Peut-on se sortir d’une société inégalitaire ? Présenté au Centre culturel chrétien de Montréal Montréal, 15 octobre 2015 Pierre Fortin Département des sciences économiques ESG-UQAM
Réponse OUI
L’impact des impôts et des transferts sur l’inégalité au Québec depuis 35 ans
Le rapport entre le revenu disponible des 20 % les plus riches et celui des 20 % les plus pauvres
Le degré d’inégalité du revenu en perspective internationale
La part du 1 % le plus riche aux USA, au Canada et au Québec depuis 100 ans
L’évolution de la pauvreté au Québec et au Canada depuis 35 ans
Moins de familles monoparentales à l’aide sociale au Québec depuis 20 ans
L’écart salarial entre hommes et femmes a diminué plus au Québec qu’en Ontario
Neuf observations à retenir 1) Depuis 25 ans, l’inégalité du revenu avant impôts et transferts a augmenté partout en Amérique du Nord 2) L’inégalité du revenu après impôts et transferts a augmenté aux États-Unis et en Ontario, mais pas au Québec 3) Aucun pays du G7 n’a un degré d’inégalité du revenu après impôts et transferts inférieur à celui du Québec 4) Les pays scandinaves sont les moins inégalitaires de tous 5) La forte poussée récente du 1 % le plus riche depuis 35 ans ramène les USA au niveau d’il y a 100 ans 6) La poussée du 1 % existe aussi au Canada et au Québec, mais elle est moins forte au Canada et encore moins au Québec 7) Depuis 20 ans, le taux de pauvreté au Québec a baissé sous la moyenne canadienne 8) L’autonomie financière des familles monoparentales s’est grandement améliorée 9) L’écart salarial entre hommes et femmes a diminué de moitié
Pourquoi le Québec a-t-il mieux réussi en matière de pauvreté et d’inégalité ? Depuis 20 ans, le développement social a connu un second souffle au Québec : 1 L’assurance médicaments 2 Les allocations familiales 3 L’équité salariale 4 Le salaire minimum 5 La prime au travail 6 Les congés parentaux 7 Les garderies à tarif réduit
Mais ce n’est pas fini La pauvreté des personnes âgées de 65 à 85 ans et des familles monoparentales a beaucoup diminué Mais il reste d’autres groupes vulnérables qui ont encore besoin d’aide pour sortir de la pauvreté : -- les 85 ans ou plus en perte d’autonomie -- les jeunes hors école et sans emploi -- les personnes souffrant d’incapacité -- les immigrants récents sans emploi -- les autochtones en région éloignée -- etc…
L’éducation comme arme de combat À part la question particulière du 1 %, trois grands facteurs ont fait augmenter l’inégalité du revenu marchand : -- le changement technologique ( ex.: tâches routinières supprimées par la numérisation et la robotisation) -- la mondialisation de l’économie (ex.: hausse de 2 milliards du nombre de travailleurs en 30 ans) -- le recul du salaire minimum et du syndicalisme (É-U) Nous sommes dans une course contre la montre : c’est l’éducation vs la technologie et la mondialisation (Katz/Goldin) Deux grandes priorités éducatives : -- l’éducation des 0 à 4 ans (Tremblay/Currie/Heckman) -- l’acquisition d’un premier diplôme (DES, DEP)
Salaire minimum : le compromis entre trop élevé et trop bas
Le recul de la syndicalisation
D’où vient la hausse de la part du 1 % le plus riche au Canada ? Tom Lemieux et Craig Riddell : elle provient de l’explosion des revenus des dirigeants et cadres supérieurs : -- des entreprises financières -- des entreprises pétrolières -- des services professionnels aux entreprises Les superstars ont aussi gagné du terrain, mais pas les médecins et pas les ingénieurs en informatique Le phénomène est concentré : -- dans certains secteurs et occupations spécifiques -- dans certains pays (É-U, R-U, CAN, AUS…) Il semble attribuable à l’exploitation de rentes de monopole plutôt qu’aux forces globales de concurrence sur les marchés, et encouragé par la baisse des taux de l’impôt sur le revenu
Que faire avec le 1 % ? Tom Piketty : -- idéalement, éliminer les paradis fiscaux et imposer une taxe mondiale progressive sur la richesse -- en pratique, une taxe régionale serait peut-être soutenable en Amérique du Nord ou en Europe -- taxer les profits là où ils sont réalisés et non là où ils sont déclarés -- distinguer les entrepreneurs et les rentiers Larry Summers : -- reréglementer la finance, restreindre la spéculation foncière, renforcer les lois anti-monopole, relancer le syndicalisme, éviter la protection excessive de la propriété intellectuelle, encourager le partage des profits, repenser la gouvernance des entreprises, réinvestir en éducation
Mot de la fin « La richesse n’est pas sans avoir ses avantages, et les fréquentes tentatives de démontrer le contraire n’ont jamais été très convaincantes. » John Kenneth Galbraith (L’ère de l’opulence, 1958)