les maladies à prion Exemple d’infection par des agents transmissibles non conventionnels (ATNC) Etienne Decroly, CNRS Edecroly@free.fr
Parasites obligatoires non viraux Rappel des caractéristiques principales des virus Agents infectieux, parasites obligatoires Composés de Matériel génétique (ADN ou ARN) Protéines (virions extracellulaires) Doués de capacités réplicatives avec intermédiaires extracellulaires infectieux Il existe différents types d’éléments réplicatifs simples non viraux Eléments transposables (non infectieux) Viroïdes (ARN) Prions (protéines) Infectieux
Les prions sont des ATNC Caractéristiques principales des prions Agents infectieux non conventionnels, parasites obligatoires Composés uniquement de protéines «PRoteinaveaus Infectious Particles ONly » Résistent aux procédés d’inactivation classiques des acides nucléiques (Alper et al. (1967, Nature, 214, 764-6) Aucun ARN ou ADN infectieux isolé à ce jour Les protéines ne perdent pas leur pouvoir pathogène sous l’action d’agents faiblement dénaturants classiques (chaleur, UV, trypsine), mais ne résistent pas aux traitements très dénaturants Il n’y a pas d’anticorps induit chez l’hôte Leur mode de réplication lent suppose des modifications post-traductionnelles de protéines endogènes Il existe des formes non infectieuses (génétiques) des maladies à prion
Hypothèse du mécanisme d’action des ATNC Protéine normale endogène Protéine infectieuse Transconformation Stanley Prusiner (prix Nobel 1997) : une fraction protéique "modifiée" entraîne la pathologie et transmet la maladie (à un autre animal de la même espèce ou d'une autre espèce) par sa capacité à modifier la protéine "normale" endogène en l'absence de tout acide nucléique
Espèces infectées par des prions Encéphalophaties subaiguës spongiformes transmissibles (ESST) Protéines de type prion identifiées chez la levure et les champignons revues : Tuite, 2000, Cell, 100, 289-92; Wickner et al., 2000, Current Biol., 10, R335-7
Encéphalophaties subaiguës spongiformes transmissibles (ESST) induites par les prions Types d’affection Maladies à infection lente et évolution rapide Au niveau fonctionnel : Maladies neuro-dégénératives démences troubles moteurs (ex : scrapie) Au niveau physiopathologique : Dépôts extracellulaires spongioses, vacuolisation (cf maladie d'Alzheimer)
Le cas de la scrapie : 1730 : la tremblante du mouton est connue (France, Grande Bretagne, Allemagne) C’est une maladie transmissible (1750 importations de moutons anglais en Australie) N’est pas transmise à l'homme depuis le XVIIIème siècle Un mouton atteint de tremblante : lésions de grattage (scrapie)(B. Chamak, pour la science, 1999, vol 256) Anomalies histologiques du SNC des moutons : Vacuolisation des neurones et gliose 1920-21 : description clinique et neuropathologique de maladie de CJ : mêmes lésions que la tremblante (Hans Gerhardt Creutzfeldt) 1930-40 : transmission de la tremblante du mouton au mouton, à la chèvre, avec très longue incubation (+/- 24 mois)
Les maladies à prion chez l’homme Trois formes principales de maladies liées à la même protéine Transmissibles Sporadiques Familiales
La protéine du prion humaine « PrP » (PrP normal, PrPc cellulaire, PrPsen sensible PK) Le gène PRNP 1 copie sur le chromosome 20 (homme), protéines homologues dans les autres espèces infectées 3 exons dont seul le troisième code pour la PrP Structure déduite de la séquence Homme : 253 résidus (27 kDa ); souris, hamster : 254; mouton : 256
Distribution anatomique : ubiquitaire (1) Détection de PrP par immunocytochimie Détection de ses ARNm par hybridation in situ Expression de la GFP sous le contrôle du promoteur de PrP bovin chez la souris microscopie électronique cervelet : E, H : Corps multivésiculaires C :golgi (voir numéro spécial de Microscopy Research and Techniques, 2000, 50 Lemaire-Vieille et al., 2000, Proc. Nat. Acad. Sci. USA, 97, 5422-27)
Distribution anatomique : ubiquitaire (2) Système nerveux central : cortex cérébral et cérébelleux, hippocampe, tronc cérébral… (neurones et glie: astrocytes, microglie) Système nerveux périphérique : neurones des plexus du tube digestif Organes lymphoïdes (rate, ganglion, amygdales, thymus) : lymphocytes, monocytes, cellules réticulaires dendritiques (présentatrices d'antigènes) Sang circulant : plaquettes, sérum, lymphocytes, monocytes. Toutefois il semble qu’il y ait peu de risque de transmission par voie sanguine de nvCJD) Placenta : transmission fœto-maternelle ? Muscle squelettique (jonction neuro-musculaire) : transcription des ARNm de PrP chez des souris inoculées avec des extraits de cerveau contenant PrPres, les muscles des pattes arrières expriment PrPres et sont contaminants (Bosque et al., 2002, PNAS, 99, 3812-17) Mais le muscle de vaches porteuses de l'ESB ne semble pas contaminant Testicule, ovaire, intestin, (poumon), pancréas (îlots endocrines), glandes salivaires (à sécrétion muqueuse), foie, estomac, intestin, rein (certaines portions tubulaires du néphron)
Fonction naturelle de la PrPC (1) Impliquée dans le métabolisme des ions Cu, Zn : Les ions divalents induisent l'endocytose de PrP intacte, mais pas de PrP dépourvue du domaine N-terminal de fixation à ces ions (Sumudhu et al., 2001, Current Biology, 11, 519–23)• PrP avec activité superoxyde dismutase (SOD) et protection contre radicaux O2 (voir Brown, 2001, TINS, 24, 85-90). Interaction de PrP avec composants de matrice extracellulaire (laminine, glycosaminoglycannes sulfatés) et leur récepteur (de laminine, complexe dystroglycan) :
Fonction naturelle de la PrPC (2) Rôle de transduction de signal ? (Mouillet-Richard et al., 2000, Science, 289, 1925-28) L’agrégation de PrP (anticorps) active la tyrosine-kinase Fyn par l'intermédiaire de la cavéoline 1 PrP se fixe à l'ARN PrP possède des propriétés proches de celles de la protéine NCp7 de la capside de HIV-1, vis à vis de l'ARN viral (Gabus et al., 2001, J. Biol. Chem., 276, 19301-9) Etude de souris KO PrP -/- : sans phénotype marqué KO "conditionnel" de PrP (souris) : induction du KO 9 semaines après la naissance sans apparition de dégénérescence neuronale (Mallucci et al., 2001, EMBO J., 21, 202-10)
Biosynthèse, maturation (lignées de neuroblastome, cultures transfectées…) Synthèse au niveau du réticulum endoplasmique Clivage du peptide signal N-glycosylation (sur 0, 1 ou 2 sites, les 3 formes existent) Formation du pont disulfure Transfert du groupement GPI et clivage des 23 derniers résidus nécessite la participation de molécules chaperonnes (Bip + protéine X (Prusiner)) Clivage au niveau de la membrane plasmique avec libération de PrP dans le milieu extracellulaire de la PrP (métalloprotéases) avec libération du fragment C-terminal (environ 142 aa, MM 27-30 kDa = PrP 27-30) de la PrP par des métalloprotéases (ADAM10 et ADAM17) (entre aa 112-113) avec libération d'un peptide N-terminal de 11,5 kDa. Ce clivage est stimulé par les activateurs de la protéine kinase C, mais pas par ceux de la protéine kinase A (Vincent et al., 2001, J. Biol. Chem., 276, 33743-46)
Biosynthèse, maturation
Synthèse au niveau du RE
3 isoformes co-existent Interprétation : synthèse simultanée de trois formes de PrP (Hedge et al. 1988 Science 279,827-834)
Distribution sub-cellulaire Dans les radeaux lipidiques de la membrane plasmique (T 1/2 = 5 heures) enrichis en cavéoline 1 Localisation à la synapse (hippocampe, domaines pré- et post-synaptiques) Endocytose et adressage au compartiment endosome-lysosome (dégradation par le système ubiquitine protéasome)
Formes pathogènes de la PrP : la PrPSC (scrapie) ou PrPres (résistante à la PK) Le même gène code pour PrPsen et PrPres Caractéristiques physico-chimiques de PrPres PrPres est capable d'induire la transformation de PrPsen en PrPres Caractéristiques biochimiques de PrPres Mécanismes de la pathogenèse de PrPres Invasion du Système Nerveux Central par PrPres Barrières d’espèces
Le même gène code pour PrPsen et PrPres Le développement de la MCJ n’est pas lié à l’apparition d’une mutation dans le gène codant pour la PrP En effet : Pour les formes infectieuses, même si il y a une notion de terrain génétique (polymorphismes ), la maladie est liée à la contamination par la PrPres exogène Pour les formes familiales la maladie est liée à une mutation « pré-existante » : MCJ (145,171,178,183,200,210 ), Syndrome GSS (102,105,117,180,198,217 ), FFI (178 ) Il n’y a pas de liaison génétique directe pour les MCJ sporadiques. Toutefois, les polymorphismes (180,208,232) prédisposent à la maladie
Formes pathogènes de la PrP : la PrPSC (scrapie) ou PrPres (résistante à la PK) Le même gène code pour PrPsen et PrPres Caractéristiques physico-chimiques de PrPres PrPres est capable d'induire la transformation de PrPsen en PrPres Caractéristiques biochimiques de PrPres Mécanismes de la pathogenèse de PrPres Invasion du Système Nerveux Central par PrPres Barrières d’espèces
Caractéristiques physico-chimiques de PrPres Résistance à la protéolyse par la protéinase K (méthode de détection) Solubilité modifiée Destruction : autoclavage 136° 18 minutes, ou chaleur sèche 160° 24 h
Pourquoi cette résistance? Modification de la conformation 3D : transformation de l’hélice alpha en feuillet béta
Conséquences de cette modification ? Les fragments de PrPres s’accumulent dans les cellules et s'agrègent en donnant des dépôts extracellulaires similaires aux dépôts amyloïdes A: dépôts amyloïdes (IC) B : cortex cérébral patient GSS (IC) C : fibrilles PrP synthétiques (ME)
Formes pathogènes de la PrP : la PrPSC (scrapie) ou PrPres (résistante à la PK) Le même gène code pour PrPsen et PrPres Caractéristiques physico-chimiques de PrPres PrPres est capable d'induire la transformation de PrPsen en PrPres Caractéristiques biochimiques de PrPres Mécanismes de la pathogenèse de PrPres Invasion du Système Nerveux Central par PrPres Barrières d’espèces
La transmission n’est possible que chez un hôte exprimant la PrP Notion issue de la barrière d’espèce (Tremblante du mouton) Les souris KO PrP -/- ne développent pas la maladie après infection par la PrPres S. Lehmann, medecine/sciences 1996; 12: 949-58
PrPres induit la transformation de la PrPsen 2 modèles types (Aguzzi et al 2001 Nature Cell Biol., 2, 118-125) Transformation induite Nucléation polymérisation
Modèle des différentes formes d’infection à prions Formes sporadiques
Formes pathogènes de la PrP : la PrPSC (scrapie) ou PrPres (résistante à la PK) Le même gène code pour PrPsen et PrPres Caractéristiques physico-chimiques de PrPres PrPres est capable d'induire la transformation de PrPsen en PrPres Caractéristiques biochimiques de PrPres Mécanismes de la pathogenèse de PrPres Invasion du Système Nerveux Central par PrPres Barrières d’espèces
Caractéristiques biochimiques de PrPres problème des souches Homogénat de cerveau Digestion PK WB ! Une seule bande si déglycosylation Kahan et al medecine Sciences1997;13(1):62-5 Collinge et al 1996, Nature 383,685-690
les anomalies (cliniques, neuropathologiques) sont liées à l'augmentation du % de PrPCtm : edge et al., 1998, Science, 279, 827-34
Preuves de l'existence de différentes souches de MCJ Il existe différentes maladies liées à la PrP Temps d'incubation variable Histopathologie spécifique Profils de glycosylation différents Or il n'existe qu'un seul gène et une seule protéine du point de vue de la séquence primaire ces différences démontrent l'existence de nvMCJ ces différences restent difficilement explicables par la théorie de la trans-conformation uniquement ! Y a-t-il d'autres protéines associées ? Y a-t-il des petits ARN associés ? Y a-t-il une infection virale associée ?
Formes pathogènes de la PrP : la PrPSC (scrapie) ou PrPres (résistante à la PK) Le même gène code pour PrPsen et PrPres Caractéristiques physico-chimiques de PrPres PrPres est capable d'induire la transformation de PrPsen en PrPres Caractéristiques biochimiques de PrPres Mécanismes de la pathogenèse de PrPres Invasion du Système Nerveux Central par PrPres Barrières d’espèces
Mécanismes pathogéniques de la PrPres la PrPres entre en contact avec la PrPsen à la surface de la cellule cible et induit sa transformation en PrPres. Par la suite l’endocytose de la PrPres via le récepteur de la laminine augmente l'efficacité de la transformation PrPsen en PrPres. Quels sont les conséquences ? Perturbation de la biosynthèse de la PrP par le RE Modification des glycosylations de la PrP Dégénérescence neuronale suite à Accumulation de la PrPres dans le RE et le cytosol Libération de fragments toxiques dans le milieu extracellulaire (cf amyloïdes) Apoptose des neurones
Formes pathogènes de la PrP : la PrPSC (scrapie) ou PrPres (résistante à la PK) Le même gène code pour PrPsen et PrPres Caractéristiques physico-chimiques de PrPres PrPres est capable d'induire la transformation de PrPsen en PrPres Caractéristiques biochimiques de PrPres Mécanismes de la pathogenèse de PrPres Invasion du Système Nerveux Central par PrPres Barrières d’espèces
Mécanismes d’invasion par les prions Rôle prépondérant du SI (même s’il n’y a pas de syndrome infectieux ni d’IgG) La réplication périphérique précède l'invasion du SN Tissus infectés (via le récepteur de la PrP (laminine)) Rate Ganglions Formations lymphatiques Lymphocytes B Plaques de Payers Système réticulo endothélial Intestins ce sont les tissus à risque
Mécanismes d’invasion du SNS Schéma d'après Aguzzi et al., 2001, Nature Cell Biol., 2, 118-25)
Mécanismes d’invasion du SNS
Progression des lésions cellulaires dans le SNS
Formes pathogènes de la PrP : la PrPSC (scrapie) ou PrPres (résistante à la PK) Le même gène code pour PrPsen et PrPres Caractéristiques physico-chimiques de PrPres PrPres est capable d'induire la transformation de PrPsen en PrPres Caractéristiques biochimiques de PrPres Mécanismes de la pathogenèse de PrPres Invasion du Système Nerveux Central par PrPres Barrières d’espèces
Barrières d’espèces ESB : 1988 transmission aux souris (intracérébrale puis voie orale) transmission aux visons (intracérébrale et voie orale (0,6g)) transmission aux porcs (intracérébrale; pas par voie orale) transmission aux macaques analyse de souris transgéniques
Barrière d’espèce ESB : 1988 transmission aux souris (intracérébrale puis voie orale) transmission aux visons (intracérébrale et voie orale (0,6g) transmission aux porcs (intracérébrale pas par voie orale) Analyse de souris transgéniques l'efficacité de la transmission dépend de la distance génétique entre les Prp. Preuve de la transmission aux macaques Nouvelles formes de la maladie (nvMCJ) cf fig. TD 11 S. Lehmann, medecine/sciences 1996; 12: 949-58
Barrières d’espèces ESB : 1988 transmission aux souris (intracérébrale puis voie orale) transmission aux visons (intracérébrale et voie orale (0,6g)) transmission aux porcs (intracérébrale; pas par voie orale) transmission aux macaques analyse de souris transgéniques L'efficacité de la transmission dépend de la distance génétique entre les PrP
Méthodes de détection Tests post mortem Coupes histologiques (AC) 3 tests de dépistage (WB, elisa) Injection de broyats de cerveaux aux souris Critères cliniques Augmentation de la protéine 14.3.3 dans le LCR (pas pour le nvMCJ) Analyse RMN : signal élevé dans le pulvinard Dépistage sur les amygdales Détection précoce dans le sang = enjeu primordial pour les transfusions
Les « Viroïdes » Petits ARN simple brin (240-400 nucléotides) Non-encapsidés Se répliquent selon la méthode en cercle roulant Ils n'ont pas de région codant pour des protéines et doivent donc utiliser les enzymes de leur hôte pour leur réplication Provoquent des maladies affectant des plantes (interaction directe entre leur génome d'ARN, ou d'autres ARN générés lors de l’infection, et une ou plusieurs cibles cellulaires) Sont considérés comme des fossiles vivants issus d'un monde pré-cellulaire
Existe-t-il un autre agent ? Après 3 passages La virulence Le délai d’incubation ESB clinique sans PrPres Lasmezas et al 1997, science 275 402-405