Droit institutionnel de l’Union européenne (12ème série)

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Transcription de la présentation:

Droit institutionnel de l’Union européenne (12ème série) les sources (droit international) Nicolas de Sadeleer Professeur FUSL

Les sources Droit primaire Principes généraux du droit Droit dérivé Traités internationaux

PRIMAUTE DU DROIT INTERNATIONAL GENERAL Le droit international général lie la CE Application de la coutume et de certains PGDt intl. est acceptée par la jp de la CJCE et du TPICE. Ex. : respect de la Convention de Montego Bay qui reflète l’état coutumier du droit de la Mer.

PRIMAUTE DU DROIT INTERNATIONAL GENERAL Toutefois, le droit international n’est pas appelé à jouer un grand rôle dans les relations entre les EM et l’UE (pas d’application du principe de réciprocité)

CJCE, 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation c Conseil, aff. jtes. C‑402/05 P et C‑415/05 P  PESC – Mesures restrictives à l’encontre de personnes et d’entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban – Compétence de la Communauté – Gel des fonds – Droits fondamentaux –Contrôle juridictionnel – Recours en annulation intenté par les personnes sujettes aux mesures restrictives Articulation des ordres juridiques internationaux-CE et nationaux

Arrêt KADI: contexte réglementaire DIP: Résolutions du Conseil de sécurité adoptées au titre du chapitre VII de la charte des Nations unies consacrées à la situation en Afghanistan et visant spécifiquement les taliban, Al-Qaïda et Oussama Ben Laden -gel des fonds PESC (II ème pilier): position commune 1999/727/PESC prescription du gel des fonds détenus à l’étranger par les Taliban (Base juridique: art. 15 TUE) Droit CE (I er pilier) : règlement (CE) n° 881/2002 du Conseil, du 27 mai 2002 (Base juridique: art. 60, 301 et 308 CE-fondement spécifique aux sanctions économiques à l’égard des Etats tiers-pouvoirs implicites)

Arrêt KADI : objet du recours Le règlement CE met en œuvre, au niveau de la Communauté, l’obligation qui pèse sur ses États membres, en tant que membres de l’ONU, de donner effet aux sanctions à l’encontre de ces réseaux terroristes (résolutions du Conseil de sécurité adoptées au titre du chapitre VII de la charte des Nations unies). Recours intenté par Ahmed Yusuf et la Fondation Al Barakaat Intl. dirigé contre le règlement (CE) n° 881/2002 du Conseil, du 27 mai 2002, instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban.

Arrêt Yusuf : contrôle juridictionnel des résolutions ONU Le TPICE rejeta leur recours au motif que les institutions CE avaient agi au titre d’une compétence liée, de sorte qu’elles ne disposaient d’aucune marge d’appréciation autonome. En particulier, elles ne pouvaient ni modifier directement le contenu des résolutions en question ni mettre en place un mécanisme susceptible de donner lieu à une telle modification. (point 265) Pas d’appréciation discrétionnaire. Le Tribunal a néanmoins reconnu qu’il pouvait contrôler, de manière incidente, la légalité des résolutions en cause du Conseil de sécurité au regard du jus cogens, entendu comme un ordre public international qui s’impose à tous les sujets du droit international, y compris les instances de l’ONU, et auquel il est impossible de déroger. (point 277)

Arrêt KADI AFFIRMATION DE L’AUTONOMIE DU DROIT CE PAR RAPPORT AU DROIT DE L’ONU La Communauté est une communauté de droit, où tous les actes des institutions et des Etats sont soumis au contrôle juridictionnel de conformité avec « la charte constitutionnelle de base qu’est le traité CE » (§ 281). Les droits fondamentaux font partie en tant que principes généraux du droit et constituent une condition de validité du droit dérivé.

AFFIRMATION DE L’AUTONOMIE DU DROIT CE PAR RAPPORT AU DROIT DE L’ONU Dès lors, « un accord international ne saurait porter atteinte à l’ordre des compétences fixé par les traités, et partant, à l’autonomie du système juridique communautaire » (§ 282).

AFFIRMATION DE L’AUTONOMIE DU DROIT CE PAR RAPPORT AU DROIT DE L’ONU « (…) le contrôle, par la Cour, de la validité de tout acte communautaire au regard des droits fondamentaux doit être considéré comme l’expression, dans une communauté de droit, d’une garantie constitutionnelle découlant du traité CE en tant que système juridique autonome à laquelle un accord international ne saurait porter atteinte » (§ 316)

O.J. INTERNE ET AUTONOME « La question de la compétence de la Cour se pose en effet dans le cadre de l’ordre juridique interne et autonome de la Communauté, dont relève le règlement litigieux, et dans lequel la Cour est compétente pour contrôler la validité des actes communautaires au regard des droits fondamentaux » (§ 317).

O.J. INTERNE ET AUTONOME En d’autres mots, la légalité du droit dérivé ne dépend que du droit primaire. Le traité CE instaure un oj interne au sein duquel il devient la seule norme de référence permettant d’apprécier la légalité du droit dérivé. Les résolutions du Conseil de sécurité ne peuvent conduire le législateur communautaire à violer les droits de l’home (voy. §285).

Treaty-making power de la CE La CE définit ses rapports avec le reste du monde (anciennes colonies, puissances commerciales). Personnalité juridique internationale s’exprime dans la capacité de conclure des accords avec des organisations internationales et des Etats tiers (treaty- making power).

PLAN §1. Statut des accords conclus entre les EM et des Etats tiers par rapport aux accords conclus par la CE §2. Place des accords conclus par la CE dans la hiérarchie des normes CE §3. Force juridique des accords conclus par la CE §4. Fondements de la compétence (bases juridiques) §5. Marge de manoeuvre des EM §6. Statut des accords mixtes §7. Procédure de conclusion des accords

§1. Accords conclus entre les EM et des Etats tiers キ antérieurs à l’adhésion aux CE キ postérieurs à l’adhésion aux CE

§1. Accords conclus antérieurement à l’adhésion aux CE « Les droits et obligations résultant de conventions conclues antérieurement au 1er janvier 1958 ou, pour les États adhérents, antérieurement à la date de leur adhésion, entre un ou plusieurs États membres, d’une part, et un ou plusieurs États tiers, d’autre part, ne sont pas affectés par les dispositions du présent traité » (article 307, premier alinéa TCE). Cette disposition a pour objet de préciser, conformément aux principes du droit international, que l’application du traité CE n’affecte pas l’engagement de l’État membre concerné de respecter les droits des États tiers résultant d’une convention antérieure et d’observer ses obligations correspondantes (res inter alios acta).

§1. Accords conclus antérieurement à l’adhésion aux CE Toutefois, obligation de comportement à la charge des EM : éliminer les incompatibilités entre les traités antérieurs et les traités (renégociation, dénonciation,…) (article 307, deuxième alinéa TCE) Exemple : France a dû dénoncer la Convention OIT n°89 interdisant le travail de nuit des femmes car contraire au principe CE de l’égalité de traitement entre homes et femmes (aff. C-158/91, Levy)

CJCE, 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation c Conseil, aff. jtes. C‑402/05 P et C‑415/05 P Si l’article 300, §7, CE était applicable à la charte des Nations unies, cette dernière bénéficierait de la primauté sur les actes de droit communautaire dérivé. Toutefois, cette primauté au plan du droit communautaire ne s’étendrait pas au droit primaire et, en particulier, aux principes généraux dont font partie les droits fondamentaux (§ 308).

§2. Accords conclus postérieurement à l’adhésion aux CE Compétence exclusive de la CE : les accords conclus par les EM sont invalides au regard du droit CE. Compétences concurrentes : les accords sont en principe valables tant que la compétence CE n’est pas exercée; en revanche ils sont primés par une règle CE postérieure. C’est l’exercice des compétences CE qui oblitère progressivement les compétences nationales. Compétences concurrentes : l’Etat qui entend conclure l’accord tant que le législateur CE n’est pas intervenu doit respecter l’obligation de loyauté (art. 10 CE).

§2.Accords conclus par la CE: force juridique « Les accords conclus selon les conditions fixées au présent article lient les institutions de la Communauté et les États membres » (art. 300(7)TCE) Les accords forment dès leur entrée en vigueur partie intégrante de l’OJ CE et, partant, de celui des EM. La Communauté est moniste (accords int. font partie de l’OJ sans qu’il soit besoin d’une mesure interne de transformation)

§3. Place des accords conclus par la CE dans la hiérarchie des normes CE Force inférieure aux traités mais supérieure à celle des actes de droit dérivé. Supériorité des traités découle de l’art. 300 TCE. Contrôle de légalité (contentieux important sur les bases juridiques des décisions portant ratification des accords). Responsabilité de l’exécution de l’accord à l’égard des tiers incombe normalement à la CE qui est partie à l’accord. Violation d’un accord conclu par la CE par un EM met en cause la responsabilité internationale de la CE.

§3. Place des accords conclus par la CE dans la hiérarchie des normes CE Cette supériorité procède de la nécessité de « tenir compte de l’insertion de l’OJ CE dans des solidarités plus vastes et reconnaître sa soumission aux règles internationales » (J.V. Louis, Commentaire Mégret XII, 183).

- jurisprudence Kramer-AETR §4. Fondements de la compétence La Communauté européenne est compétente du seul fait que l’ordre juridique communautaire prévoit expressément ou implicitement un titre de compétence. Attributions expresses - accords exclusifs (133CE) - accords mixtes (151, §3; 174, §4 CE) - accords d’association (310CE) Attributions implicites - jurisprudence Kramer-AETR

§4. Fondements de la compétence attributions expresses Art. 111(1)(3) TCE :politique monétaire (comp.excl., pas d’acc.mixtes) Art. 133 TCE : PCC (comp.excl. , sauf les accords visés au §6, al.2) Art. 150(3) TCE : éducation, formation professionnelle (acc.mixtes) Art. 151(3) TCE : culture (acc.mixtes) Art. 170 TCE : recherche et développement (acc.mixtes) Art. 174(4) TCE : environnement (acc.mixtes) Art. 310 TCE : accords d’association (acc.mixtes)

§4. Attr. expr. : PCC (133CE) Soucieuse de garantir l’unité d’action de la Communauté vis-à-vis du monde extérieur, la Commission tente de raccrocher presque systématiquement la conclusion des accords à la politique commerciale commune dans le dessein de dessaisir les Etats de leur prérogatives externes. Compétence externe exclusive découlant de l’art. 133 CE. Garant de la souveraineté des Etats, le Conseil des ministres cherche, par contre, à limiter les compétences exclusives de la Communauté. Ex. : accords commerciaux préférentiels; accords de coopération commerciale; accords textiles

(K Leenaerts & Van Nuffel, Constitutional Law of the EU, Thomson, 831) §4. Attr. expr. : PCC (133CE) « The definition of the CCP is of great importance for the external policy of the EC institutions and the Member States. This is because the Council is entitled to adopt autonomous and contractual commercial policy measures by a qualified majority vote. What is more, the CCP- at least as regards goods- constitutes an area of competence which is vested exclusively in the EC and therefore excludes in principle any national measures from the outset. » (K Leenaerts & Van Nuffel, Constitutional Law of the EU, Thomson, 831)

§4. Attr. expr. : Accords d’association (310 CE) Conventions de Lomé conclus avec les pays ACP Accord sur l’Espace économique européen Accords Euro-Méditéranéens (Maroc, Algérie) un dialogue politique régulier l'établissement progressif d'une zone de libre-échange en conformité avec les dispositions de l'OMC des dispositions relatives à la liberté d'établissement, la libéralisation des services, la libre circulation des capitaux et les règles de concurrence le renforcement de la coopération économique sur la base la plus large possible dans tous les domaines intéressant les relations entre les deux parties une coopération sociale complétée par une coopération culturelle

§4. Pouvoirs implicites : parallélisme des compétences internes et externes La Cour a reconnu la compétence de la Communauté pour réglementer les ressources biologiques de la mer en raison d’une compétence implicite(arrêt Kramer). Il revient alors à la Communauté de s’appuyer sur une compétence interne (en matière d’environnement, d’agriculture, de marché intérieur) pour se projeter dans l’ordre externe.

§4. Pouvoirs implicites Le fait de ne pas avoir préalablement exercé ses compétences normatives dans un domaine relevant de leurs compétences ne saurait empêcher les institutions de conclure un traité. Ainsi, l’absence d’actions spécifiques dans le domaine du réchauffement climatique n’a pas constitué un obstacle à la conclusion par la Communauté de la Convention-cadre sur les changements climatiques. Dès lors qu’une telle compétence interne existe, la politique communautaire s’impose sur le plan international. Une attribution explicite de compétences n’est donc pas nécessaire.

§5. Marge réservée aux EM Les EM conservent la compétence de légiférer ou de prendre des engagements internationaux aussi longtemps que la CE n’a pas occupé le terrain. L’exercice effectif de la compétence CE exclut progressivement l’exercice de la compétence nationale.

§5. Limitations du pouvoir des EM L’attribution d’une compétence à la Communauté européenne est susceptible de limiter le pouvoir des Etats de conclure la convention à laquelle la Communauté est partie. En effet, selon la jurisprudence AETR (31 mars 1971) « chaque fois que, pour la mise en œuvre d’une politique commune prévue par le traité, la Communauté a pris des dispositions instaurant, sous quelle que forme que ce soit, des règles communes, les Etats membres ne sont plus en droit, qu’ils agissent individuellement ou même collectivement, de contracter avec des pays tiers des obligations affectant ces règles ».

§5. Limitations du pouvoir des EM La Communauté jouit donc d’un droit de préemption dès qu’elle est compétente en vertu du Traité. Par conséquent, l’Etat membre doit s’abstenir de négocier et de conclure un accord international dès que sa participation est susceptible d’affecter les règles communautaires.

§5. Illustration du droit de préemption Violation des compétences externes de la CE- Accord aérien de type « ciel ouvert » conclu entre la CE et USA 9 EM condamnés par CJCE (2002-2007) pour violation de la compétence externe de la CE dans le domaine du transport aérien Les EM ne peuvent plus contracter seuls ni maintenir en vigueur des engagements internationaux affectant l’accord aérien de type « ciel ouvert » conclu entre la CE et USA La conclusion d’engagements internationaux contenant des dispositions susceptibles d’affecter des règles CE sont de nature à compromettre la mission de la CE et les buts du TCE.

§6. Accords mixtes Accords « mixtes » sont conclus tant par la Communauté que par ses Etats membres; à cheval sur les compétences CE et nationales. Exemple d’accord mixte: Article 133(6), alinéa 2 TCE « les accords dans le domaine du commerce des services culturels et audiovisuels, des services d'éducation, ainsi que des services sociaux et de santé humaine relèvent de la compétence partagée entre la Communauté et ses États membres. Dès lors, leur négociation requiert, outre une décision communautaire prise conformément aux dispositions pertinentes de l'article 300, le commun accord des États membres. Les accords ainsi négociés sont conclus conjointement par la Communauté et par les États membres. »

§6. Accords mixtes Les accords mixtes ont le même statut dans l’OJ CE que les accords purement communautaires, s’agissant des dispositions qui relèvent de la compétence CE. Coopération étroite tant dans le processus de négociation, de conclusion que dans l’exécution des engagements.

§6. Accords mixtes: représentation aux COP Les Etats sont représentés, dans leur capacité individuelle, au sein des organisations intergouvernementales spécialisées responsables de la mise en œuvre de ces accords. Cette représentation concurrente de la Communauté et des Etats membres peut soulever des problèmes pratiques dans l’hypothèse où l’accord mixte ne prévoirait pas la possibilité pour la Communauté européenne et les Etats membres d’exercer leur droit de vote de manière simultanée.

§6. Accords mixtes: compétence CJCE Recours en manquement de la Commission contre les EM violant des dispositions d’un accord mixte conclu par la CE, les EM et des Etats tiers. En assurant le respect des engagements découlant d’un accord conclu par la CE, les EM remplissent une obligation envers la CE qui a assumé la responsabilité pour la bonne exécution de l’accord. Ex. : CJCE, 19 mars 2002, Commission c Irlande, aff. C-13/00. La Cour condamne l’Irlande pour ne pas avoir adopté les dispositions légales destinées à mettre en oeuvre une convention sur la protection des oeuvres littéraires et artistiques.

§7. Procédure de conclusion des accords internationaux CM autorise la Commission à négocier (directives; le cas échéant assistance d’un comité de représentants des Etats). A cet égard, le CM statue à la MQ ou à l’unanimité en fonction des procédures applicables aux règles internes (300, §1). Après la clôture des négociations, la Commission fait rapport au CM qui décide signer ou non (300, §2). La signature est subordonnée à une décision du CM (décision sui generis) autorisant le Président du Conseil à signer l’accord au nom de l’institution.

§7. Procédure de conclusion des accords internationaux Le PE est simplement consulté. Cependant approbation du PE dans les cas suivants (nouvelle procédure 218, §6 TFUE) : accords d’association; Ratification CEDH; Implications budgétaires notables; Accords couvrant des domaines auxquels s’applique la procédure de codécision ou la procédure spéciale

§7. Procédure de conclusion des accords internationaux L’accord est le plus souvent adopté par une décision sui generis du CM statuant à la MQ ou à l’unanimité en fonction des procédures applicables aux règles internes

CONCLUSIONS « The Community has an express, and exclusive competence in matters of commercial policy; and it has a wide range of implied external powers. It has a presence alongside its major trading partners in all relevant international forums, not least the WTO. Moreover, the EU has a common foreign and security policy; the existence of very profound, and very public differences between Member States in this arena should not be allowed to obscure the day-to-day, unspectacular achievements of concerted action of a kind never previously witnessed » (Fr. G. JACOBS, Foreword to P. Eeckhout, External Relations of the EU (OUP, 2004) v.)