Antibiothérapie des infections urinaires chez le chien & le chat A. BOUSQUET-MELOU
Définition d’une infection du tractus urinaire ou ITU ITU se définit comme la colonisation microbienne de l’urine ou d’un segment du TU à l’exception de l’urètre distal Doit être distinguée d’une contamination lors du prélèvement
Les différentes ITU ITU basse ITU haute Prostatite cystite & urétrite ITU haute pyélonéphrite Prostatite Bactériurie asymptomatique (10% des chiens) Ne sont pas des ITU sensu stricto Pas d’antibiothérapie ITU associées à la pose d’une sonde vésicale
ITU: données épidémiologiques Incidence: 3% des consultations 25% des affections du bas appareil urinaire sont des cystites bactériennes 15% des chiens développent une ITU au cours de leur vie Seconde pathologie infectieuse après les dermatites
Antibiothérapie: Eléments pour un choix rationnel de l’AB Propriétés pharmacodynamiques et pharmacocinétiques Exposition adéquate du pathogène Absence d’effets secondaires Notamment sur le rein (aminoglycosides) Minimisation du risque d’antibiorésistance Pathogènes cibles SANTE de l’animal Flores commensales: digestive, cutanée, oro-pharyngée SANTE humaine Praticité Coût
Antibiothérapie: Questions à se poser Quel est l’agent étiologique? Diagnostic bactériologique Sensibilité du pathogène aux différents AB ABthérapie empirique (probabiliste) / semi-dirigée / dirigée Sélection des AB sur leurs propriétés pharmacodynamiques Où se trouve localisé le pathogène responsable (biophase)? Comment l’AB peut-il accéder à la biophase et y exposer le pathogène de façon appropriée (durée, concentrations) ? Sélection des AB sur leurs propriétés pharmacocinétiques
Antibiothérapie des ITU empirique semi-dirigée dirigée probabiliste Informations a posteriori Informations a priori Nature de l’agent étiologique Epidémiologie EBU coloration de Gram Identification Sensibilité de l’agent étiologique Epidémiologie Antibiogramme
Les agents étiologiques des ITU Antibiothérapie probabiliste Les agents étiologiques des ITU Les concentrations d’AB dans la biophase Les AB de première intention
Flore résidente du tractus urinaire Le tractus urinaire est normalement stérile sauf à l’extrémité distale de l’urètre (G+ & G-) L’urine est normalement stérile Importance pour l’interprétation d’une culture urinaire en fonction des modalités de prélèvement Présence d’une flore résidente dans la vagin, le prépuce (lactobacillus et Staphylococcus) Rôle de flore de barrière Contamination d’échantillons urinaires
Agents étiologiques des ITU Germes opportunistes / infections ascendantes Infections monobactériennes dans 70% des cas Infections polybactériennes si infection associées à des anomalies du TU
Agents étiologiques des ITU Données épidémiologiques Gram négatif:~ 66-75% E. coli : 36-44% Proteus mirabilis : 9-16% Pseudomonas aeruginosa : 5% (20% certaines études) Klebsiella : 8% Enterobacter : 3% Mycoplasmes Gram positif:~ 25-33% Streptococcus : 12-16% Staphylococcus : 12-16 %
Agents étiologiques des ITU Données épidémiologiques Gram négatif:~ 60% E. coli : 27% Proteus mirabilis : 20% Pseudomonas aeruginosa : 11% Enterobacter : 3% Klebsiella : 4% Pasteurella Gram positif:~ 40% Streptococcus : 13% Staphylococcus : 18%
Agents étiologiques des ITU associés aux calculs urinaires Urine alcaline associée au développement de : Staphylococcus (coques) Proteus (bacilles)
Les agents étiologiques des ITU Antibiothérapie probabiliste Les agents étiologiques des ITU Les concentrations d’AB dans la biophase Les AB de première intention
Les biophases des ITU Une ITU nécessite un attachement du pathogène et une colonisation de la muqueuse vésicale Biophases Bactéries planctoniques (urines) et sessiles (urothelium) Tissus profonds
Les biophases des ITU ITU basses ITU hautes Prostatites Cystites & urétrites Urines, urothelium ITU hautes Pyélonéphrites Tissus interstitiels, médullaire et corticale Prostatites Fluides prostatiques
Muqueuse urinaire & biophase des ITUs click Pour approfondir Pour résumer diapo suivante
Interplay between innate host defenses and UPEC within the bladder Interplay between innate host defenses and UPEC within the bladder. The flow of urine in addition to a variety of host factors that can act as soluble receptor analogues for type 1 pili can impede contact between type 1-piliated UPEC and host superficial facet cells. If contact is established, FimH-receptor interactions can trigger the internalization of adherent bacteria into facet cells, in which UPEC can replicate to high levels. However, attachment and/or invasion can result in the activation of apoptotic pathways within facet cells, leading to the eventual exfoliation and clearance of infected host cells. The release of infected bladder cells in urine may facilitate the spread of UPEC strains in the environment. Initial interactions between type 1-piliated E. coli and urothelial cells can also result in the induction of pro-inflammatory cytokines, leading to the influx of PMNs into the urothelium. To avoid clearance by exfoliation, UPEC is able to escape from dying facet cells and can go on to infect surrounding and underlying epithelial cells. These bacteria may eventually be able to enter a niche within the urothelium in which they can persist (at subclinical levels) undetected by immunosurveillance mechanisms.
Conséquence de l’internalisation de certains E coli : Formation d’un réservoir à l’origine des rechutes Certains E coli intracellulaires peuvent survivre en quiescence dans les couches profondes de la muqueuse Persistance de l’infection même en présence d’urine rendue stérile par l’antibiothérapie Explique les rechutes car ces bactéries ne semblent pas accessibles aux antibiotiques (facteurs PK et/ou PD)
Les concentrations pertinentes Biophase niveau urine et urothelium superficiel Concentrations urinaires Biophase extracellulaire au niveau des tissus Concentrations sanguines Localisations intracellulaires E. coli internalisées, quiescentes ITU persistantes, récidivantes Antibiotiques à pénétration intracellulaire
Concentration urine (µg/mL) Comparaison concentrations urinaires et concentrations critiques de l’antibiogramme pour E coli AB Dose mg/kg voie Intervalle (h) Concentration urine (µg/mL) CMI coli (cat S) Ampi 22 PO 8 309 (4) Amox 11 202 (4) Chloram 33 124 (8) Nitrofurantoïne 4.4 100 (25) TMP-Sulfa 13 26/79 (4/64) Genta 2 SC 107 (2) Cefalexine 225 (8) Enroflox 2.5 12 40 (0.5-1) Tétracycline 18 138 (4)
Les concentrations pertinentes Activité des antibiotiques dans les urines Seules les fractions non-ionisées peuvent agir La fraction NI est fonction du pH des urines Activité diminuée par un pH acide Aminoglycosides, quinolones Activité diminuée par un pH alcalin Ampi/Amox/Tetra/Nitrofurantoïne Activité non influencée par le pH Céfalexine, TMP
Les agents étiologiques des ITU Antibiothérapie probabiliste Les agents étiologiques des ITU Les concentrations d’AB dans la biophase Les AB de première intention
Antibiotiques de première intention CYSTITES Pathogènes Chien (%) Chat Antibiotiques E coli * Proteus Staphylococcus Streptococcus 60 - 90 75 Ampicilline * Amoxicilline-clavulanique Nitrofurantoïne * Triméthoprime-sulfamide * sauf si beta-lactamases * sauf si Proteus
Risques liés aux céphalosporines Sélection de souches résistantes porteuses de BLSE
Antibiotiques de première intention Beta-lactamines Pharmacocinétique Peu lipophiles et acides faibles Ampi/amox : activité diminuée par un pH urinaire alcalin Volumes de distribution faibles pas de conc. thérapeutiques dans les fluides prostatiques Temps de demi-vie courts (sauf cefovécine) Fraction éliminée par sécrétion biliaire : impact flores digestive
Antibiotiques de première intention Triméthoprime-sulfamide Pharmacocinétique Base et acides faibles, larges volumes de distribution Pénètrent la prostate Sulfamides inactifs en présence de pus
Antibiotiques de première intention Nitrofurantoïne Activation donnant des composés intermédiaires responsables de l’activité Pharmacocinétique Elimination très rapide (t1/2=0.5 à 1h) pas d’effet systémique : non utilisable si atteinte tissulaire ou risque de bactériémie (pyélonéphrite aiguë) Activité diminuée par un pH urinaire alcalin
Antibiothérapie des ITU empirique semi-dirigée dirigée probabiliste Informations a posteriori Informations a priori Nature de l’agent étiologique EBU coloration de Gram Epidémiologie Identification Sensibilité de l’agent étiologique Epidémiologie Antibiogramme
Antibiothérapie semi-dirigée Antibiothérapie avec connaissance de la nature du pathogène impliqué En attendant les résultats de l’uroculture Examen cytobactériologique des urines : bâtonnet ou cocci pH urinaire Permet une première sélection
Méthodes de collection des urines Cystocentèse: méthode de choix cathétérisation 26% de positivité sur sujets normaux Miction spontanée (au milieu) Compression vésicale 85% de positivité chez sujets normaux
Méthodes de collection des urines Réfrigération dans les 15 minutes Possibilité de garder les urines pendant 6 h réfrigérées
>1000 >100-1000 >10 000 Miction spontanée >100 000 Interprétation d’un prélèvent urinaire en termes de CFU/mL selon la technique de prélèvement Technique de prélèvement Cystocentèse >1000 >100-1000 Cathétérisation >10 000 Miction spontanée >100 000
Coloration de Gram Exemple Coque – Gram-positif Exemple Bacille – Gram-négatif
Antibiothérapie semi-dirigée pH urines Bâtonnets Coques ACIDE E. coli Stretococcus BASIQUE Proteus Staphylococcus
Gram positif Antibiothérapie ciblée sur staphylocoques et streptocoques La plupart des souches de Gram+ sont sensibles (peu de résistances) Antibiothérapie de première intention sur la base des sensibilités décrites (épidémiologie)
Gram positif CYSTITES Pathogènes Chien (%) Chat Antibiotiques Staphylococcus Streptococcus 12-16 13-18 Ampicilline Amoxicilline-clavulanique Cefalexine, Cefovecine Nitrofurantoïne Triméthoprime-sulfamide
Gram négatif Probabilité de succès plus incertaine car: Enterobactéries : souches à sensibilités variables, E. coli, Klebsiella, Enterobacter Espèces à sensibilité réduite : Pseudomonas, Mycoplasmes Intérêt à l’identification du pathogène
Gram négatif Pathogènes minoritaires Pathogènes Chien (%) Chat Antibiotiques Pseudomonas aeruginosa 5 0-20 11 Fluoroquinolones Tétracycline Gentamicine Mycoplasma 4 1 Pasteurella ? 2 Ampicilline
Bilan antibiothérapies probabiliste et semi-dirigée CYSTITES Amoxicilline-acide clavulanique ou Triméthoprime-sulfamide Pour tous les pathogènes sauf Pseudomonas Fluoroquinolones Jamais en premier intention sauf Pseudomonas ou Mycoplasma PYELONEPHRITES Triméthoprime-sulfamide ou Fluoroquinolones Céphalosporines Eviter en 1ère intention : impact flores digestives / BLSE Aminoglycosides En recours, la toxicité rénale peut être contrôlée
Antibiothérapie des ITU empirique semi-dirigée dirigée probabiliste Informations a posteriori Informations a priori Nature de l’agent étiologique Epidémiologie coloration de Gram Identification Sensibilité de l’agent étiologique Epidémiologie Antibiogramme
Antibiothérapie dirigée La nature du pathogène est connue Sa sensibilité est connue Antibiogramme CMI
Pseudomonas aeruginosa Fluoroquinolones Pharmacocinétique Molécules amphotères et liposolubles Volumes de distribution larges Bonne pénétration prostate et abcès Activité diminuée par un pH urinaire acide
Pseudomonas aeruginosa Gentamicine – Aminoglycosides Pharmacocinétique Molécules très polaires Activité diminuée par un pH urinaire acide Faible volume de distribution Pas de pénétration dans prostate Pas de voie orale Problématique de la toxicité rénale
Valeur prédictive de l’antibiogramme pour les ITUs
Valeur prédictive de l’antibiogramme Les valeurs critiques correspondent à des concentrations plasmatiques et non urinaires Si résultat est Sensible : pas de difficulté Si résultat est Résistant : Quelles sont les concentrations pertinentes ? Urinaires : Antibiogramme peu prédictif ex.: Cystites Plasmatiques : Antibiogramme prédictif ex.: Pyelonephrites Notion de classe intermédiaire pour l’antibiogramme prend en compte les situation ou les concentrations dans la biophase sont supérieures à celles du plasma
Concentration urine (µg/mL) AB Dose mg/kg voie Intervalle (h) Concentration urine (µg/mL) CMI coli (S - R) Ampi 22 PO 8 309 (4 - 16) Amox 11 202 (4 - 16) Chloram 33 124 (8 - 16) Nitrofurantoïne 4.4 100 (25 - ) TMP-Sulfa 13 26/79 (4/64 - 8/256) Genta 2 SC 107 (2 - 4) Cefalexine 225 (8 - 32) Enroflox 2.5 12 40 (0.5/1 - 2) Tétracycline 18 138 (4 - 8)
Concentrations urinaires & efficacité de la Tétracycline et de la Céfalexine La Tétracycline peut être efficace sur un Pseudomonas déclaré résistant La Céfalexine peut être efficace sur une klebsiella déclarée résistante
Valeur prédictive de l’antibiogramme Essai clinique (Eudy; ww Correlation between sensitivity testing and therapeutic response in urinary tract in urinary tract infection. Urology 1973 2:519-522) 545 patients Résultat antibiogramme % guérison Sensible 66 Résistant 60
Valeur prédictive de l’antibiogramme Antibiothérapie empirique chez 156 patients Guérison clinique 89% si E coli est sensible à l’AB utilisé 61% si E coli résistant à au moins un des AB utilisés en empirique Différence significative Noskin et al., Clin Drug Invest, 2001:13-30
Lorsque la CMI est connue AB donnant une concentration urinaire égale à 4 fois la CMI Garantie d’une efficacité minimale de 90% Sous réserve que les concentrations urinaires soient représentatives de celles de la biophase
Les schémas posologiques
Les critères PK/PD AB Temps-dépendant T>CMI Beta-lactamines AB Concentration-dépendant Cmax/CMI, AUC/CMI Fluoroquinolones Aminoglycosides Cmax AUC Concentrations CMI Temps T>CMI
Schémas posologiques : selon les critères PK/PD Antibiotiques temps-dépendants Accroître T>CMI Beta-lactamines à temps de demi-vie courts Dose journalière fractionnée : pb observance du propriétaire Formulations longue-action Beta-lactamine à temps de demi-vie long : la cefovecine
Avantage aux temps de demi-vie courts Temps > CMI : impact des strategies avec t1/2 courts ou longs Avantage aux temps de demi-vie courts concentrations Temps<CMI CMI Temps>CMI Temps
Schémas posologiques : selon les critères PK/PD Antibiotiques concentration-dépendants Accroître Cmax/CMI ou AUC/CMI Aminoglycosides, Fluoroquinolones Dose journalière en 1 prise
Voie et rythme d’administration Voie orale car traitements à domicile Les aminoglycosides ne sont pas absorbés par voie orale Rythme d’administrations Dose journalière en une fois pour AB conc.-dpdt Dose journalière fractionnée pour AB temps.-dpdt
Durée de l’antibiothérapie Variable avec la localisation et les caractéristiques de l’ITU ABSENCE d’essais cliniques validant des durées optimales Durée corrélée positivement avec apparition de résistances ITU basse non compliquée 7-10 jours ITU haute et/ou compliquée Prostatite, pyelonéphrite, urolithiase ... 3 à 6 semaines Surveillance du traitement : urocultures 4-7 jours après début traitement : urines stériles ou echec 4-7 jours après arrêt traitement : guérison, rechute, ré-infection Durées revues à la baisse en médecine humaine
Thérapeutiques adjuvantes Augmenter la diurèse Inefficace pour les biophases tissulaires Dilution des urines Réduction de la concentration en AB Réduction du pouvoir antibactérien de l’urine pH des urines Pas d’évidence de l’intérêt de modifier le pH urinaire