Souvenez-vous: À la mort de Louis XIV, l’aristocratie quitte Versailles pour construire à Paris d’élégantes résidences particulières aux intérieurs richement décorés de stuc doré en dentelle, de couleurs pastels… Aussi de sculptures de petite taille et de peintures…
La sculpture rococo ressemble à la sculpture baroque par sa forme, mais elle est de petites dimensions, une sorte de « baroque en miniature ». Destinée à un « usage privé », elle est souvent d’un érotisme provocant. la sculpture est moins liés à l’architecture qu’en Europe centrale Clodion, Satyre et Bacchante, vers 1775
Baroque: hauteur 2 m Le Bernin, Le Rapt de Proserpine: Proserpine lutte, se débat, c’est le drame, la tragédie baroque… Rococo: hauteur 57 cm Clodion, Satyre et Bacchante: notez, la Bacchante est consentante, elle a même de l’initiative… Pensez aux « fêtes galantes » Satyre vers 1775, Le Rapt 1625
La peinture est aussi intime et sensuelle par son style (nous pouvons parler de la primauté de la couleur qui s’adresse aux sens) et son sujet: Les Baigneuses de Jean-Honoré Fragonard (1732-1806) Fragonard, vers 1765, Les Baigneuses
Ce style, correspondant au règne de Louis XV, était fait pour le goût d’une aristocratie oisive. Mais c’est bientôt la Révolution française… Fragonard, L’escarpolette
Le Néo-classicisme et Le Romantisme Contexte Le néo-classicisme Le romantisme
Le néo-classicisme et le romantisme: contexte historique Ces deux mouvements couvrent à peu près la même période, de 1750 à 1850 environ; Les deux styles sont réaction au nom de la raison et de la nature contre le caractère artificiel du baroque et du rococo; C’est le temps de la révolution industrielle et des révolutions politiques qui l’accompagnent (lutte pour la démocratie – liberté, égalité, fraternité, l’abolition des privilèges de l’aristocratie, et de la monarchie…). Ces deux révolutions partagent l’idée du progrès.
Le néo-classicisme: au nom de la raison Jacques-Louis DAVID (1748-1825) Jean-Auguste Dominique INGRES (1780-1867)
Le Néo-classicisme: au nom de la raison Le néoclassicisme est une nouvelle renaissance de l’Antiquité classique, comme auparavant la Renaissance…Winckelmann, historien d’art et archéologue allemand, vante « la noble simplicité et la calme grandeur de l’art grec » considéré plus naturel que le baroque. Mots clés: simplicité, naturel, grandeur. Mais ici ce retour est fait justement contre les excès du baroque et contre la frivolité du rococo appréciés par la noblesse oisive: c’est l’idée d’une peinture chargée d’une mission sociale, qui s’adresse aux classes laborieuses, révolutionnaires. Johan Joakim Winckelman (1717-1768), helleniste, père fondateur de l’histoire de l’art
En France le néoclassicisme est soutenu par les pères intellectuels de la Révolution (Jean-Jacques Rousseau, Diderot): c’est l’idée d’une peinture chargée d’une mission sociale, qui s’adresse aux classes laborieuses: Jean-Baptiste Greuze, dans ses scènes de genre, donne des leçons de morale… Jean-Baptiste Greuze, L’enfant gâté, 1765
DAVID, 1784, Le serment des Horatiens Le néoclassicisme s’adresse aux classes révolutionnaires, et vante les vertus classiques de rigueur et d’honneur guerriers, contrairement au rococo, compagnon des plaisirs frivoles d’une noblesse oisive. Les Horatiens partant délivrer les Sabines enlevées par les Romains… DAVID, 1784, Le serment des Horatiens Fragonard, L’escarpolette
Jacques-Louis DAVID (1748-1825) Le plus doué, et le plus représentatif de ce style est Jacques-Louis David. Il forme son style néoclassique à Rome, entre 1775 et 1781. David prit une part active à la Révolution française en 1789, et fut emprisonné après la chute de Robespierre. Par la suite il devint fervent bonapartiste, et peintre principal du mythe napoléonien. Exilé après la chute de l’Empire. 1784, The Oath of the Horatii, le Louvre; 1793, La Mort de Marat; 1797, Portrait of General Bonaparte, le Louvre
DAVID, 1784, Le serment des Horatiens Voici quelques uns de ces tableaux. Notez leur titres… DAVID, 1784, Le serment des Horatiens
DAVID, Les licteurs retournant à Brutus les corps de ses fils, 1789
Jacques-Louis David (1748-1825), La mort de Socrate, 1787 Puis leur style… par exemple sur ce tableau, La mort de Socrate: Jacques-Louis David (1748-1825), La mort de Socrate, 1787
Souvenez vous de la querelle des membres de l’Académie sur la question de la primauté de la ligne, qui relève de l’esprit (« les poussinistes ») ou de la couleur, qui relève des sens, et parle à tout le monde, et non plus seulement à une élite éduquée (« les rubénistes »). par Colbert, son ministre des finances, et par Lebrun,1637-38, 'Et in Arcadia Ego', 185x121 l’Académie royale est fondée en 1648, Lebrun en devient directeur en 1663. Rubens, L’enlèvement des filles de Leucipe, 1617 Poussin, L’enlévement des Sabines, 1634-35
Rococo: Fragonard, Les Baigneuses, vers 1765 « La couleur »: le rococo comme les rubénistes… Rococo: Fragonard, Les Baigneuses, vers 1765 Baroque : Rubens, L’enlèvement des filles de Leucipe, 1617
« La ligne »: néoclassicisme comme les poussinistes… Classicisme baroque: Poussin, L’enlévement des Sabines, 1634-35 « La ligne »: néoclassicisme comme les poussinistes… Néoclassicisme: DAVID, Le serment des Horatiens , 1784
La peinture néoclassique, après le triomphe de la couleur dans la peinture du rococo, va à nouveau réaffirmer la primauté de la ligne, du dessin précis: de l’esprit, ici non plus signe d’une bonne éducation, mais d’une rigueur, d’une morale révolutionnaire…. Rococo vs. Néoclassicisme: Fragonard, Les Baigneuses, 1765 vs. David, La mort de Socrate, 1787
Jaques-Louis David (1748-1825), La mort de Socrate, 1787 Revenons à la Mort de Socrate et parlons du thème et du style de ce tableau… Jaques-Louis David (1748-1825), La mort de Socrate, 1787
Le néoclassicisme , le style sur l’exemple de La mort de Socrate, par David, 1787 Notez que le thème provient de l’héritage grec ou romain. L’éclairage est inégal, dramatique, les ombres nettes font penser au Caravage, mais c’est la ligne qui prime, le dessin précis: les ombres accentuent le dessin des figures, qui semblent solides comme des statues, La composition elle même est parallèle au plan du tableau, et fait penser à un bas-relief, aux bas reliefs romains.
Jaques-Louis David (1748-1825), La mort de Socrate, 1787 Le thème ET le style de ce tableau font référence à l’antiquité et indiquent la position politique aussi bien qu’artistique de David: Socrate, sur le point de boire sa coupe de poison, est ici représenté comme exemple de la vertu classique, mais aussi comme fondateur de la « religion de la raison » (12 disciples); Jaques-Louis David (1748-1825), La mort de Socrate, 1787
David, La Mort de Marat, 1793 David prit une part active dans la Révolution française, et par la suite fut l’artiste le plus influent de son époque. L’inspiration caravagesque apparait clairement dans sa plus grande œuvre, La Mort de Marat, assassiné par une jeune femme dans sa baignoire: la représentation du martyre de la Révolution s’inspire de l’art religieux…
David, Le serment du Jeu de Paume , 1791 1791, The Oath of the Tennis Court, 86x101cm, versailles David, Le serment du Jeu de Paume , 1791
Quelques années plus tard, David rencontre Napoléon et devient fervent bonapartiste. Il peint plusieurs grandes œuvres à la gloire de Napoléon. 1801, David, Napoléon passant St Bernard (Bonaparte, Calm on a Fiery Steed, Crossing the Alps), 260x321cm, Rueil
David, Le sacre de Napoléon Dont la plus connue est probablement celle du sacre de l’empereur… David, Le sacre de Napoléon
Mais c’est l’émotion romantique de l’élève favori de David, Jean-Antoine GROS (1771-1835), qui va mieux, comme nous allons le voir, rendre ce « mythe napoléonien »… Mais Le Gros, auquel David, exilé après la chute de l’Empire, confie ses élèves, déchiré entre ses émotions romantiques et les doctrines néo-classique de son maître, finit par se suicider. GROS, Napoléon à Arcole, 1796
INGRES, Portrait de Louis Bertin, 1832 La succession de David va passer à un autre de ses élèves, Jean-Auguste Dominique INGRES (1780-1867), dont nous allons parler au cours prochain… 1800s, Portrait of Ingres, 54x47cm, moscow INGRES, Portrait de Louis Bertin, 1832
Jean-Auguste Dominique INGRES (1780-1867), un autre des élèves de David, revint, après près de vingt ans en Italie, défendre la tradition néoclassique entretemps attaquée par les « romantiques » … 1800s, Portrait of Ingres, 54x47cm, moscow DAVID, Portrait de Jean-Auguste Dominique Ingres, vers 1800
Ingres, La grande odalisque, 1814 Mais les idées d’Ingres, comme nous allons le voir, sont plus doctrinaires que ses peintures: les proportions étirées de son Odalisque n’incarnent pas un idéal classique: l’Odalisque rappelle plutôt le maniérisme de la Madone au long cou de Parmigianino… Ingres, La grande odalisque, 1814
Alors que son sens de la couleur, et surtout ses sujets exotiques (nus des bain turcs, esclaves du harem) reflètent, comme nous allons le voir, l’enchantement en soi romantique de l’époque… son sens de la couleur, un mélange de froideur et de sensualité
Le domaine dans lequel Ingres excella surtout, est celui du portrait, dont il est l’un des derniers professionnels: ce genre sera bientôt monopolisé par la photographie, popularisée à partir de 1840… Mme Ingres, Madame Antonia Devaucay de Nittis, 1807
La grande autorité d’Ingres, défenseur de la tradition davidienne et néo-classique contre les attaques des « romantiques »: (la vieille querelle entre « poussinistes » et « rubénistes », la ligne contre la couleur) va être le mur contre lequel vont se heurter les générations de jeunes peintres: ce qui fut un style révolutionnaire va par la suite se figer en un dogme… INGRES, Portrait de Louis Bertin, 1832
INGRES, Portrait de Louis Bertin, 1832 Sujet à réflexion 1: Comparez le dessin préliminaire avec le portrait final. Renseignez vous sur la personnalité du modèle. Que pensez vous en quoi l’esquisse est-elle différente de l’œuvre finale, et pourquoi? INGRES, Portrait de Louis Bertin, 1832
Sujet à réflexion 2: Relisez l’histoire de la révolution française, de ses raisons, de ses buts. Réfléchissez, en considérant ces deux peintures, sur la phrase: « ce qui fut un style révolutionnaire va par la suite se figer en un dogme… » Du martyre de la révolution bourgeoise au bourgeois aisé et influent…. DAVID, La Mort de Marat, 1793 INGRES, Portrait de Louis Bertin, 1832