Le tympan de l’abbaye St Pierre de Moissac Frédéric Hosteing – Collège François Mitterrand Noisy le Grand, Académie de Créteil Photos originales : www.ac-limoges.fr

L’abbaye Saint Pierre de Moissac, dans le département de Tarn-et-Garonne (82), en région Midi Pyrénées, a été fondée dès le VIIe siècle. Vue du portail sud et de la tour-clocher. L’abbaye de Moissac a été classée monument historique en 1840 puis au Patrimoine mondial en 1998.

Mais ce n’est qu’au XIIe siècle (entre 1130 et 1135) qu’est réalisé le tympan de la porte sud, véritable chef-d’œuvre de l’art roman. Le tympan est la pièce architecturale qui se trouve au centre du portail d’une église ou d’une cathédrale.

Observons d’un peu plus près la partie centrale de ce tympan… Avez-vous déjà une idée de ce que représente cette scène ? Cette image peut faire l’objet d’une première discussion avec les élèves, pour les amener à faire le plus d’hypothèses possibles.

Question 1 : À votre avis, qui est le personnage central Question 1 : À votre avis, qui est le personnage central ? À quoi peut-on le reconnaître ?

C’est le « Christ en majesté », tel qu’il est décrit dans le texte de l’Apocalypse. On le reconnaît : - à son nimbe (auréole) dans lequel on aperçoit la croix qui a servi à son supplice ; - au geste de bénédiction qu’il fait avec la main droite ; - au livre qu’il tient dans sa main gauche : il est l’incarnation de la « Parole de Dieu ». N.B. L’Apocalypse (en grec apokalupsis : « révélation ») est le dernier livre de la Bible : il relate la vision que St Jean aurait eue sur l’île de Patmos, dévoilant ce qui doit arriver au moment de la parousie du Christ (du grec parousia : « présence », « arrivée »), c’est-à-dire son retour en gloire, à la fin des temps, pour juger le monde. On peut faire remarquer aux élèves la taille imposante du Christ par rapport aux autres personnages de la scène, et la richesse de son vêtement (manteau somptueux - également appelé pallium - et finesse du drapé) : Jésus est ici représenté en pleine gloire divine, tel qu’il est apparu à St Jean (« Celui qui siégeait avait l’aspect d’une pierre de jaspe et de sardoine. » - Apocalypse IV, 3). Le nimbe crucifère (l’auréole ornée d’une croix) est un symbole exclusivement réservé au Christ dans l’iconographie chrétienne : il symbolise à la fois son aspect divin et son martyre. En ce qui concerne Jésus considéré comme la Parole de Dieu (ou le « Verbe »), on peut citer l’Evangile de Jean, qui commence à raconter la vie du Christ par ces mots : « Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu. » (Jean I, 1). Question 2 : Sur quoi le Christ est-il assis ? Que remarquez-vous à ses pieds ?

Le Christ siège sur un trône , dont le dossier rappelle la forme d’une amande (appelée aussi mandorle). Avez-vous remarqué les petites étoiles qui l’entourent ? Elles représentent peut-être les « reflets d’émeraude » dont parle le texte de l’Apocalypse… Mandorle (de l’italien mandorla : « amande ») : figure architecturale en forme d’amande dans laquelle s’inscrivent les personnages sacrés. C’est un symbole de lumière. Rappel du texte biblique « Une gloire nimbait le trône de reflets d’émeraude. […] Devant le trône, comme une mer limpide, semblable à du cristal. » (Apocalypse IV, 3, 6) Au pied du trône, les vagues symbolisent « la mer de cristal » également mentionnée dans l’Apocalypse.

Question 3 : Que représentent les quatre créatures ailées qui entourent le trône? Qui symbolisent-elles ? Que tiennent-elles ? Pourquoi ? Rappel du texte biblique « Au milieu du trône et l’entourant, quatre animaux couverts d’yeux par-devant et par derrière. Le premier animal ressemblait à un lion, le deuxième à un jeune taureau, le troisième avait comme une face humaine, et le quatrième semblait un aigle en plein vol. » (Apocalypse IV, 6, 7)

Question 4 : Vous souvenez-vous des noms des quatre évangélistes ? Ces quatre créatures ailées représentent un homme, un lion, un aigle et un taureau : c’est le Tétramorphe. Elles symbolisent les quatre évangélistes, qui ont chacun écrit la vie de Jésus : on les reconnaît à leur auréole (ce sont des saints) et aux livres qu’ils tiennent (qui représentent les évangiles). N.B. On peut attirer l’attention des élèves sur la représentation sans doute un peu maladroite du lion, qui n’était certes pas un animal courant dans le sud de la France au moyen-âge ! Le sculpteur s’est sans doute inspiré de représentations trouvées dans les bestiaires médiévaux, livres illustrés et enluminés qui recensaient toutes sortes d’animaux (parfois un peu fantaisistes !). Certains élèves remarqueront peut-être que l’aigle ne tient pas un livre mais un rouleau. En effet, dans l’Antiquité, à l’époque de Jésus, on utilisait des livres roulés en papyrus. L’ancêtre de notre livre moderne, le codex (que tiennent les autres créatures du Tétramorphe), n’apparaît qu’au IVe siècle après J.C. Au moyen-âge, il est encore fréquent de représenter les livres sous forme de rouleaux, puisque c’est ainsi qu’ils sont dépeints dans les saintes écritures. Question 4 : Vous souvenez-vous des noms des quatre évangélistes ?

ST MATTHIEU ST JEAN ST LUC ST MARC St Matthieu est représenté par l’homme, St Jean par l’aigle, St Luc par le taureau et St Marc par le lion. Le Tétramorphe symbolise également les différents aspects de la vie du Christ : son humanité, sa divinité, son sacerdoce (ou mission religieuse) et sa résurrection. ST MATTHIEU ST JEAN N.B. On trouve une explication du Tétramorphe dans la Légende dorée de Jacques de Voragine : « Suivant saint Jérôme, Matthieu a pour attribut l’homme, parce qu’il insiste surtout sur l’humanité du Christ; Luc a pour attribut le bœuf, parce qu’il traite surtout du sacerdoce du Christ ; Jean a pour attribut l’aigle, parce que, volant plus haut que les autres, il nous parle surtout de la divinité du Christ ; et Marc a pour attribut le lion parce que son évangile nous témoigne surtout de la résurrection. » ST LUC ST MARC

Les deux personnages de part et d’autre de la scène, avec des ailes et des auréoles, sont des anges : leur rôle de « messager » (c’est le sens du mot grec angelos) est symbolisé par les rouleaux qu’ils tiennent dans leurs mains.

Prenons maintenant un peu de recul sur le tympan de l’abbaye de Moissac… Question 5 : Pouvez-vous compter le nombre de petits personnages qui entourent la scène principale ?

Avez-vous bien compté ? Il y en a 24 en tout : ce sont les 24 anciens, qui représentent les livres de l’Ancien testament (alors que le Tétramorphe représente le Nouveau Testament). N.B. L’Ancien Testament compte en fait 39 livres. Toutefois, au moyen-âge, on en comptait 24. En effet, les mêmes écrits étaient regroupés de manière différente : on considérait par exemple que les 12 « petits prophètes » ne constituaient qu’un seul et même livre…

Question 6 : Que portent les anciens sur la tête Question 6 : Que portent les anciens sur la tête ? Que tiennent-ils dans leurs mains ? Vers qui leurs regards sont-ils tournés ?

Les 24 anciens portent des couronnes sur leurs têtes, des coupes et des instruments de musique dans leurs mains (même si certaines sculptures ont été un peu abîmées avec le temps…). Tous regardent en direction du Christ en majesté. N.B. On peut faire remarquer aux élèves les postures très « détendues » de certains anciens : jambes croisées, corps légèrement avachi… On a presque l’impression qu’ils sont en train de trinquer dans un banquet !

Les couronnes sont un symbole de puissance et d’éternité Les couronnes sont un symbole de puissance et d’éternité. Les 24 anciens tiennent des instruments de musique, le regard tourné vers le Christ, car ils chantent ses louanges. D’après l’Apocalypse, leur coupes sont « remplies de parfum, qui sont les prières des saints. ». Rappel du texte biblique « Autour du trône vingt-quatre trônes, et sur ces trônes, vingt-quatre anciens siégeaient, vêtus de blanc, et, sur leurs têtes, des couronnes d’or. […] [Ils] se prosternèrent devant [le Vivant], tenant chacun une harpe et des coupes d'or remplies de parfums, qui sont les prières des saints. » (Apocalypse IV, 4 ; V, 7) N.B. Les coupes tenues par les 24 anciens peuvent également être interprétées comme une allusion à l’Eucharistie. Pour l'Église catholique romaine, il s’agit du saint sacrement du corps et du sang du Christ, partagés sous forme de pain et de vin lors de la Cène : « Puis, prenant une coupe, il rendit grâces et la donna [à ses apôtres] en disant :"Buvez-en tous ; car ceci est mon sang, le sang de l'alliance, qui va être répandu pour une multitude pour le pardon des péchés." » (Matthieu XXVI, 27, 28)

Une dernière remarque : La composition du tympan est parfaitement équilibrée et symétrique, ce qui traduit bien l’ordre, le calme et la sérénité censés caractériser le retour du Christ (ou « parousie ») à la fin des temps…