Jean Michel Salles CNRS, UMR LAMETA – Montpellier

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Jean Michel Salles CNRS, UMR LAMETA – Montpellier Formation des enseignants – Environnement Lycée Agropolis, 10 février 2010 Évaluer la biodiversité et les services liés aux écosystèmes : pour quoi faire ? Jean Michel Salles CNRS, UMR LAMETA – Montpellier

“Almost all economists are intellectually committed to the idea that the things people want can be valued in dollars and cents. If this is true, and things such as clean air, stable sea levels, tropical forests, and species diversity can be valued this way, then environmental issues submit – or so it is argued – quite readily to the discipline of economic analysis… Most environmentalist not only disagree with this idea, they find it morally deplorable.” (The Economist, 31 January 2002).

Sauver la biodiversité : un sujet à la mode ?

Que signifie l’évaluation économique La conception économique de la valeur : Anthropocentrée (anthropogène ?) Instrumentale ou conséquentialiste : et pas déontologique - Utilitarisme = arithmétique des plaisirs et des peines - On s’intéresse à la somme des utilités, par à leur distribution Subjective : chacun est le meilleur juge de ses préférences Marginaliste : on ne mesure pas vraiment, on compare La question de l’incommensurabilité Peut-on vraiment comparer toutes les sources d’utilité ? La nature est-elle substituable ? Notion de « capital naturel critique » - En dessous d’un certain niveau le « capital naturel » n’est plus substituable, mais complémentaire des autres facteurs

La biodiversité est-elle un bien économique ? Un objet a de la valeur s’il est utile et rare La biodiversité est-elle utile ? - Est-elle toute utile ? La biodiversité est-elle rare ? - Sa dégradation a-t-elle un coût ? La biodiversité comme bien économique Le problème de l’appropriation : est-il souhaitable d’exclure ? Est il possible d’exclure ? Complémentarité et/ou rivalité entre les usages ? La biodiversité : une propriété des écosystèmes qui peut influencer leur potentiel de services ? Évaluation et marchandisation Les valeurs et les prix L’évaluation comme préalable ? L’évaluation comme alternative ?

Pourquoi la biodiversité est-elle si importante pour la société ? La biodiversité et les écosystèmes qui l’expriment, fournissent un grand nombre des biens et services qui soutiennent la vie humaine : la fourniture des aliments, les combustibles et les matériaux de construction la purification de l’air et de l’eau la stabilisation et la modération du climat de la planète la modération des inondations, des sécheresses, des températures extrêmes et des forces éoliennes la génération et le renouvellement de la fertilité des sols le maintien des ressources génétiques qui contribuent à la variété des cultures et à la sélection des animaux, des médicaments et autres produits et des avantages culturels, récréatifs et esthétiques La biodiversité, une assurance-vie pour notre monde en changement  A l’échelle globale, la biodiversité doit être considérée dans ses rapports avec les enjeux majeurs que sont par exemple la réduction de la pauvreté, la sécurité alimentaire et l’approvisionnement en eau potable, la croissance économique, les conflits liés à l’utilisation et à l’appropriation des ressources, la santé humaine, animale et végétale, l’énergie et l’évolution du climat (ONU)

La biodiversité, un support à des services écosystémiques Les services écosystémiques résultent des interactions entre organismes qui façonnent les milieux et le fonctionnement des écosystèmes. La purification de l’air ou de l’eau, le stockage du carbone, la fertilité des sols sont autant de services résultant non d’organismes, mais d’interactions La principale difficulté, pour apprécier les enjeux socioéconomiques de la biodiversité, est d’abord d’identifier toute l’étendue de sa présence dans la vie quotidienne des humains : elle est partout, de l’alimentation à la digestion, de la préservation de la peau à l’industrie chimique Le Millenium Ecosystem Assessment a proposé de classer les services écosystémiques en 4 grands groupes

Les bénéfices tirés des écosystèmes et leurs liens avec le bien-être de l’homme La liberté de choisir suppose l’existence d’alternatives, notamment techniques, mais aussi politiques, économiques, culturelles… C’est aussi une façon d’approcher la question de la valeur (Source : Millenium Ecosystem Assessment, 2005)

Lien entre la biodiversité et les écosystèmes et la production de services ayant une valeur sociale Source : Commission européenne, 2008

Le coût de l’inaction Établissement d’un ou de plusieurs scénario pour comparer l’évolution des services écosystémiques et le coût de la perte de biodiversité Source : The Economics of Ecosystems and Biodiversity (Interim report, 2008)

L’approche micro-économique : mettre en perspective valeur de la biodiversité et coûts de la conservation Avantages liés aux services rendus par les écosystèmes Avantages liés aux projets entraînant la dégradation des écosystèmes B1 B2 A2 A1 O Coûts et avantages marginaux Biodiversité et écosystèmes Obj.2 Obj.1 Opt. Source : Rapport du CAS au Premier Ministre (Chevassus-au-Louis et al., 2009)

Comment la société prend-elle en compte la biodiversité ? Coûts totaux Avantages "totaux" Avantages "marchands" SEopt SEmin SEma Coûts opérationnels Coûts d’opportunité SE = Services écosystémiques Avantages et coûts marginaux Source : D. Pearce, Do we really care about biodiversity ? Envir. & Res. Econ., (2007) 37:313–333

Les composantes de la Valeur Économique Totale Des valeurs d’usage réel ou effectif Usages directs : productifs, récréatifs, esthétiques, santé usages de consommation directe (alimentation, énergie, plantes médicinales..) usages productifs = ressources industrielle (pharmaceutique, énergie, matériaux usages n’impliquant pas la consommation, comme les usages récréatifs ou esthétiques, le tourisme, les science et l’éducation. Usages indirects : valoriser les fonctions et services écologiques avantages liés à la demande dérivée pour le maintien d’écosystèmes qui fournissent des services contribuant au bien-être sans impliquer d’interaction directe (services contribuant à la productivité des agro-systèmes ; régulation des climats ; entretien de la fertilité des sols ; contrôle du ruissellement et des flux hydriques ; épuration des eaux ou de l’atmosphère... )

Les composantes de la valeur économique totale (suite) Des valeurs d’usage potentiel Valeur d’option statique (assurance face à incertitude sur les usages futurs) Valeur d’option dynamique (meilleurs choix si amélioration de l’information) Des valeurs de non-usage ou d’usage passif parmi lesquelles la littérature distingue trois formes d’altruisme ou de sujets sur lesquels il s’exerce : l’altruisme envers nos contemporains qui fait que nous valorisons la préservation d’écosystèmes au motifs que d’autres en tirent un bénéfice ; c’est la notion de valeur d’usage par procuration (« vicarious use value ») l’altruisme envers nos descendants ou, plus généralement, les générations futures à qui nous souhaitons léguer, laisser en héritage des écosystèmes fonctionnels et utilisables (« bequest value ») l’altruisme envers les espèces non humaines auxquelles nous pouvons reconnaître une certaine forme de droit moral à exister (« existence value »)

Les composantes de la valeur économique totale : synthèse ? Valeurs non-anthropocentrique Valeurs instru-mentales Valeurs intrin-sèques Intérêt des entités pour elles-mêmes et pour les ensembles dans les-quels elles s’insèrent Valeur inhérente, indépen-damment de tout évaluateur Source : CAS, 2008

La valeur économique totale des actifs naturels : des questions ouvertes Depuis leur introduction par J.V. Krutilla (1967), l’interprétation des valeurs d’existence a évolué : depuis un consentement à payer pour préserver sans souci d’usage vers l’expression de formes d’altruisme (renvoie à l’idée de "stewardship") Valeurs d’usage et valeurs intrinsèques Une évaluation anthropocentrée ou anthropogène ? S’agit-il de valeur économique ou de la recherche d’une satisfaction morale ? Les agents économiques sont-ils des consommateurs altruistes ou des citoyens engagés ? Les préférences existent-elles pour tous les actifs a priori, ou les agents les découvrent-ils à l’occasion de la révélation des menaces, dans le contexte même de la mise en œuvre des méthodes d’évaluation (Plott, 1996)

Les méthodes d’évaluation des actifs non marchands Plusieurs approches : selon la nature de l’actif à évaluer et le type d’informations accessibles toutes très imparfaites : il s’agit d’approximations +/- raisonnables Sont-elles meilleures que l’absence d’évaluation ? Ce point a longuement été discuté (Diamond & Hausman, JEP, 1994) Un nombre plus ou moins aléatoire peut créer l’illusion de la certitude (exemple, l’évaluation du service global de pollinisation en 2005 à 153G€) Que se passe-t-il en l’absence d’évaluation ? On suit les goûts du Prince ou les intérêts des lobbies les mieux défendus ? On se conforme à une idéologie, à la mode du moment ? On fait confiance aux élites (mieux formées, mieux informées) qui savent, mieux que les populations, quel sont leurs intérêts ? A quoi ça sert ? Ex post : fournir des éléments de référence pour le calcul d’indemnisations Ex ante : intégrer les écosystèmes à parité avec d’autres enjeux dans l’évaluation des choix collectifs (aménagement, agriculture, transports…)

Évaluations économiques et choix collectifs Les évaluations économiques visent a priori à éclairer les choix collectifs. Mais il existe différents niveaux de décisions publiques ? 1. Rationaliser la stratégie de conservation ? Approche coût-efficacité : on réalise toutes les actions de conservation qui ont un « coût unitaire » inférieur à un certain montant Cela implique donc de définir des classes d’équivalence (écologique ?) 2. Rationaliser l’effort de conservation ? Approche coûts-avantages : on vise la maximisation du « bien-être » Les actions de conservation sont mises en balance avec d’autres sources de bien-être dans la société 3. Prendre en compte les pertes de valeur sociale liées à la dégradation de la biodiversité et des écosystèmes dans l’évaluation des projets (autoroute, LGV, lotissement, politique agricole…) On cherche des indicateurs de ces pertes, commensurables aux autres aspects du projet (équivalent-prix) Cela donne une information qui peut être comparée, par exemple, aux « coûts d’opportunité » des actions de conservation

Des techniques d’évaluation… très discutées Les méthodes basées sur les coûts : Monétarisation des dommages physiques Coûts de restauration (?) Coûts de remplacement (?) Effets sur la productivité Les méthodes basées sur les préférences révélées : Coûts de prévention ou de protection Coûts de déplacement Prix hédonistes Les méthodes basées sur les préférences déclarées : Évaluations contingentes Analyses conjointes Les transferts de valeur Plutôt une fonction qu’une valeur moyenne Des bases de données (EVRI, Envalue, ESD…)

Toutes ces approches rencontrent des limites fortes Des limites informationnelles : Les méthodes basées sur des coûts doivent être contraintes par des valeurs (si la restauration d’un écosystème vaut 10 fois ce que les agents sont prêts à dépenser pour restaurer, que fait-on ?) Les méthodes basées sur des préférences révélées ne capturent généralement qu’une partie de la valeur Des biais systématiques : Les méthodes basées sur des préférences révélées ne portent que sur certaines valeurs d’usage réel (récréatif, aménités esthétiques…) Les méthodes basées sur des préférences déclarées peuvent aboutir à des mesures déformées (biais hypothétique, stratégique, d’inclusion…) L’évaluateur est confronté à un dilemme, choisir entre des méthodes robustes (il y a des observations : coûts, comportements) sur un spectre limité (aux valeurs d’usage réel) ou discutable (la restauration ou le remplacement sont-ils toujours économiquement justifiés) des approches à spectre plus large (potentiellement toutes les valeurs sont identifiables) ; mais peu robustes (basé sur de simples déclarations) Les transferts de bénéfices constituent une perspective pratique d’un réel intérêt, mais restent peu fiables

Biodiversité : que peut-on évaluer ? Quel est l’objet de l’évaluation ? La diversité de la vie Des gènes Des espèces Des milieux, écosystèmes, habitats Des fonctions Plutôt des services liés aux écosystèmes Plus proche d’un arbitrage par les consommateurs/usagers Il est plus facile de construire des classes d’équivalence Le Millenium Ecosystem Assessment (2005) a permis un certain consensus (provisoire) une catégorisation a priori de 19 + 5 services écosystémiques

Biodiversité > Biodiversité ordinaire Le rapport du Centre d’Analyse Stratégique (CAS) (Chevassus-au-Louis et al., 2009) Objectif : proposer des « valeurs de référence » permettant d’intégrer la biodiversité dans l’évaluation socioéconomique des projets Il s’agit de valeurs minimales : Biodiversité > Biodiversité ordinaire > Évaluation par les services > Services quantifiables > Valeurs d’usage > Usages monétarisables Distinguer : des valeurs annuelles moyennes « standardisées » des valeurs totales « capitalisées »  valeurs annuelles x 40 estimer des valeurs maximales plausibles (potentiel à long terme)

Les relations entre biodiversité et services écosystémiques : des formes très différentes qui restent mal connues Source : Chevassus-au-Louis et al., 2009

Le traitement du temps et de l’incertitude Le traitement du temps renvoie à la technique d’actualisation : avec des taux publics beaucoup plus bas que dans le passé (4%) Le très long terme justifie sans doute le recours à des taux décroissants (actualisation « hyperboliques ») L’actualisation porte sur des utilités (des valeurs) : il faut donc faire des hypothèses sur l’évolution des prix relatifs (même fictifs) à long terme : Tendance à la baisse pour les produits manufacturés (progrès technique) Tendance à la hausse pour des écosystèmes rares et de plus en plus prisés (élasticité revenu de la demande d’environnement > 1) Pour des actifs irremplaçables, la règle d’Hotelling pourrait s’appliquer (prix relatifs croissant au taux d’actualisation) L’incertitude, sur la dynamique des services et sur leur ‘importance sociale’, donne une grande importance à des valeurs d’option

Incertitudes et controverses On peut évaluer des services écosystémiques menacés… mais plus difficilement des services irremplaçables Les évaluations ne peuvent évidemment pas porter sur la fonction globale de support de la vie Malgré des travaux provocateurs (Costanza et al., 1997 ; Pimentel et al., 1997), on ne sait pas mesurer la valeur de l’ensemble des écosystèmes L’initiative TEEB (The Economics of the Ecosystems and Biodiversity, P. Sukhdev, 2008-2011) vise à mesurer des variations à grande échelle à partir de scénarios (Impact pathway) On peut, en revanche, assez bien mesurer les services perdus du fait de la destruction d’une unité de forêt ou de zone humide. Hectare après hectare, le monde change irréversiblement et on ne sait pas où est le seuil d’une irréversibilité vraiment coûteuse Les valeurs peuvent donc être logiquement faibles (résilience des écosystèmes), aussi longtemps qu’on est loin d’un effondrement

Vers des valeurs de référence pour le calcul économique public (CAS) Conclusions et perspectives : 1) Confirmation de l’importance des services non-marchands (notamment de régulation) : conséquences possibles sur la hiérarchie des choix publics 2) Les valeurs de références ne sont que des… références qui devront : être « spatialisées » (en fonction de variables localisées) être situées dans une dynamique (ce type d’écosystème ou de service est-il menacé de raréfaction, de disparition…) 3) Importance de procédures permanentes, transparentes et légitimes pour fixer ces valeurs et réguler leur utilisation

Évaluer le service de pollinisation entomophile (1) Les insectes pollinisateurs contribuent très significativement à la production agricole : 84% des cultures européennes en dépendent 87 des 124 principales cultures dans le monde 35% des récoltes contribuant à l’alimentation humaine Les premières évaluations de ce service (Martin, 1975, Costanza et al., 1997 ; Pimentel et al., 1997) tendait à lui attribuer la totalité de la valeur des récoltes En l’absence d’insecte, les récoltes ne disparaissent pas, mais sont réduites toutes choses égales par ailleurs : détermination de facteurs de dépendance (Klein et al., 2007) On doit distinguer la contribution du service à la production de l’impact d’un déclin ou de la disparition des pollinisateurs qui aurait plusieurs effets sur les équilibres économiques

Évaluer le service de pollinisation entomophile (2) B A D C Figure 1 – The supply and demand functions for a pollinator-dependent crop in a partial equilibrium model, before (0) and after (1) the pollinator decline

Évaluer le service de pollinisation entomophile (3) B D C Figure 1 – The supply and demand functions of a pollinator-dependent crop in a general equilibrium model, before (0) and after (1) pollinator decline

Évaluer la biodiversité : pour quoi faire ? La science ne nous dit pas ce que nous avons à faire Évaluer la biodiversité est une voie d’acquisition et d’organisation de l’information en vue de prendre de meilleures décisions dans un monde de plus en plus contraint Évaluer la biodiversité et les services liés aux écosystèmes est un choix politique qui repose sur un a priori : nous vivons dans un monde de rareté croissante (plus nombreux, plus riches) qui implique(ra) des choix L’évaluation de la biodiversité n’implique en aucun cas que la biodiversité devienne un bien marchand et les valeurs n’ont pas vocation à devenir les prix de permis de détruire. La gestion de la biodiversité « ordinaire » est une priorité que des valeurs de référence pourront contribuer à réaliser de façon plus efficace, peut être plus juste, en tous cas plus consciente et, si possible, objet de délibération collective. Évaluer la biodiversité et les services liés aux écosystèmes est sans doute une chose trop grave pour être confiée aux (seuls) économistes

Évaluer la biodiversité : pour quoi faire ? « Si notre préoccupation est de conserver ces services (écosystémiques), l’évaluation est largement non pertinente. J’aimerais insister sur un point : en matière de protection de la nature, l’évaluation n’est ni nécessaire, ni suffisante. Nous conservons beaucoup de choses que nous n’évaluons pas et peu de ce que nous évaluons » (Geoffrey M. Heal)

Merci de votre attention