Faut-il brûler la logique classique?

Slides:



Advertisements
Présentations similaires
Algorithmes et structures de données avancées Cours 7
Advertisements

Règles de base en formule classique.
Algorithmes et structures de données avancés
COURS DE MATHEMATIQUES DISCRETES SM
Raisonnements sur le temps : au carrefour des disciplines
MATHEMATIQUES COMPETENCE 3 :
LA NOTION DU CONTRADICTOIRE EN MATIERE D’EXPERTISE JUDICIAIRE
CHAPITRE 6 Fonctions numériques.
La voie intuitionniste
Faut-il brûler la logique classique?
Logique et raisonnement scientifique cours transversal Collège Doctoral Pr. Alain Lecomte.
Logique et Raisonnement Scientifique
Vers une interprétation « concrète »
Calcul propositionnel
Logique et raisonnement scientifique
Logique et Raisonnement Scientifique A. Lecomte Gödel et lincomplétude.
Système formel Nous avons introduit : signes de variables (x, y, z, …), de constantes (0, 1), d’opérations (+, ), de relations (=, ) Axiomes : ce sont.
Logique et raisonnement scientifique
Le logarithme décimal : quelques exemples (introduction, utilisation)
INTRODUCTION.
Modélisation des systèmes non linéaires par des SIFs
Image Processing using Finite Automata Jean-Christophe Janodet Journée SATTIC.
Apprendre à se servir d’un tableur
3.1 L’offre 3 Construire l'offre 3.1 L'offre 3.2 La valeur de l'offre
David Rolland, formateur en mathématiques
Septième étape : travailler avec des graphes probabilistes
Démarche de résolution de problèmes
Graphes Conceptuels J.F. Baget Inria.
Actes de langage et propriétés inférentielles. Propriétés inférentielles Conjonction/Disjonction (Contraintes +, Contraintes -) Gauche/Droite Descente.
Programmation logique Logique des prédicats du premier ordre
Chap 4 Les bases de données et le modèle relationnel
Programmation logique Démonstrateur automatique
LL et modalités Conception inférentialiste des modalités (sans mondes possibles) Considérer les régimes dinférence propres aux connecteurs de base de LL.
Gestion de Fichiers Arbres B.
Symbolisme vs Connexionnisme
Rappels de logique des prédicats du 1er ordre
IFT Complexité et NP-complétude
1 SQL: Requêtes, Programmation et Triggers Chapitre 5, Sections
1 SQL: Requêtes, Programmation et Triggers Chapitre 5, Sections
CSI 4506: Introduction à l’intelligence artificielle
1.6 CONTINUITÉ ET ASYMPTOTE
Algorithmes d ’approximation
Partie II Sémantique.
Sémantique dénotationnelle
COLLÈGE BOURGET         Titre du laboratoire souligné         Par: Nom 1 Nom 2 Nom 3 20_         Travail présenté à: Mme Bussières Sciences et technologies.
Normalisation. RELATION NORMALE Une relation est dite normale si aucun des domaines qui la composent n'est lui-même une relation. En d'autres termes,
Initiation à la conception des systèmes d'informations
Méthodes de prévision (STT-3220)
La Logique des propositions
La Logique modale Motivation
La Logique du premier ordre LPO
CHAPITRE 3: LES NOMBRES.
Cours n°2UE102e(S. Sidhom) UE 102e. M1.IST-IE cours n°2 Systèmes à base de règles Par : Sahbi SIDHOM MCF. Université Nancy 2 Équipe de recherche SITE –
Présentation du marché obligataire
D.E ZEGOUR Ecole Supérieure d’Informatique. Problèmes de décision Concepts de base Expressions régulières Notation particulière pour exprimer certaines.
7.4 VECTEURS PROPRES Cours 22. Au dernier cours nous avons vus ✓ Les cisaillements ✓ Les projections orthogonales ✓ Les projections obliques.
MATHÉMATIQUES DISCRÈTES Chapitre 6 (relations)
CSI 4506: Introduction à l’Intelligence Artificielle
Raisonnement et logiques
Systèmes formels 1. Définition d'un SF Morphologie Théorie propre
Post-optimisation, analyse de sensibilité et paramétrage
LOGIQUE ET PROGRAMMATION LOGIQUE
Répondre à des questions: choisir des stratégies
INTRODUCTION AUX BASES DE DONNEES Dépendances et normalisation
Epicure VIème partie. Nous avons remarqué que notre connaissance de la vérité était dépendante de nos sens. Mais tout n’est pas si simple. S’il y a effectivement.
Chap. 3 Récursion et induction. Les définitions par récurrence consistent à construire des objets finis, à partir d'autres, selon certaines règles. Les.
Résolutions et réponses
Cicéron Vème partie. La raison de la loi naturelle est difficile à établir. Les philosophes évoquent souvent « la » raison et en font d’une certaine manière,
Relation de conséquence logique Nous avons vu une relation entre formules: l’équivalence tautologique (  ) Nous allons définir une nouvelle relation,
Quelques point de repère pour élaborer une progression concernant la technique opératoire de la division euclidienne (CM1 et CM2) I Rappels pour l’enseignant.
Transcription de la présentation:

Faut-il brûler la logique classique? Les logiques modales

C. I. Lewis, 1918 : les « paradoxes » de l’implication matérielle (1) (2) ad impossibile sequitur quodlibet Ex: si « l’eau bout à 100° » est vraie, alors il est vrai que « si Charlemagne fut empereur, alors l’eau bout à 100° » Distinguer une « implication stricte » d’une implication matérielle?

Implication stricte P implique strictement Q si et seulement s’il est impossible que P soit vrai sans que Q le soit Fait intervenir la notion de modalité

… une idée pas neuve Aristote, Premiers Analytiques cf. discussion sur l’aporie de Diodore Kronos (J. Vuillemin, 1984)

Intérêt des logiques modales Introduire : le temps dans la logique (logique temporelle) sous l’aspect d’opérateurs tels que P et F (passé et futur), les considérations de contingence et de nécessité (logique aléthique), celles de permission et d’obligation (logique déontique) les notions de savoir et de croyance (logiques épistémiques et doxastiques).

opérateurs logique aléthique : le nécessaire est le dual du possible logique déontique : l’obligatoire est le dual du permis logique de la prouvabilité : le prouvable est le dual du « consistant avec » ◊p  □p

Premières approches : Lewis et Langford, 1932 Présentation à la Hilbert

L’approche syntaxique (2) Interprétation « naturelle »: □p = « il est nécessaire que p » La logique modale (propositionnelle) est une extension du calcul propositionnel : Toute logique modale doit contenir comme théorèmes au minimum toutes les tautologies du CP, Comme il existe une procédure pour les déterminer (décidabilité), on peut admettre que chaque tautologie du CP est prise comme axiome

L’approche syntaxique (3) + axiomes « propres », permettant de manipuler « □ » Axiome 1 : toute formule ayant la forme d’une tautologie Axiome 2 : □()  (□ □) Règles : modus ponens : {, } |—  nécessitation : {} |— □

L’approche syntaxique (4) Axiome 2 : □()  (□ □) si l’implication de  par  est nécessaire, alors si  est nécessaire,  aussi (transfert de la nécessité) Règles : nécessitation : {} |— □ si on a pu démontrer  alors c’est que  est nécessaire Le résultat : logique modale minimale K

L’approche syntaxique (5) Précaution dans les dérivations : L’usage de la règle de nécessitation est interdit après l’introduction d’une prémisse cf:  |— , où  est un ensemble de prémisses. Sans restriction, si   , on a :  |— , donc (nécessitation)  |— □, toute prémisse exprimerait une vérité nécessaire! En réalité, ne sont nécessaires par la règle de nécessitation que les propositions démontrées sans prémisse.

L’approche syntaxique (6) Problèmes avec l’approche syntaxique il est « facile » d’imaginer toutes sortes de systèmes d’axiomes… du genre: □, □ □□ , ◊□  , etc. mais… quel sens cela a-t-il véritablement? (insuffisance de notre intuition)  Besoin d’une approche sémantique

Sémantique de la logique modale Sémantique dite « de Kripke » Deux notions-clés : Monde possible Relation d’accessibilité

La théorie des mondes possibles

Semantic frame Un « frame » F est un couple (W, ) où: W : un ensemble non vide (de « mondes possibles »)  une relation binaire sur W Un modèle (de Kripke) sur F est un couple (F, V) où: F est un « frame » V est une application de {p1, p2, …, pn}  W dans {0,1} (à chaque lettre propositionnelle et chaque monde possible: une valeur de vérité) ou bien une application de {p1, p2, …, pn} dans (W)

Sémantique (3) Si dans le modèle M, V(p, w) = 1 (p: une lettre propositionnelle, w: un monde), on écrit: VM,w(p) = 1 ou: |=M,w p ou encore w |=M p On étend V à toute formule au moyen de: VM,w() = 1 ssi VM,w() = VM,w() = 1 VM,w() = 0 ssi VM,w() = VM,w() = 0 VM,w() = 1 ssi VM,w() = 0 VM,w() = 1 ssi pour tout w’ tel que ww’, VM,w’() = 1

Sémantique (4) Au lieu de : V(p, w) = 1 w V(p) On étend V à toute formule au moyen de: V() = V()  V() VM,w() = V()  V() V() = W - V() w  V() ssi pour tout w’ tel que w  w’, w’  V() Ou encore: V() = {w; pour tout w’ w  w’ w’  V()}

complétude Logique complète par rapport à la sémantique des mondes possibles:  |-  si et seulement si : pour toute valuation V sur un frame (W, R) V()  V()

Liens entre propriétés de  et formules vraies dans une logique modale Supposons que nous prenions comme axiome supplémentaire, la formule : □   Quelle est sa signification en termes de « frame » ou de « relation d’accessibilité »?

Si  est vraie dans tout monde accessible au monde actuel w0, alors  est vraie dans ce monde actuel Autrement dit: w0 fait partie de ces mondes accessibles à partir de lui-même w0  w0 Autrement dit:  est réflexive

□   w0 □

□    w2  w1 w3  w0  w7  w4  w6 w5 

□    w2  w1 w3  w0 ?  w7  w4  w6 w5 

□    w2  w1 w3  w0 ?  w7  w4  w6 w5 

Propriétés de  et formules vraies Idem pour: □  □□ Si  est vraie dans tout monde accessible au monde actuel w0, alors c’est le cas également de □ Pour que □ soit vraie dans tout monde w accessible à w0, il faut que  soit vraie dans tout monde accessible à tout monde w accessible à w0. Donc la formule exprime le fait que si  est vraie dans tout monde accessible à w0, alors elle est encore vraie dans tout monde accessible à tout monde accessible à w0.

ceci est assuré si:  est transitive

□  □□ w0 □

□  □□  w2  w1 w3  w0  w7  w4  w6 w5 

□  □□ □□  ? w0  w6 w5 

□  □□ □□ ? w0 □ w6 w5 □

□  □□ □□ ? w0   w6  w5   

□  □□ □□ ? w0    w6  w5    

Qu’en est-il de: ◊□   ?

S’il existe un monde possible accessible au monde actuel où □ est vraie, alors  est vraie dans le monde actuel Soit w1 ce monde, dire que □ est vraie dans w1, c’est dire que  est vraie dans tout monde possible accessible à w1 Si on veut que toujours en ce cas,  soit vraie dans w0, il suffit que w0 soit toujours accessible à w1 Et ce, quel que soit le monde w1 accessible à w0 Donc que  soit symétrique

Caractérisation d’un frame  caractérise une propriété de  si et seulement si tout frame <W, > ayant cette propriété admet  comme formule vraie une relation  est dite euclidienne si et seulement si : xyz x  y  x  z  y  z

Caractérisation (2) □  (axiome T) caractérise les frames réflexifs □  □□ (axiome 4) caractérise les frames transitifs ◊□   (axiome B) caractérise les frames symétriques ◊  □◊ (axiome 5) caractérise les frames euclidiens

Différentes logiques On a vu K (pas de propriété particulière de ) (logique modale minimale) K + □   : logique T T + □  □□ : logique S4 S4 + ◊  □◊ : logique S5 si on ajoute   □ : collapsus (retour à CP)

discussion (1) □  : modalités ontiques : modalités épistémiques : s’il est nécessaire que , alors  modalités épistémiques : s’il est su que , alors  mais : s’il est cru que , alors  modalités déontiques : s’il est obligatoire que , alors  s’il est obligatoire que , alors il est permis que !

discussion (2) □  □□ modalités ontiques : la nécessité de la nécessité =la nécessité (clôture) modalités épistémiques : s’il est su que , alors il est su qu’il est su que  ? (conscience du savoir) si je crois que , alors je crois que je le crois? plutôt: je sais que je le crois modalités déontiques : s’il est obligatoire que , alors il est obligatoire que cela soit obligatoire

discussion (3) ◊  □◊ modalités ontiques : la possibilité est toujours nécessaire modalités épistémiques : si j’ignore que non- ,alors je sais que je l’ignore modalités déontiques : s’il est permis que , alors il est obligatoire que cela soit permis

toute vérité (logique) est connue…! Logique épistémique {} |— □ : toute vérité (logique) est connue…! (omniscience) Axiome 2 : si x sait que A  B et qu’il sait A, alors il sait B (« distribution ») Nécessitation : {} |— x sait que  Connaissance : x sait que    Modus ponens

Problème (McCarthy, 1978) Un roi désirant savoir lequel de ses trois conseillers est le plus sagace peint un point blanc sur le front de chacun d’eux. Le roi leur dit qu’il a peint un point blanc ou un point noir sur le front de chacun et qu’au moins un des points est blanc; il demande ensuite à chaque conseiller de deviner la couleur de son propre point. Après un temps de réflexion le premier répond qu’il ne sait pas; entendant cela le second dit qu’il ne sait pas non plus. Après avoir entendu la réponse des deux premiers, le troisième déclare que son point est blanc.

le raisonnement du 3ème conseiller Admettons que mon point soit noir. Alors le second d’entre nous devrait savoir que son point est blanc parce qu’il sait que s’il était noir alors le premier conseiller aurait vu deux points noirs et en aurait conclu que le sien était blanc. Comme aucun des deux premiers n’a pu deviner la couleur de son point, il faut que le mien soit blanc.

Version courte Seulement deux conseillers A et B savent que chacun peut voir le point se trouvant sur le front de l’autre, et donc: Si A n’a pas de point blanc, B sait que A n’a pas de point blanc : blanc(A)  KB(blanc(A)) A le sait! donc: KA(blanc(A)  KB(blanc(A))) A et B savent chacun qu’au moins un des deux a un point blanc et chacun d’eux sait que l’autre le sait, donc : KA(KB(blanc(A)  blanc(B))) B dit qu’il ne sait pas s’il a un point blanc, donc A sait que B ne sait pas s’il a un point blanc, donc KA(KB (blanc(B)))

Le raisonnement (1) blanc(A)  KB(blanc(A)) (2) KA(KB(blanc(A)  blanc(B))) (3) KA(KB (blanc(B))) (4) KB(blanc(A)  blanc(B))

Le raisonnement blanc(A)  KB(blanc(A)) (1) KB(blanc(A)  blanc(B)) (4) KB(blanc(A))  KB(blanc(B)) - distribution -  blanc(A)  KB(blanc(B)) - syll. 1, 3 - KB(blanc(B))  blanc(A) - transpo, 4 - KA(KB(blanc(B))  blanc(A)) - connaissance - KA(KB(blanc(B)))  KA(blanc(A)) -distrib - KA(KB(blanc(B))) (3) KA(blanc(A)) - modus ponens, -

Les tableaux Chaque monde est représenté par un tableau à deux colonnes Dans l’une on met ce qui est vrai en ce monde Dans l’autre on met ce qui est faux en ce monde Dès qu’une proposition vient s’inscrire dans les deux colonnes d’un même tableau : on a une contradiction

S4 : □(p  q)  □(□p  □q) Supposons que cela soit faux Alors il existe un monde w où elle est fausse, c’est-à-dire où □(p  q) est vrai mais □(□p  □q) faux, Si □(□p  □q) est faux dans w, alors il existe un monde w’ accessible à w où □p  □q est faux, c’est-à-dire où □p est vrai mais □q faux, Si □q est faux dans w’ alors il existe un monde w’’ accessible à w’ où q est faux, Comme l’accessibilité est transitive, w’’ est accessible à w, donc p  q y est vrai, de même que p puisque w’’ est accessible à w’, d’où q devrait y être vrai, or il est faux

tableau □(□ p  □q) w w’ V F V F w’’ V F (3) □p  □q (1) □(p  q) 

à propos du temps branchant On peut combiner des modalités Par exemple ,  et G, H (il sera toujours le cas que, il a été toujours le cas que, avec leurs duales F - il sera au moins une fois que - et P – il a été au moins une fois que -) Admettons que les mondes possibles aient un axe temporel commun VM,w,t() = 1 ssi pour tout w’ tel que wRw’: VM,w’,t() = 1 VM,w,t(G) = 1 ssi pour tout t’ tel que t<t’: VM,w,t’() = 1 Mais l’accessibilité entre les mondes change avec le temps! D’où plutôt: VM,w,t() = 1 ssi pour tout w’ tel que wRtw’: VM,w’,t() = 1

Temps branchant Idée: wRtw’ ssi w et w’ ont eu la même « histoire » jusqu’à t t0 t1 t2 t3 t4

Formalisation des contrefactuels Si Pierre était venu, il aurait rencontré Marie p = Pierre vient q = Pierre rencontre Marie P(p(p  Fq)) = Il a été une fois dans le passé un monde où p était faux et où dans tous les mondes alternatifs possibles à ce monde, où p était vrai, il allait être le cas au moins une fois dans le futur que q

Pas si simple… P(p(p  Fq)) |— P(p((p  r)  Fq)) Alors s’il est vrai que: Si Pierre était venu il aurait rencontré Marie est-il vrai que: Si Pierre était venu et en venant s’était tué sur la route, il aurait rencontré Marie ?

Pas si simple… Si Pierre était venu, toutes choses étant égales par ailleurs, il aurait rencontré Marie (p  q)  « q est vrai dans tous les mondes alternatifs où p est vrai », (p  q) = « q est vrai dans tous les mondes alternatifs où p est vrai, tout autre état de choses demeurant constant » --> introduction d’une relation de similarité entre les mondes