Cours n° 3 L’État, sa naissance et sa reconnaissance

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Daniel Turp Professeur titulaire
Transcription de la présentation:

Cours n° 3 L’État, sa naissance et sa reconnaissance Daniel Turp Université de Montréal Droit international public général, DRT-2100, Cours n° 3

L’ÉTAT, SA NAISSANCE ET SA RECONNAISSANCE  PLAN GÉNÉRAL I- L’ÉTAT ET SA NAISSANCE   A-  La naissance de l’État par le droit            1)   Le droit à l’indépendance des pays et peuples coloniaux            2)   Le droit à la sécession des peuples non coloniaux  B-  La naissance de l’État par le fait            1)   La naissance de l’État par consentement            2)   La naissance de l’État par l’effectivité II- L’ÉTAT ET SA RECONNAISSANCE      A-  La reconnaissance d’État et sa nature             1)   La nature constitutive de la reconnaissance d’État             2)   La nature déclarative de la reconnaissance d’État     B- La reconnaissance d’État et ses effets             1)   Les effets juridiques de la reconnaissance d’État
            2)   Les effets politiques de la reconnaissance d’État  PROGRAMME DE LECTURES   Document no 07 : Traités et déclarations relatifs aux droit à l'autodétermination des peuples Document no 08 : Convention sur les droits et devoirs des États (Convention de Montevideo)   Document no 09 : Cour suprême du Canada- Renvoi relatif à la sécession du Québec (1998) Document no 10 : Cour internationale de Justice- Avis consultatif sur le Kosovo (2010)  Document no 11 : Szweczyk, « The Lawfulness of Kosovo's Declaration of Independance »  Document no 12 : Commentaires sur l'avis de la CIJ sur le Kosovo et le Québec (2010) Daniel Turp, Université de Montréal, Droit international général, DRT-2100 , Cours n° 3

I- L’État et sa naissance L’État sujet originaire du droit international (Document n° 2- CIJ, Réparation des dommages subis au service des Nations Unies, Avis consultatif, 11 avril 1949, p. 8)   Convention sur les droits et devoirs des États (Convention de Montevideo), art. 1 (texte) (Document n° 8) L’État comme personne de droit international doit réunir les conditions suivantes : I. Population permanente. II. Territoire déterminé. III. Gouvernement [effectif, indépendant]. IV. Capacité d'entrer en relations avec les autres Etats. Combien d’États remplissent ces conditions ? Quels sont plus grands et les plus petits ? Selon le territoire ? Selon la population ? Document n° 4 : http://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_pays_du_monde Daniel Turp, Université de Montréal, Droit international général, DRT-2100 , Cours n° 3

I- La naissance de l’État (suite) A-  La naissance de l’État par le droit Document no 7 : Traités et déclarations relatifs aux droit à l'autodétermination des peuples Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ou droit à l’autodétermination des peuples (Document no 1 : Charte des Nations Unies, art. 1 § 2) (1945), Pactes internationaux relatifs aux droits de l’homme, art. 1er commun) (1966), Déclaration sur les relations amicales (1970), Acte final d’Helsinki (1975) et Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (1981) 1)   Le droit à l’indépendance des pays et peuples coloniaux Charte des Nations Unies, art. 73 (territoires non autonomies) et 76 (territoires sous tutelle) Déclaration sur l’octroi indépendance des pays et peuples coloniaux (Résolution 1514) 1. La sujétion des peuples à une subjugation, à une domination et à une exploitation étrangères constitue un déni des droits fondamentaux de l'homme, est contraire à la Charte des Nations Unies et compromet la cause de la paix et de la coopération mondiales. 2. Tous les peuples ont le droit de libre détermination; en vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et poursuivent librement leur développement économique, social et culturel. 4. Il sera mis fin à toute action armée et à toutes mesures de répression, de quelque sorte qu'elles soient, dirigées contre les peuples dépendants, pour permettre à ces peuples d'exercer pacifiquement et librement leur droit à l'indépendance complète, et l'intégrité de leur territoire national sera respectée. 5. Des mesures immédiates seront prises, dans les territoires sous tutelle, les territoires non autonomes et tous autres territoires qui n'ont pas encore accédé à l'indépendance, pour transférer tous pouvoirs aux peuples de ces territoires, sans aucune condition ni réserve, conformément à leur volonté et à leurs voeux librement exprimés, sans aucune distinction de race, de croyance ou de couleur, afin de leur permettre de jouir d'une indépendance et d'une liberté complètes.  Voir aussi la Résolution 1541 (Principes IV, VI à IX) Daniel Turp, Université de Montréal, Droit international général, DRT-2100 , Cours n° 3

I- La naissance de l’État (suite) 2)   Le droit à la sécession des peuples non coloniaux 1. Déclaration sur les relations amicales (1970) En vertu du principe de l'égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes, principe consacré dans la Charte des Nations Unies, tous les peuples ont le droit de déterminer leur statut politique, en toute liberté et sans ingérence extérieure, et de poursuivre leur développement économique, social et culturel, et tout État a le devoir de respecter ce droit conformément aux dispositions de la Charte. Rien dans les paragraphes précédents ne sera interprété comme autorisant ou encourageant une action, quelle qu'elle soit, qui démembrerait ou menacerait, totalement ou partiellement, l'intégrité territoriale ou l'unité politique de tout État souverain et indépendant se conduisant conformément au principe de l'égalité de droits et du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes énoncé ci-dessus et doté ainsi d'un gouvernement représentant l'ensemble du peuple appartenant au territoire sans distinction de race, de croyance ou de couleur. Déclaration des Nations Unies sur les peuples autochtones (2007)  Article 3 Les peuples autochtones ont le droit à l’autodétermination. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel. Article 46 Aucune disposition de la présente Déclaration ne peut être interprétée comme impliquant pour un État, un peuple, un groupement ou un individu un droit quelconque de se livrer à une activité ou d’accomplir un acte contraire à la Charte des Nations Unies, ni considérée comme autorisant ou encourageant aucun acte ayant pour effet de détruire ou d’amoindrir, totalement ou partiellement, l’intégrité territoriale ou l’unité politique d’un État souverain et indépendant. B-  La naissance de l’État par le fait 1. 1) La naissance de l’État par consentement Exemples : accession de la République slovaque à l’indépendance le 1er janvier 1993 par suite d’un accord politique relatif à la dissolution la Tchécoslovaquie ou accession du Monténégro (2006) ou du Soudan du Sud (2011) à l’indépendance avec l’accord de la Serbie et du Soudan); 2)   La naissance de l’État par l’effectivité Exemples : sécession du Bengale oriental du Pakistan et création du Bangladesh en 1971 et accession de l’Érythrée à l’indépendance en 1993 du fait de sa sécession de l’Éthiopie). Daniel Turp, Université de Montréal, Droit international général, DRT-2100 , Cours n° 3

II- L’État et sa reconnaissance   - Définition de la reconnaissance : « Une expression unilatérale de la volonté d’un État de reconnaitre comme valide et opposable à son égard un fait ou une situation juridique donnée » (Pierre-Marie Dupuy, Yann Kerbrat, Droit international public, 10e édition, Paris, Dalloz, 2010, p. 37-38). L’acte unilatéral est discrétionnaire, c'est-à-dire que l’État le réalise à sa discrétion, lorsqu’il le souhaite et pour les motifs qui lui sont propres suite à sa propre appréciation des conditions d’existence de l’État.  Les formes d’une telle reconnaissance sont diverses, tantôt explicites (déclaration expresse d’un Président, d’un Premier ministre), tantôt implicites (établissement de relations interétatiques diplomatiques et consulaires, ouverture d’une ambassade ou d’un consulat).  A-  La reconnaissance d’État et sa nature 1)   La nature constitutive de la reconnaissance d’État La reconnaissance aurait une nature constitutive, c'est-à-dire qu’elle serait nécessaire pour qu’un État puisse être constitué, ce qui placerait la reconnaissance d’État à l’égal des quatre conditions d’existence énoncées par la Convention de Montevideo. 2)   La nature déclarative de la reconnaissance d’État   La reconnaissance ne serait que déclarative, c’est-à-dire qu’elle ne ferait que déclarer la position d’un État à l’égard de la collectivité revendiquant le statut d’État indépendant.    - La Convention de Montevideo tranche le débat en faveur de la thèse déclarative : Article 3  [l]’existence politique d’un État est indépendante de sa reconnaissance par les autres États. Article 6 La reconnaissance d’un État signifie simplement que celui qui le reconnaît accepte la personnalité de l’autre avec tous les droits et devoirs déterminés par le droit international. La reconnaissance est inconditionnelle et irrévocable, Daniel Turp, Université de Montréal, Droit international général, DRT-2100 , Cours n° 3

II- L’État et sa reconnaissance (suite)  - La reconnaissance, reconnue donc comme déclarative, a pour effet de fonder entre les deux États une relation bilatérale fondée sur les principes de droit international public corollaires à la souveraineté, soit l’égalité souveraine, l’intégrité territoriale et l’indépendance politique   - Les rapports de l’État qui reconnaît et l’État reconnu sont régis par le droit international (notamment la capacité de conclure des traités ou d’avoir avec elle des relations diplomatiques et consulaires). - La reconnaissance d’État n’a pas une place démesurée dans la réalité juridique. Un État non reconnu peut être parfaitement viable, comme par exemple l’État Israël que plusieurs pays arabes ne reconnaissent pas. 2) Les effets politiques de la reconnaissance - Un État qui n’est reconnu que par un nombre très limité d’autres États ( « État ermite ») ne peut avoir qu’une place très congrue, isolée, dans la Communauté internationale, notamment en termes de relations économiques et culturelles. - L’absence de reconnaissance entraîne le refus de se voir opposer la nationalité ou les passeports des ressortissants l’État non reconnu. Daniel Turp, Université de Montréal, Droit international général, DRT-2100 , Cours n° 3