Le Burn-Out ou la communication grillée Philippe Corten ULB
Origine du concept Historique A la fin des années 60 développement aux USA de la médecine communautaire. Un certain nombre de soignants quittent les hôpitaux pour s’investir dans cette pratique (c’est leur choix) Or très rapidement on constate que ceux-ci consomment plus de café, fument plus, prennent des tas de médicaments. En argot américain quand on a ce genre de comportement on dit qu’on BURN-OUT, comme en français on pourrait dire qu’on brûle la mèche par les deux bouts.
Origine du concept Syndrome de mérule émotionnelle Dictionnaire: To Burn-out: 1. Se consumer (pour une bougie) 2. Etre grillé (pour une lampe) 3. Métaphorique: la flamme est éteinte Traduction: Epuisement émotionnel ( c’est à dire qu’il n’y a plus d’émotions ni positives ni négatives). Attention ne pas confondre avec épuisement physique et mental. Traduction imagée: Syndrome de mérule émotionnelle
Facteurs favorisants Le syndrome de Burn-Out apparaît particulièrement dans les professions qui demandent d’avoir une FLAMME, une vocation, où la réussite de l’action dépend essentiellement de ses CAPACITE RELATIONNELLES, exposées au stress, aux contraintes et aux frustrations Exemples: soignants, travailleurs sociaux, enseignants, éducateurs, agents commerciaux…
Signes Aucun signe d’alarme pris isolément Santé: fatigue, rhumes et grippes, maux de tête, maux de dos, tension artérielle, prise ou perte de poids… Comportements: augmentation de la consommation de café, d’alcool, de tabac, de médicaments… Emotions: distance émotionnelle, sentiment d’être piégé, sentiment d’être martyr, distraction… Relations: isolement, méfiance, angoisse, conflits…
Signes Pendant très longtemps les personnes en Burn-out donnent le change en apparence, elles se vident peu à peu de l’intérieur comme rongées par un cancer, c’est pourquoi on parle de mérule émotionnelle. Signe qui ne trompe pas: augmentation progressive des incapacités de travail ponctuelles et du petit absentéisme.
Processus du Burn-Out Une situation Une réponse Un processus Une souffrance
Une situation Le choc de la réalité: Malgré sa flamme Malgré le fait qu’on se soit impliqué Les patients ne guérissent pas, voire meurent Les étudiants ne réussissent pas Les personnes précarisées qu’on sort du trou y retombent Etc…
Une réponse (des réponses) Au départ ce sont des réponses adaptatives normales et saines. Se blinder Prendre de la distance (moins s’impliquer) Réduire ses ambitions (être plus réaliste)
Une réponse: se blinder Une réponse adaptative NORMALE Un soignant est régulièrement confronté à des situations dramatiques: polytraumatisés, suicides, enfants mourants… Il est important, tant pour lui que pour le patient, qu’il ne s’effondre pas devant ces situations. => il doit augmenter sa résistance.
Un processus: l’épuisement des émotions Malheureusement si ce type de réponse se répète il n’est pas possible de se blinder uniquement contre les affects négatifs. Petit à petit on va également se blinder contre les affects positifs (joies, plaisirs…) =>épuisement progressif des émotions, indifférence émotionnelle dans tous les domaines de vie (y compris sphère affective) Ne pas confondre avec la dépression!
Une réponse: Moins s’impliquer 1 Une réponse adaptative NORMALE Malgré le fait que le patient ait une frousse bleue des piqûres, malgré le fait que l’étudiant(e) soit sympathique, le soignant devra réaliser son acte, le professeur devra l’interroger (et éventuellement le buser). => se soucier sans s’impliquer => laisser son tablier au vestiaire quand on a fini de travailler
Une réponse: Moins s’impliquer 2 Lorsqu’on est submergé par une série de choses à réaliser, on a besoin que les autres n’envahissent pas tout le temps sa bulle. « De l’air! » => on met les autres à distances => on pose des limites
Un processus: la déshumanisation des relations Malheureusement si ce type de réponse perdure, petit à petit Madame X devient la pancréatite de la chambre 15 => peu à peu les gens deviennent des pions qu’on manipule (y compris les amis, le mari) => quand on a besoin d’eux pour partager les émotions on les a tellement mis à distance qu’ils ne répondent pas présent.
Une réponse: être plus réaliste Une réponse adaptative NORMALE Comme les professions à risque sont celles qui demandent d’avoir une flamme, une vocation, il est normal qu’au début de sa carrière un soignant rêve d’être le Docteur Schweitzer. Bien vite, il faut se rendre à l’évidence. => réduire ses ambitions
Un processus: la démotivation Malheureusement, à force de diminuer ses ambitions, petit à petit on attend de moins en moins de soi et des autres, on se croit de moins en moins capable d’atteindre un but. => on se démotive => voire on se sous-estime Ce processus s’étend aux amis , aux relations affectives.
Donc: Une réponse: = Réponse adaptative normale Un processus: Se blinder Moins s’impliquer Etre plus réaliste = Réponse adaptative normale Un processus: Epuisement des émotions Déshumanisation des relations Démotivation Le processus envahit peu à peu tous les domaines de vie
Comment enrayer le processus? Tourner le dos au mythe d’Atlas: On n’est pas obligé de porter seul le poids du monde! Ne pas rentrer dans le syndrome du pélican: On n’est pas obligé de se saigner pour aider les autres! Partager ses émotions dès le début. => COMMUNIQUER
Du processus à la souffrance Le Burn-Out est un syndrome lentement évolutif. Il faut presque 10 ans pour arriver au stade terminal. Il est très destructeur. Il gangrène petit à petit tous les domaines de vie. Il est contagieux. Pendant longtemps ceux qui en sont atteints donnent le change (peu de signes) C’est pourquoi l’on parle de MERULE EMOTIONELLE
Les stades du Burn-Out Phase 1: Réponses adaptatives normales Se blinder Etre réaliste Moins s’impliquer Les 3 ensemble Phase 2: processus 5. Epuisement émotionnel 6. Déshumanisation des relations 7. Démotivation Le tout ensemble
Prévention 1- individuelle Travailler sur les causes: La flamme Les relations Le stress et les frustrations Travailler sur le processus: Intelligence émotionnelle La bonne distance Des objectifs réalistes Préserver sa Qualité de Vie Communiquer
Prévention individuelle: travailler sur les causes La flamme Dans ce genre de métier on a besoin de sa flamme, il faut donc la préserver tout en lui donnant des limites. Comment faire? Vieillir: on est généralement plus idéaliste à 20 ans qu’à 40. Mieux se connaître Prendre soin de soi Mais aussi se poser des défis réalistes Etre reconnu par les autres => savoir communiquer ses déceptions et ses joies
Prévention individuelle: travailler sur les causes 2. Les relations interpersonnelles Dans ces métiers une grosse part de la réussite de l’action dépend de ses capacités relationnelles, mais pas uniquement. Comment faire? Développer ses compétences (techniques) Se soucier sans s’engager Ne pas croire qu’on est seul à porter le poids du monde Apprendre à communiquer Préserver sa vie sociale et familiale
Prévention individuelle: travailler sur les causes Le stress Si possible supprimer la cause ou tout au moins: Augmenter ses aptitudes Augmenter le support de la hiérarchie et des collègues Eliminer les stress inutiles Développer des mécanismes d’adaptation Partager ses émotions, utiliser son sens de l’humour Se mettre des limites Demander de l’aide Savoir se retirer Et surtout, SE FAIRE PLAISIR
Prévention individuelle: travailler sur le processus Développer une intelligence émotionnelle On a l’habitude de parler d’intelligence uniquement pour ce qui est cognitif. Nos émotions sont aussi une manière d’appréhender la réalité et on peut le faire intelligemment. Comment faire? Ne pas confondre les émotions entre elles: joie colère, anxiété, tristesse. Les percevoir au moment où elles surgissent et pas 3 heures plus tard. Les verbaliser plutôt que de les agir. Ne pas se soustraire aux situations émotionnelles
Prévention individuelle: travailler sur le processus La bonne distance Le professionnel de la santé est là pour soigner et des maladies et des gens qui en souffrent. Comment faire? Etre professionnel Rester à l’écoute de la souffrance Ne pas se saigner pour sauver les autres Ne pas se croire seul dans la tâche Partager avec les autres
Prévention individuelle: travailler sur le processus Avoir des objectifs réalistes Avoir des objectifs réalistes, signifie d’une part continuer à avoir des objectifs, se poser des défis et d’autre part savoir se mettre des buts atteignables. Comment faire? Mettre des limites Voire la partie pleine du verre et pas uniquement la partie vide Augmenter ses compétences Ne pas être seul à vouloir atteindre ces buts, mais les fixer ensemble, en équipe => partager les mêmes buts +> COMMUNIQUER
Prévention individuelle: travailler sur le processus Préserver sa qualité de vie: La vie est de qualité quand la vie fait sens. 3 sens au mot sens= Sensations, plaisirs Comprendre Direction (histoire de vie) Comment faire? Préserver ses piliers, ses bulles où l’on va se ressourcer Bulle personnelle (conserver des activités à soi) Bulle de couple (préserver sa vie amoureuse même si on a des enfants) Bulle familiale Bulle sociale (amis, culture, rencontres…)
Prévention individuelle: travailler sur le processus Communiquer Comment faire? Communiquer dès la première semaine Communiquer dès le premier mois Communiquer dès la première année … Sinon la communication sera grillée!
Prévention collective: C’est principalement le responsable qui fixe l’atmosphère de travail Travailler sur le processus: Intelligence émotionnelle La bonne distance Des objectifs réalistes Préserver sa Qualité de Vie Communiquer Travailler sur les causes: La flamme Les relations Le stress et les frustrations
Prévention collective Travailler sur les causes La Flamme Ne pas tabler sur la vocation pour motiver l’équipe Développer l’esprit d’entreprise et d’équipe Donner des possibilités d’autonomie Favoriser l’ « intervision » (que des pairs discutent entre eux) Informer et veiller au Burn-Out
Prévention collective Travailler sur les causes Augmenter les compétences relationnelles Réunions d’équipes Formation continuée
Prévention collective Travailler sur les causes Stress Augmenter la satisfaction au travail en augmentant le support de la hiérarchie et des collègues Augmenter l’autonomie Diminuer la bureaucratie Equilibrer la charge de travail Préserver la vie sociale (horaires, week-end) Repenser l’autorité (hiérarchie participative) PENSER A FELICITER et pas uniquement à faire des remarques
Prévention collective Travailler sur le processus L’épuisement émotionnel Au travail: demander systématiquement comment on s’est senti face à telle situation et pas seulement ce qu’on a fait (ou pas fait) Avec son conjoint lui demander le soir comment s’est passée sa journée et non ce qu’il a fait (et vice versa). Favoriser au sein de l’équipe le sens de l’humour. Ne pas accepter qu’une collègue consacre toute sa vie à sa vie professionnelle. => LES EMOTIONS NE PERTURBENT PAS LE FONCTIONEMENT D’UN SERVICE. BIEN PARTAGEES, ELLES LE RENFORCENT.
Prévention collective Travailler sur le processus La déshumanisation des relations Autoriser à ce que les membres de l’équipe cherchent à se former davantage. N’autoriser ni le tutoiement direct, ni l’objectalisation des patients (la pancréatite du 15) Ne pas (s’) autoriser de rudoiement moral au sein des collègues. Favoriser une organisation des soins où un soignant peut suivre un patient durant tout son séjour, même mieux puisse suivre le devenir d’un patient, même quand il est sorti de l’unité (réseau de soin, polyclinique…
Prévention collective Travailler sur le processus La démotivation de l’équipe Poser des défis, reconnus par tous, réalistes. Mais des défis quand même! Ne pas laisser tomber les bras Etre tant le relais de la direction vers l’équipe que de l’équipe vers la direction Favoriser les initiatives Favoriser les formations Féliciter plutôt que souligner ce qui ne va pas. NE JAMAIS OUBLIER DE DIRE MERCI.
Prévention collective Travailler sur le processus Préserver la qualité de vie Préserver l’équilibre entre la vie de travail et la vie sociale et affective Mettre en valeur les compétences extra professionnelles d’un collègue Penser à lui aux moments clés de sa vie (anniversaires, naissances, maladies…) Leur donner la possibilité de s’exprimer et d’accueillir favorablement leurs suggestions Donner un SENS à ce que l’on fait
Prévention collective Travailler sur le processus 5. Communiquer Autoriser les discussions impromptues autour d’un café même pendant le travail Ne pas garder pour soi toutes les informations S’autoriser et autoriser les autres à verbaliser leurs émotions Favoriser les réunions d’équipe où le vécu peut s’exprimer et pas uniquement les faits.
Et si on craque? Le syndrome de Burn-Out a été comparé à un syndrome de mérule émotionnelle. Longtemps celui qui en est atteint donne le change, mais lorsqu’il craque les dégâts psychiques et physiques sont généralement catastrophiques
Traitement: Se mettre à l’abri: incapacité de travail généralement prolongée (en moyenne 4 mois) Il n’y a pas de médicaments contre le Burn-Out Les seuls traitements sont: Psychothérapie Changement de style de vie Souvent, après traitement, réorientation professionnelle ou mutation. Ils sont grillés auprès de leurs anciens collègues (ils les ont manipulés, se sont montrés indifférents,=>rejet)
Attention Le syndrome de Burn-Out peut être contagieux! L’un est atteint, il s’absente, il augmente la charge de tout le monde, un second s’écroule, etc… Le syndrome de Burn-Out est une mérule non seulement pour l’individu mais pour l’institution!