisent effectivement à privilégier cette démarche de prédéfinition d’un besoin et d’attribution à l’offre économiquement la plus avantageuse.

Aujourd’hui, pourtant on constate qu’une autre logique peut présider aux modalités de passation des marchés publics. Dans d’autres pays, comme les Etats Unis ou le Japon, le secteur public joue un rôle essentiel en tant que bénéficiaire et promoteur de l’innovation en utilisant l’instrument de la commande publique. En effet, d’une part, il peut être intéressant pour l’acheteur public de ne pas se contenter de solutions déjà existantes et d’ambitionner de répondre à des besoins nouveaux par des solutions à créer. D’autre part, l’entreprise peut être tentée par un partage des risques, ce qui lui permet d’innover et de développer et commercialiser plus rapidement des réponses nouvelles. Pour les deux partenaires, la possibilité est ainsi offerte d’un retour sur investissement en développant une valorisation de la recherche. Le contrat public peut donc devenir un vecteur d’innovations. Cela suppose d’une part, le choix de procédures d’achat qui favorisent l’émergence de solutions innovantes, ce qui nécessite de repenser en profondeur la spécification des besoins et d’ d’autre part, d’accorder un soin tout particulier à la rédaction des clauses du contrat et notamment d’apprécier les modalités de partage des risques et des opportunités liées à la propriété intellectuelle. Je développerai donc ces deux points.

I – Faire le choix de procédures d’achat qui favorisent l’émergence de solutions nouvelles A ce titre, je voudrai vous parler des potentialités offertes par une initiative de la Commission Européenne pour mettre la commande publique au service de l’innovation. Il s’agit de la communication du 14 décembre 2007 concernant ce que la Commission a baptisé « les achats publics avant commercialisation ». Sous ce vocable, la Commission traite de marchés conclus en phase de recherche et développement avant mise sur le marché dont la caractéristique principale est un partage des risques et des bénéfices liés à la valorisation de la recherche. Pour l’acheteur public, une telle démarche suppose de mettre au point des stratégies de passation de marché qui ne se limitent pas à l’acquisition de produits ou services déjà commercialisés mais au contraire, à travers la conclusion d’accords de recherche et développement, de permettre l’apparition de nouvelles solutions, potentiellement plus performantes que celles disponibles sur le marché, de favoriser la création de nouveaux marchés. Pour l’entreprise, la conclusion d’un tel contrat lui confère l’avantage du précurseur et la possibilité d’innover en limitant les risques.

A – Le choix des procédures de passation L’originalité de l’achat public avant commercialisation réside essentiellement dans le partage des risques entre l’acheteur public et l’entreprise proposant une solution innovante. Il ne s’agit pas de passer outre les règles qui organisent le respect des principes de transparence et de mise en concurrence opposables à l’ensemble des marchés publics mais de mettre en œuvre des possibilités existantes mais largement inexploitées qu’offrent les textes. En premier lieu, la caractéristique principale de ces marchés est qu’ils ne sont pas conclus au seul bénéfice de la personne publique. La personne publique profite d’une solution innovante et mieux adaptée à ses besoins propres mais aussi aux besoins de nombreux utilisateurs futurs. Elle peut aussi en participant à l’élaboration de solutions nouvelles repérer au plus tôt les problèmes réglementaires potentiels qui pourraient constituer autant de barrières à l’accès au marché et à son développement.

Cette approche innovante suppose de s’appuyer sur les procédures de mise en concurrence mais, et c’est un point sur lequel la Commission insiste, en procédant par phases et notamment en distinguant la phase de recherche et développement et la phase commercialisation pour limiter les risques et coûts. Elle préconise donc en amont une phase d’appel à projets pour analyser les différentes propositions et sélectionner les meilleures solutions. L’appel à projet n’a pas pour objet de répondre à un besoin strictement défini et les entreprises ont ainsi la possibilité de proposer des solutions nouvelles. Qui dit partage des risques dit aussi partage des bénéfices. Pour la Commission, l’acheteur public peut donc légitimement prétendre au partage des bénéfices en contrepartie de la possibilité offerte aux entreprises de développer de nouveaux produits et services et notamment par la perception de redevances. Concrètement, cette démarche d’achat avant commercialisation s’appuie sur la négociation et donc sur les procédés contractuels prévus par le code des marchés publics dans tous les cas où la personne publique ne peut définir les moyens permettant de répondre à son besoin puisque l’objet du marché est précisément de créer de nouveaux produits et services.

Sans être exhaustif, on peut citer plusieurs dispositions du Code. Les procédures d’achat avant commercialisation peuvent ainsi relever de l’article 3 du CMP qui énumère un certain nombre d’hypothèses où le code ne s’applique pas. Ces exclusions sont prévues par les directives et la jurisprudence européenne et la plupart se trouvent justifiées en raison de la spécificité des situations concernées. On y trouve les contrats de services relatifs à des programmes de recherche- développement (art. 3-6°) qui sont exclus du champ d’application du code dès lors que le pouvoir adjudicateur ne finance que partiellement le programme ou dès lors qu’il n’acquiert pas la propriété exclusive des résultats du programme. Ces deux notions ne sont pas cumulatives. Ainsi, seul le cas du contrat dans lequel le pouvoir adjudicateur est amené à acquérir l’intégralité de la propriété des résultats du programme de recherche et à assurer l’intégralité de son financement est considéré comme un marché public soumis au code. Or, les marchés publics avant commercialisation supposent précisément un partage de la propriété intellectuelle.

On peut encore citer l’article 36 qui prévoit la procédure du dialogue compétitif dans laquelle le pouvoir adjudicateur conduit un dialogue avec les candidats en vue de définir ou de développer une ou plusieurs solutions de nature à répondre à ses besoins et sur la base de laquelle ou desquelles les participants au dialogue seront invités à remettre une offre. Cette procédure offre aux acheteurs publics des possibilités plus larges de dialoguer avec les candidats au marché, afin d'améliorer la qualité et le caractère innovant des propositions qui leur sont faites. Dans une procédure de dialogue compétitif, les candidats élaborent leurs offres sur la base d'un programme fonctionnel. Dans ce document l'acheteur décrit, en termes pratiques, ses attentes et les résultats qu'il veut atteindre. En fonction de son expérience et des technologies qu'il maîtrise, chaque candidat va pouvoir proposer la solution qui lui paraît le mieux répondre aux besoins décrits dans ce document. L’offre sera ensuite améliorée et complétée, grâce au dialogue que chaque candidat aura avec le pouvoir adjudicateur.

On peut citer aussi le cas des marchés négociés, passés après publicité préalable et mise en concurrence (art. 35-I) qui prévoit au 2° le cas des marchés de prestations intellectuelles lorsque la prestation de services à réaliser est d'une nature telle que les spécifications du marché ne peuvent être établies préalablement avec une précision suffisante pour permettre le recours à l'appel d'offres ou le 3° qui vise l’hypothèse des marchés et les accords-cadres de travaux qui sont conclus uniquement à des fins de recherche, d'essai, d'expérimentation ou de mise au point sans finalité commerciale immédiate. La négociation qui s’instaure dès les premières phases de R&D favorise un processus d'apprentissage mutuel entre acheteurs publics et entreprises et permet d'avoir tant d’affiner les besoins fonctionnels et les exigences de performance du côté de la demande que les capacités technologiques du côté de l'offre.

B – Repenser la spécification des besoins Pour être efficace, une politique de marchés publics favorable à l’innovation suppose que les acheteurs publics planifient leurs achats futurs et leurs procédures d’acquisition. La communication très en amont des projets, tant aux fournisseurs actuels que potentiels, donne au marché le temps de réagir et d’élaborer des solutions adaptées. Un dialogue technique permet de sonder l’état du marché avant de lancer la procédure d’appel à projets. Une publication aussi large que possible est primordiale. Pour la Commission, les achats publics avant commercialisation sont un exercice préparatoire permettant aux acheteurs de favoriser l’émergence de solutions innovantes avant de s’engager à acquérir un produit commercial diffusé à grande échelle. En les dissociant des marchés publics en phase de diffusion commerciale, il est possible d’axer les achats publics avant commercialisation sur l’acquisition des connaissances nécessaires pour déterminer les meilleures solutions que le marché peut offrir au moment de la diffusion commerciale. La phase de définition des spécifications techniques est déterminante pour la diversité et la qualité des offres. On peut rappeler ici l’article 23 de la directive européenne 2004/18/CE et l’article 6 du code des marchés publics 2006 qui offrent la possibilité à l’acheteur de définir ses spécifications techniques soit par référence à des normes, soit en termes de performance ou d’exigences fonctionnelles.

Or, les termes innovation et normes semblent a priori antinomiques. La démarche de normalisation renvoie intuitivement à l’idée d’une certaine standardisation des produits et des procédés de production. Définir un besoin en s’appuyant sur des normes renvoie à l’acquisition de produits ou services déjà existants. On relève donc qu’une définition des besoins trop détaillée et trop prescriptive peut être un facteur d’exclusion des entreprises innovantes. Toutefois, le Code lui-même propose une autre démarche. Lorsque, au lieu d’être détaillées et prescriptives, les spécifications techniques des besoins de la personne publique sont indiquées en termes de performances ou d’exigences fonctionnelles et que les variantes sont acceptées, les fournisseurs retrouvent une certaine liberté. Les besoins peuvent donc être définis en termes de performances qui fixent des caractéristiques à atteindre en laissant le libre choix des méthodes à employer pour y parvenir. Elles favorisent ainsi l’innovation. Et, sur ce point, on notera l’importance du projet Européen STEPPIN (Standards in European Public Procurement leading to Innovation) qui propose un guide traitant de l’utilisation des normes pour stimuler l’innovation dans les marchés publics.

Le projet Steppin, lancé par la Commission européenne en 2006 a été initié dans le cadre du réseau de normes Europe Innova. Steppin rassemble quatorze partenaires européens, acteurs de la commande publique et organismes de normalisation. L’objectif était de proposer des méthodes d’utilisation des normes dans les marchés publics afin de stimuler l’innovation. Un guide pratique ainsi qu’un outil de recherche des normes ont été présentés fin Ce guide pratique, destiné aux acheteurs publics de l’Union, montre comment le recours aux normes peut encourager le développement et la diffusion de solutions innovantes. La norme, sauf dispositions spécifiques, n’est donc plus considérée comme obligatoire dans la description du produit ou service recherché. Le projet Steppin tire de cette liberté récente de nouvelles perspectives. Auparavant utilisée afin de se conformer aux obligations légales ou pour se couvrir face à un risque, la norme peut désormais être utilisée en tant qu’outil facilitateur de l’achat. Le projet est fondé sur l’idée qu’une utilisation appropriée des normes permet d’améliorer la démarche d’achat tout en stimulant l’innovation. Cette approche est notamment exposée dans la récente communication de la Commission européenne:« Vers une contribution accrue de la normalisation à l’innovation en Europe » de mars 2008.

II – Repenser en profondeur la définition du cadre contractuel et notamment les clauses relatives à l’utilisation de la propriété intellectuelle Les marchés publics de produits innovants impliquent une prise de risque par rapport à l'achat de solutions prêtes à l'emploi. Lorsque le choix d’une solution innovante est envisagé, il faut donc déterminer les risques qu'elle comporte, répartir les responsabilités pour la gestion de ces risques et définir un cadre approprié pour la gestion des droits de propriété.

A – Un partage des risques et des responsabilités. Le principe retenu par la Commission est celui d’un partage des risques et des bénéfices de la R&D de telle sorte que les deux parties aient intérêt à promouvoir une large diffusion commerciale des nouvelles solutions. Un point essentiel : L'acheteur public peut certes exiger une licence gratuite pour l'exploitation des résultats de la R&D à usage interne mais il ne doit donc pas revendiquer la propriété exclusive des résultats des études ni des titres de propriété intellectuelle qui peuvent naître à l’occasion des marchés qu’il passe. Une telle exigence serait en effet contreproductive puisqu ‘elle dissuaderait les entreprises d’investir dans une commercialisation ultérieure. Et, lorsque les bénéfices partagés comportent des droits de propriété intellectuelle et que certains droits de propriété sont accordés aux entreprises attributaires d’achats publics avant commercialisation, l’acheteur public peut exiger des entreprises participantes qu'elles accordent des licences à des tiers à des conditions commerciales équitables et raisonnables pour ne pas conférer à ces entreprises un avantage exorbitant dans d’éventuels marchés futurs.

Par contre, autre point essentiel : l’acheteur doit prétendre au partage des bénéfices en contrepartie de la possibilité offerte aux entreprises de développer des solutions innovantes et notamment via la perception de redevances. Celle-ci suppose que la propriété intellectuelle des produits de la recherche (rapports, logiciels, bases de données, publications) voire brevets soit très précisément définie. Le contrat devra donc comporter des clauses de propriété intellectuelle explicites et traiter à la fois de l’attribution de la propriété intellectuelle générée dans le cadre du projet, recenser la propriété intellectuelle qui est détenue par les parties avant le commencement du projet et qui est nécessaire à la réalisation du projet ou à l’exploitation de ses résultats, définir les droits d’accès aux connaissances nouvelles et préexistantes, et enfin organiser le partage des revenus.

Dans un projet de recherche collaborative, la propriété des connaissances nouvelles donc être attribuée aux différentes parties sur la base d’un accord contractuel conclu à l’avance en tenant dûment compte du partage des risques, des tâches et des contributions financières (apports en nature, en moyens ou en numéraire ou autres) de chaque partie au projet. Les droits de copropriété industrielle attachés aux inventions issues de cette recherche consortiale doivent être précisément décrits et mis en rapport avec les apports de chacun. Les règles de propriété ou de copropriété doivent couvrir les droits attachés à d’éventuels brevets, mais aussi plus largement tous les sous produits de la recherche. Le Parlement européen s’est déclaré très favorable à une telle approche tout en invitant la Commission à rédiger un guide de bonnes pratiques pour les achats publics avant commercialisation comportant notamment des exemples concrets de partage des risques et des bénéfices.

B – L’acheteur doit définir le mode de gestion le plus approprié pour les DPI. Cela suppose que les problèmes de propriété intellectuelle soient préalablement bien identifiés et que le commanditaire public ait une claire conscience de ses objectifs. Sur ce point, on peut noter la recommandation de la Commission du 10 avril 2008 concernant la gestion de la propriété intellectuelle dans les activités de transfert de connaissances et un code de bonne pratique destiné aux universités et aux autres organismes de recherche publics. Elle souligne que les organismes de recherche publics doivent diffuser et exploiter plus efficacement les résultats de la recherche financée par des fonds publics, en vue de les valoriser par l’élaboration de nouveaux produits et services et les moyens de réaliser cet objectif sont notamment les collaborations entre universités et entreprises – la recherche collaborative ou sous contrat menée ou financée conjointement avec le secteur privé – l’octroi de licences et l’essaimage d’entreprises.

La recommandation vise notamment à proposer aux organismes de recherche publics, un code de bonne pratique destiné à améliorer les modes de gestion de la propriété intellectuelle et de transfert de connaissances par les organismes de recherche publics. Elle recommande donc aux Etats de faire en sorte que tous les organismes de recherche publics considèrent le transfert de connaissances comme une mission stratégique et d’encourager les organismes de recherche publics à établir et diffuser des politiques et des procédures de gestion de la propriété intellectuelle qui soient conformes à un code de bonne pratique. Ce code se compose de trois sous-ensembles de principes. D’abord, la définition des principes d’une politique interne de propriété intellectuelle comportant l'identification et, le cas échéant, les règles de protection des droits de propriété intellectuelle, conformément à la stratégie et la mission de l’organisme de recherche public. Elle souligne l’intérêt d’envisager la création, par l’organisme de recherche public, de portefeuilles cohérents de droits de propriété intellectuelle – p. ex. dans des domaines techniques précis – et, le cas échéant, la constitution de communautés de brevets incluant les droits de propriété intellectuelle d’autres organismes publics. L’exploitation pourrait en être facilitée du fait de la masse critique et de la réduction des coûts de transaction pour les tiers.

Ensuite, la définition de principes d’une politique de transfert de connaissances qui portent plus précisément sur l’exploitation et le transfert efficaces de la propriété intellectuelle, que celle-ci soit ou non protégée par des droits en envisageant tous les types possibles de mécanismes d’exploitation (octroi de licences ou essaimage d’entreprises) et tous les partenaires d’exploitation possibles (entreprises créées par essaimage ou existantes, autres organismes de recherche publics, investisseurs ou services ou agences d’aide à l’innovation). La commission souligne la nécessité d’élaborer et de diffuser une politique d’octroi de licences en précisant trois points :  l’organisme de recherche public doit se réserver les droits nécessaires à la poursuite des recherches,  en ce qui concerne les résultats de R&D ayant plusieurs champs d’application possibles, il faut éviter d’accorder des licences exclusives sans restriction à une utilisation particulière,  enfin, elle acte le principe que l’octroi de licences à des fins d’exploitation doit impliquer une compensation appropriée, financière ou autre.

Enfin, le troisième volet vise à définir les principes de recherche collaborative et sous contrat qui visent à s’appliquer à tous les types d’activités menées ou financées conjointement par un organisme public et le secteur privé, en particulier aux activités de recherche collaborative (dans lesquelles toutes les parties exécutent des tâches de R&D) et de recherche sous contrat (dans lesquelles une entreprise privée sous-traite la R&D à un organisme de recherche). Cet ensemble d’initiatives et de textes montre bien l’actualité de la question qui est aujourd’hui traitée.