Diagnostic et traitement de l’insuffisance cardiaque
Définition Incapacité du ventricule gauche à assurer, avec des pressions de remplissage normales, un débit sanguin suffisant pour couvrir les besoins métaboliques de l’organisme au repos ou à l’effort. Problème de santé publique ( 1 à 2 % de la population)
Formes cliniques Insuffisance cardiaque par dysfonction systolique ou à fonction systolique conservée (diastolique). IC à débit augmenté ou abaissé. IC aiguë ou chronique. IC gauche, droite ou globale.
Type d’insuffisance cardiaque
Insuffisance cardiaque gauche Signes fonctionnels et généraux Dyspnée d’effort à quantifier Classe NYHA épreuve de marche des 6 minutes Dyspnée de décubitus : orthopnée Dyspnée paroxystique nocturne: OAP ou formes frustes. Toux, hémoptysie. Altération de l’état général, amaigrissement
Classification de la NYHA Stade I : patient asymptomatique Stade II : dyspnée pour des efforts inhabituels Stade III : dyspnée pour des efforts de la vie quotidienne Stade IV : dyspnée permanente de repos et s’aggravant au moindre effort
Insuffisance cardiaque gauche Signes physiques Déviation du choc de pointe. Tachycardie. Pouls pincé voire alternant. Double galop. Souffle d’IM fonctionnelle. Signes pulmonaires: râles crépitants, signes d’épanchement pleural.
Valeur pronostique du B3 Etude SOLVD . 2565 patients Drazner. NEJM. 2001; 345: 574
Electrocardiogramme Absence de signes spécifiques * bloc de branche gauche * surcharge ventriculaire gauche Dépistage des troubles du rythme. Un ECG normal possède une grande valeur prédictive négative ( >95% ) et doit en pratique faire remettre en cause le diagnostic.
Axe de QRS = 0° Surcharge ventriculaire gauche (Sokolov > 35mm, T- en V5V6 D1VL) Bloc de branche gauche incomplet Hypertrophie auriculaire gauche
Radiographie pulmonaire Cardiomégalie, mais volume cardiaque normal en cas d’insuffisance cardiaque aiguë ou parfois dans l’ insuffisance cardiaque diastolique. Signes d’hypertension veino-capillaire, mais chez un sujet donné il est difficile d’apprécier la pression capillaire. Importance de la durée et de la sévérité de la dysfonction VG.
Prévalence des signes cliniques en fonction du type d’IC IC diastolique IC systolique DPN 55 50 Orthopnée 60 73 Crépitants 72 70 B3 45 65 B4 66 Cardiomégalie 90 96 HTVCP 75 80 Zile et al. Circulation. 2002. 105: 1387
Echocardiogramme Appréciation de la fonction systolique. Examen complémentaire essentiel pour le diagnostic, le mécanisme et l’étiologie Appréciation de la fonction systolique. Appréciation de la fonction diastolique. Renseignements étiologiques. Appréciation des pressions pulmonaires. Echogénicité souvent médiocre chez le bronchopathe chronique. Examen opérateur dépendant
Estimation des diamètres VG
Mesure de la fraction d’éjection
Evaluation échocardiographique de la fonction diastolique VG Analyse du flux mitral Analyse du flux veineux pulmonaire Vitesse de propagation du flux de remplissage en TM couleur Vitesse de déplacement de l’anneau mitral en doppler tissulaire Indices combinés
Insuffisance cardiaque diastolique
Aspects du remplissage VG Normal An Relax PTDVG Nle An Relax PTDVG élevée Pseudo NL Restrictif E/A 1 - 2 < 1 > 2 TDM (ms) 150 - 220 > 220 < 150 TRIV (ms) 60 - 100 > 100 < 60 S/D > 1 Ap (cm/s) < 35 > 35 Ap – Am (ms) < 0 < 0 > 0 Vp(cm/s) > 45 < 45 Ea(cm/s) > 8 < 8
Autres examens complémentaires Etude isotopique: mesure de la FE VG et VD. Meilleure reproductibilité que l’écho. IRM cardiaque: méthode la plus fiable et la plus reproductible pour déterminer les volumes et l’épaisseur pariétale du VG. Problème de disponibilité. L’épreuve d’effort métabolique a surtout une valeur pronostique. Les explorations invasives sont surtout utiles dans un but étiologique.
Les peptides natriurétiques
Le peptide natriurétique B Initialement mis en évidence dans le cerveau , d’où son nom: Brain Natriuretic Peptide. Secrété quasi exclusivement par les myocytes ventriculaires sous forme d’un précurseur: le pro-BNP clivé secondairement en BNP et séquence N-terminale. Le principal stimulus de synthèse puis de sécrétion est l’étirement des myocytes. Bonne corrélation entre le taux de BNP et la sévérité clinique de l’insuffisance cardiaque.
Evaluation échocardiographique de la fonction systolique VG Mesure des diamètres diastolique et systolique du VG. Pourcentage de raccourcissement du petit axe insuffisant en cas de trouble segmentaire de la contractilité. La fraction d’éjection VG est le paramètre le plus important (méthode de Simpson). Variabilité interobservateur.
Valeur pronostique du BNP 85 patients avec une IVG systolique (FE <45%) Tsutamoto et al. Circulation.1997; 96: 509
Breathing Not Properly multinational study 1586 patients vus aux Urgences pour une dyspnée aiguë. Evaluation initiale de la probabilité du diagnostic d’insuffisance cardiaque. Dosage du BNP (Triage, Biosite). Diagnostic final effectué par 2 cardiologues * Insuffisance cardiaque : 47 % * Dyspnée non cardiaque en présence d’une dysfonction VG : 5% * Absence d’insuffisance cardiaque : 49 % NEJM. 2002; 347: 161 et Circulation 2002; 106: 416
BNP Multinational Study Maisel et al. NEJM. 2002; 347: 161
BNP Multinational Study Valeur seuil : 100 pg/ml Maisel et al. NEJM. 2002; 347: 161
BNP Multinational Study McCullough et al. Circulation. 2002; 106: 416
Insuffisance cardiaque droite Signes fonctionnels Hépatalgie d’effort. Hépatalgie spontanée. Hépatalgie permanente. Dyspnée fréquente en rapport avec l’étiologie.
Signes physiques de l’IC droite (1) Signes cardiaques Signes de dilatation du VD Harzer : chambre de remplissage Soulèvement infundibulaire: chambre d’éjection. Tachycardie. Galop xiphoïdien présystolique. Souffle d’insuffisance tricuspidienne fonctionnelle. Signes d’HTAP
Signes physiques d’IC droite (2) Signes périphériques Turgescence jugulaire. Foie cardiaque. hépatomégalie douloureuse, donnant un reflux hépato-jugulaire foie accordéon. Dans les formes chroniques : subictère, splénomégalie, OMI, oligurie, cyanose.
BNP et insuffisance cardiaque droite 16 patients avec embolie pulmonaire dont 5 avec une IVD. 12 témoins. Dosage du BNP par méthode radio immunologique. Taux de BNP plus élevé en cas d’EP : 7.2 vs 1.4 pmol / l. Taux de BNP plus élevé en cas d’IVD : 40.2 vs 3.3 pmol / l. Tulevski et al. Thromb Haemost. 2001; 86: 1193
Diagnostic de l’insuffisance cardiaque Symptômes au repos ou à l’effort et Présence objective d’une dysfonction VG Réponse thérapeutique (en cas de doute diagnostic ) Remme et al. Eur Heart J.2001; 22: 1527
Eléments diagnostiques nécessaires en faveur contre Symptômes +++ ++si absent S Cliniques + si absent Dys VG echo +++ si absent ECG +++ si nl RxP ++ si Htvc BNP + Test Tt +++ si < 0
Algorithme pour le diagnostic d’IC Suspicion d’une ICG sur la clinique Diagnostic d’une cardiopathie: ECG, RP, BNP Nl : Dg éliminé Echocardiogramme (angio isotopique, IRM) Dg étiologique, facteur déclenchant Autres examens (ETO,coronarographie) Traitement adapté
Etiologie de l’IC gauche Hypertension artérielle Insuffisance coronarienne. Cardiopathies valvulaires. Myocardiopathie: dilatée, hypertrophique,restrictive. Cardiopathies congénitales. Etiologies rares
Etiologie de l’IC droite Insuffisance cardiaque gauche. Rétrécissement mitral. Cœur pulmonaire chronique respiratoire ou embolique. Cardiopathies congénitales. Valvulopathies isolées du cœur droit.
Buts du traitement Prévention des récidives: traitement étiologique ou d’un facteur déclenchant. Traitement d’une dysfonction VG asymptomatique. Amélioration de la qualité de vie. Prolongation de la survie.
Traitement de l’insuffisance cardiaque Traitement symptomatique. Traitement d’un facteur déclenchant; Traitement étiologique.
Facteurs déclenchants Cardiaques Fibrillation auriculaire. Autre trouble du rythme . Bradycardie. Insuffisance mitrale. Ischémie myocardique. Réduction excessive de la pré charge.
Facteurs déclenchants Non cardiaques Mauvaise adhérence au traitement. Ecarts de régime (sel, alcool). Infection, anémie. Embolie pulmonaire. Dysthyroidie. Insuffisance rénale.
Traitement non médicamenteux Surveillance pondérale. Restriction hydro sodée. Arrêt alcool et tabac. Adaptation de l’activité. Compliance thérapeutique. Médicaments déconseillés: AINS, antiarythmiques de classe I, anticalciques, corticoïdes, lithium, antidépresseurs tricycliques.
IEC et insuffisance cardiaque Les IEC sont recommandés en cas d’altération de la fonction systolique VG ( FE < 40 ou 45 %). Ils doivent être utilisés en premier, seul ou en association avec les diurétiques en cas de rétention hydro sodée. Les doses s’étant montrées efficaces dans les essais thérapeutiques doivent être utilisées.
Posologie des IEC Dose initiale (mg) Entretien (mg) Benazepril 2.5 5 – 10 * 2 Captopril 6.25 * 3 25 – 50 * 3 Enalapril 20 - 40 Lisinopril 5 - 40 Perindopril 2 4 Ramipril 1.25 – 2.5 2.5 - 5 * 2
Mise en œuvre des IEC Eliminer une contre-indication: sténose d’une artère rénale ou antécédent d’angio-œdème sous traitement. Diminution ou arrêt des diurétiques. Début à faible dose le soir. Augmentation progressive des doses jusqu’à la dose thérapeutique ou la dose maximale tolérée.
Surveillance d’un traitement par IEC Hypotension orthostatique. Hyperkaliémie Insuffisance rénale ( favorisée par une hypo volémie sous diurétiques ). Toux chronique.
Classification des diurétiques Les diurétiques de l’anse agissent sur la branche ascendante de l’anse de Henle. Les diurétiques thiazidiques et apparentés agissent sur la partie proximale du tube distal. Les diurétiques distaux agissent plus en aval sur le tube contourné distal. Ils se divisent en diurétiques distaux d’action directe et diurétiques distaux antialdostérone.
Diurétiques Furosémide Bumetanide Lasilix Burinex C 20, 40 G 60 mg C 1 et 5 mg Hydrochlorothiazide Indapamide Esidrex Fludex C 25mg C 2,5 et 1,5mg Spironolactone Aldactone C 25, 50 et 75 Amiloride Modamide C 5 mg
Diurétiques et insuffisance cardiaque Ils sont indispensables dans le traitement de la rétention hydro sodée. Ils doivent être administrés en association aux IEC à la posologie minimale efficace. Les diurétiques de l’anse sont les plus efficaces et gardent leur efficacité en cas d’insuffisance rénale. Les thiazidiques ont un effet synergique et peuvent être associés dans les formes sévères
Spironolactone et insuffisance cardiaque Les diurétiques distaux sont préférés aux sels de K+ en cas d’hypokaliémie sous diurétiques et IEC. La spironolactone est recommandée dans les formes sévères (classe 3 et 4) en association avec les IEC et les diurétiques de l’anse à la posologie de 12.5 à 50 mg/j. Surveillance kaliémie et créatinine . En cas de gynécomastie : eplerenone.
Eplerenone et IC chez le diabétique Etude EPHESUS. 6 642 pts ayant une dysfonction VG (FE < 40%) et des signes d’IC en post -IdM randomisés entre eplerenone ou placebo. 32 % de diabétiques. Traitement aussi efficace en présence ou non d’un diabète. Pitt et al. NEJM. 2003; 348: 1309
Effets indésirables des diurétiques Troubles fonctionnels: asthénie, troubles sexuels avec la spironolactone. Hypokaliémie habituellement modérée. Hyperkaliémie avec les diurétiques distaux. Hyperlipidémie. Hyperglycémie. Hyper uricémie avec possible crises de goutte.
Bêta bloquants et insuffisance cardiaque Les bêta bloquants sont recommandés dans le traitement des insuffisants cardiaques (CF 2 à 4), à fonction systolique altérée, en association avec les IEC (et les diurétiques). Leur introduction doit être faite chez un sujet hemodynamiquement stable, à petites doses avec une augmentation très progressive de la posologie.
Posologie des bêtabloquants 1 ère dose (mg) Dose cible (mg) Bisoprolol 1.25 10 Metoprolol 5 150 Carvedilol 3.125 50
Antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II Ils constituent une alternative aux IEC. En association avec les IEC, ils semblent avoir un effet synergique. Comme pour les IEC, les doses s’étant montrées efficaces dans les essais thérapeutiques doivent être utilisées.
Posologie des antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II Dose (mg/j) Losartan 50 - 100 Valsartan 80 - 320 Irbésartan 150 - 300 Candesartan 4 - 16 Telmisartan 40 - 80 Eprosartan 400 - 800
ARA II et IC du diabétique Etude VALIANT. 14 808 pts randomisés en post IdM avec IC ou dysfonction VG entre Captopril (50 mg * 3), Valsartan (160 mg * 2) et Captopril (50 * 3 mg) plus Valsartan ( 80 mg * 2). Critère de jugement : décès de toute cause. Pfeffer. NEJM. 2003. 349: 1893
VALIANT (2) Le Valsartan est aussi efficace que le Captopril chez les patients ayant une dysfonction VG en post-infarctus. L’association des 2 agents augmente les effets secondaires sans apporter aucun bénéfice supplémentaire
Programme CHARM 3 études indépendantes comparant candesartan au placebo chez les patients avec une IC symptomatique CHARM Alternative CHARM Added CHARM Preserved n=2028 FEVG £40% intolérants aux IEC n=2548 FEVG £40% traités par IEC n=3025 FEVG >40% traités ou non par IEC Critère principal de chaque étude: mortalité CV ou hospitalisation pour ICC Critère principal de l ’analyse combinée des 3 études: mortalité totale (toutes causes)
CHARM-Overall Mortalité CV ou hospitalisation pour ICC % 50 40 1310 (34.5%) Placebo 1150 (30.2%) 30 Candesartan 20 10 RR 0.84 (95% IC 0.77-0.91), p<0.0001 RR ajusté 0.82, p<0.0001 1 2 3 3.5 années Patients exposés Candesartan 3803 3563 3271 2215 761 Placebo 3796 3464 3170 2157 743
Digitaliques et insuffisance cardiaque Les digitaliques ont un effet neutre sur la mortalité de l’insuffisance cardiaque. Ils peuvent être utilisés en cas de fibrillation auriculaire pour ralentir la cadence ventriculaire. L’association de digitaliques et de bêtabloquants serait plus efficaces que chaque agent isolément.
Inotropes positifs et insuffisance cardiaque Les inotropes positifs sont utilisés dans le traitement des poussées d’insuffisance cardiaque terminale. Leur usage prolongé entraîne un surcroît de mortalité. Dobutamine ou inhibiteur de la phosphodiestérase.
Traitement antithrombotique et insuffisance cardiaque HBPM en prévention de la maladie thrombo-embolique veineuse dans les poussées aiguës. AVK en cas de fibrillation auriculaire. Traitement spécifique de la cardiopathie sous-jacente. En rythme sinusal, discussion au cas par cas.
Antiarythmiques et insuffisance cardiaque Pas d’indication spécifique. L’amiodarone est l’antiarytmique de choix pour le maintien du rythme sinusal ou le traitement des troubles du rythme ventriculaire. Pace-maker: traitement d’une bradycardie ou resynchronisation ventriculaire par stimulation multisite.
Chronologie du traitement de l’insuffisance cardiaque ARA II alternative aux IEC CF Survie Symptômes I IEC, BB en post IDM II IEC, BB Diurétiques III IEC, BB, Aldactone Diu, Dig IV Diu, Dig, Inot +
Traitement de l’insuffisance cardiaque à fonction systolique conservée Traitement étiologique. Bêta bloquants. Inhibiteurs calciques bradycardisants. IEC ? ARA II Diurétiques