Expertise en psychiatrie Docteur Mahmoud BOUDARENE Psychiatre Docteur en Sciences Biomédicales Mail : dr.mboudarene@gmail.com Web : www.docteurboudarene.unblog.fr
Droit romain classique: le cas d‟Aelius Priscus, meurtrier de sa mère, schizophrène, reconnu irresponsable, dangereux, enfermé pour l’empêcher de nuire aux autres . Psychiatrie médico-légale Histoire riche de violences meurtrières. perpétrées par des fous dispositions restrictives à leur égard. Dr Maudsley (Le crime et la folie, 1874), Dr Blanche (Des homicides commis par les aliénés, 1878), Pr Claude (Psychiatrie médico-légale, 1932), Drs Porot et Bardenat (Psychiatrie médico-légale, 1959) et (Anormaux et malades mentaux devant la justice pénale, 1960) relations complexes entre troubles mentaux et infractions violentes et non violentes.
Code pénal algérien (chapitre II, responsabilité pénale) Art. 47 N’est pas punissable celui qui était en état de démence au moment de l’infraction, sans préjudice des dispositions de l’article 21, alinéa 2.
Code pénal algérien Art. 21 L'internement judiciaire dans un établissement psychiatrique consiste dans le placement en un établissement approprié, par une ordonnance, un jugement ou une décision de justice, d'un individu en raison du trouble de ses facultés mentales existant au moment de la commission de l'infraction ou survenu postérieurement.
Art 21 Cet internement peut être ordonné par toute ordonnance, jugement ou décision de condamnation, d'absolution, d'acquittement ou de non-lieu, mais, dans ces deux derniers cas, si la participation matérielle aux faits incrimines de l'accusé ou de l'inculpé est établie. Le trouble des facultés mentales doit être constaté par la décision ordonnant l'internement après expertise médicale.
Art. 21 La personne placée, dans un établissement psychiatrique est soumise au régime de l'hospitalisation d'office prévu par la législation en vigueur. Toutefois, le procureur général reste compétent quant à la suite à donner à l'action publique.
Code pénal algérien Art. 22. Le placement judiciaire dans un établissement thérapeutique consiste en la mise sous surveillance, dans un établissement approprié par ordonnance, jugement ou décision rendus par la juridiction devant laquelle est déféré un individu, atteint de toxicomanie habituelle causée par l'alcool, des stupéfiants ou des substances psychotropes lorsque la criminalité de l'intéressé apparait comme liée à cette toxicomanie. Ce placement peut être ordonné dans les conditions prévues par l'article 21 (alinéa 2).
Le placement judiciaire dans un établissement thérapeutique peut être révisé, en fonction de l’évolution de l’état de dangérosité de l'intéressé et suivant les procédures et les modalités prévues par la législation et la réglementation en vigueur.
Particularités de l’expertise. - N’est pas demandée par l’intéressé - Examen qui n’a pas de visée thérapeutique - Acte particulier de procédure ordonnée par la justice - Médecin traitant ne peut être expert - Le sujet doit être informé (par l’expert) de la mission - Expertise systématique pour tout sujet inculpé pour une infraction qualifiée de crime (même si sujet non atteint en apparence de troubles mentaux) - Dispositif dicté par la nécessité de répondre à la question de la responsabilité de l’accusé
Mission de l’expertise - L’examen du sujet révèle-t-il chez lui des anomalies mentales ou psychiques ? - Le cas échéant, les décrire et préciser à quelle affection elles se rattachent - L’infraction qui est reprochée au sujet est-elle ou non en relation avec de telles anomalies ? - Le sujet présente-t-il un état dangereux ? - Le sujet est-il accessible à une sanction pénale ? - Le sujet est-il curable ou réadaptable ?
Irresponsabilité pénale 1 - « N’est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes » (art 121-1) 2 - « La personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes demeure punissable ; toutefois la juridiction tient compte de cette circonstance lorsqu’elle détermine la peine et en fixe le régime » 3 - « N’est pénalement responsable la personne qui a agi sous l’emprise sous l’emprise d’une force ou d’une contrainte à laquelle elle n’a pu résister » (art 122-2)
Conséquence de l’irresponsabilité Plan pénal : décision de non lieu, de relaxe ou d’acquittement/libération Plan civil : « celui qui a causé un dommage à autrui alors qu’il était sous l’emprise d’un trouble mental n’en est pas moins obligé à la réparation ». Le sujet est civilement responsable Plan administratif : « Si le sujet qui a bénéficié d’un non lieu peut compromettre l’ordre public ou la sûreté des personnes, une mesure d’hospitalisation d’office sera mise en place.
Pratique, aujourd’hui, de l’expertise psychiatrique pénale identique qu’il y a plusieurs dizaines d’années 1 - Examen mental unique de quelques dizaines de minutes, une expertise qui explore le passé (les antécédents), étudie le présent (l’état mental lors des faits ou au moment de l’examen) et le futur (la dangerosité potentielle). 2 - Expertise qui aura un rôle important en cours de l’instruction, dira si la responsabilité totale ou partielle est retenue, dira l’application des peines si une mesure de mise en liberté est envisagée.
Pourtant Concepts et classifications des maladies mentales plus précis, Contre expertises toujours possibles, Subjectivité opinions philosophiques formation professionnelle de l’experts temps d’examen généralement de brève durée. En milieu carcéral.
Evaluation sérieuse de la personne mise en examen ou condamnée reste posée. « Tout individu auteur d’une infraction majeure (homicide, violences graves, viol, acte pédophilique), complexe (amnésie des faits, usage de psychotropes, pluralité d’auteurs ou de victimes) ou sérielle (récidivisme sur le même mode ou sur un mode différent) devrait faire l’objet d’une évaluation initiale approfondie de longue durée (quatre à six semaines au minimum) effectuée en milieu spécialisé par une équipe pluridisciplinaire disposant de la totalité des données judiciaires et médico-sociales le concernant ». Michel Bénézech (Institut pour la Justice, Etudes et Analyses, N°11, 2010).
« Cette évaluation scientifique et objective, utilisant obligatoirement des méthodes actuarielles, serait répétée aux moments clés de l’évolution pénale de l’individu, permettant, par comparaison des bilans successifs, de suivre son évolution et les résultats des mesures de traitement et de réinsertion qui lui seraient proposées ou ordonnées. En sus de la qualité des évaluations obtenues, on éviterait les cafouillages, les contradictions et les insuffisances des expertises mentales actuelles ». Michel Bénézech (Institut pour la Justice, Etudes et Analyses, N°11, 2010).
Notion de dangérosité sociale Nécessite une réforme et une simplification législative du concept Ne pas confondre dangerosité psychiatrique et criminologique Environ 10 % des homicides (Europe) commis par des patients psychotiques au moment des faits La grande majorité des auteurs d’homicides tout venant souffrent d’une ou plusieurs perturbations mentales mineures ou majeures : conduites addictives, troubles anxieux, troubles de la personnalité (psychopathie), troubles de l’humeur (dépression), états psychotiques aigus ou chroniques (schizophrénie, paranoïa). - La fréquence et la précocité des comportements violents ainsi que la co-morbidité psychiatrique sont considérées comme des facteurs multipliant le risque de passage à l’acte ou de récidive criminelle.
Pertinence d’une loi unique de défense et de réinsertion sociales des personnes évaluées comme dangereuses. Pour le suivi régulier des mesures de sûreté, de soins et prise en charge sociale, dans la communauté qu’en milieu fermé (établissements pénitentiaires, hôpitaux psychiatriques), Que ce soit en liberté, en prison ou à l’hôpital psychiatrique, le problème de la dangerosité et de son traitement médicosocio-judiciaire est le même. La dangerosité majeure - une minorité de délinquants et de malades présentant des troubles mentaux sévères, minorité active est à l’origine d’infractions variées souvent graves (violences parfois mortelles, incendies volontaires, agressions sexuelles).
Pour prendre des décisions adaptées, en tant que législateur ou acteur du monde judiciaire et sanitaire: Connaître la maladie mentale et les troubles de la personnalité. Pour décider de l’opportunité de l’hospitalisation d’office et de la rétention de sûreté .
Confusion entre maladie mentale et trouble de la personnalité. Erreur lourde de conséquences lorsqu’elle est commise par un acteur de la chaîne pénale. Conséquences juridiques 1 - un homme dit « fou », atteint d’une maladie mentale (schizophrénie, trouble bipolaire…) ne peut être tenu pénalement responsable de ses actes, 2 - un criminel atteint de trouble sévère de la personnalité (psychopathie…) encourt la prison comme tout citoyen (la première partie de cette étude a vocation à expliquer pourquoi).
Conséquences en termes de prévention de la criminalité 1 - Réponse pénale ou sanitaire adaptée aux malades mentaux peut être très différente de celle destinée aux criminels souffrant de troubles de la personnalité. 2 - Compréhension difficile de la différence entre hospitalisation d’office et rétention de sûreté si la distinction entre maladie mentale et trouble de la personnalité n’est pas faite.
Pour une prise de décision adaptée (législateur) Nécessité de connaître avec précision ces phénomènes complexes : 1 - Pourquoi un homme atteint de maladie mentale est irresponsable pénalement si son discernement est « aboli », mais non s’il est seulement « altéré » ? 2 - Comment traiter un criminel souffrant à la fois d’une maladie mentale et d’un trouble de la personnalité ? Un schizophrène a-t-il davantage de risque de commettre des violences qu’une personne lambda ? Dans quelle mesure des obligations de soin en dehors de l’hôpital peuvent-elles réduire le risque de récidive d’un malade mental dangereux ?
Pathologies de nature psychotique Schizophrénies et autres délires Délire passionnel Troubles mentaux Pose le problème du libre arbitre Discernement aboli ou altéré Irresponsabilité Hospitalisation d'office appartement thérapeutique simple obligation
Troubles de la personnalité et du comportement Personnalités perverses - pédophilie, exhibitionnisme Personnalité psychopathique (antisociale) Kleptomanie, pyromanie… Violence et délinquance 1 - Pas d’abolition du discernement / Altération du discernement également difficile à envisager 2 - Responsabilité entière – centre de rétention Parce que réels troubles, faire purger la peine des personnes qui en souffrent dans ces centres médicosocio-psychologiques plutôt qu’en détention. Quelle que soit la nature du centre de détention, nécessité de protéger la société d’un état parfois incurable, de prévoir des mesures neutralisantes de sûreté lorsque ces troubles accroissent nettement la dangerosité de l’individu.
Co-morbidité Personnes souffrant d’une maladie mentale (schizophrénie, troubles bipolaires) et de troubles de la personnalité (psychopathie…). - Cas fréquent - Pas d’étanchéité entre malades mentaux d’un côté, susceptibles de présenter une dangerosité dite « psychiatrique » et sujets qui souffrent d’un trouble du comportement ou de la personnalité, susceptibles de présenter une dangerosité dite criminologique. Facteur de dangerosité supplémentaire
Conclusion S’il est juste que le « fou meurtrier » soit considéré comme irresponsable et non punissable, il n’en demeure pas moins qu’il doit rester aussi longtemps que nécessaire sous la surveillance attentive des autorités judiciaires, administratives et médicales. Il doit faire l’objet de strictes mesures de sûreté avant son retour éventuel dans la société lorsque son état mental et son évaluation criminologique l’autorisent et à la condition d’un suivi obligatoire et régulier à l’extérieur. Les mêmes principes de sécurité et de prévention de la récidive s’imposent pour le criminel dangereux condamné, avant et après sa remise en liberté. N’oublions jamais les victimes. Michel Bénézech (Institut pour la Justice, Etudes et Analyses, N°11, 2010).