Dr. Jérôme Dinet, MCF-HDR

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Transcription de la présentation:

Dr. Jérôme Dinet, MCF-HDR Psychologie générale Dr. Jérôme Dinet, MCF-HDR

CHAPITRE 2. La naissance de la psychologie Université de Lorraine

2.1. Préambule Utilités de l’histoire de la psychologie : mieux comprendre la discipline actuelle mieux comprendre son développement en rapport avec certains événements historiques comprendre ses différences et similitudes avec d’autres disciplines : distinction avec la philosophie depuis la fin du 19e liens de plus en plus étroits avec la médecine depuis la fin du 19e

apparition de nouvelles approches ces dernières années (ex apparition de nouvelles approches ces dernières années (ex., l ’ergonomie) la psychologie ne naît pas de rien : ancrage dans le 17e et le 18e R.: pour comprendre la psychologie d’aujourd’hui  nécessité de connaître le passé et certaines notions

2.2. Empirisme et associationnisme En Occident, au 17e : le modèle cartésien prévaut Rappel du cogito : « je pense, donc je suis » c-à-d que je suis capable de connaître mes états mentaux Mais, comment savoir si je suis dans le vrai ? Pour certains auteurs, le cartésianisme est donc insuffisant pour étudier les faits mentaux ...

… ces derniers devant être appréhendés par l’observation et l’expérience = approches empiriques Empirisme = recueil de faits objectifs et vérifiables Quelques empiristes célèbres : Francis BACON (1561 - 1626) : seule l’observation objective est fiable commence à poser les bases de la scientificité d ’un fait

Thomas HOBBES (1588 - 1679) : travaux sur les relations entre les humains (« L’homme est un loup pour l ’homme ») John LOCKE (1632 - 1704) : travaux sur la folie  pour Locke, folie = défaut de raisonnement) R.: jusqu’à cette époque : folie = possession par le diable études sur l’éducation des enfants travaux sur le développement de l’esprit humain

A cette époque, la psychologie n ’existe pas encore Prédominent toujours des questions métaphysiques et religieuses (ex., liens entre esprit et âme ? Liens entre esprit et corps ?) Mais : sont exprimées les limites quant au cartésianisme sont abordés certains problèmes « nouveaux » (ex., l’éducation des enfants, la folie comme trouble mental) certaines conceptions sont combattues (ex., la possession par le diable)

la raison peut seule être garante de vérité (= rationalisme) Au 18e, en France, débute la philosophie des Lumières : la raison peut seule être garante de vérité (= rationalisme) opposition avec certaines conceptions de l’Église (ex., sur la maladie mentale)

Grand intérêt pour les troubles mentaux et handicaps : Au 18e en France : Grand intérêt pour les troubles mentaux et handicaps : PINEL : études sur les aliénés et l ’importance du soutien familial ITARD : travaux sur les déficients mentaux (cf. Victor, enfant sauvage) HAUY : travaux sur les prises en charge des mal-entendants l’ABBE DE L’EPEE : travaux sur les prises en charge des sourds-muets Etc.

tout effet est dû à une cause toute cause entraîne un effet Grand intérêt pour la Nature et les Sciences de la nature L’Homme est un élément du Tout, de la Nature … … et peut donc être étudié avec les mêmes méthodes Naissance de l’approche mécaniste associationniste : tout effet est dû à une cause toute cause entraîne un effet Mais, toujours beaucoup de mysticisme (astrologie, arts divinatoires, etc.)

2.3. Associationnisme et évolutionnisme En UK au 19e : importance du raisonnement logique pour expliquer les comportements humains + Débuts des découvertes de la chimie du cerveau cf. travaux de John Stuart MILL (1806 - 1873) sur la logique

publication des travaux sur l’évolutionnisme : des espèces animales dont l’Homme des sociétés (cf. bouleversements politiques et sociaux) opposition nette avec l’Eglise qui prône le créationisme Pour les évolutionnistes : l’Homme évolue comme tous les autres animaux donc, l’Homme est un animal

l’Homme évolue sous l’effet de 2 facteurs : facteurs internes : tendance des êtres à évoluer vers le « mieux » facteurs externes : survivance des plus forts --> aboutira à la notion de « sélection naturelle » l’environnement (familial, social, etc.) est très important Principaux évolutionnistes : Jean-Baptiste de MONET DE LAMARCK (1744 - 1829) Charles DARWIN (1809 - 1882) : « l’origine des espèces » (1859)

La sélection naturelle selon DARWIN : reprise d’une idée de Thomas MALTHUS (prêtre anglican) (1766-1834) nécessaire à la survie et conservation d’une espèce nécessaire au renforcement d’une espèce (« seuls les plus aptes vivront ») prouve que l’Homme est inscrit dans la série animale

prouve que l’environnement est un facteur déterminant est très liée à la notion de « transmission héréditaire de caractère acquis » marque le début des liens très forts entre psychologie et physiologie La pensée aurait des bases physiologiques

2.4. Physiologie et positivisme Au 19e : existent toujours des questions métaphysiques (ex., liens entre esprit et corps) R.: ces questions existent toujours Développement des travaux en physiologie : activité réflexe : preuve de la conduction nerveuse involontaire attribution de fonctions différentes aux nerfs début de la conception hémisphérique du cerveau

Le cerveau n’est pas un tout homogène et unique Il est constitué de 2 hémisphères et différentes aires … … ayant des fonctions spécifiques différentes Naissance du courant localisationniste ... … et de la physiologie intellectuelle : qui donnera la phrénologie de Franz Joseph GALL rapidement abandonnée !

Travaux de Paul BROCA (1824 - 1880) sur la localisation des aires spécialisées sur le langage  les aphasies (= « famille » de troubles du langage) Deux courants de pensée s’affrontent : les globalistes (« le cerveau est un tout fonctionnant unitairement ») les localisateurs (« à une fonction correspond une zone particulière ») Aujourd’hui : ces 2 extrêmes sont abandonnés

Mais, même s’il est abandonné, le localisationnisme a permis : de grandes avancées sur de nombreuses pathologies d’abandonner l’introspection de montrer qu’il fallait une approche positiviste pour être scientifique que la connaissance des comportements humains était liée à celle des bases neurologiques Positif : qui repose sur des faits constatés ou vérifiables

2.5. Les débuts de la psychologie scientifique De manière consensuelle : Wilhelm WUNDT = 1er laboratoire de psychologie (Leipzig, en 1879) Les travaux des physiologues allemands ont permis : de montrer que l’on peut tout mesurer y compris les comportements de donner naissance à la psychophysiologie de montrer que les mathématiques sont indispensables à l’étude des comportements (ex., calculs de forces, de résistances, etc.)

Mais, la psychophysiologie ne peut s’intéresser qu’à des phénomènes simples (ex., perception) et non complexes (ex., mémorisation) Certains ont tenté d’aborder ces processus dits « supérieurs » Ex., Hermann EBBINGHAUS (1860-1909) : travaux sur l’apprentissage et la mémorisation En Allemagne, la psychologie : est une psychologie de laboratoire repose sur les mesures objectives et rigoureuses allie mathématiques et physiologie (cf. Sciences de la nature)

A la même époque, en France : la psychologie est surtout liée à la médecine la psychologie est faite par des médecins ! on s’intéresse surtout à la différence entre le normal et le pathologique Jean-Martin CHARCOT (1825-1893) : neurologue à la Salpêtrière travaux sur la sclérose en plaques, la paralysie, etc. s’intéresse à l’hypnose définit et décrit l’hystérie grâce à l’hypnose

Mais, Hippolyte BERNHEIM (1840-1919, école de Nancy) : montre que c’est de la suggestion (et non pas de l’hypnose) décrit les 1ers outils de la psychothérapie (dont la parole) Mais, en France au début du 20e, la psychologie se distingue de la médecine : Théodule RIBOT (1839-1926) est l’un des fondateurs de la psychologie scientifique française

Alfred BINET (1857-1991) : s’intéresse au développement de l’intelligence de l’enfant crée avec Théodore SIMON l’Echelle Métrique de l’Intelligence pour dépister les enfants « anormaux » travaille en étroite collaboration avec l’Instruction publique  Début de la psychométrie créateur en 1894 de la revue L’Année Psychologique (qui existe toujours)

Pierre JAMET (1859-1947) : distingue la psychologie pathologique de la générale montre l’existence de processus automatiques (subconscients) Apparition de la psychologie sociale (« appliquer au groupe ce que l’on sait sur l’individu ») Mais, opposition avec la sociologie de Emile DURKHEIM (séparation des 2 orientations)s

En UK et USA, à cette même époque : grand intérêt pour l’hérédité (ex., Francis GALTON, 1822-1911) la psychologie est très liée aux théories évolutionnistes ... … l ’Homme devant s’adapter à son milieu Mais, détournement des thèses évolutionnistes vers l’eugénisme : Ex. test de Binet et Simon détourné aux USA pour montrer que les enfants blancs sont plus intelligents que les enfants noirs (1917) Ex., Camps de concentration pour les « asociaux », « irrécupérables » et « dégénérés » (dès 1933) … … puis les juifs, tsiganes, handicapés, etc.

Certains auteurs luttent contre ces idées : William JAMES (1842-1910) approche fonctionnaliste du comportement = le comportement existe car il a une fonction  Tout comportement a donc un but, une fonction John DEWEY (1859-1952) : travaux sur l’éducation James CATTEL (1869-1944) : auteur de tests mentaux

2.6. Le Behaviorisme « Behavior » ou « behaviour » = le comportement Courant très important de la psychologie du début du 20e, jusqu’en 1960 Courant présent dans tous les pays Né en 1913 (1er article d’un behavioriste) Principaux représentants : John WATSON (1878-1958) Ivan PAVLOV (1849-1936) Frédérick SKINNER (1904-1990)

Caractéristiques du behaviorisme : rejet de l’introspection tout comportement peut et doit se mesurer objectivement tout comportement est dû à une cause : un stimulus tout stimulus entraîne un comportement : une réponse Donc, le schéma du béhaviorisme est : S R pour « Stimulus entraîne une Réponse »

Les behavioristes appellent boîte noire ce qui est entre « S » et « R » S R c-à-d que pour un behavioriste : tous nos comportements sont liés de manière causale … …c-à-d sont dus à une cause objectives ; rien n’est dû au hasard ; ce qui se passe dans la « boîte noire » n ’est pas intéressant BOITE NOIRE

Le behavorisme est dans la lignée des approches associationnistes et empiriques : ASSOCIATIONNISME car  association directe entre stimulus et comportement (ou réponse) EMPIRISTE car  seuls les faits observables comptent Ce courant a permis le développement de l’approche expérimentale : 1. on contrôle et on manipule S 2. on soumet l’individu à S 3. on mesure l’effet du S sur R

Exemples de conduites obéissant au schéma S  R : le conditionnement ou réflexe conditionnel de Pavlov (cf. travaux sur le « chien de Pavlov ») Pour Skinner, la réponse (R) a en retour un effet sur l’individu : le conditionnement est opérant car peut être : - renforçateur (ex., récompenses en nourriture) - inhibiteur (ex., chocs électriques) R. : pour Pavlov : « Un homme, ça ne naît pas ; ça se fabrique »

R.: Principes du conditionnement pour le chien : Stimulus « viande »  Réponse « salivation » Stimulus « viande + clochette »  Réponse « salivation » Au bout de plusieurs jours : Stimulus « clochette seule »  Réponse « salivation » Comportement appelé « conditionnement  » ou « réflexe conditionné » car : Apparaît si une condition existe (« viande » et/ou « clochette ») Disparaît si la condition disparaît

Question : l’Homme est-il conditionné et conditionnable ? Certaines réactions du nouveau-né sont conditionnés Certains comportements des adultes sont conditionnés : Peur Éloignement face aux dangers (chaleur, vide, etc.) Conditionner un humain est possible, mais : Uniquement dans certaines conditions spécifiques Problèmes éthiques et déontologiques Revêt des formes dissimulées  ex., soumission volontaire de personnes vulnérables aux sectes

Aujourd’hui : le behaviorisme a presque disparu car : c’est la boîte noire qui intéresse les psychologues c-à-d ce qui se passe entre « S » et  « R » ce courant ne peut pas expliquer les comportements complexes tout comportement n’est pas dû à un stimulus (ex., imagination, création, rêves, etc.) même les processus « simples » sont plus complexes qu’on ne le pensait Ex., la perception visuelle

Illusion de Poggendorf

Colorimétrie

Illusions d’optique

Triangles de Kanizsa

Les limites du behaviorisme : Impossibilité de faire l’impasse sur les variables intermédiaires entre S et R Difficulté à établir des relations mathématiques entre S et R Approche trop « minimaliste » et simpliste N’apprend rien sur ce qui se passe dans la « boîte noire »  Fin du behaviorisme orthodoxe à la fin des années 1950

Même s’il est rare aujourd’hui, le courant behavioriste a apporter de nombreux avantages. Les apports du behaviorisme : A permis le rejet de l’introspection A permis de poser les bases scientifiques de la psychologie actuelle A posé les 1ères bases pluridisciplinaires de la psychologie actuelle A amené à considérer la psychologie comme une science à part entière A permis de considérer l’humain comme un objet d’étude scientifique à part entière

Aujourd’hui, c’est ce qui se passe dans la « boîte noire » qui intéresse les psychologues et chercheurs en psychologues  Les processus cognitifs