Baudelaire et la modernité Par Carmen et Gabriela
Charles-Pierre Baudelaire
Biographie Il est né à Paris en 1821. Famille : en 1827, son père décède ; 1an après, sa mère se remarie avec le commandant Aupick (symbole de l’ordre bourgeoise) que Baudelaire détestera. Formation et vie personnelle : lycée Louis-Le-Grand ; 1841, voyage vers les Indes où il découvre l’exotisme et la sensualité ; 1842, à l’âge adulte, il dépense son héritage et sa famille le met sous tutelle judiciaire. Début de carrière : à 24 ans, il publie sa 1er œuvre de critique d’art, le Salon de 1845. En 1846, il proclame son admiration pour le peintre romantique Eugène Delacroix. En 1847, il découvre Edgar Allan Poe dont il traduit plusieurs de ses œuvres. Carrière littéraire : Il est connu dans des cercles littéraires mais les poèmes publiés en revue ne lui donnent pas les moyens matériels de vivre. En 1857 : accueil hostile des Fleurs du mal , « Il y a des moments où l’on doute de l’état mental de M. Baudelaire, il y en a où l’on ne doute plus […] c’est la plupart de temps, la répétition monotone et prémédité des mêmes choses, des mêmes pensées. L’odieux y côtoie l’ignoble; le repoussant s’y allie à l’infect… ». Publication suivie d’un procès. En 1861, désormais célèbre, il sort une 2ème édition des Fleurs du mal. Il gagne sa vie en écrivant des articles de critiques d’art. Son talent poétique n’a jamais été très reconnu de son vivant.
Naissance de la Modernité Contexte historique : 19ème siècle, le romantisme et le parnasse dominent. Victor Hugo (partisan du Romantisme) inspira grandement Baudelaire, notamment au niveau de la ville. De même, Gautier (icône du Parnasse) suscitera en lui de l’admiration à cause de sa « conception plastique et technicienne de la poésie ». THEOPHILE GAUTIER VICTOR HUGO
Le mot « modernité » est en réalité introduit par Chateaubriand, mais c’est Baudelaire qui en donnera la définition (notamment dans ses nombreuses critiques d’art, étroitement liées avec son œuvre Les Fleurs du mal). Il s’inspirera également grandement des peintres hollandais Constantin Guys et du belge Félicien Rops. « La modernité, c’est le transitoire, le fugitif, le contingent, la moitié de l’art, dont l’autre moitié est l’éternel et l’immuable. » explique Baudelaire. CONSTANTIN GUYS FELICIEN ROPS
Caractéristiques de la Modernité Dans Les Fleurs du mal, Baudelaire installe définitivement son style moderne. A l’inverse de Hugo qui représente la masse et ses douleurs, Baudelaire incarne le héros qui sort de cette masse. En effet, le poète dans son œuvre est maudit, souffre, est seul, paraît incompris… Il y a une certaine dualité présente : Satan/Dieu, chair/esprit, beau/laid, enfer/ciel, éphémère/éternel. Il est un des premiers à parler de la sexualité (comme dans « A celle qui est trop gaie »), de la ville et de l’urbanité (comme dans « Le Soleil »), de la beauté horrible et effroyable (comme dans « Une Charogne ») où les éléments négatifs deviennent fascinants. Mais il explore aussi la mort (comme dans « Le rêve d’un curieux »), le spleen et l’exotisme. Sur la forme, même s’il reste plutôt classique, il utilise beaucoup de vers impairs et se sert parfois de la prose. Si auparavant les musiciens par exemple réalisaient beaucoup de « dissonance » afin de contrer le classicisme et son harmonie, Baudelaire fait de même en mettant de nombreux « faux accords » dans ses poèmes (comme dans « Héautontimouroménos »).
Baudelaire - Modernité Comparaison Une charogne Baudelaire - Modernité Demain dès l’aube , Hugo - Romantisme Rappelez-vous l'objet que nous vîmes, mon âme, Ce beau matin d'été si doux : Au détour d'un sentier une charogne infâme Sur un lit semé de cailloux, Les jambes en l'air, comme une femme lubrique, Brûlante et suant les poisons, Ouvrait d'une façon nonchalante et cynique Son ventre plein d'exhalaisons. Le soleil rayonnait sur cette pourriture, Comme afin de la cuire à point, Et de rendre au centuple à la grande Nature Tout ce qu'ensemble elle avait joint ; Et le ciel regardait la carcasse superbe Comme une fleur s'épanouir. La puanteur était si forte, que sur l'herbe Vous crûtes vous évanouir. Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride, D'où sortaient de noirs bataillons De larves, qui coulaient comme un épais liquide Le long de ces vivants haillons. Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne, Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends. J'irai par la forêt, j'irai par la montagne. Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps. Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées, Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit, Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées, Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit. Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe, Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur, Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur. Victor Hugo
Comparaison (2) L’Héautontimorouménos Baudelaire - Modernité Adieux à la poésie Gautier - Parnasse Je te frapperai sans colère Et sans haine, comme un boucher, Comme Moïse le rocher ! Et je ferai de ta paupière, Pour abreuver mon Saharah, Jaillir les eaux de la souffrance. Mon désir gonflé d'espérance Sur tes pleurs salés nagera Comme un vaisseau qui prend le large, Et dans mon cœur qu'ils soûleront Tes chers sanglots retentiront Comme un tambour qui bat la charge ! Ne suis-je pas un faux accord Dans la divine symphonie, Grâce à la vorace Ironie Qui me secoue et qui me mord ? Elle est dans ma voix, la criarde ! C'est tout mon sang, ce poison noir ! Je suis le sinistre miroir Où la mégère se regarde. Allons, ange déchu, ferme ton aile rose ; Ôte ta robe blanche et tes beaux rayons d'or ; Il faut, du haut des cieux où tendait ton essor, Filer comme une étoile, et tomber dans la prose. Il faut que sur le sol ton pied d'oiseau se pose. Marche au lieu de voler : il n'est pas temps encor ; Renferme dans ton cœur l'harmonieux trésor ; Que ta harpe un moment se détende et repose. Ô pauvre enfant du ciel, tu chanterais en vain Ils ne comprendraient pas ton langage divin ; À tes plus doux accords leur oreille est fermée ! Mais, avant de partir, mon bel ange à l'œil bleu, Va trouver de ma part ma pâle bien-aimée, Et pose sur son front un long baiser d'adieu !