Citation : États-Unis c. Burns, [2001] 1 R.C.S. 283, 2001 CSC 7 v.

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Transcription de la présentation:

Citation : États-Unis c. Burns, [2001] 1 R.C.S. 283, 2001 CSC 7 v.

Faits matériels Burns et Rafay sont soupçonnés du meurtre du père, de la mère et de la soeur Rafay, battus à mort dans leur domicile de Bellevue, dans l’État de Washington, en juillet 1994.     Les intimés ont été arrêtés en Colombie‑Britannique et le ministre a rendu une ordonnance d’extradition vers l’État de Washington sans condition S’ils sont déclarés coupables, les intimés sont passibles soit de l’emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle soit de la peine de mort. 

Faits procéduraux Le ministre donne suite à la demande d’extradition sans demander de conditions. Une requête est présentée afin d’invalider la décision La Cour d’appel de la Colombie‑Britannique a infirmé la décision du ministre et a ordonné à celui-ci de demander les assurances prévues à l’article 6 du traité d’extradition à titre de condition de remise Appel à la Cour suprême

Lois et articles Charte canadienne des droits et libertés, art. 6, 7, 12, 32 Loi constitutionnelle de 1982 art. 52. (1)   Loi sur l’extradition, L.R.C. 1985,, art 25 Traité d’extradition entre le Canada et les États‑Unis d’Amérique, art 6 Protocole modifiant le Traité d’extradition entre le gouvernement du Canada et le gouvernement des États‑Unis d’Amérique, art 17bis

Questions en litige 1- La décision du ministre de permettre une extradition assortie ou non des assurances prévues peut-elle être soumise à la CCDL ? 2- La décision du ministre porte-elle atteinte aux articles 6, 7 et 12 de la CCDL ? 2-b) Dans l'affirmative, cette atteinte est-elle justifiée au sens de l'article 1 de la CCDL ?

Jugé Le pourvoi est rejetté. La décision du ministre est invalide.

Motifs, décision unanime Question 1- La décision du ministre de permettre une extradition assortie ou non des assurances prévues peut-elle être soumise à la CCDL ? c’est généralement au ministre, et non à la Cour, qu’il incombe de soupeser les considérations qui s’opposent dans l’application de la politique d’extradition canadienne, mais le fait que la peine de mort puisse être infligée fait intervenir, au même titre que la mort elle‑même, une dimension particulière. La Charte ne confère pas à la Cour le mandat général d'établir la politique étrangère du Canada en matière d'extradition. Les tribunaux doivent se montrer «extrêmement circonspects» afin d'éviter toute ingérence indue dans un domaine où l'exécutif est bien placé pour prendre des décisions, comme dans les cas d’extradition

Motifs, décision unanime Cependant, la Cour est le gardien de la Constitution et les affaires de peine de mort sont liées à des valeurs constitutionnelles fondamentales de façon exceptionnelle. Elles relèvent du « pouvoir inhérent de l'appareil judiciaire en tant que gardien du système judiciaire ».

Question 2 La décision du ministre porte-elle atteinte aux articles 6, 7 et 12 de la CCDL ? A) La décision porte-elle atteinte à l’article 6 ? Il y a une atteinte la mort ou la prison à vie priveraient les prévenus de leurs droits de séjourner librement au Canada, mais la Cour a déjà déterminé dans d’autres arrêts que cette atteinte pouvait se justifier dans le cadre d’une société libre et démocratique. B) La décision porte-elle atteinte à l’article 12 ? Cette question a été étudiée en profondeur dans les arrêts Kindler et Ng. Notre Cour a jugé que l’extradition par le gouvernement canadien ne portait pas atteinte à la garantie contre les peines cruelles et inusitées, puisque le seul acte du gouvernement canadien était de remettre les fugitifs aux autorités chargées de l’application de la loi aux États‑Unis, et non d’infliger la peine de mort

C) La décision porte-elle atteinte à l’art 7 ? Il est évident que l’arrêté d’extradition prive les intimés de leur droit à  la liberté et à la sécurité de leur personne.  Leur vie pourrait être en danger.  La question est de savoir si ce risque de privation est compatible avec les principes de justice fondamentale. Dans Kindler,  p. 833, le juge La Forest a fait état, relativement à l’art. 7, de l’application d’un « processus de pondération » dans lequel « il faut carrément tenir compte du contexte global ».

C) La décision porte-elle atteinte à l’art 7 ? La règle du « choc des consciences » ne dit pas que les dérogations aux principes de justice fondamentale doivent être tolérées à moins que, dans un cas donné, la dérogation ne choque la conscience. Une extradition qui viole les principes de justice fondamentale choquera toujours la conscience. Ce qu'il importe de déterminer, ce sont les principes de justice fondamentale qui s'appliquent dans le contexte de l'extradition.

C) La décision porte-elle atteinte à l’art 7 ? Certains principes de justice fondamentale, militent en faveur de l’extradition, même sans les assurances prévues Le principe selon lequel les personnes accusées d'un crime doivent être traduites en justice pour qu'il soit statué sur la véracité des accusations pesant contre elles Le principe selon lequel les intérêts de la justice sont mieux servis par la tenue du procès dans le ressort où le crime aurait été commis et où les effets préjudiciables se seraient fait Le principe selon lequel les personnes qui décident de quitter le Canada laissent derrière elles le droit canadien et ses procédures et doivent généralement accepter les lois, procédures et peines que l'État étranger où elles se trouvent applique à ses propres citoyens Le principe selon lequel l'extradition est fondée sur les principes de courtoisie et d'équité envers les autres États qui collaborent afin de traduire en justice les fugitifs; sous réserve du principe que le fugitif doit pouvoir compter sur un procès équitable dans l'État requérant

C) La décision porte-elle atteinte à l’art 7 ? Certains facteurs militent en faveur de l’extradition seulement si elle est assortie des assurances prévues Le Canada a aboli la peine de mort sur son territoire Le Canada milite contre la peine de mort sur le plan international [et/ou développement graduel, auquel participe le Canada, de la position abolitionniste en droit international], Pratiquement tous les États considèrent certaines caractéristiques personnelles comme des facteurs atténuants –comme le jeune âge des fugitifs, 18 ans, au moment des événements– dans les affaires de peine de mort Les cas d’erreurs judiciaires ainsi que le « syndrome du couloir de la mort » sont aussi pertinents.

L’expérience canadienne L’expérience canadienne dans le cas d’affaires tels que Marshall, Milgaard, Morin, Sophorow ou Parsons démontrent que les erreurs sont toujours possibles même lorsque les procès ont été menés équitablement. Ce facteur a donc pris une importance grandissante depuis les affaires Kindler et Ng. Des études menées aux États-Unis ainsi qu’au Royaume-Uni confirment que le système judiciaire a des failles pouvant être « fatales » à un individus accusé par erreur NOTE: au Québec depuis l’affaire Burns la condamnation de Simon Marshall fai l’objet d’une enquête du juge retraité Bernard Grenier

Le syndrome du couloir de la mort a) De plus le « syndrome du couloir de la mort » est aussi une préoccupation croissante, même pour les États qui maintiennent la peine de mort. b) Ce n'est pas un facteur déterminant dans la pondération fondée sur l'art. 7, [ mais même bon nombre de ceux qui estiment que les condamnés n'ont qu'eux-mêmes à blâmer pour les horreurs de ce syndrome considèrent qu'il s'agit d'une considération pertinente ]. Les facteurs défavorables à l’extradition sans assurance font pencher la balance en faveur de la conclusion que cette extradition porte atteinte aux droits garantis des fugitifs en vertu de l’art. 7 de la Charte La ministre n'a fait état d'aucun objectif d'intérêt public que servirait l'extradition des intimés sans les assurances prévues et que ne servirait pas également de façon substantielle leur extradition assortie de ces assurances, mesure qui, en cas de déclaration de culpabilité des intimés, pourrait leur valoir l'emprisonnement à perpétuité sans possibilité d'élargissement ou de libération conditionnelle.

Question 3 (Le test de OAKES) L'objectif poursuivi par le gouvernement, c'est-à-dire soutenir l'entraide dans la lutte contre le crime est légitime , mais Le ministre n'a pas établi que l'extradition des intimés sans les assurances prévues vers un pays où ils risquent la peine de mort soit nécessaire pour réaliser cet objectif.  Échoue le test du lien rationnel ou de l’atteinte minimale ou les deux.

OBJECTIFS IMPORTANTS Le ministre invoque deux importantes politiques qui font partie intégrante des objectifs du Canada en matière d'entraide : OBJECTIF 1: le maintien de la courtoisie envers les États qui coopèrent. MAIS…

Lien rationnel, objectif 1 « Cependant, le ministre n'a pas établi que le moyen choisi en l'espèce pour réaliser cet objectif (…) est nécessaire à cette fin. Rien dans la preuve ne tend à indiquer que le fait de demander cette garantie nuirait au respect par le Canada de ses obligations internationales ou aux bonnes relations qu'il entretient avec des États voisins. »  Échec du test du lien rationnel.

Atteinte minimale, objectif 1 Échec du test de l’atteinte minimale : Dans le présent pourvoi également, il existe « un autre moyen d'atteindre le but légitime de l'extradition », ce moyen est l'extradition assortie des assurances prévues, qui est parfaitement compatible avec les engagements du Canada en matière de courtoisie internationale.

Objectif 2 OBJECTIF 2: la volonté d'éviter l'afflux au Canada de personnes qui sont accusées de meurtre dans des États où elles risquent la peine de mort et qui viendraient ici afin d'éviter cette peine.  C’est un objectif urgent et réel.

Lien rationnel, objectif 2 Il n'y a aucune preuve que l'extradition d'une personne vers un pays où elle risque l'emprisonnement à perpétuité sans possibilité d'élargissement ou de libération conditionnelle ait un effet dissuasif moins grand que la peine de mort sur les personnes à la recherche d'un « refuge sûr », ou même que les fugitifs choisissent leur refuge de façon aussi éclairée.  Absence de lien rationnel

Atteinte minimale, objectif 2 Échec du test de l’atteinte minimale : Dans le présent pourvoi également, il existe « un autre moyen d'atteindre le but légitime de l'extradition », ce moyen est l'extradition assortie des assurances prévues, qui est parfaitement compatible avec les engagements du Canada en matière de courtoisie internationale.

Épilogue Le 26 mai 2004, les co-accusés S. Burns et A. Rafay ont été condamnés à la prison à vie sans possibilité de libération. Tous deux ont fait appel du jugement